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analyse du programme du dernier Congrès de l’Association des Bibliothécaires de France

objet ordinaire et remarquable de la mondialisation

Document 9 analyse du programme du dernier Congrès de l’Association des Bibliothécaires de France

banlieue, chargés de mission publics en difficulté, conservateurs, responsables associatifs handicap, élus et cadres territoriaux de la Culture

Approche par les minorités et les espaces sensibles, inclusion sociale en bibliothèque,

récits par expérience locale, la dématérialisation des supports,, les bibliothèques thématiques (les BU, les ressources numériques, le patrimoine),

intercommunalité, comment évaluer ?, coopération horizontale, réseau, échange, bibliothèques hybrides, expérimentation

Document 9 : analyse du programme du dernier Congrès de l’Association des Bibliothécaires de France

Il apparaît dans ce tableau d’analyse que la profession de bibliothécaire (ici, perçue à travers le congrès d’une association professionnelle historique, ancienne, et active, l’ABF32) s’oblige à tenir compte de l’évolution de son environnement et à entretenir son épistémologie. C’est le moyen de prévenir le risque de sa propre obsolescence, voire de sa disparition, faute d’un projet qui l’inscrive vivante dans le territoire et la société. Autrement dit, la « profession » donne quelques billes au chercheur. Aujourd’hui, la bibliothèque publique est-elle toujours nécessaire ? Le passage au numérique est-il le signal d’un abandon par la puissance publique ? À quelles échelles travaillent les bibliothécaires ? Voilà des questions qui interrogent le géographe qui croit que les politiques publiques peuvent avoir un sens. La lecture attentive des intitulés montre la diversité scalaire du questionnement de l’ABF. La question de la bibliothèque numérique revient à de nombreuses reprises, posant la question de l’ubiquité, sans gommer les échelles ordinaires. Où emprunter la liseuse ? Qu’est ce que c’est que la médiation en bibliothèque ? Comment mettre en relation bibliothèques physiques et numériques ? Comment échanger pratiques et savoirs ? Le Manifeste du 2 mars 2012 de l’ABF publié pour contribuer au débat électoral français du moment, mais dans le contexte d’une crise des ressources publiques d’ampleur mondiale est intitulé La bibliothèque est

une affaire publique.33 Parmi les arguments mobilisés, ceux à caractère géographique, comme le maillage territorial, sont particulièrement mis en avant.

Cette attention portée à l’avenir d’une institution et d’un équipement qui pourraient sembler intemporels, parce qu’ils ont été naturalisés par nos usages quotidiens, s’appuie sur des transformations sensibles des conditions d’exercice du service « bibliothèque publique » dans certaines parties du monde. Si le cas français (documenté depuis 1988 par les études et recherches de la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou) ou celui des deux terrains sud-coréen et malien montrent une progression et une diversification des bibliothèques et globalement de l’utilisation des services qu’elles abritent, la situation en Grande- Bretagne et aux États-Unis semble différente. En Grande-Bretagne, dès le milieu des années 2000, des collectivités locales appauvries commencent à fermer certaines de leurs bibliothèques publiques (une soixantaine jusqu’en 2008). Cette première vague de fermetures entraîne un premier débat national, des actions citoyennes (blogs, pétitions, manifestations, associations de soutien) et juridiques (recours en annulation pour non-respect de la loi de 1964 dite Public Libraries

and Museum Act obligeant chaque collectivité à avoir une bibliothèque). Dans

cette période de « laisser-faire » et de branding, la ministre New Labour, Margaret Hodge organise début 2010 une consultation publique sur la politique nationale des bibliothèques. Cette consultation traversée par une polémique sur le souhait prêté à la Ministre d’abandonner l’obligation légale d’avoir une bibliothèque par collectivité se conclut, en mars 2010 par la remise du rapport Pour une nouvelle

politique publique de la bibliothèque34. Le gouvernement conservateur qui succède 32 L’ABF est la plus ancienne association de bibliothécaires en France (1906). Reconnue d’utilité publique en 1969, elle regroupe des professionnels de tous types d’établissements quels que soient leur grade ou leur fonction : 3 000 adhérents sur l’ensemble des 22 régions françaises, un conseil national, une revue Bibliothèques(s), cinq salariés, une inscription internationale, notamment Ifla (International Federation of Library Associations and Institutions), Eblida (European Bureau of Library, Information and Documentation) et Liber (Ligue des bibliothèques européennes de recherche).

33 Ces documents sont accessibles sur le site de l’ABF - www.abf.asso.fr

34 The modernisation review of public libraries : A policy statement, presented to Parliament by the Secretary of State for Culture, Media and Sport by Command of Her Majesty March 2010

à celui de Gordon Brown reprend à son compte cette politique qui semble faire son affaire de la fermeture programmée d’environ 450 bibliothèques publiques sur 4612 (10 % de l’effectif) jugées « trop peu fréquentées ou mal situées » ou « avec un coût par usager trop élevé »35. Alors que le contenu daté et peu renouvelé des petites bibliothèques est pointé du doigt, la fréquentation totale (de l’ensemble des bibliothèques) baisse depuis plusieurs années : 48,2 % des adultes en fréquentent une en 2005/06 contre 39,4 % en 2009/1036. La statistique des 11-15 ans montre cependant une croissance récente, tandis que les taux régionaux varient sensiblement. Si la croyance nationale en l’efficacité sociale de la bibliothèque publique est réaffirmée très fortement par la ministre, elle ajoute, les bibliothèques

publiques doivent évoluer avec leur temps ou bien prendre le risque de devenir une curiosité historique, comme les télex ou les machines à écrire.37 Les opposants (habitants usagers, artistes, professionnels ou intellectuels) dénoncent de leur côté la baisse de l’investissement public dont certains éléments de langage mettent en évidence le caractère idéologique – proposition 18 : toutes les bibliothèques

devraient explorer les nouvelles perspectives de recherche de financements et les moyens de fournir le service à travers des partenariats commerciaux ; proposition 19 : le conseil stratégique des bibliothèques explorera les opportunités de développer les dons pour le fonctionnement des bibliothèques publiques ; proposition 26 : toutes les bibliothèques devraient réfléchir au recrutement et au travail de bénévoles pour compléter leur personnel38. Les opposants à cette réduction de l’action publique (réduction du nombre des bibliothèques, des budgets, des postes et des stocks de livres disponibles) organisent à partir de 2008

Campaign for the Book39, une série d’actions nationales décentralisées (manifestations, rallyes, rencontre avec les députés locaux). Lancé le 5 février 2011, le premier Save our Libraries Day est transformé en février 2012 en un

National Libraries Day40 par la Chartered Institute of Library and Information

Professionals, l’équivalent britannique de l’ABF. La crise de la bibliothèque dérive

de la crise budgétaire des collectivités locales et de l’idéologie du dégraissement. Nous exposons les trois représentations concurrentielles de la bibliothèque que nous avons identifiées – document 10 –, celle des professionnels (en général des agents publics), celle du pouvoir politique et de sa bureaucratie culturelle (élus et hauts-fonctionnaires, bureaux d’étude) et, enfin, celle des usagers-habitants. Chaque représentation fonde une approche particulière, plutôt interne chez les agents (c’est le métier, la profession), plutôt externe chez les politiques (ce sont les effets sociaux attendus, l’utilitarisme) et plutôt intime chez les usagers-habitants (c’est la croyance en la bibliothèque comme élément de vie et du lieu, la sociabilité, l’objet naturalisé). Chaque situation nationale connaît ses accommodements, mais le triangle nous paraît partagé par toutes les expériences dont nous avons pris connaissance dans la bibliographie (Europe, Amérique du Nord) ou sur le terrain (France, Mali, Corée du sud).

www.culture.gov.uk/images/consultation_responses/modernisation_review_public_libraries.pdf 35 Catherine Simon, SOS Bibliothèques, Le Monde du 9 septembre 2011, page 9.

36 National Statistics : Taking Part – Statistical Release Taking Part: The National Survey of Culture, Leisure and Sport , Adult and Child Report 2009/10 , August 2010 – page 27.

www.culture.gov.uk/images/research/TakingPart_AdultChild2009-10_StatisticalRelease.pdf 37 The Telegraph, 1er décembre 2009 - traduit par nos soins.

www.telegraph.co.uk/news/uknews/6699391/Public-libraries-risk-becoming-curiosity-of-history-warns- Margaret-Hodge.html

38 The modernisation review of public libraries, op. cité.

39 http://alangibbons.net/campaign-against-the-book-latest/