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Marc MORIN

Professeur, Laboratoire Management – Entrepreneuriat Institut Supérieur du Commerce de Paris

Morin.marc@wanadoo.fr

Mots clés : réseau social, socioéconomie des réseaux, programme conventionnaliste, syndicalisme,

confiance

Le capital social, tel qu’il est défini dans l’appel à communication, a effectivement une histoire et une dynamique. Celles-ci renvoient aux causes et conditions de la construction même de ce capital social, aux usages différenciés que peuvent en faire les individus, les groupes d’acteurs ou les organisations, et aux transformations que subissent les usages de ce capital avec le temps. Toute analyse de cette histoire et de cette dynamique doit alors, un peu à la manière des théories de Crozier et Friedberg, poser d’abord le contexte, ou le système d’action concret comprenant la compréhension du positionnement des acteurs, de leurs valeurs, intérêts et croyances, des configurations organisationnelles concernées, de l’état de l’environnement économique et institutionnel …, et mettre ensuite en mouvement les stratégies des acteurs, telles qu’elles peuvent être observées, mais aussi anticipées.

La communication portera en ce sens sur ce que peut être, aujourd’hui, le capital social de quelques unes des grandes confédérations syndicales françaises, et, dans la foulée, celui de leurs syndiqués, et surtout sur la façon avec laquelle celui-ci peut évoluer et participer à la transformation du paysage syndical français et de ses rapports avec les entreprises. On observera tout d’abord que ce capital social, ou l’ensemble des relations que les syndicats nouent avec leur environnement et où circulent de la confiance, des normes plus ou moins partagées, de l’inter-reconnaissance et des possibilités d’échange, n’est pas le même selon chaque confédération. Entre la CFTC, FO, la CGT, la CFDT et la CFE-CGC, mais aussi, si l’on ajoute à cette liste les organisations n’entrant pas dans le champ institué par l’arrêté de 1967 et les lois Auroux (notamment l’UNSA et plusieurs autonomes), les sociogrammes rendant compte des caractéristiques individuelles et socio-économiques des adhérents et sympathisants sont différents, voire très différents. Les relations de confiance peuvent, par exemple, être structurées par des appartenances socio-économiques et socio-professionnelles communes, mais aussi des communautés d’idéologies politiques, religieuses ou autres. Hormis les bassins d’adhérents et de sympathisants, qui déterminent directement dans l’entreprise les capacités d’appels à la grève et de négociation de ces organisations syndicales, ces dernières détiennent aussi des pouvoirs en quelque sorte plus informels via le type de relations qu’elles entretiennent avec les personnels politiques, administratifs, ceux des grandes entreprises, des syndicats patronaux …

L’efficience des organisations syndicales, c’est-à-dire notamment dans une première acception les résultats qu’elles obtiennent en matière de signatures de conventions collectives, et leur pouvoir d’agir, sont naturellement dépendants de ces différents capitaux sociaux. Les capacités d’appels à la grève, qui vont déterminer le pouvoir effectif de négociation, sont liées à l’importance relative de chaque organisation (nombre d’adhérents, surfaces financières …), et de ses liens avec son environnement (capacités de relais par d’autres organisations de type par exemple ONG, relais dans les médias, implantations dans la haute fonction publique …). Les capacités d’appeler à des grèves « suivies » reposent aussi, fondamentalement, sur les liens de confiance tissés avec les adhérents et les sympathisants, et sur la reproduction de ces liens. Ces liens, dans le contexte moderne de désyndicalisation, subissent une érosion progressive qu’il convient d’analyser.

A un autre niveau, et à contre-courant de certaines interprétations classiques en économie, les organisations syndicales peuvent être efficientes sur un plan économique global. Elles ne sont pas systématiquement, en obtenant des augmentations salariales non voulues rationnellement et décidées par les entreprises, productrices de chômage au niveau macroéconomique. Il existe des théories démontrant qu’elles participent à l’équilibre économique et social général en stimulant les motivations, en transformant les réclamations en revendications audibles par les sommets stratégiques des organisations, en offrant aux firmes les moyens de fonder durablement leurs stratégies en connaissant les conditions de leur équilibre

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social, et du surgissement de ce que le consultant nomme, dans des climats sociaux dégradés, les coûts cachés des dysfonctionnements. Cette efficience là des organisations syndicales dépend aussi de la richesse de leurs capitaux sociaux, et de la reproduction de ces derniers. En relation avec ces deux formes d’efficience, nous insisterons en particulier sur les concepts de confiance et de pouvoir d’action.

Au sein du programme conventionnaliste, ces deux concepts sont centraux. Le premier renvoie à la conception typiquement institutionnelle sur ce plan de Arrow, qui énonce notamment qu’un acteur A, doutant de la capacité d’un acteur B à assumer ses promesses et réaliser ses engagements, est susceptible de dépenser, de façon de plus en plus contre-productive, une énergie considérable à vérifier les dires de celui- ci (et réciproquement). La confiance est en ce sens désignée comme étant un « lubrifiant » essentiel de toutes les activités d’échange. Et la théorie des jeux est bien évidemment mobilisée pour le démontrer. Le second concept renvoie lui au paradigme central de Simon, dit de « rationalité procédurale et limitée », qui est couramment utilisé par le programme conventionnaliste. Il énonce notamment que le pouvoir d’action d’un individu, d’un groupe d’acteurs ou d’une organisation, est effectivement en rapport avec ses capacités différenciées à collecter, traiter et utiliser l’information disponible. Et ces capacités sont manifestement liées à la détention d’un capital social donné.

L’enjeu de la communication est en somme d’essayer de comprendre comment, dans la France contemporaine, les rapports de confiance et les pouvoirs d’action des organisations syndicales évoluent en dessinant peut-être le nouveau visage du syndicalisme de demain. On examinera en particulier en quoi les récentes transformations du code du travail, impliquées par la loi Fillon de 2004, et celles que peuvent entraîner les discussions parlementaires sur le thème central de la représentativité syndicale, sont susceptibles d’affecter, et comment, le capital social des confédérations syndicales et de leurs syndiqués. Sur la base d’une étude réalisée par nos soins en 2002, pour la Commission européenne, on examinera l’impact possible des dernières directives de celle-ci concernant le développement des Comités d’entreprise européens. Ce qui sera aussi l’occasion de mettre en évidence l’exemple des formes de négociation « à l’allemande » qui tendent à reposer, via l’obligation institutionnelle de déboucher sur des compromis, et l’engagement des parties prenantes sur plusieurs années, sur des sortes de contrats de confiance. L’hypothèse, que l’on cherchera à valider, est que le pouvoir d’agir est en relation directe avec le degré de confiance.

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Trust, Reciprocity, and Other Relational Network Characteristics

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