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La nature juridique

Dans le document Les recours au Tribunal fédéral (Page 168-171)

Le recours constitutionnel est-il, comme le recours de droit public32, un moyen de recours extraordinaire, qui ne peut être saisi qu’en l’absence de toute autre procédure permettant au recourant d’obtenir justice, ou s’agit-il d’une simple variante des recours ordinaires, qui permettent de porter des décisions fédérales ou cantonales en dernière instance devant le Tribunal fé-déral. La réponse n’est pas aisée.

27 Karlen (note 9), 56.

28 Cf. ATF 127 II 264, 269 Interkantonale Landeslotterie ; 125 I 7, 9 Hugo Spirig ; à vrai dire, le recours constitutionnel serait irrecevable, pour défaut d’intérêt juridique.

29 Cf. ATF 125 II 497 Claude Tamborini.

30 Christoph Auer, Auswirkungen der Reorganisation der Bundesrechtspflege auf die Kantone, ZBl. 2006, 121, 136.

31 Esther Tophinke, Bedeutung der Rechtsweggarantie für die Anpassung der kantonalen Gesetz-gebung, ZBl. 2006, 88, 98

32 Walter Kälin, Das Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde, 2e éd., Berne 1994, 282.

victime au sens de la LAVI, ne peut pas former un recours constitutionnel27. De même, le tiers qui ne peut justifier d’un intérêt digne de protection pour former un recours en matière de droit public, parce que, par exemple, il agit comme un simple concurrent28, comme un consommateur, ou comme un téléspectateur29. Mais ces exclusions ne trouvent pas de fondement direct à l’art. 113 LTF, de sorte qu’il n’est pas inconcevable que le Tribunal fédéral en décide autrement.

Une autre incertitude concerne les « décisions revêtant un caractère po-litique prépondérant » pour lesquelles, selon l’art. 86 al. 3 LTF, les cantons peuvent instituer une autorité autre qu’un tribunal comme autorité précé-dente. Tout en consacrant ainsi une exception au droit d’accès au juge consa-cré par l’art. 29a Cst.30, le législateur a donc voulu que ces décisions puissent faire l’objet d’un recours au Tribunal fédéral. Lequel ?

En principe, s’agissant d’une décision rendue dans une cause de droit public par une autorité cantonale de dernière instance en une matière qui n’est pas exclue, il s’agira d’un recours en matière de droit public31. Mais alors, il faut bien admettre que le recourant pourra faire valoir tous les griefs énu-mérés à l’art. 9 LTF, ce qui, s’agissant par exemple d’un refus de grâce, serait plutôt surprenant. En créant le recours constitutionnel, le législateur aurait peut-être mieux fait de préciser que les décisions à caractère politique pré-pondérant ne peuvent faire l’objet que d’un tel recours, limité à la violation de droits constitutionnels.

D. La nature juridique

Le recours constitutionnel est-il, comme le recours de droit public32, un moyen de recours extraordinaire, qui ne peut être saisi qu’en l’absence de toute autre procédure permettant au recourant d’obtenir justice, ou s’agit-il d’une simple variante des recours ordinaires, qui permettent de porter des décisions fédérales ou cantonales en dernière instance devant le Tribunal fé-déral. La réponse n’est pas aisée.

27 Karlen (note 9), 56.

28 Cf. ATF 127 II 264, 269 Interkantonale Landeslotterie ; 125 I 7, 9 Hugo Spirig ; à vrai dire, le recours constitutionnel serait irrecevable, pour défaut d’intérêt juridique.

29 Cf. ATF 125 II 497 Claude Tamborini.

30 Christoph Auer, Auswirkungen der Reorganisation der Bundesrechtspflege auf die Kantone, ZBl. 2006, 121, 136.

31 Esther Tophinke, Bedeutung der Rechtsweggarantie für die Anpassung der kantonalen Gesetz-gebung, ZBl. 2006, 88, 98

32 Walter Kälin, Das Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde, 2e éd., Berne 1994, 282.

En premier lieu se pose la question de savoir si les recours unifiés sont véritablement des recours ordinaires. Certains auteurs le nient d’emblée, mo-tif pris que les recours unifiés n’ont pas, en règle générale, d’effet suspensif (art. 103 al. 1 LTF)33. Le message du 28 février 2001 va un peu dans le même sens, admettant que l’absence d’effet suspensif automatique constitue une in-novation dans les domaines de la juridiction civile et administrative34. Mais il comporte également des passages où les recours unifiés sont traités de re-cours ordinaires3. Tel est aussi le cas de l’art. 119 LTF, qui oppose explicite-ment les recours ordinaires au recours constitutionnel.

Pour trancher cette question, il ne convient pas d’attacher trop d’impor-tance à la question de l’effet suspensif, sous peine de voir un même moyen de droit changer de nature, ordinaire ou extraordinaire, selon que l’effet sus-pensif est accordé ou non par le juge instructeur (art. 103 al. 3 LTF). Est donc un recours ordinaire au Tribunal fédéral celui qui a pour fonction principale de garantir l’application régulière et correcte du droit, international et fédé-ral, par les autorités inférieures, fédérales ou cantonales. Tel est bien le cas des recours unifiés, même si les notions de « droit international » et de « droit fédéral » englobent les droits fondamentaux garantis par les instruments in-ternationaux et par la Constitution fédérale.

Si donc les recours unifiés sont des recours ordinaires, tout porte à croire qu’il en aille de même du recours constitutionnel, qui ne s’en dis- tingue guère. Le grief de la violation de droits constitutionnels est recevable dans l’un (art. 116 LTF) comme dans les autres (art. 9 let. a et 98 LTF). La notion de décision est identique36, comme l’est la référence aux autorités cantonales de dernière instance. Les règles de procédure se rapportant à la nature des décisions sujettes à recours, aux moyens nouveaux, au délai, à l’échange d’écritures, à l’effet suspensif, aux autres mesures provisionnelles, au principe d’allégation, au pouvoir de décision et à la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 114 et 117 LTF) sont strictement les mêmes. Comme les recours unifiés, le recours constitutionnel s’inscrit dans la continuation de la procédure inférieure, tant il est vrai que la qualité pour recourir requiert la participation à celle-ci (art. 11 let. a LTF). Même l’exigence de l’intérêt ju-ridique (art. 11 let. b LTF), qui était la grande spécialité du recours de droit public, se retrouve dans les recours en matière civile (art. 76 al. 1 let. b LTF) et pénale (art. 81 al. 1 let. b LTF). Bref, on comprend bien pourquoi les au- teurs dénient généralement au recours constitutionnel le caractère de moyen

33 Martin Ziegler, Zur Rechtsnatur der künftigen Einheitsbeschwerden, RSJ 2006, 56 ; Karlen (note 9), 23.

34 FF 2001 4140.

35 FF 2001 4276.

36 Auer / Malinverni / Hottelier (note 5), no 2154.

En premier lieu se pose la question de savoir si les recours unifiés sont véritablement des recours ordinaires. Certains auteurs le nient d’emblée, mo-tif pris que les recours unifiés n’ont pas, en règle générale, d’effet suspensif (art. 103 al. 1 LTF)33. Le message du 28 février 2001 va un peu dans le même sens, admettant que l’absence d’effet suspensif automatique constitue une in-novation dans les domaines de la juridiction civile et administrative34. Mais il comporte également des passages où les recours unifiés sont traités de re-cours ordinaires3. Tel est aussi le cas de l’art. 119 LTF, qui oppose explicite-ment les recours ordinaires au recours constitutionnel.

Pour trancher cette question, il ne convient pas d’attacher trop d’impor-tance à la question de l’effet suspensif, sous peine de voir un même moyen de droit changer de nature, ordinaire ou extraordinaire, selon que l’effet sus-pensif est accordé ou non par le juge instructeur (art. 103 al. 3 LTF). Est donc un recours ordinaire au Tribunal fédéral celui qui a pour fonction principale de garantir l’application régulière et correcte du droit, international et fédé-ral, par les autorités inférieures, fédérales ou cantonales. Tel est bien le cas des recours unifiés, même si les notions de « droit international » et de « droit fédéral » englobent les droits fondamentaux garantis par les instruments in-ternationaux et par la Constitution fédérale.

Si donc les recours unifiés sont des recours ordinaires, tout porte à croire qu’il en aille de même du recours constitutionnel, qui ne s’en dis- tingue guère. Le grief de la violation de droits constitutionnels est recevable dans l’un (art. 116 LTF) comme dans les autres (art. 9 let. a et 98 LTF). La notion de décision est identique36, comme l’est la référence aux autorités cantonales de dernière instance. Les règles de procédure se rapportant à la nature des décisions sujettes à recours, aux moyens nouveaux, au délai, à l’échange d’écritures, à l’effet suspensif, aux autres mesures provisionnelles, au principe d’allégation, au pouvoir de décision et à la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 114 et 117 LTF) sont strictement les mêmes. Comme les recours unifiés, le recours constitutionnel s’inscrit dans la continuation de la procédure inférieure, tant il est vrai que la qualité pour recourir requiert la participation à celle-ci (art. 11 let. a LTF). Même l’exigence de l’intérêt ju-ridique (art. 11 let. b LTF), qui était la grande spécialité du recours de droit public, se retrouve dans les recours en matière civile (art. 76 al. 1 let. b LTF) et pénale (art. 81 al. 1 let. b LTF). Bref, on comprend bien pourquoi les au- teurs dénient généralement au recours constitutionnel le caractère de moyen

33 Martin Ziegler, Zur Rechtsnatur der künftigen Einheitsbeschwerden, RSJ 2006, 56 ; Karlen (note 9), 23.

34 FF 2001 4140.

35 FF 2001 4276.

36 Auer / Malinverni / Hottelier (note 5), no 2154.

extraordinaire, considérant qu’il s’agit bien plutôt d’un « recours unifié rac-courci » (verkürzte Einheitsbeschwerde)37 ou d’un « dérivé du recours unifié »38.

Il n’empêche que le recours constitutionnel n’est pas un recours ordi- naire. Celui-ci a, dans la nouvelle architecture judiciaire fédérale, la fonction essentielle de garantir que les actes qui en font l’objet sont conformes à l’en-semble du droit supérieur, à l’exception du droit cantonal ordinaire (art. 9 LTF). A l’égard des décisions fédérales, il vise à s’assurer de leur légalité ; pour ce qui est des actes cantonaux, il doit garantir leur conformité au droit fédéral. La caractéristique principale du recours unifié – à savoir la possibi-lité, pour le recourant, de faire valoir à l’égard de l’acte attaquable tous les griefs dont le Tribunal fédéral peut connaître39 – ne parvient donc pas à gom-mer la double fonction, fédéraliste et légaliste, qui est la sienne40.

La finalité du recours constitutionnel en revanche est plus réduite : pro-téger le particulier contre les violations des droits constitutionnels qui sont le fait des autorités cantonales dans les domaines et les situations où, préci-sément, les recours ordinaires au Tribunal fédéral sont fermés. Même son histoire marque la différence : il a été « ajouté aux trois recours ordinaires »41, on en a fait « une voie de droit autonome »42. Comment peut-on qualifier de « voie de droit satellite »43, de « boîte de Pandore »44, voire d’« œuf de coucou »4 une voie de recours qui serait ordinaire ?

Le recours constitutionnel est donc bien une voie de droit extraordinaire, pour plusieurs motifs qui se complètent. Il est la seule voie de droit au Tri-bunal fédéral qui ne peut être saisie que par les particuliers, personnes phy-siques et morales, à l’exclusion des autorités46. Il ne peut être formé que pour un seul grief, la violation de droits constitutionnels tant en ce qui concerne le droit appliqué que les faits constatés par l’autorité cantonale, et cette limi-tation constitue bien une exclusivité qu’il ne partage avec aucune autre voie de recours fédérale. Il s’efface complètement derrière les recours unifiés et

37 Karlen (note 9), 56

38 Gerber (note 12), titre.

39 FF 2001 4033 ; Heinrich Koller, Grundzüge der neuen Bundesrechtspflege und des vereinheit- lichten Prozessrechts, ZBl. 2006, 57, 75.

40 Ibid., 251.

41 Office fédéral de la justice (note 2), 2.

42 Gerber (note 12), 248.

43 Michel Hottelier, Entre tradition et modernité : le recours constitutionnel subsidiaire, in : Bellanger / Tanquerel (note 1), 71.

44 Koller (note 39), 57, 80.

45 Ulrich Zimmerli, NZZ 13/14 août 2005.

46 Les art. 76 al. 2, 81 al. 3 et 89 al. 2 LTF confèrent la qualité pour agir , à certaines conditions, aux autorités administratives fédérales.

extraordinaire, considérant qu’il s’agit bien plutôt d’un « recours unifié rac-courci » (verkürzte Einheitsbeschwerde)37 ou d’un « dérivé du recours unifié »38.

Il n’empêche que le recours constitutionnel n’est pas un recours ordi- naire. Celui-ci a, dans la nouvelle architecture judiciaire fédérale, la fonction essentielle de garantir que les actes qui en font l’objet sont conformes à l’en-semble du droit supérieur, à l’exception du droit cantonal ordinaire (art. 9 LTF). A l’égard des décisions fédérales, il vise à s’assurer de leur légalité ; pour ce qui est des actes cantonaux, il doit garantir leur conformité au droit fédéral. La caractéristique principale du recours unifié – à savoir la possibi-lité, pour le recourant, de faire valoir à l’égard de l’acte attaquable tous les griefs dont le Tribunal fédéral peut connaître39 – ne parvient donc pas à gom-mer la double fonction, fédéraliste et légaliste, qui est la sienne40.

La finalité du recours constitutionnel en revanche est plus réduite : pro-téger le particulier contre les violations des droits constitutionnels qui sont le fait des autorités cantonales dans les domaines et les situations où, préci-sément, les recours ordinaires au Tribunal fédéral sont fermés. Même son histoire marque la différence : il a été « ajouté aux trois recours ordinaires »41, on en a fait « une voie de droit autonome »42. Comment peut-on qualifier de « voie de droit satellite »43, de « boîte de Pandore »44, voire d’« œuf de coucou »4 une voie de recours qui serait ordinaire ?

Le recours constitutionnel est donc bien une voie de droit extraordinaire, pour plusieurs motifs qui se complètent. Il est la seule voie de droit au Tri-bunal fédéral qui ne peut être saisie que par les particuliers, personnes phy-siques et morales, à l’exclusion des autorités46. Il ne peut être formé que pour un seul grief, la violation de droits constitutionnels tant en ce qui concerne le droit appliqué que les faits constatés par l’autorité cantonale, et cette limi-tation constitue bien une exclusivité qu’il ne partage avec aucune autre voie de recours fédérale. Il s’efface complètement derrière les recours unifiés et

37 Karlen (note 9), 56

38 Gerber (note 12), titre.

39 FF 2001 4033 ; Heinrich Koller, Grundzüge der neuen Bundesrechtspflege und des vereinheit- lichten Prozessrechts, ZBl. 2006, 57, 75.

40 Ibid., 251.

41 Office fédéral de la justice (note 2), 2.

42 Gerber (note 12), 248.

43 Michel Hottelier, Entre tradition et modernité : le recours constitutionnel subsidiaire, in : Bellanger / Tanquerel (note 1), 71.

44 Koller (note 39), 57, 80.

45 Ulrich Zimmerli, NZZ 13/14 août 2005.

46 Les art. 76 al. 2, 81 al. 3 et 89 al. 2 LTF confèrent la qualité pour agir , à certaines conditions, aux autorités administratives fédérales.

apparaît ainsi, à l’instar du recours de droit public47, comme l’ultima ratio pour le particulier qui se sent atteint dans ses droits constitutionnels et qui ne peut soumettre cette atteinte au Tribunal fédéral par les recours unifiés.

Dans le document Les recours au Tribunal fédéral (Page 168-171)