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Hypothèse de travail : la Responsabilité Sociale comme moyen d’opérationnaliser la responsabilité globale la responsabilité globale

Il est temps maintenant de résumer la problématique de la responsabilité globale et de poser nos hypothèses de solution. Entre ma responsabilité juridique et morale personnelle, délimitée par mon pouvoir d’agir et de répondre de ce qui est à ma charge, et la responsabilité infinie de l’humanité pour les effets collatéraux des systèmes sociaux, responsabilité collective et politique, on a vu qu’il y a plus qu’un grand écart, plutôt un abîme dont il est difficile de voir comment il pourrait être franchi. La responsabilité morale et juridique est nécessairement limitée à « mon fait », tandis que la responsabilité globale est nécessairement illimitée à tous les effets collatéraux de toutes les actions humaines. Mais on a vu aussi que ce problème devait être résolu, que la responsabilité globale, pour être une vraie responsabilité et non pas seulement un vœu pieux, un engagement altruiste dépendant de la libre volonté de chacun, devait pouvoir être institutionnalisée et être opposable aux différents acteurs sociaux de notre société du risque. De là la question : Comment faire d’une responsabilité globale en soi

      

176 Encore une fois, c’est cela qui nous semble être la signification première de la « globalisation » : le devenir globe de notre société, donc la suppression de l’ailleurs, du dehors, du lointain, de l’étranger. Dans une « société globale » il n’y a plus personne de radicalement « étranger », car nous sommes tous voisins interdépendants. C’est à la fois une bonne nouvelle éthique (chacun est mon prochain) et une situation étouffante et dangereuse : il faut faire attention à tout, car tout compte et plus rien ne peut être « laissé-pour-compte », c'est-à-dire externalisé.

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H. von Foerster. Cité par Cerutti M. « Taches aveugles, écologies du changement, dynamiques d’auto-éco-organisation », in : Andreewsky E. et Delorme R. (dir.) Seconde cybernétique et complexité, rencontres avec Heinz von Foerster, op.cit. p 44.

illimitée, donc non opposable aux agents sociaux, une responsabilité limitée, institutionnellement reconnue, donc opposable aux agents sociaux ?

Une opposabilité de la responsabilité globale (c'est-à-dire la capacité de la société à l’exiger de ses membres individuels ou organisationnels) n’est pas a priori juridiquement impossible, car les mêmes arguments qui servent à limiter la sphère d’imputation à la sphère du pouvoir de l’agent peuvent être retournés en faveur d’une responsabilité globale :

Le changement climatique, le dumping social, ainsi que le dumping fiscal et normatif des entreprises multinationales, le trou dans la couche d’ozone, l’augmentation des maladies dues à une alimentation chimique, la pollution des nappes phréatiques ou la crise de biodiversité (et sociodiversité) sont bien notre fait, qui n’existerait pas en l’absence de l’industrialisme moderne. Les effets collatéraux de ce que nous faisons sont bien aussi notre fait, ce que nous faisons.

Or, en application de l’article 1382 du Code Civil, tous ces faits, qui causent à nos conditions présentes et futures d’habitabilité planétaire et d’hospitalité sociale un dommage, obligent ceux par la faute desquels ce dommage est arrivé (nous tous, noqanchis, les humains des sociétés industrielles) à le réparer, c'est-à-dire à inventer une économie « réparatrice »178 qui assure la soutenabilité et dignité de la vie humaine au présent et au futur. Et comme nous sommes devenus profondément interdépendants dans un monde « glocal » (où les actions locales ont des répercutions globales, et où les phénomènes globaux ont des répercutions locales), l’article 1383 du même Code Civil enjoint chacun à reconnaître sa responsabilité dans les injustices du monde : Même par simple négligence ou passivité, nos routines quotidiennes de consommation et production ne sont pas sans rapport avec le maintien, voire l’aggravation, de l’exploitation au travail comme coût voilé de nos denrées à bas prix, avec le mépris des Droits de l'Homme dans les pays du Sud, avec l’épuisement des écosystèmes et des conditions d’hospitalité sociale dans de nombreuses régions du monde dévastées par

      

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Le terme “économie réparatrice”, qui a l’avantage de bien souligner l’aspect destructeur de notre économie dominante actuelle, se trouve chez l’entrepreneur américain Paul Hawken (L’écologie de marché, ou l’économie quand tout le monde gagne, Le souffle d’or, 1995). L’auteur critique notre compréhension primitive du commerce en termes simplets de profits et propose d’utiliser “les nombreuses techniques organisationnelles de la libre entreprise qui se sont révélées efficaces” (p 26) dans une nouvelle lecture économique de l’entreprise, où l’économie “restaure les écosystèmes et protège l’environnement en mettant en avant l’innovation, la prospérité, un travail intéressant et la vraie sécurité” (p 16).

l’industrialisme, ce qui assure l’hospitalité et le confort d’autres régions où les électeurs cherchent à se prémunir contre l’immigration des populations obligées à l’exode loin de leurs terres meurtries179.

Il suffit donc de s’attribuer les faits sociaux globaux pour que le mécanisme juridique de l’imputation se remette en marche, cette fois-ci au niveau des dommages-monde. On voit que le contenu et l’étendue de la responsabilité qu’on voudra bien assumer dépendra de l’intensité et de l’étendue de nos relations au monde qu’on voudra bien admettre et s’attribuer, c'est-à-dire connaître et reconnaître. De notre capacité à reconnaître que les objets sociaux sont « chevelus », et non pas « chauves » (Latour), et se tiennent dans une interdépendance inexpugnable, dépendra l’élargissement des frontières morales et juridiques de notre responsabilité vers un Contrat planétaire intégrateur. Au contraire, plus on se centrera sur l’action immédiate ponctuelle déliée du tout, donc plus on sera « négligent » (étymologiquement : « nier les liens »), moins on pourra reconnaître une responsabilité au-delà du petit cercle des affaires personnelles, au-delà du petit “carré de luzerne”, comme dit Michel Serres, de l’individu atomisé, séparé, prétendument indépendant, l’individu de l’époque libérale du Contrat Social. Mais a-t-on encore le choix de se tourner vers la première modernité et feindre de ne pas habiter dans des objets-monde, de ne pas provoquer des dommages-monde, de ne pas être tenus à une responsabilité-monde ? :

“Quand notre outillage, local, nous réduisait à ne travailler que notre petit carré de luzerne, nous n’étions pas constamment informés des changements globaux de la Terre (…) La seule information intéressante concernait le lopin. En ces temps-là, passé le champ et le village, n’existaient pour nous que du désert et des populations vagues. Notre contrat social comprenait peu d’objets tirés par un nombre médiocre d’associés.(…) Il n’y avait pas de nature, au sens global de ce mot : le contrat social dit moderne l’ignore ; pour lui le collectif habite son histoire qui n’habite nulle part.

      

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Par exemple, chaque fois que l’on utilise l’électricité chez soi en France, vu qu’elle est principalement d’origine nucléaire, ce geste a des retombées sur la vie et la santé de milliers de personnes au Gabon et au Niger qui travaillent à extraire l’uranium de mines pour le compte d’AREVA. Après plusieurs années de luttes, les ONG Sherpa et Médecins du Monde ont réussi à imposer à AREVA en 2009 l’institution d’Observatoires de la Santé sur les sites d’exploitation, comme première démarche de responsabilisation sociale pour la protection sanitaire des employés et de leurs familles. Mais tout est loin d’être réglé pour assurer l’égalité de traitement médical et de vigilance sanitaire entre des citoyens français nantis d’électricité et de Sécurité Sociale et des citoyens nigériens touchés par la radioactivité. En allumant mon ordinateur pour écrire ces lignes, le mineur nigérien devient automatiquement mon prochain, se dresse son Visage (Lévinas), commence ma responsabilité… oserai-je dire : « Me voici ! », ou chercherai-je à me défausser en disant : « ce n’est pas ma faute, ce n’est pas mon problème » ?

Je me souviens, pour y avoir vu le jour et assimilé une culture, de cet ancien monde sans monde, où nous n’étions que localement liés, sans responsabilité aucune au-delà de nos étroites frontières.”180

Autant dire que ce monde étroit à la responsabilité bornée n’est plus. Michel Serres continue, décrivant ce qu’il appelle le nouveau Contrat Naturel qui définit aujourd'hui nos responsabilités globales :

“La puissance globale de nos nouveaux outils nous donne aujourd'hui la Terre comme partenaire, que nous informons sans cesse par nos mouvements et nos énergies, et qui nous informe, par énergies et mouvements, de son changement global, en retour. (…) L’effacement progressif des événements locaux constitue le plus grand événement contemporain global (…). Nous vivons contractuellement avec la Terre, depuis récemment. (…) Equipotents à elle, nous sommes devenus la biplanète de la Terre qui devient également notre biplanète, liés tous deux par toute une planète de relations. Nouvelle révolution, au sens copernicien, pour notre grandeur et nos responsabilités. Le contrat naturel ressemble à un contrat de mariage, pour le pire et le meilleur.”181 Si je vis aujourd'hui dans un monde globalisé, je ne peux m’en délier sans mauvaise foi. Au niveau personnel, il est évident que je ne peux de manière responsable m’accuser et me charger de tout le poids des malheurs du monde, depuis le petit centre de gravité de mon agir individuel. Nous avons vu d’ailleurs que responsabilité n’impliquait pas culpabilité. Mais il est tout aussi évident que je ne peux pas non plus m’en défaire et considérer mon petit agir de façon autiste dans l’ignorance volontaire de ses interactions avec le tout (« après moi le déluge, car je ne veux pas me culpabiliser », n’est pas une attitude responsable). Au niveau collectif, il est évident que le destin de l’humanité incombe à l’humanité et doit constituer son souci éthique commun. Mais il est tout aussi évident que l’humanité n’existe pas comme sujet unifié, univoque et volontaire, et qu’il faudra organiser et partager une coresponsabilité planétaire articulée entre de nombreuses instances intermédiaires coordonnées à tous les niveaux micro, méso et macro-sociaux, autour de buts et principes universels communs. Il nous faudra de la gouvernance. Comment prendre et partager cette responsabilité globale commune pour ce monde commun global qui est le nôtre ?

Le sens du présent travail repose sur l’exigence éthique suivante : A l’heure de la globalisation d’une communauté humaine de risque et de destin, nous avons besoin d’une définition

      

180 Serres M. Le Contrat Naturel, François Bourin, 1990, p 169-170 (je souligne).

responsable de nos responsabilités, c'est-à-dire d’une définition qui permette deux opérations :

1. quant à son contenu, de prendre en compte toutes les vulnérabilités182 qu’il faut protéger, sans exclusion illégitime de laissés-pour-compte, soit une responsabilité véritablement universelle ;

2. quant à sa dynamique, de « prendre » réellement ces responsabilités dues, de les opérationnaliser dans des systèmes sociaux efficaces et moralement légitimes, de les distribuer équitablement, sans en rester au simple niveau déclaratif du vœu pieux, soit une responsabilité véritablement effective.

Trouver une responsabilité à la fois universelle et effective, tel est l’enjeu. La stratégie argumentative de notre travail est la suivante :

1. La responsabilité globale est possible comme opérateur de créativité politique.

2. La Responsabilité Sociale peut constituer le moyen d’opérationnaliser la responsabilité globale dans le monde.

3. Des carences philosophiques limitent la portée de la Responsabilité Sociale et doivent donc être dépassées.

Premièrement, la responsabilité globale à laquelle se réfère l’éthique universaliste actuelle doit exister, car elle est fondée tant sur l’humanisme des Droits de l'Homme que sur les exigences écologiques de soutenabilité. Nous devons donc fonder sa possibilité théorique et pratique en résolvant les problèmes philosophiques qui rendent son concept difficilement pensable, du fait de l’absence de sujet imputable pour prendre cette responsabilité paradoxale (l’humanité entière) et du fait de l’infinité de l’objet dont il faut répondre (le monde entier). La responsabilité globale est paradoxale car il s’agit d’une responsabilité illimitée et sans auteur, puisqu’elle concerneles faits et effets sociaux qui sont « œuvre humaine sans auteur » (Sartre). Mais cette « monstruosité conceptuelle » ne doit pas nous faire reculer. Elle correspond, en fait, à la monstruosité de notre nouveau pouvoir d’agir sur le monde et sur nous-mêmes. Il ne faut donc ni fuir, ni réduire le paradoxe, mais le tenir et organiser néanmoins sa solution de la façon la plus responsable possible, en instituant un régime de

      

coresponsabilité sociale tournée vers la globalité de la prise en compte progressive des conséquences de l’agir humain. Cette responsabilité collective, illimitée et sans auteur, doit animer l’auto-dépassement de toutes les responsabilités individuelles, limitée et imputées à des personnes (physiques ou morales). Notre première hypothèse est donc que l’idée d’une responsabilité globale n’est pas une impossibilité, mais un opérateur de créativité politique à l’âge de la technoscience globale.

Deuxièmement, cette mise en application sociale de la responsabilité globale nous semble émerger actuellement à travers le mouvement de la « Responsabilité Sociale ». Nous soutenons en effet l’hypothèse que la Responsabilité Sociale peut constituer le moyen d’opérationnaliser183 les exigences de responsabilité globale par un travail d’auto-dépassement des politiques de gestion des organisations dans la société actuelle, le moyen de la rendre praticable sans en trahir l’exigence éthique ultime.

Nous désignons par « mouvement de la Responsabilité Sociale » le courant mondial qui s’est développé dans les dernières décennies et qui a abouti récemment à une synthèse consistante avec l’élaboration de la norme ISO 26000, que nous étudierons ci-dessous. Nous entendons donc par Responsabilité Sociale un fait social réel et non pas une possibilité philosophique, bien que nous nous réservions le droit, dans un travail à vocation éthique, d’envisager la Responsabilité Sociale telle qu’elle devrait être au lieu de seulement analyser ce que ses porteurs d’enjeux en font actuellement. Nous nous en tiendrons à l’expression la plus commune de « Responsabilité Sociale », évitant le néologisme « sociétal » qui, en soi, n’ajoute rien. « Social » est bien l’adjectif français qui désigne ce qui se réfère à la société, et plus personne ne devrait confondre aujourd'hui la Responsabilité Sociale avec la seule thématique des rapports de l’entreprise avec ses salariés (formation, promotion, employabilité, relations syndicales), ni douter que les problèmes « environnementaux » soient des problèmes de société ! Nous écrirons toujours le concept de « Responsabilité Sociale » avec des majuscules pour signifier qu’il s’agit d’une entité dotée d’une signification spécifique cristallisée autour de pratiques sociales spécifiques, et avec des minuscules, le cas échéant, lorsqu’il s’agira de qualifier un type de responsabilité quelconque de « sociale ».

      

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En langage philosophique technique, nous dirons que la Responsabilité Sociale est le « schème » de la responsabilité globale, c'est-à-dire le moyen de transformer cette dernière, comme telle impraticable et simplement formelle, en une suite d’opérations plus concrètes que des acteurs puissent se représenter et institutionnaliser en règles d’application pratique, dans le cadre d’une organisation.

Nous écrirons les sigles « RSE » pour désigner le courant particulier de la Responsabilité Sociale des Entreprises qui, bien qu’à l’origine du mouvement, doit selon nous maintenant être dépassé vers une Responsabilité Sociale plus vaste, faisant intervenir tous les partenaires sociaux, tous les types d’organisations, publiques ou privées, lucratives ou non lucratives, locales ou globales. C’est d’ailleurs un des enjeux de la norme ISO 26000 que de dépasser le cadre strictement entrepreneurial vers une responsabilisation sociale de toutes les organisations possibles.

Nous comprendrons donc la Responsabilité Sociale comme ce lieu à la fois théorique et pratique où se construit un pont entre, d’une part, cette responsabilité limitée qui est celle qu’entend notre morale commune et notre Code Civil (« je suis responsable de mes actes et des miens, de ce qui est mon fait ») et, d’autre part, cette responsabilité illimitée qu’exige l’éthique universelle de la société globale du risque (« l’humanité est responsable du monde présent et futur »). Comprendre la Responsabilité Sociale comme ce pont dont on a besoin pour pouvoir assumer, depuis le lieu toujours local de notre action comme agent moral, l’exigence globale du souci du monde présent et à venir, permet de prétendre à une double fertilisation : (1) Donner aux acteurs de la Responsabilité Sociale un concept plus fécond du sens de leur pratique, tendu vers l’universel de la responsabilité globale, pour qu’ils ne réduisent pas leurs initiatives aux seuls détails strictement techniques d’application de normes de management, de certification et d’administration, appauvrissant ainsi leur responsabilité organisationnelle au risque de tomber dans l’alibi et l’action cosmétique. (2) Donner aux militants de la cause de la responsabilité globale des perspectives de pratiques plus fécondes que la simple critique du système-monde, car concrètement réalisables comme régulations hybrides dans les systèmes sociaux actuels, en en utilisant les dynamiques déjà éprouvées, en vue de leur assomption vers le souci de la soutenabilité planétaire. La Responsabilité Sociale devrait pouvoir réunir idéalistes et empiristes autour d’un même souci de la gestion des choses du monde qui soit soutenable pour le monde.

Troisièmement, cet enrichissement conceptuel de la Responsabilité Sociale passe par le traitement des carences théoriques qui entourent l’exigence de responsabilité globale. Ces carences sont de trois ordres : Premièrement, l’idée d’une responsabilité globale se heurte au problème de l’apparente impossibilité d’assumer une responsabilité « totale » dans un contexte

d’interdépendance mondiale ; il manque un concept de coresponsabilité éthique qui puisse correspondre aux défis d’une situation globale complexe où toutes les actions rétroagissent sur la totalité du monde, où il n’est donc pas possible de délimiter « mon fait » imputable et de le séparer des processus systémiques globaux. Deuxièmement, à la philosophie moderne manque encore l’idée d’une « éthique de la soutenabilité », qui viendrait parachever au niveau du genre humain tout entier ce qu’ont déjà permis de consolider durant la première Modernité l’idée de personne morale autonome et d’Etat de droit juste184. Troisièmement, l’éthique souffre encore d’un manque d’articulation et de médiation entre la raison instrumentale et stratégique d’une part, et la raison éthique universaliste d’autre part. Proposer aux gérants responsables d’organisations concrètes un saut dans l’utopie n’est pas responsable, ni du point de vue éthique, ni du point de vue stratégique. Se recroqueviller sur la seule défense des intérêts confiés à sa charge à l’heure de la tendance à l’insoutenabilité du tout n’est pas non plus responsable, ni d’un point de vue ni de l’autre. Il convient à une éthique de la responsabilité à la fois réaliste et universaliste de relever le défi d’accorder les deux points de vue, qui ne sont pas théoriquement inconciliables. Telle est notre troisième hypothèse.

Quant à notre plan de travail, il est fort simple : nous allons exposer maintenant des pistes de

solution au problème de la responsabilité globale que nous venons d’analyser, que nous rencontrons dans l’émergence du mouvement de la Responsabilité Sociale. Ensuite, nous devrons fonder la légitimité de cette solution, pour asseoir la cohérence de la Responsabilité Sociale sur des bases philosophiques sensées, donc potentiellement durables.

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184 Bien sûr, cette carence n’est pas absolue, ni sa solution une émergence soudaine à partir de rien. Le passage d’une philosophie éthique, uniquement basée sur la vertu personnelle (la Bonté) et la coexistence juridique en société (la Justice), à une philosophie éthique qui intègre aussi la dimension de la soutenabilité planétaire du genre humain est un processus de dépassement dont les prémisses cosmopolitiques dans l’éthique universaliste remontent déjà à Kant (Idée de Paix perpétuelle, Idée de droit cosmopolitique) et qui s’incarne aujourd'hui dans de nombreux travaux de philosophes comme Hans Jonas, Karl-Otto Apel, Vittorio Hösle, Edgar Morin, Arne Naess, John Baird Callicott, etc. Mais que cette éthique de la soutenabilité humaine qui émerge ne soit pas encore