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Nécessité de redéfinir les frontières de la responsabilité juridique

Notre notion juridique commune de responsabilité, fixée par le Code Civil de 1804, repose sur la représentation d’une humanité conçue comme ensemble de sujets autonomes, c'est-à-dire libres, conscients et volontaires. D’où la légitimité de principe de la définition du sujet comme « auteur garant de ses actes », donc capable moralement de promettre aux autres et juridiquement d’obéir à une loi reconnue par les citoyens eux-mêmes. D’où la légitimité aussi d’un système juridique où les sanctions frappent les sujets à hauteur de leur implication causale dans les dommages reconnus par la loi. Liberté autonome, responsabilité, causalité, réparation et sanction forment le système moral et juridique qui nous permet de réduire la complexité du monde, la confusion des faits, et de vivre ensemble en relative stabilité. Trois articles du Code Civil circonscrivent la responsabilité :

“Article 1382

Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Article 1383

Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Article 1384

On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.”

On voit que cette définition juridique de la responsabilité pour faute repose entièrement sur la possibilité de définir et délimiter ce qui est « mon fait » (mes actes, mes biens, les personnes et animaux à ma charge) pour m’en faire supporter la charge éventuelle, à exclusion de tout ce qui n’est pas dû à mes actes ou aux conséquences de ce qui est « sous ma garde ». L’injustice commence quand on me demande des comptes pour ce qui ne m’incombe pas, quand on m’accuse de dommages qui ne relèvent pas de mon fait, quand on me charge de ce qui n’est

pas en mon pouvoir de porter, quand on me soumet au paiement d’une dette impayable et que je n’ai pas contracté volontairement91. Certes, il ne sera pas toujours facile de délimiter cette sphère (ce que laisse déjà entendre l’article 1384), ce pour quoi il existe des procès et des délibérations, mais le système repose de toute façon sur la présupposition de la possibilité d’une double distinction : celle entre les faits humains et ceux de la nature d’une part (l’action évitable versus la fatalité), celle entre les faits de tel humain et les faits de tel autre d’autre part (l’action de l’un versus celle de l’autre). Il y a responsabilité parce qu’il y a possibilité de distinguer ce qui dépend de moi de ce qui dépend soit des autres, soit de personne d’autre (donc de la nature, de l’aléa, du hasard, de la fatalité).

Cette distinction est centrale pour le système juridique, puisque sur elle repose tout le processus d’imputation qui va permettre, en distinguant et attribuant un « fait » à un auteur, de disculper tous les autres agents possibles, donc de distinguer le coupable de l’innocent, ce qui est la finalité même du judiciaire. Le jugement d’imputation fonctionne de manière symétrique pour tous les sujets de droit : ma responsabilité est ton innocence, et réciproquement. Il y a ce qui relève des personnes et ce qui arrive sans auteur, donc qui ne relève d’aucune exigence juridique. Se compose ainsi l’image juridique d’un monde de personnes égales en droit et libres de causer des séries de conséquences dans la réalité, conséquences qui peuvent être définies, distinguées et attribuées à leurs auteurs, afin qu’ils en supportent les charges définies par la loi. Et pourtant, cette distinction est de plus en plus problématique, au regard des « brouillages ontologiques » qu’entraine la transformation de l’agir humain à l’âge de la technoscience, et tout ce qui arrive sans auteur, mais du fait de la présence humaine. On assiste en effet à une porosité croissante des cadres ontologiques autrefois parfaitement définis et infranchissables : le partage entre Nature et Culture, l’ordre du monde et l’ordre des hommes, physis et nomos.

En fait, ce « grand partage » entre nature et politique92 n’était dû qu’à la pauvreté de notre pouvoir technologique et savoir scientifique, qui ne faisaient qu’égratigner la surface du

      

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Et c’est pourtant hélas exactement ce qui arrive quand on m’accuse de participer sans le vouloir au réchauffement planétaire, à la disparition de la biodiversité, au financement de trafics internationaux de toutes sortes, à l’exploitation des enfants du Tiers-Monde, de par les gestes routiniers de mon quotidien. Faut-il alors me charger du malheur du monde ? ou m’exaspérer et me déculpabiliser pour ce qui, de toute façon, ne dépend pas vraiment de moi ? On voit que tant que n’est pas instituée une véritable responsabilité sociale dont je puisse participer, je n’ai pas de solution autre que le « sanglot de l’homme blanc » ou le « je-m’en-foutisme ».

monde. Mais le XXème siècle a vu l’avènement d’une sorte de bio-anthropo-sphère93 où il n’est plus possible de distinguer clairement entre ce qui relève de la norme des hommes ou des lois de la nature. Aujourd'hui, les chefs d’Etats se réunissent pour décider de combien de degrés augmentera la température moyenne de la planète dans les prochaines décennies. Il ne faut pas s’en étonner, car nous habitons maintenant dans nos objets qui ont grandi jusqu’à atteindre l’échelle du monde. L’homo faber fabriquait et utilisait des outils, qu’il tenait sous son regard et sous sa main, pour résoudre localement des problèmes locaux. Les concepteurs/opérateurs humains des systèmes technologiques habitent aujourd'hui dans les processus planétaires qu’ils déclenchent en essayant de les gérer. Nous vivons, depuis le milieu du XXème siècle, dans des « objets-monde », comme l’explique Michel Serres, qui les définit comme des objets paradoxaux :

“dont l’une au moins des dimensions est commensurable à l’une des dimensions du monde. Un satellite, pour la vitesse, une bombe atomique, pour l’énergie, l’Internet, pour l’espace, les résidus nucléaires pour le temps94… voilà quatre exemples d’objets-monde. Sont-ce encore des objets ? Qu’est-ce donc qu’un objet ? Au sens littéral : « cela qui est jeté ou que l’on jette devant ». Les objets-monde gisent-ils devant nous ? La dimension globale ou mondiale qui caractérise les objets-monde supprime, en effet, la distance entre nous et eux, écart qui définissait autrefois nos objets ; nous habitons dans ces nouveaux objets comme dans le monde.”95

C’est à une ontologie floue qu’il faut désormais nous habituer, une ontologie où le local dépend du global et vice-versa96, où la nature (donc aussi les sciences) devient partenaire politique, où les choses, autrefois bien présentes sous l’œil et la main qui savaient les manier et les tenir à distance, dans une objectivité non-humaine, se transforment en “objets chevelus”, comme dit Bruno Latour. Les “objets chevelus” se définissent comme des “attachements risqués” et s’opposent aux “objets chauves” normaux. Leurs « cheveux » s’entremêlent avec

      

93 Dans son livre Les scénarios de l’écologie, Hachette, 1996, le philosophe Dominique Bourg cite le géochimiste russe W. Vernadsky, qui parle du genre humain comme d’une véritable « force géophysique » (p 7), capable maintenant d’intervenir sur les grands cycles biochimiques et physiques qui régulent la planète.

94 Rajoutons : les OGM pour la vie et les nanotechnologies pour la dimension atomique. Nous avons donc atteint les dimensions du monde pour l’espace et le temps, la vitesse et l’énergie, l’atome et la vie. Il faudrait être bien naïf pour considérer encore cette technosphère comme un simple « moyen » au service des utilisateurs autonomes humains, comme s’il s’agissait d’outils que l’on tient dans la main. Cette naïveté est pourtant celle de tous ceux qui pensent que la solution à nos problèmes mondiaux actuels est d’ordre technique et sera résolue par quelques inventions d’ingénieurs. Comme le remarque Bruno Latour : “Le problème avec les machines, c’est qu’elles ne sont justement jamais des moyens” (Latour B. Changer de société, refaire de la sociologie, La Découverte, p 112).

95 Serres M. Retour au Contrat Naturel, op.cit. p 12.

ce qu’il y a autour d’eux, créant des liens et des réseaux dont on ne peut plus séparer les éléments, comme s’ils étaient « chauves » :

“Contrairement à leurs prédécesseurs, ils n’ont pas de bords nets, pas d’essences bien définies, pas de séparation tranchée entre un noyau dur et leur environnement. C’est à cause de ce trait qu’ils prennent l’aspect d’êtres échevelés, formant rhizomes et réseaux. Deuxièmement, leurs producteurs ne sont plus invisibles, hors champ, mais apparaissent au grand jour, embarrassés, controversés, compliqués, impliqués, avec tous leurs instruments, leurs laboratoires, leurs ateliers, leurs usines. La production scientifique, technique et industrielle fait, depuis le début, partie intégrante de leur définition. Troisièmement, ces quasi-objets n’ont pas à proprement parler d’impact comme s’ils tombaient de l’extérieur sur un monde différent d’eux. Ils ont des connexions nombreuses, des tentacules, des pseudopodes, qui les relient de mille façons à des êtres aussi peu assurés qu’eux et qui, par conséquent, ne composent plus un autre univers indépendant du premier. Il n’y a pas, pour les traiter, d’un côté le monde social ou politique et, de l’autre, celui de l’objectivité et de la rentabilité. Enfin, et c’est là sans doute le plus étrange, on ne peut plus les détacher des conséquences inattendues qu’ils déclencheraient à très long terme, très loin d’eux, dans un monde incommensurable. Au contraire, tout le monde s’attend, paradoxalement, aux conséquences inattendues qu’ils ne vont pas manquer de susciter, conséquences qui leur appartiennent en propre, dont ils acceptent la responsabilité.”97

Cette description phénoménologique n’est pas un discours fumeux de philosophe, mais l’exacte sensation que doit avoir un entrepreneur, par exemple, qui engage son organisation dans une certification de responsabilité sociale et environnementale, et qui voit se transformer sous ses yeux les innocentes fournitures et doux contrats de son quotidien industriel d’antan (objets chauves) en terribles imbroglios juridico-géo-politiques, dans lesquels ces fournisseurs douteux en zones franches indonésiennes ou honduriennes, ces matières premières arrachées aux forêts primaires amazoniennes, ces mains d’enfants d’ateliers indiens, acquièrent une proximité, une réalité et un impact décisif sur la rentabilité du négoce, et l’opinion du certificateur (objets chevelus, attachements risqués).

Mais c’est aussi l’action humaine qui perd son apparente netteté d’antan. Edgar Morin souligne l’irrémédiable incertitude liée à l’éthique complexe contemporaine, en relation avec ce qu’il appelle le principe de l’écologie de l’action :

“Toute action échappe de plus en plus à la volonté de son auteur à mesure qu’elle entre dans le jeu des inter-rétro-actions du milieu où elle intervient.”98

      

97 Latour B. Politiques de la nature, La Découverte, 2004, p 40.

Ce principe permet de dépasser la “morale insulaire” du sujet se focalisant sur ses bonnes intentions, sa bonne volonté et ses bonnes actions ponctuelles, car il est clair que nulle action n’est assurée d’œuvrer dans le sens de son intention:

“Les effets de l’action dépendent non seulement des intentions de l’acteur, mais aussi des conditions propres au milieu où elle se déroule.”99

C’est pour cela qu’une même action peut avoir des effets différents selon les contextes100, et que l’éthique de la responsabilité ne peut échapper à l’incertitude :

“On peut envisager ou supputer les effets à court terme d’une action, mais ses effets à long terme sont imprédictibles.”101

Selon Morin, loin de nous faire tomber dans le désespoir et le relativisme moral total, cette incertitude doit réveiller le sens autocritique de la morale, développer la volonté d’assumer nos responsabilités de façon vigilante et prudente, éviter le dogmatisme de la certitude déontologique. Une éthique responsable reste éveillée face à ses propres présupposés.

Or, face à ces brouillages ontologiques, le maintien par le système juridique d’une distinction tranchée entre ce qui dépend de moi, ce qui dépend d’un autre que moi, et ce qui ne dépend de personne, afin d’établir les responsabilités de chacun, n’était pas tenable pour tout ce qui concerne le champ de l’action collective et de ses conséquences sociales. C’est sous la pression de l’impossibilité de maintenir raisonnablement cette double distinction que la notion de responsabilité en est venue à évoluer progressivement durant les deux derniers siècles. Dans un premier temps, c’est l’aléa, ce qui arrive sans cause et sans auteur volontaire, qui a été « humanisé », dès la fin du XIXème siècle, dans une société industrielle où les dommages et accidents, désormais statistiquement « prévisibles », ont pu être calculés et intégrés à la responsabilité des personnes physiques et morales, sous la forme d’obligations de contracter des assurances pour l’indemnisation des victimes éventuelles. C’est ainsi que la responsabilité pour faute s’est vue progressivement complétée par la fameuse « responsabilité sans faute »,

      

99 Idem. p 41.

100

La notion de seuil critique est ici fondamentale pour décrire la « qualité morale » des nouveaux contextes d’action. La morale ordinaire ne la prend pas en compte : pour elle, une action est bonne ou mauvaise en soi. Tandis qu’une éthique de la responsabilité doit la prendre en compte : une action autrefois indifférente peut devenir mauvaise (insoutenable) une fois passé un certain seuil critique systémique. C’est Ivan Illich qui a le mieux souligné cette notion fondamentale de « seuil critique » dans son analyse des institutions modernes et des monopoles radicaux qu’elles génèrent (Illich I. La convivialité, Seuil, 1973).

qui engage la personne, l’organisation ou l’Etat, en l’absence même de toute faute et agissement, à raison des risques qu’une activité entreprise fait courir aux autres ou à soi-même102. D’abord centrée sur les risques du travail, cette responsabilité sans faute s’étend aujourd'hui à tous les aspects de la vie quotidienne, pleinement investie par le marché de l’assurance tous risques, avec tout ce que cela entraine comme amélioration progressive de la prévention et de la prévoyance.

Au final de cette socialisation de la responsabilité, dans le cadre d’une société assurantielle (où le support des coûts de réparation des dommages est mutualisé par l’obligation de contracter des assurances), on peut aujourd'hui dire que l’aléa n’existe plus vraiment. Non seulement il est calculable et donc d’une certaine manière prévisible, comptabilisable, grâce au travail des compagnies d’assurance, mais en plus il y a désormais de la responsabilité humaine partout où il y avait avant de la fatalité ou du hasard : Tel accident du travail n’est pas sans lien avec la cupidité du patron, telle maladie chronique est liée à la manipulation de produits chimiques, telle famine a bien des raisons politiques, et même la gravité des tsunamis peut être qualifiée d’origine humaine puisque l’urbanisation des côtes et la disparition des barrières de corail sont à rattacher à l’industrie du tourisme et la pollution industrielle. Là où tout semble indiquer de prime abord que « c’est la faute à pas de chance », un examen plus approfondi nous ramène régulièrement à un « c’est bien la faute de notre système économique et politique ». Et de toute façon, tout nouvel accident donnera lieu à de nouvelles directives d’experts, normes de production, règles professionnelles, certifications de qualité, etc. qui augmenteront d’autant la prise en charge humaine des aléas de l’existence. Partout où la fatalité recule, la responsabilité avance, mais pas forcément celle de personnes imputables dans le cadre rassurant de la logique de la responsabilité pour faute, surtout lorsque le dommage n’est plus de l’ordre de l’accident.

En effet, la logique de l’assurance contre les risques ne fonctionne que pour ce qui est calculable, indemnisable et réparable, donc pour ce qui survient ponctuellement sur fond de normalité : elle est utile pour lutter contre l’accidentel. De même que la responsabilité pour faute (qui est utile contre la méchanceté) doit pouvoir délimiter la cause du dommage, donc l’auteur imputable, de même la responsabilité sans faute doit pouvoir délimiter le « fait » du

      

102 Voir : Engel L. La responsabilité en crise, Hachette, 1995 ; Ewald F. Histoire de l’Etat Providence, Grasset, 1996.

dommage, donc la victime à indemniser, pour pouvoir se reporter ensuite vers le garant éventuel de la réparation, qui ne sera pas forcément le fautif. Cela n’est possible que si le dommage dont il s’agit relève du domaine de l’accident, ou à la limite de celui de la catastrophe, considérée celle-ci comme un « grand accident » dont on peut encore dénombrer les victimes, les coûts et les garants responsables.

Rien de tout cela n’est possible au regard des « risques systémiques » que la société industrielle avancée génère du fait de tout le monde et dont tout le monde est la victime potentielle ou avérée : le changement climatique, l’augmentation des cancers et maladies d’origine environnementale, les crises financières mondiales à répétition, la fragilisation des écosystèmes, le creusement des inégalités économiques et les flux migratoires qu’elles engendrent, ou bien encore la perte de biodiversité globale… ne sont plus des phénomènes qui relèvent de l’accidentel sur fond de normalité, et que l’on pourrait réparer et indemniser (comme les accidents du travail). Ce sont des phénomènes systémiques qui relèvent de l’organisation de la société tout entière, qu’aucun assureur ne voudra ni ne pourra prendre en charge. Ce sont des « dommages-monde » dans lesquels nous habitons, pourrait-on dire, en parodiant l’expression « objets-monde » de Michel Serres. Là, la responsabilité ne peut être que « sociale », car c’est le mode de vie de tout le monde qui génère ces effets globaux collatéraux.

Nous assistons donc à une progression logique de la socialisation de la responsabilité juridique, au regard de l’évolution des risques encourus dans la société technoscientifique. François Ewald synthétise en trois étapes l’évolution de la conception de la responsabilité juridique103 :

• le XIXème siècle, centré sur la responsabilité personnelle pour faute, dans le cadre d’une société capitaliste libérale où les individus souverains, passant des contrats les uns avec les autres, se doivent d’assumer de manière autonome leur prévoyance face aux aléas de l’existence (temps de la responsabilité pour faute).

      

103

Ewald F. « Le retour du malin génie. Esquisse d’une philosophie de la précaution » In : Godard O. (dir.) Le principe de précaution dans la conduite des affaires humaines, Editions de la Maison des sciences de l’homme, INRA, 1997.

• le XXème siècle, centré sur la solidarité sociale et la responsabilité sans faute, dans le cadre de la social-démocratie et l’Etat providence, où les individus intègrent un système d’assurance mutuelle pour la prévention générale des risques et l’indemnisation des victimes (temps de la responsabilité sans faute).

• le XXIème siècle commençant s’orienterait, lui, vers l’exigence de sûreté au travers de l’exercice d’un principe de précaution, pour éviter les catastrophes et menaces systémiques (temps de la responsabilité sociale ?).

Dès que l’on dépasse le simple paradigme libéral du XIXème siècle, note Ewald, centré plus sur les notions morales de faute, vertu, prévoyance et bienfaisance, que sur des obligations juridiques, s’instaure une “scission entre la causalité et l’imputation” dans la détermination de la réponse sociale à l’accident : on assoit “le droit à réparation sur le fait même de l’accident, du dommage subi, quelle qu’en soit la cause”, dans un souci de solidarité avec les victimes et de leur droit légitime à l’indemnisation immédiate104. C’est ainsi que se définit la logique de la