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Présentation du plan

CHAPITRE 1. TRAITEMENT AUTOMATIQUE ET TRANSMISSION D’INFORMATION

2. La communication informatique

Comme le souligne le sociologue Dominique Cardon, « l’histoire de la conception d’Internet est

d’une rare complexité et articule de multiples cercles d’acteurs travaillant sur des sujets a priori sans rapport » : la mise en réseau des premiers ordinateurs utilisés par l’armée américaine et ceux

des universitaires dans les années 1970, le développement de logiciels libres par une communauté d’analystes programmeurs appelés hacker, bidouilleur, (sans la connotation péjorative d’aujourd’hui), la mise au point des premières interfaces graphiques qui préfiguraient le développement de l’informatique personnelle et même d’un système hypertexte partagé.

Entre la commercialisation des premiers accès auprès du grand public en 1991 et 2011, les usages d’Internet se sont démocratisés auprès du grand public à travers l’ensemble de ses services dont la téléphonie sur IP (Internet Protocol), le courrier électronique, le peer-to-peer, le File Transfer Protocol (FTP), le Internet Relay Chat (IRC), le système hypertexte public (le web).

L’architecture d’un réseau de communication à distance repose sur « un ensemble d’accès (les terminaux) à des lignes de transmission (les mailles) interconnectées par des nœuds de

78 Source : Wikipedia, Cyclades (réseaux) : Cyclades était un projet expérimental français ayant pour but de créer un

réseau global de télécommunication utilisant la commutation de paquets. Créé en 1971, conçu par Louis Pouzin, il fut abandonné en 1978. Ses concepts ont influencé les travaux de développement de l'Internet en inspirant sa suite de protocoles.

79 POUZIN Louis. Cyclades ou comment perdre un marché, Mythes et légendes d'Internet. Editions en ligne

commutation et sur lesquelles circulent des flux d’information80 ». Si les univers des télécommunications et des réseaux informatiques sont distincts, ils ont en commun la fonction de commutation, c’est-à-dire l’établissement d’une liaison temporaire physique entre deux nœuds d’un réseau.

L’évolution matérielle des lignes de transmission passe du simple fil électrique au XIXème siècle, à des câbles en cuivre à partir des années 1930, puis au faisceau hertzien après la seconde guerre mondiale, et au satellite dans les années 1970, enfin à la fibre optique à partir des années 1980 (Musso, 2008).

Entre les réseaux téléphoniques du début du XXème siècle et les réseaux informatiques d’après

les années 1970, la méthode de commutation a fait l’objet d’une transformation radicale, à la fois technique et politique : la commutation par circuit met en relation deux utilisateurs à travers une liaison dédiée pendant tout l’échange, qui immobilise donc la portion de réseau utilisée, et est orchestrée par un intermédiaire technique qui ouvre et ferme le circuit, alors que le principe de la commutation par paquet repose sur un découpage de l’information par paquet en assurant leur acheminement indépendamment les uns des autres jusqu’à la destination finale où ils sont alors remis en ordre.

La rupture est technique, parce que les méthodes de commutation par circuit sont progressivement abandonné au profit de la commutation par paquet. La rupture est politique, parce que l’intermédiaire technique qui orchestrait les communications en ouvrant et fermant un circuit n’a plus lieu d’être. L’intermédiaire se contente de router des messages découpés en paquet qui n’ont qu’une adresse de provenance et de destination (adresse IP).

Nous avons vu que le principe du traitement analogique d’un signal est de reproduire sa grandeur physique sous une forme analogue à la source. Le signal est converti d’une grandeur physique en une grandeur analogue, analogique ; par exemple, le fonctionnement de la téléphonie analogique consiste à convertir mécaniquement la voix d’un destinateur, c’est-à – dire convertir l’énergie acoustique émise par la personne en un signal électrique, le faire transiter de manière analogue à la source sur des lignes électriques reliées par des commutateurs selon un circuit dédié jusqu’au destinataire, lui-même équipé d’un téléphone

80 LIBOIS Louis-Joseph. Les télécommunications. Technologies, réseaux et services. Eyrolles, CENT-ENST,

qui convertit à l’inverse le signal électrique en énergie acoustique et qui peut ainsi comprendre le message et répondre à son tour.

Le fonctionnement de la téléphonie numérique (téléphonie IP, Internet Protocol) consistera à échantillonner, quantifier, numériser la voix du destinateur, c’est-à –dire la représenter sous la forme de bits de données, la découper sous la forme de « paquets » qui transitent sur le réseau indépendamment des uns des autres jusqu’au destinataire où ils sont alors remis en ordre, destinataire lui même équipé d’un téléphone qui convertit les bits de données en énergie électrique puis acoustique.

Si la téléphonie analogique impose une commutation par circuit, par l’intermédiaire de centraux téléphoniques qui aiguillent le trafic, c’est-à –dire un intermédiaire qui ouvre et ferme la communication entre le destinateur et le destinataire, le principe même de la commutation par paquet est d’établir une communication entre deux personnes par l’intermédiaire de routeurs dont le fonctionnement repose uniquement sur l’adressage de paquets.

Alors que pour la commutation par circuit, le chemin par lequel va passer la voix (ou les données) est établi au commencement de la connexion, pour la commutation par paquet, aucun chemin pour le transfert des données n’est établi à l’avance. Ce fut l’un des intérêts des militaires américains lors de la constitution de l’Arpanet, ancêtre de l’Internet et c’est l’une des raisons du succès d’Internet aujourd’hui. Internet est une architecture de transport de données où le sens des données, d’un point de vue humain, n’est pas pris en compte pour en assurer le transport. Ce n’est pas l’objet du réseau que de filtrer les données suivant le sens que chacun y confère. L’objet du réseau, c’est transporter un message d’un point A à un point B.

Ce changement dans la manière dont les données cheminent entre deux terminaux est donc à la fois technique et politique et fait l’objet d’énormes résistances de la part des acteurs des télécommunications historiques depuis les années 1970. Technique, car l’objet de la commutation par paquet est que l’information qui part d’un point A arrive à un point B, que cette information soit du texte, des images, du son ; du texte, cela peut être un message que s’échangent deux personnes par mail, mais aussi un fichier informatique qui représente un film par exemple. Or dans les secteurs d’activité des communications et des

télécommunications, la diffusion unidirectionnelle du son, c’est la radio, de l’image, c’est la télévision et la diffusion dans les deux sens, c’est le téléphone.

Via Internet, l’ensemble des communications ne passent plus par un organe centralisé qui ouvre ou ferme (voire écoute) la communication, les communications s’opèrent entre deux personnes à travers l’architecture d’un réseau neutre et acentré : Internet.

Internet n’est pas un média, ni un nuage ou tout autre métaphore faisant penser à un « au delà inaccessible ». Internet est une architecture de transport de données dont les terminaux sont des ordinateurs interconnectés entre eux ou encore, comme l’écrivent les économistes Nicolas Curien et Eric Brousseau, « Internet n’est pas un réseau à proprement parler, mais

consiste plutôt en un ensemble de normes, permettant à des machines de traitement numérique de l’information d’« inter-opérer ».

Techniquement, Internet repose sur l’interconnexion d’une multitude de réseaux répartis dans le monde. Chaque réseau est raccordé à un serveur informatique appelé « système autonome » (Autonomous System) qui dispose d’un identifiant unique rattaché à l’entité qui le contrôle (une université, un fournisseur d’accès à Internet, l’armée etc.). Si l’Internet comptait 5 000 « systèmes autonomes » en 1999, il s’en dénombre en 2011 quelques 38 00081. Entre les différents « systèmes autonomes », des routeurs sont configurés pour adresser selon une « table de routage » le trafic qu’ils reçoivent et envoient au routeur voisin, se rapprochant ainsi de la destination du paquet en transit. Pour transiter d’un point A à un point B via Internet, un message, découpé en paquet, ne nécessite qu’une adresse de destination, le routage se faisant de manière automatique sans que le chemin ne soit défini à l’avance.

Internet n’est pas non plus « réseau maillé ». En informatique, on appelle « topologie de réseau » la définition des différentes architectures de réseaux. Par exemple, voici cinq topologies de réseaux différentes82 :

81http://www.cidr-report.org/as2.0/

Topologie de réseau en anneau Topologie de réseau en arbre Topologie de réseau en bus Topologie de réseau en étoile Topologie de réseau maillé En informatique, les nœuds sont des ordinateurs et les liens (ou les mailles) sont les connexions qui relient ces nœuds entre eux. Internet ne correspond pas à une topologie de réseau en particulier, mais à l’interconnexion de réseaux dont les topologies sont toutes différentes et dont l’interopérabilité fonctionne parce qu’utilisant des protocoles de communication commun : TCP (Transfer Communication Protocol) et IP, (Internet Protocol). Le TCP, Transmission Control Protocol (protocole de contrôle de transmissions) a été développé en 1973, puis adopté pour le réseau Arpanet en 1976 et correspond à la couche des transports dans l’architecture de réseau. IP, Internet protocol (Protocole Internet) remplit deux fonctions basiques : l’adressage et la fragmentation83 et correspond à la couche de réseau.

L’utilisation des protocoles TCP/IP pour router des communications électroniques via Internet modifie les enjeux de leur régulation puisque par principe, Internet n’a pas de centre. Cette structure réticulaire du réseau est différente de la structure d’un réseau téléphonique où le commutateur central est la pièce maîtresse du système, alors que sur réseau informatique le routage s’opère entre chaque nœud du réseau, la pièce maîtresse du réseau devenant le client/serveur au sens de l’informatique, l’ordinateur entre les mains des individus. Internet permet la communication entre deux personnes alors que le téléphone permettait la diffusion de messages dans les deux sens entre deux personnes à partir d’un intermédiaire. A l’inverse, une communication électronique via le réseau Internet s’opère de « bout en bout », principe dont découle celui de la neutralité du Net » :

Le principe de bout en bout (end to end) signifie que « plutôt que d’installer l’intelligence au

cœur du réseau, (les commutateurs) il faut la situer aux extrémités : les ordinateurs au sein

83 RFC:791 : Jon Postel, Internet Protocol, Protocol Specification, Darpa Internet Program, septembre 1981.

du réseau n’ont à exécuter que les fonctions très simples (le routage) qui sont nécessaires pour les applications les plus diverses, alors que les fonctions qui sont requises par certaines applications spécifiques seulement doivent être exécutées en bordure de réseau (les

terminaux). Ainsi, la complexité et l’intelligence du réseau sont repoussées vers ses

lisières84 ».

Ainsi par exemple, lorsque l’on dit publier quelque chose « sur Internet », nous avons en tête cette représentation d’un espace sur lequel nous publierions un article de presse, un fichier sonore, une image ou un film auquel quelqu’un d’autre accéderait. Mais en réalité, nous mettons à disposition cet article de presse sous la forme d’un document html/xml sur un serveur web qui est relié via Internet aux ordinateurs qui y sont connectés. Ainsi, nous ne publions rien SUR internet mais VIA internet. Nous mettons à disposition sur un serveur relié à Internet. « De là où nous sommes » vers « là où les données sont hébergées » permettant à des personnes équipées d’un ordinateur de les afficher dans un navigateur web « de là où il sont ». Nous mettons à disposition SUR un serveur web des documents, des données, textes, son, images, graphiques accessibles VIA internet affiché DANS un navigateur web. Le web est l’un des services offert par Internet et ne doit pas être confondu avec ce dernier.

84 LESSIG, Lawrence. The Future of Ideas: the fate of the commons in a connected world. Random House.

Etats-Unis, 2001. Tr. Fr. de J.-B. Soufron et A. Bony. Presses universitaires de Lyon, 2005. Accessible en ligne : http://presses.univ-lyon2.fr/livres/pul/2005/avenir-idee/xhtml/index-frames.html consulté en novembre 2011.

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