• Aucun résultat trouvé

à propos de la dimension scalaire et des mobilités

Document 26 norme et langue

Raphaël Confiant, extrait de Créolité et francophonie: un éloge de la diversalité,

Potomitan, site de promotion des cultures et des langues créoles, repris de Diversité culturelle et mondialisations, 2004, revue Autrement n° 233

www.potomitan.info/articles/diversalite.htm#top

103 En référence au dictateur guinéen, le capitaine Moussa Dadis Camara, décembre 2008/décembre 2009.

104 Mail du vendredi 30 mars 2012, 01.20

Objet: Fw : LETTRE AU CAPITAINE AMADOU HAYA SANOGO retransmis par la liste marga le 7 avril 2012 à 12:23

105 Que l’historienne Suzanne Citron avait documenté en 1989, au travers du concept de récit national :

Le Mythe national. L’Histoire de France en question (Les Éditions Ouvrières). En géographie, la

construction d’un espace national mythique fondée sur l’alchimie de la diversité par la géographie vidalienne est constitutif de la culture nationale commune.

Il n’y a pas de « modèle français » à priori, et certainement pas en tant que modèle à imiter – c’est cela que nous pouvons dire pour éviter de nous enferrer dans un comparatisme permanent entre les terrains extérieurs et le terrain national français, matrice du chercheur, ce « malgré-lui » de « l’universalisme français ». Le terrain national français n’est pas non plus un contre-modèle, nous tentons simplement d’en neutraliser les affects et les influences cachées dans une recherche académique. L’échelle nationale est aussi un outil de l’action politique qui ne lui pré-existe pas totalement, elle en naît également.

Le travail sur l’échelle semble complexe et affaire de spécialistes. Cela n’est pas tout à fait vrai. Le cas de Babélio montre l’usage naturalisé de l’échelle par des non-géographes et suggère l’idée d’une compétence scalaire ordinaire qui rendrait, toutes choses égales par ailleurs, notre travail de recherche lisible par tous.

Babelio, un exemple de réflexion géographique par l’échelle

Babelio s’autodéfinit comme « un réseau social106 dédié aux livres et aux lecteurs [qui] permet de créer et d’organiser sa bibliothèque en ligne, d’obtenir des informations sur des œuvres, de partager et d’échanger ses goûts et impressions littéraires avec d’autres lecteurs107 ». Cette bibliothèque communautaire fait partie de cette infinité possible d’applications de catalogage social. Créée en 2007, le réseau social Babelio108 compte aujourd’hui 50 000 inscrits en langue française. Dans un des premiers posts de leur blog (mai 2007), les créateurs « bénévoles » de ce réseau développent une analyse scalaire pour expliquer qu’ils choisissent la langue française et donc l’espace francophone comme échelle d’action pour leur bibliothèque communautaire en ligne. Notre intuition peut alors se résumer ainsi :

pour un nombre de membres fixe, il existe une valeur de dispersion optimale pour laquelle l’utilité du réseau est à son maximum. La dispersion n’est pas le seul facteur influant sur l’utilité du réseau. La taille du réseau, le nombre de membres qui le composent, en est un autre.109 Il y a une « alchimie complexe » entre la thématique, la taille du réseau et sa dispersion afin de créer le réseau social qui maximiserait sa propre « utilité sociale » (elle-même assez difficile à objectiver). Le document 27, page suivante, montre l’approche scalaire des trois créateurs110 de Babelio. Le cheminement prudent et hypothétique de leur réflexion scalaire menée hors de la corporation entraîne vers un choix peut-être évident. Mais l’examen du développement de leur réseau depuis 2007, leur localisation initiale (Paris), leurs partenariats avec un certain nombre d’éditeurs (sur 47 éditeurs partenaires, 39 sont parisiens, 1 est en banlieue, 4 en régions, 1 au Canada et 2 en Suisse), leurs formations et leurs goûts (c’est-à-dire leur rapport111 aux livres et à la littérature qu’il faudrait connaître au delà de leurs brèves notices biographiques) mais aussi ceux des inscrits (en rapport avec ceux des créateurs, hypothèse de base), les effets de la géographie physique sur le projet théorique (coûts postaux physiques112), le 106 Un réseau social « vertical », c’est-à-dire à identité spécifique à l’inverse des réseaux généralistes et intégrateurs du type Facebook.

107 Le site Babelio - www.babelio.com/connection.php

108 www.babelio.com/images/plaquette_babelio_0104.pdf - un descriptif détaillé du projet. 109 http://babelio.wordpress.com/2007/05/ et autres citations à suivre.

110 En réalité, c’est surtout Pierre Frémaux qui apparaît maintenant comme le porte-parole de Babelio à travers de très nombreuses interviews ou entretiens disponibles en ligne.

111 En particulier sur le post-modernisme du web 2.0 qui permet d’avoir dans Babelio une très grande hétérogénéité de postures de lecteurs sans que cela semble paradoxalement contradictoire.

caractère bénévole du projet (plusieurs indices l’infirment en 2012, Babelio s’est professionnalisée) sont autant d’éléments qu’il faudrait prendre en compte pour affiner les qualités scalaires du projet.

Document 27 : Babelio, le choix de l’échelle par des non-géographes

extrait du blog en mai 2007 – http://babelio.wordpress.com/2007/05/

Le capital littéraire incorporé ou mobilisé dans Babélio, le capital numérique et le capital entrepreneurial nécessaires à cette création d’activité ont des composantes scalaires visibles dans chaque élément décomposé du projet et dans l’objet global.

Nationalisme et mondialisme, le jeu scalaire en littérature

S’il faut montrer le dynamisme, la plasticité et les convergences des échelles et des formes infra- et supra-nationales, les échelles et les formes nationales constituent bien une matrice essentielle des littératies à travers le monde. On ne trouvera ici nulle trace d’idéologie anti-nationale, ni anti-stato-nationale. C’est donc la négociation des niveaux scalaires et non l’effacement simple et improbable de l’échelon national qu’il faut envisager de questionner. Dans cette perspective, la suite collective que donne Pascale Casanova à sa République mondiale des lettres (Le Seuil, 1999) s’intitule Des littératures combatives, l’internationale des

nationalismes littéraires (Raisons d’agir, 2011). Comme l’explique Laurent

Jeanpierre, professeur de science politique à l’université Paris VIII et co-auteur du livre, il s’agit d’un retour sur ce fait qui est le plus mondialisé dans ce champ

mondial, c’est-à-dire le nationalisme littéraire, l’affirmation d’une identité nationale littéraire, dont on a l’impression peut-être depuis l’Occident qu’elle est peu importante, mais qui, en réalité, est très importante quand on change de point

de vue ou qu’on change d’échelle d’analyse […] Les nations ne sont ni des données naturelles ou historiques, ni des essences mais elles sont effectivement des constructions, des constructions culturelles qui sont bricolées à partir de traditions inventées dans lesquelles les littératures ont une place centrale […] L’affirmation d’une identité nationale, le nationalisme, est souvent un processus relationnel, c’est-à-dire un processus d’affirmation face à d’autres nations […] À partir de ces deux acquis, d’abord fait national comme fait construit, ensuite fait national comme fait relationnel, on peut s’intéresser en propre aux nationalismes littéraires et en propre aussi à la contribution des nationalismes littéraires au nationalisme en général […] Si on regarde depuis 1945, il y a une croissance du nombre de nations et du nombre d’états-nations qui est constante, donc le fait national, loin d’être disons déclinant sous l’effet de la mondialisation, est au contraire un phénomène rémanent à l’intérieur de la mondialisation […] on va parfois un peu vite quand précisément, on revendique d’emblée un cosmopolitisme littéraire, l’appartenance à une littérature mondiale, l’ouverture à des littératures mineures qui sont des opérations qui existent sur le plan éditorial, sur le plan de la créativité littéraire ou sous la forme de manifeste parfois d’auteurs, mais, en réalité, ces démarches tendent parfois […] à entretenir des formes d’impérialisme culturel des pays occidentaux, aujourd’hui l’impérialisme du cosmopolitisme113. La mondialisation n’est pas la réduction uniforme de la géodiversité, elle génère au contraire la création de nouvelles identités et ses conditions concrètes sont extrêmement différenciées selon les territoires – l’intérêt d’un concept comme la créolisation est d’entrer dans la réalité autrement que par la destruction de valeur locale qu’effectue la globalisation capitaliste et l’État-nation autoritaire. La créolisation permet d’entrer par des identités multiples et en création. [Le créole ]

désigne, dans son étymologie même, la nouveauté, l’artificialité, l’inouï de ces sociétés qui sont nées de ce fameux bouillon de cultures que nous avons évoqué plus haut. Il désigne un monde neuf. Maëlstrom humain, culturel, linguistique et religieux […] qui n’a pas abouti à un mélange harmonieux [...]. Aux Antilles, le mélange s’est fait sous le mode de la diffraction, de l’hétéroclite, du « bricolage culturel » [...] les apports culturels des quatre continents se sont ici agrégés là juxtaposés sans presque jamais perdre disparaître en tant que tels.114

L’échelle mondiale existe, nous le montrerons, par des instances de légitimation spécifiques (Nobel, Unesco, etc.), par un double marché mondial, par les mobilités qui le produisent et en résultent, par l’appétence interculturelle de l’espèce humaine maximisée par le progrès technique et l’accroissement du nombre. Existe-t-il une « littérature mondiale » ? Cette world literature, jumelle115 littéraire de la world music, s’inscrit dans le dépassement du canon littéraire occidental, en ouvrant l’espace aux nouveaux auteurs issus des anciens espaces coloniaux, à travers notamment la figure du métis culturel. Portée par Goethe au fil de son œuvre et de sa correspondance à partir de 1827, sans définition théorique constituée, la Weltliteratur apparaît, dès sa création, comme un concept plastique à forte résonance et à forte postérité. Catégorie évidente de l’universel selon Goethe, le texte littéraire et ses annexes doivent faire forum entre les nations du monde, sans panthéon figé et au risque même d’une expansion des littératures triviales. Leo Kreutzer116, universitaire allemand qui a notamment travaillé la réception de 113 Laurent Jeanpierre, entretien avec Sylvain Bourmeau, La suite dans les idées, samedi 18 juin 2011, France-Culture. Transcription par nos soins sur podcast.

114 Raphaël Confiant, op. cité. 115 Jumelle différente, hétérozygote.

Goethe en Afrique, voit dans ce concept de Weltliteratur le produit de l’expérience d’intense interculturalité des guerres napoléoniennes faisant raccord entre l’ombre universaliste des Lumières et les mouvements nationaux du siècle suivant.

L’expression de « littérature-monde » naît, elle, en France à travers son manifeste éponyme de 2007, imaginé au festival Étonnants voyageurs. Inscrit dans un rapport centre-périphérie exacerbé, il proclame l’émergence d’une littérature-

monde en langue française consciemment affirmée, ouverte sur le monde, transnationale, signe l’acte de décès de la francophonie. Personne ne parle le francophone, ni n’écrit en francophone. La francophonie est de la lumière d’étoile morte. Selon les auteurs du Manifeste pour une littérature-monde, les littératures

éparses observées avec dédain depuis le centre parisien et quasi-impérial de légitimation du texte littéraire de langue française s’adressent au monde en français sans passer par l’instance parisienne. Il fait aussi explicitement référence aux littératures postcoloniales anglo-saxonnes, aux travel writers et à la world

literature. Weltliteratur, World literature, littérature-monde. De cette duplication

variable et contextuelle d’une même expression dans trois langues européennes, nous pourrions dire qu’elle n’épuise pas la question des inégalités dans l’accès au texte littéraire à travers le monde. La littératie, entendue ici comme un coefficient à inventer mêlant des indicateurs inattendus comme l’alphabétisation, la production de textes, la capacité d’impression du pays, le nombre de prix littéraires, l’équipement en librairies et lieux de lecture publique, la typologie des auteurs, l’absence de censure ou de politique publique, montrerait certainement que littérature-monde, world literature ou Weltliteratur sont peut-être des concepts d’échelle mondiale, mais qu’ils se vivent au travers des échelles diverses, liés aux inégalités dans le monde et aux discontinuités qui segmentent l’espace mondial. De ce point de vue, le Manifeste pour les produits de haute nécessité, écrit notamment par Patrick Chamoiseau et Édouard Glissant pendant le mouvement antillais contre la pwofitasion au début de l’année 2009 profère la réappropriation du poétique contre l’exclusif colonial. En référence à André Gorz, le travail est ici envisagé en tout ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue, et notamment ce

qui oriente en randonnée dans le pays des livres, des arts, du chant, de la philosophie, de l’étude ou de la consommation de haute nécessité qui ouvre à création.

Mais traduire les littératures nationales vers d’autres espaces nationaux, un processus de diffusion polycentrique propre à la hiérarchie des États-nations au sein des aires culturelles, n’est pas la seule voie de cette littérature mondiale. Le projet de produire des livres directement pour l’échelle mondiale n’appartient pas qu’aux auteurs de la littérature-monde, il appartient tout autant aux firmes. La constitution d’un appareil de production intégré et multiculturel permettant de décliner une même œuvre à son origine même et dans différents supports multimédia (renforcement des gains et réduction des risques) et dans différents pays du monde (traductions et adaptations inscrites dans un calendrier global et une grille tarifaire) est aujourd’hui avérée. Il n’y a pas concurrence simplement entre les lieux, mais aussi entre deux marchés mondiaux, le « pôle commercial » et le « pôle autonome » (Sapiro, 2009). L’édition sans éditeurs (1999) décrit par André Schiffrin, éditeur historique nord-américain, désigne la transformation

africaines (dir) Riesz et al., Günter Narr Verlag, 2001, pages 30 à 38.

radicale de l’édition américaine et sa mise en conformité néo-libérale par des nouveaux actionnaires exigeant des rendements de 12 à 15 % au lieu des 2 à 3 % de l’édition classique (avec éditeurs et codes professionnels afférents). La construction d’un marché mondial « commercial » peut permettre cette très forte profitabilité sur un nombre réduit de productions standardisées. Le développement du double marché littéraire est perceptible : d’un côté, une production montante menée par des holdings transnationales de l’industrie culturelle à base de produits lourds démultipliés et participant d’une culture mondiale de masse, de l’autre côté, des formes plus diverses se reproduisant grâce à des structures de production plus artisanales fortement ancrées localement dans des espaces ou des réseaux nationaux, régionaux ou mondiaux à fort marquage identitaire, esthétique ou idéologique. La fabrique mondiale des bestsellers n’est pas toute la mondialisation du livre. Il y a cohabitation des processus et des échelles. Des auteurs, des œuvres, des situations peuvent à tout moment provoquer une interaction entre échelles et entre marchés concurrents.

Mais de quoi parle-t-on quand on parle d’échelle mondiale ?

En nous appuyant sur le travail de Didier Coste, collaborateur régulier à

Fabula, le portail français des études littéraires, polygraphe et chercheur au riche

parcours117, nous savons qu’il parle d’abord de littérature depuis le champ de la littérature comparée. Mais ses apports, par leur fine connaissance de l’espace mondial de la littérature et des débats qui s’y déroulent contribuent à nourrir la géographie de la littératie. Nous avons brièvement résisté à la tentation d’intituler

« Mondial de littérature » le présent essai autour d’une recension multiple, car, si la notion de « littérature mondiale » est professionnellement et spectaculairement concurrentielle dans toutes ses acceptions variées, elle ne mène pas nécessairement à un projet de compétition réglée des littératures entre elles, départagées à intervalles réguliers. Il peut être rassurant que notre modèle ne soit pas exclusivement footballistique (bien que les équipes comportent, fort heureusement, de plus en plus d’étrangers), mais il serait lamentable de ne pas constater dans quelle mesure il l’est devenu, d’une part, et, d’autre part, de ne pas tirer d’enseignements de la rivalité, voire du conflit des différentes approches de la mondialité littéraire entre elles.118 Dans le cadre de cette recension serrée d’un certain nombre de travaux récents, Coste (2006) pointe et critique les définitions concurrentes de la littérature mondiale. Celle-ci peut s’entendre a) comme une réduction non proportionnelle des littératures nationales (« une réfraction elliptique », pour reprendre l’un des auteurs recensés) ; b) comme une écriture qui accède directement ou se développe au monde en étant traduite, peut-être autour des « classiques » ou des « chefs d’œuvre », mais également de fabrications pour le marché mondial ; c) comme une manière de lire spécifique « avec des mondes au-delà de notre temps et de notre lieu » et qu’on pourrait saisir de manière tant intensive qu’extensive ; d) comme « une solidarité d’actions et de droits », résultant « d’une pensée plurielle, dynamique et polycentrique ». Le comparatiste nous convie ici à une mondialité polysémique.

117 Une biographie qui illustre la recherche-action

http://ecla.aquitaine.fr/Annuaire-des-professionnels/Ecrit-et-livre/Auteurs/Didier-Coste 118 Didier Coste, 2006, Le Mondial de littérature, Acta Fabula, n° 3

www.fabula.org/revue/document1096.php page 1.

Des mobilités des textes

Dans la défense de notre projet de recherche face à l’incrédulité ou à la défiance, c’est la dimension scalaire qui a pris de plus en plus de place. Marqueur disciplinaire, mais également sentiment ordinaire, l’échelle a fait sens pour progressivement structurer notre travail, mais d’autres possibilités existaient pour « tenir la boutique », en particulier l’entrée par les mobilités et les ancrages. La traduction est l’une des mobilités principales du texte, une modalité particulièrement puissante que les autres productions échangées à travers le monde connaissent de manière plus modérée. On ne traduit pas la vaisselle, on traduit une très faible part d’une voiture. Dans les produits informatiques, la traduction, pourtant nécessaire, n’est pas toujours disponible ou seulement via un traducteur automatique aux façons encore limitées, sinon comiques. Mais, nous dit encore Didier Coste, ce modèle ne tient pas compte du fait que les œuvres changent de

langue, dans le temps, sans que les textes en changent : une œuvre en langue morte ne saurait être lue de la même façon qu’une œuvre en langue vivante, et toutes les œuvres qui se transmettent dans le temps finissent, tôt ou tard, par être écrites dans des langues mortes. Ensuite la mondialisation culturelle, avec sa langue mondiale incontestable, l’anglais, les recompositions ou décompositions nationales, l’accélération des migrations de tous ordres et du cosmopolitisme intellectuel devraient nous faire concevoir l’asymétrie et la variabilité des situations de traduction, de réception et de lecture comme facteurs constitutifs de la traduction elle-même. Il ne faut pas oublier non plus que toute traduction, surtout quand elle est "mauvaise", fait gagner à l’original la dimension capitale procurée par une lecture contrastive.119 La mobilité du texte est organisée par des marchés, des filières rassemblées aujourd’hui autour du droit d’auteur que l’Unesco impose comme norme juridique internationale. La mobilité, c’est une cession de droits plus qu’une marchandise pondéreuse même si les périphéries postcoloniales achètent encore souvent des exemplaires.

Dans l’ouvrage collectif qu’elle dirige en 2009, Les contradictions de la

globalisation littéraire, Gisèle Sapiro, la sociologue de la traduction120 qui a cartographié la traduction de l’œuvre de Bourdieu (347 traductions recensées dans 34 langues et 42 pays) comme mesure de sa réception mondiale, interroge le

changement de configuration des relations spatiales qui structure l’espace de la production éditoriale […] Le commerce du livre est avant tout une affaire de territoires qui déterminent les modes de circulation : aires linguistiques, territoires géographiques de distribution, frontières nationales qui circonscrivent des espaces juridiques et des politiques publiques, territoires imaginaires qui associent de identités à des lieux et dessinent un horizon d’attente. Gisèle Sapiro,

qui cite volontiers David Harvey et sa Géographie de la domination, travaille une matière qui semble devoir intéresser fortement les géographes au regard des partages disciplinaires. Au croisement de la sociologie, de la littérature et de l’économie, elle manipule, avec ses co-auteurs, de nombreux outils et concepts de la géographie. Le document 28 propose de restituer graphiquement cette approche.

119 Ibid, pages 12 et 13.

120 Gisèle Sapiro (dir), 2008, Translatio, le marché de la traduction en France à l’heure de la