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Karine DELAMAIRE

Doctorante, LISE/CNAM

karine@delamaire.fr

Mots clés: structure du capital social, haut potentiel, gestion des ressources humaines, crise, réseaux

Cette communication propose d’analyser de façon dynamique le capital social en observant la trajectoire d’un cadre à haut potentiel d’une grande entreprise privée confrontée à une OPA hostile. Nous définissons le capital social tel que problématisé par Burt, Lin et Lazega comme « un ensemble de ressources auxquelles les acteurs individuels ont accès grâce à leurs relations ou à leur position dans une structure relationnelle » (Lazega, 2006, p.213). Comme le souligne Lecoutre, « s’il est d’abord le produit d’une action collective [Coleman, 1990 ; Bourdieu, 1980 ; Bourdieu, Wacquant, 1992], le capital social ne peut se résumer à l’action isolée d’un acteur». C’est pourquoi nous mettrons en évidence dans une première partie les systèmes d’interdépendance existant dans cette entreprise pour ensuite identifier ceux du cadre à haut potentiel (HP) observé : car « si le capital social est le fruit d’un collectif, il n’en est pas moins utilisable de façon individuelle [Granovetter, 1973 ; Burt, 1992 ; Lin, 2001] » (Lecoutre, 2006). Le fait marquant qui en ressort est le rôle majeur joué par la temporalité dans cette étude de cas. La morphologie même du capital social de l’entreprise observée est en passe de disparaître. Il s’agit, pour quelques mois encore, d’une construction collective qui relie les différents échelons hiérarchiques dans l’entreprise en interdisant le droit de regard des n+1 sur les actes des n-1, reflétant un modèle de la Baronnie tel que décrit dans Les Mondes Sociaux de

l’Entreprise (Francfort, Osty, Sainsaulieu, Uhalde, 2006). Bientôt, ce capital social va se muer en un

autre construit collectif car l’entreprise va devoir se plier à des normes de gestion et des critères de performance différents, suite à son intégration dans le Groupe de son acquéreur étranger. Le HP joue avec et contre le temps pour bénéficier de la centralité de proximité et d’intermédiarité que lui procure encore son capital social adossé à celui de son entreprise. Il utilise cet avantage sciemment, illustrant- ici que « le capital social est l’arbitre final quant au succès d’un joueur dans un système concurrentiel ». Il est une « variable critique » dans la définition du taux de retour sur investissement d’un joueur » (Burt, 1992). Ainsi, si son objectif avoué est d’être à la tête du nouveau cœur de métier de l’entreprise, nous vérifions également que cette mutation permet à ce HP d’adapter la structure de son capital social à celui du nouvel acquéreur pour préparer – déjà - sa prochaine évolution professionnelle dans le Groupe. Cette étude reflète la remarque de Lazéga et Lebeaux (1995) notant que « en terme d’analyse des réseaux intra-organisationnels, on peut ramener cette question du savoir- faire dans l’exercice du pouvoir à celle de la « conversion » d’une position centrale en moyens de pression (Brass, 1984 ; Brass et Burkhardt, 1992 ; Burt et Ronchi, 1990 ; Lemieux, 1979 ; Lazega, 1994a ; Wasserman et Faust, 1994) ». C’est ce que va réaliser le HP observé, modifiant profondément les parcours des Alter, certains ayant joué le rôle de leviers, d’autres se découvrant cibles... trop tardivement. La seconde partie de notre communication cherche à comprendre comment et pourquoi ce cadre à haut potentiel arrive à ses fins tandis que le gestionnaire des Ressources Humaines appelé à l’accompagner dans son parcours professionnel se heurte à un mur d’incompréhension et à un refus buté de la part des opérationnels de l’entreprise observée. La remarque de Lazega et Lebeaux lors de leur étude sur Le capital social et la contrainte latérale (1995) est ici une bonne analyse de la situation du RH : « pour exercer du pouvoir et contribuer à orienter l’action collective dans un ensemble social, il est souvent nécessaire d’être en position de mobiliser les ressources sociales, des « relations » et de savoir les utiliser (…). Sans cette position et ce savoir-faire, les ressources sociales perdent de leur efficacité et les acteurs se trouvent dans l’obligation de renégocier leur coopération (Reynaud, 1989 ; Friedberg, 1993) ». C’est précisément ce qui arrive aux RH observés dans cette entreprise, du moins tant que l’entreprise ne modifie pas ses normes de gestion et, partant, ses priorités qui ne manqueront

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pas de modifier la nature des rapports de force dans l’organisation. Nous vérifierons ainsi l’interdépendance du capital social individuel avec le capital social collectif et le lien de causalité entre l’autonomie d’un acteur et les trous structuraux de son capital social. Cette étude soulignera également combien la structure du capital social d’un HP, pourtant pressenti comme stratégique par le responsable des Ressources Humaines, reste obscur et indiscernable par les outils actuels du gestionnaire. Enfin, l’observation du capital social en construction de notre témoin nous donnera une clé d’interprétation du silence systématique qui entoure la sélection d’un cadre pour le vivier des HP par les Ressources Humaines.

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Le rôle du réseau du dirigeant sans l’apprentissage organisationnel

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