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Nouvelles figures littéraires

2. La naissance de la littérature américaine

2.1. Nouvelles figures littéraires

Au cours de la décennie suivante, Susanna Rowson (Charlotte: A Tale of Truth [1791]) et Hannah Webster Foster (The Coquette: Or, the History of Eliza

Wharton [1797]) séduisent par leurs romans sentimentaux. Malgré une écriture

formatée par les genres et styles européens, l’œuvre de Susanna Rowson, notamment, rencontre un franc succès et occupe une place considérable dans la culture littéraire des Américains jusqu’au début du XXe siècle. Les romans de Charles Brockden Brown imitent le genre gothique anglais, tandis que ceux de Hugh Henry Brackenridge, Tabitha Gilman Tenney, Charlotte Lennox et Royall Tyler reprennent le roman picaresque.

Avec la guerre anglo-américaine de 1812, qui opposa les États-Unis à l’Empire britannique, et la volonté grandissante d’affirmer une culture et une littérature véritablement nationale, un certain nombre de nouvelles figures littéraires finissent par se révéler. Par son exploitation de thèmes et d’idées propres au « Nouveau Monde », Washington Irving est souvent considéré comme

2. Marc Saporta, Histoire du roman américain, Paris : Seghers, 1970, p. 9. Selon Saporta, le premier roman – également épistolaire – à être publié sur le sol du nouveau monde est

Pamela ou la vertu récompensée de Samuel Richardson qui paraît, par les soins de Benjamin

Franklin, à Philadelphie en 1744. Deux autres éditions sont signalées la même année, une à Boston, l’autre à New York. Le roman de Richardson, malgré son objectif didactique et sa popularité auprès des lectrices, est fustigé par les calvinistes de la Nouvelle Angleterre, qui considèrent que toute œuvre d’imagination est par définition un « mensonge ».

le premier auteur à avoir développé une écriture proprement américaine. Il commence dans le journalisme et crée, en 1807 et en collaboration avec son frère William, le magazine littéraire Salmagundi. Irving utilise les pseudonymes de William Wizard ou de Launcelot Langstaff et ridiculise la culture et la politique new-yorkaises. Il connaît son premier succès important en 1809, avec son ouvrage

A History of New-York from the Beginning of the World to the End of the Dutch Dynasty, by Diedrich Knickerbocker. Un excentrique étudiant américain d’origine

hollandaise, Diedrich Knickerbocker, nous donne une version fantaisiste de la ville de Manhattan à l’époque de la colonie hollandaise. Irving remarquera plus tard : “It took with the public and gave me celebrity, as an original work was something remarkable and uncommon in America3”. En 1819-1820, il écrit, dans la même veine, The Sketch Book of Geoffrey Crayon, Gent, un recueil d’histoires contenant notamment ses nouvelles les plus connues, The Legend of Sleepy

Hollow4 et Rip van Winkle. Il consacra les années suivantes à concilier l’écriture de nouvelles œuvres et une vie en Europe. Il s’installa à Dresde (1822-1823), à Londres (1824) et à Paris (1825), puis s’établit en Espagne (où il rédigera les célèbres contes Tales of the Alhambra [1832]).

En 1832, Edgar Allan Poe, premier auteur américain à devenir internationalement reconnu pour ses fictions et ses poèmes, publie ses nouvelles. “The Masque of the Red Death”, “The Pit and the Pendulum”, “The Fall of the House of Usher” et “The Murders in the Rue Morgue” qui explorent la psychologie humaine et préfigurent les genres de la science-fiction et du

3. Washington Irving, “Letters: Volume I, 1802-1823”, dans : The complete works of

Washington Irving, Volume XXIII, Boston : Twayne Publishers, 1978, p. 741.

4. Plusieurs adaptations de ce récit fantastique ont été réalisées (film, dessin animé, téléfilm, ou encore série télévisée), notamment, le film fantastique américain de Tim Burton, Sleepy

Hollow, sorti dans les salles en 1999. Mêlant de manière inattendue, horreur, romantisme,

humour et fantastique, il reçoit un accueil critique positif et connaît un important succès commercial, particulièrement en France. Si certains déplorent un scénario trop éloigné de la nouvelle d’Irving, le film reprend tout de même à merveille le thème de l’identité et des origines d’une Amérique qui vient de naître à l’époque.

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fantastique, conférant à ses contes un caractère mystérieux et macabre, unique et authentique.

James Russell Lowell, Henry Wadsworth Longfellow et Oliver Wendell Holmes, plus connus sous le nom des « Brahmanes de Boston », familles de la bourgeoisie de la Nouvelle-Angleterre, se distinguaient en tant que grands écrivains de l’Université d’Harvard.

Entre temps, les romans historiques de James Fenimore Cooper, avec pour cadre le « Nouveau Monde », l’homme des frontières et la vie des Amérindiens, proposent une forme unique de littérature américaine. La série des

Leatherstocking Tales, comprend cinq romans historiques publiés de 1823 à 1841

dont le plus connu est The Last of the Mohicans (1826). Dans ce roman, le héros, Natty Bumper, est un enfant blanc recueilli par les Indiens. Malgré l’accueil chaleureux qu’il reçut à Paris en 1826, James Fenimore Cooper fut, par la suite, la cible de critiques virulentes. Dans Notions of the Americans (1828), qu’il écrit lors de son séjour à Paris, il avait à cœur de détruire les idées, selon lui, fausses et déshonorantes qui circulaient en Europe et en Angleterre au sujet de son pays. Cependant, le ton du récit, jugé trop moralisateur et laudatif, lui vaut une réaction d’opposition et de contestation. En fait, son écrit ne reflétait en aucun cas le point de vue d’Européens, comme par exemple Alexis de Tocqueville, qui avaient entrepris le voyage pour en faire une description objective et relativement proche de la réalité et de l’image que renvoyait le continent américain à l’époque.

La critique ne fit qu’empirer. En 1832, Frances Trollope (la mère du célèbre romancier, Anthony Trollope) publie Domestic Manners of the Americans, récit de voyage très engagé et des plus blessants envers les citoyens américains. L’ouvrage rencontre un véritable succès en Angleterre. L’auteur y condamnait la quasi-totalité des us et coutumes des Américains, dénigrant jusqu’à leur mentalité : “I do not like their principles, I do not like their manners, I do not like

their opinions5”. Samuel Morse (inventeur du Morse code), grand ami de Fenimore Cooper, s’engage dans la bataille contre cette position, pouvant être qualifiée d’anti-américanisme, systématiquement négative, méfiante et hostile vis-à-vis de sa patrie :

[Fenimore Cooper] loves his country and her principles ardently […] He fearlessly supports American principles in the face of all Europe, and braves the obloquy and intrigues against him of all the European powers. I say all the European powers, for Cooper is more read, and, therefore, more feared, than any American, – yes, more than any European with the exception, possibly, of Scott. […] I admire exceedingly his proud assertion of the rank of an American […] for I know no reason why an American should not take rank, and assert it, too, above any of the artificial distinctions that Europe has made. We have no aristocratic grades, no titles of nobility, no ribbons, and garters, and crosses, and other gewgaws that please the great babies of Europe; are we, therefore, to take rank below or above them? I say above them, and I hope that every American who comes abroad will feel that he is bound, for his country’s sake, to take that stand. I don’t mean ostentatiously, or offensively, or obtrusively, but he ought to have an American self-respect.

There can be no condescension to an American. An American gentleman is equal to any title or rank in Europe, kings and emperors not excepted. Why is he not? By what law are we bound to consider ourselves inferior because we have stamped folly upon the artificial and unjust grades of European systems, upon these antiquated remnants of feudal barbarism?

Cooper sees and feels the absurdity of these distinctions, and he asserts his American rank and maintains it, too, I believe, from a pure patriotism. Such a man deserves the support and respect of his countrymen, and I have no doubt he has them.... It is high time we should assume a more American tone while Europe is leaving no stone unturned to vilify and traduce us, because the rotten despotisms of Europe fear our example and hate us6.