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Nombre d'éditions d'A Mame et Fils

A. Mame et Fils

ou sans couleur, chez quel éditeur, etc. En effet, les livres de prix se signalent par un ex dono imprimé collé sur une page de garde ou sur le contre-plat supérieur. Il est ensuite rempli à la main par l’instituteur avec le nom de l’élève, le prix, la matière, l’année, etc. Nous n’en avons trouvé aucun au cours de nos recherches, ce qui ne signifie pas qu’ils n’ont pas été distribués en ces occasions, bien au contraire.

Au début du siècle, les livres de prix et d’étrennes sont interchangeables, comme l’indique Henri Bourrelier, directeur de la maison Armand Colin en 1911 : il s’agit des

« […] mêmes titres figurant sous des présentations différentes dans les catalogues de livres de prix, envoyés en mars-avril par les éditeurs aux responsables d’établissements scolaires, et dans les catalogues de livres d’étrennes, destinés aux libraires qui paraissent en novembre. »322

Du fait du premier conflit mondial, ces livres – de prix et d’étrennes – ne sont plus publiés. En effet, la hausse du coût de la main d’œuvre et des matières premières induisent une hausse de leur prix de fabrication de près de six fois supérieure à l’accoutumée. Tous les établissements scolaires, y compris ceux qui avaient supprimé la cérémonie de remise des prix avant guerre sont incités en 1915 à reprendre la tradition, après circulaire du ministère de l’Instruction publique pour qui « la règle intacte atteste la force et la santé morale du pays »323. Ces cérémonies se maintiennent surtout dans l’immédiat après-guerre sous la pression des éditeurs (Mame, Larousse, Gedalge, Hachette, Armand Colin, Delagrave : des éditeurs que l’on retrouve entre 1914 et 1928 dans nos notices concernant les Contes de Perrault), pour lesquels les livres de prix et d’étrennes constituent une grosse part de leur marché.

Après 1945, ces cérémonies ont lieu entre le 14 et le 31 juillet. Les nombreuses restrictions concourent à diminuer à la fois le faste des cérémonies dont les discours rappellent la nostalgie du siècle précédent et de l’avant -guerre, et le marché des éditeurs. Ces derniers protestent à de nombreuses reprises contre la suppression des crédits alloués à l’achat des livres de prix, les municipalités préférant au sortir de la guerre les colonies de vacances aux livres pour les élèves. Malgré l’absence de hausse de ces crédits pour l’achat de ces livres-récompenses, les éditeurs continuent d’exercer une pression pour maintenir ce marché qui sera pour eux une source de revenus jusque dans les années soixante. Pour s’adapter aux budgets, très variables suivant les régions et les années, ils suppriment l’écussonnage de couverture, limitent et adaptent les reliures aux prix d’excellence et premiers prix qui conservent seuls les tranches dorées caractéristiques, et utilisent des livres brochés et non reliés pour les prix secondaires. Les éditeurs de prix (Hachette, Boivin, Gedalge, la Société française d’imprimerie et de librairie, la Librairie nationale d’éducation et de récréation, … ) cessent de publier des nouveautés après-guerre et écoulent leur stock. Le répertoire est constitué d’auteurs français légitimés par la tradition et par quelques rares auteurs classiques d’origine anglo-saxonne : Alfred de Vigny, Gustave Flaubert, Honoré de Balzac, Alphonse de Lamartine, Jules Verne, Madame de Sévigné, William Shakespeare, etc. On retrouve dans ces livres de prix des ouvrages de littérature, des récits d’aventure, des récits historiques, des contes et des légendes, des historiettes,

322 Ibidem, p. 113. 323 Ibidem.

quelques albums, mais aussi, pour les plus grands, des livres de morale (qu’elle soit religieuse ou non), d’histoire, de philosophie, de science, de géographie, ainsi que des ouvrages sur les Beaux-Arts. La majorité des titres sont des rééditions d’avant-guerre et après la Première Guerre mondiale, le corpus est complètement déconnecté des occupations de l’époque contemporaine. On retrouve ainsi de nombreux titres des années 1890, tels que Cœur de Pierre324, La dette de Blanche325, ou Le Petit mineur326, bien loin des créations éditoriales de l’époque.

Dans l’immédiat après-guerre, en 1919, les commandes de livres de prix sont un moyen d’entretenir dans la mémoire de la jeunesse les évènements récents. C’est pour cette raison que la ville de Paris achète cette année de nombreuses récompenses :

« Cette année-là, des petits albums seront finalement commandés à Delgrave, Hachette, Bauche, Martinet, Laurens et Boivin. Ce sont principalement des alphabets et des historiettes, où trois thèmes prédominent : la guerre (Alphabet des Petits français, Alphabet de la guerre chez Hachette, Alphabet du souvenir chez Bauche, Princesse Italie, Petite Serbie chez Delgrave), les contes (Alphabet des fées, Contes de Perrault chez Bauche) et les animaux (Cadichon, Tim le crocodile, Partie de cheval chez Boivin). »327

On ne retrouve pas cette édition328 de la librairie Bauche dans les notices consultées, car elle date probablement de 1905-1910. L’ouvrage de 120 pages est illustré par Robida et E. Tap (Edmond Tapissier, également connu sous le pseudonyme de Rose Candide), deux célèbres illustrateurs pour la jeunesse.

324 AIMARD, Gustave, Cœur de Pierre, Paris, éd. E. Dentu, 1888.

325 LENSIA, Jenny, La Dette de Blanche, Paris, éd. Société française d’imprimerie et de librairie, 1890. 326 Anonyme, Le Petit Mineur, s. l., éd. s. n., s. d.

327 BOYER-VIDAL, Marie-Françoise, MANSON, Michel, RENONCIAT, Annie, et alii, Trois siècles de

publications pour la jeunesse (du XVIIIe au XIXe siècle), op. cit., p. 121.

328 PERRAULT, Charles, Contes de Perrault, Paris, éd. Bauche, ill. Robida, Candide, Tap, s. d. [1905 -1910],

120p.

Figure 34 : Illustration du Chat Botté par Robida (Bauche, [1905-1910])

Figure 35 : Illustration du Petit Chaperon rouge par Candide (E. Tapissier, Bauche, [1905-1910])

L’école primaire laisse une place plus importante à la littérature de jeunesse, notamment par le biais de trois collections bien connues et très appréciées des enfants : la Bibliothèque verte chez Hachette, Contes et romans pour tous (Larousse) et Contes et Légendes chez Nathan. Malheureusement, ces collections ne se retrouvent pas dans celles que nous avons pu relever via les notices. Cela ne signifie pas que les Contes de Perrault n’aient pas été édités au sein de ces collections, bien au contraire. Les éditions n’ont vraisemblablement pas du être conservées, les ouvrages fragiles sûrement détruits par la succession des générations enfantines, ou bien elles n’ont pas été stockées en bibliothèque, résultat du manque de considération à l’époque de la littérature de jeunesse.

Alors que les livres de prix avaient pourtant été révisés (dans le cas de Mame) par le Comité de Lecture d’Angers pour qu’ils contribuent à

« […] imprégner l’esprit de l’enfant des idées religieuses, morales, patriotiques, dont l’enseignement est la seule raison d’être de nos écoles et collèges catholiques. D’où l’exclusion de tout volume contraire à ces idées – d’où l’exclusion, encore, des livres qui même animés d’excellentes intentions, ne savent qu’ennuyer les lecteurs ».329,

ces livres suscitent après la Première Guerre mondiale de nombreuses réactions. En effet, les mères de familles sont scandalisées : avec la laïcisation, les éditeurs se relâchent et plusieurs enfants reçoivent des livres destinés aux adultes. C’est cette vive réaction qui va conduire d’une part à l’établissement de la loi sur les publications de jeunesse de 1949, dont nous avons parlé précédemment, et d’autre part à la constitution de listes officielles.