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La solution au problème de la responsabilité globale

Responsabilité Sociale et Régulation hybride

15. La solution au problème de la responsabilité globale

Vu que la puissance de nos actions collectives dépasse de trop notre actuel pouvoir de contrôle sur elles, il nous faut absolument instituer, on l’a vu, une responsabilité globale pour la soutenabilité humaine planétaire. Cela constitue pratiquement le principal défi que doit résoudre au XXIème siècle notre société technoscientifique du risque. Il faut donc aussi tenter d’en exposer théoriquement la solution conceptuelle. Celle-ci ne tombe pas du ciel, mais suit la logique de l’évolution historique en cours depuis le XIXème siècle qui est celle de la socialisation progressive de la responsabilité, par détachement de l’imputation de ses liens trop étroits avec la causalité d’un auteur, la faute, la culpabilité, pour assumer collectivement la

problématique du risque systémique introduite par le passage à la société techno-scientifico-industrielle195.

Pour comprendre l’idée d’une « responsabilité globale » qui ne soit pas seulement une simple aspiration à l’engagement militant pour la cause globale, il faut tenir ensemble trois exigences et significations de la responsabilité :

(1) L’exigence de la responsabilité juridique de notre Code Civil : “Article 1382 : Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer”.

(2) L’exigence de concordance entre l’étendue du pouvoir d’agir et l’étendue de la responsabilité évoquée par la Déclaration Universelle d’Interdépendance, qui stipule qu’il faut : “reconnaître que la détention d’un pouvoir d’échelle globale, qu’il soit économique, scientifique, médiatique, religieux ou culturel, implique le corollaire d’une responsabilité globale, c’est-à-dire étendue à tous les effets de ce pouvoir”.

(3) L’exigence de partage de coresponsabilité entre tous les humains, au vu de leur interdépendance et solidarité face au même destin planétaire, comme le rappelle la Charte de la Terre : “Nous sommes à la fois citoyens de différentes nations et d’un seul monde où le local et le mondial sont interdépendants. Nous partageons tous la responsabilité de garantir le bien-être présent et futur de la grande famille humaine et de toutes les autres formes de vie.”

Ainsi, nous partageons tous, de par notre interdépendance et puissance collective acquise, une coresponsabilité globale pour les effets désormais globaux de nos actions, qui sont bien notre fait, et qu’il nous incombe donc de connaître, prévenir et réparer, lorsque les dits effets causent ou risquent de causer des dommages, et qu’il nous incombe même d’empêcher absolument, lorsque les dits effets pourraient entrainer notre mort globale. Nous partageons tous cette responsabilité collective, même si chacun d’entre nous ne possède pas personnellement de pouvoir global : la « responsabilité globale » n’est pas ma responsabilité, mais elle est notre

      

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Voir notre § 9 au premier chapitre, où nous avons souligné que ce mouvement de socialisation de la responsabilité (passage de la responsabilité personnelle pour faute à la responsabilité sans faute et l’assurance mutualiste) suivait une logique de relativisation progressive de l’imputation des personnes et de répartition solidaire des risques.

responsabilité, donc aussi ma responsabilité par l’intermédiaire du nous dont je suis solidaire et dont je ne puis m’exclure, puisqu’il s’agit de l’humanité entière196.

Ce concept éthique universaliste de responsabilité globale est suffisamment clair pour être proclamé et reconnu actuellement dans les diverses instances internationales, et l’on voit bien qu’il contient une « mission confiée » (Ricœur) spécifique, celle d’assurer la soutenabilité du genre humain sur une planète habitable et dans une société cosmopolitique hospitalière197 à la dignité des personnes. Notre mission confiée dit : « Il doit y avoir un avenir, et cet avenir doit être digne. Comme nous avons un pouvoir sur cet avenir, nous avons aussi une responsabilité vis-à-vis de lui ».

Il est clair aussi, nous l’avons vu, que ce concept de responsabilité globale n’est pas applicable comme tel, par jugement juridique d’imputation, puisque (1) le fait d’imputer et inculper « tout le monde » est juridiquement absurde et que (2) le fait d’imputer la charge du « tout du monde » à des sujets qui n’en sont qu’une partie est moralement injuste, autant que techniquement impraticable. Le problème de la responsabilité globale est donc qu’elle concerne un sujet universel (tous les humains) et un objet infini (le monde entier présent et à venir), sujet et objet qui ne peuvent ni être convoqués, ni supporter les limitations obligées du mécanisme de l’imputation, toujours fondé sur la distinction, l’attribution et l’exclusion de responsabilités : si tel fait est imputable à A, si A en est responsable, alors tous les autres en sont disculpés, ils n’en sont pas responsables. Imputer à tous une même responsabilité semble dès lors impossible. Imputer à chacun une responsabilité pour tout apparaît également injuste et irresponsable.

La solution à ce « dilemme de la responsabilité globale » réside dans la transformation du mécanisme d’imputation tel qu’il est classiquement entendu, à l’aune de notre « courte vue éthique » (Nietzsche), en une imputation à large vue, capable d’intégrer les phénomènes globaux systémiques. En effet, on voit bien que le mécanisme d’imputation tel qu’il est constitue ici un verrouillage théorique qui empêche de penser une responsabilité collective

      

196 « Nous » qui doit être entendu au sens du « noqanchis » quechua, c'est-à-dire nous-tous-sans-exclusion, et non pas comme un « noqayku » (nous autres à exclusion de vous).

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C’est bien entendu Kant qui a déterminé l’étroite relation entre le droit cosmopolitique et l’hospitalité : “Le droit cosmopolitique [Weltbürgerrecht : littéralement droit des citoyens du monde] doit se borner aux conditions d’une hospitalité universelle.” (Vers la Paix perpétuelle, 1795, 3ème article définitif en vue de la paix perpétuelle).

mutuelle. Il nous faut donc conserver le mécanisme de l’imputation, pour que la responsabilité globale soit effectivement opposable aux sujets sociaux, et non pas un simple vœu d’engagement altruiste non exigible (seulement conseillable, recommandable). Mais il nous faut le transformer, pour qu’il puisse accepter l’idée d’une extension de la responsabilité à la globalité de l’agir et à la mutualité de tous les humains. Il nous faut un jugement d’imputation qui puisse désigner une responsabilité sans auteur spécifique, une sorte de responsabilité de coauteurs. Chaque personne (morale ou physique) doit bien y rester responsable de son fait, mais on doit pouvoir y reconnaître que le fait en question est toujours collectif et systémique, donc que la responsabilité se doit d’en être mutualisée. Or, le jugement d’imputation procède généralement à une double restriction :

(1) Il limite en général le « fait » du sujet à sa sphère d’influence immédiate : ses actions, leurs conséquences immédiatement visibles et prévisibles, et les biens et personnes immédiatement à sa charge, à exclusion des effets collatéraux distants, médiats, relevant du long terme. L’imputation personnalise l’analyse des actions, car c’est l’auteur qui l’intéresse. Ce faisant, elle limite son domaine d’objet à ce qui peut être l’œuvre flagrante d’un auteur, et les conséquences lointaines sont abandonnées. C’est le problème moral du rapport inversement proportionnel entre la distance et la gravité, que Nietzsche avait repéré198.

(2) Il fait endosser la responsabilité à un sujet qu’il désigne et isole (sujet individuel ou collectif, personne physique ou morale), en excluant par là tous les autres, déchargés d’une responsabilité qui a maintenant été imputée, attribuée à un auteur. L’imputation de l’un innocente les autres. Par la désignation du coupable, tous sont déresponsabilisés : « c’est sa charge à lui, ce n’est plus la nôtre ». C’est le problème de l’imputation en tant que telle, qui a justement pour tâche de distinguer entre tous qui doit porter la charge de rendre compte d’un certain fait, et donc qui ne doit pas la porter. L’imputation est toujours en quête d’auteur.

      

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Rappelons : “En morale aussi, il y a une sorte d’optique. Combien l’homme se sent peu responsable des conséquences indirectes et lointaines de ses actes ! Et avec quelle cruauté excessive retombe sur nous l’effet que nous avons immédiatement causé, l’effet que nous voyons, celui que notre courte vue arrive à saisir ! Nous ne sentons le poids d’une faute que parce qu’elle est sous nos yeux. Quelle différence entraîne la distance dans la mesure de sa gravité !” (Nietzsche F. La volonté de puissance 1, op.cit. p 115). Cet « effet d’optique moral » empêche chroniquement de se sentir responsable des problèmes systémiques de l’humanité.

On comprend bien que le jugement d’imputation doive distinguer et séparer des actions ponctuelles et à courte distance de conséquences, pour pouvoir désigner des auteurs et responsables précis. Cette limitation à l’action de l’agent et cette exclusion de tous les autres agents, sont une nécessité pour le système juridique, notamment, qui doit poser sans cesse la question « qui ? », soit pour déterminer des « ayants droit » (qui a droit à quoi ?), soit pour punir des coupables (qui a commis telle faute ?). Ce faisant, l’imputation manque tout ce qui intéresse, hélas, la responsabilité que l’on cherche ici, puisqu’elle doit concerner des processus systémiques sociaux auxquels tous participent : les interdépendances sans auteur, les effets systémiques induits par les pratiques collectives, les « objets chevelus » (Latour) riches de liens et de mise en réseaux au sein d’une ontologie confuse, les dommages-monde issus de la globalisation anonyme… toutes les « avalanches » sociales dont aucun « flocon » ne se sent jamais responsable (Jerzy Lec).

Quel nouveau mécanisme d’imputation nous faut-il donc pour prendre en compte les effets systémiques globaux et sans auteur des actes locaux d’auteurs? Tout simplement un mécanisme qui fasse sauter ces deux restrictions, celle de la limitation à l’acte et celle de l’exclusion des autres, une imputation qui soit intégratrice du champ social des acteurs imputés, une « imputation sociale » :

(1) une imputation non seulement des faits immédiats du sujet, liés à sa courte sphère d’influence spatio-temporelle, mais encore une imputation des impacts du sujet, liés à toute la sphère d’influence traçable à partir de ses décisions et actions, sphère qui comprend autant les conséquences directes et indirectes des actes du sujet que les effets collatéraux non voulus, auxquels le sujet participe de façon sérielle ou groupale, ainsi que les actions et décisions de tous ceux que le sujet est susceptible d’influencer. Bref, nous avons besoin d’une imputation d’un « sujet chevelu » pourrait-on dire en parodiant Latour, un sujet qui n’est plus un atome isolé artificiellement des autres et prétendument indépendant (un « sujet chauve », conçu comme une monade), un sujet qui ne pourrait plus se défausser de ses attachements et interdépendances, et qui ne pourrait plus non plus se défausser derrière ses attachements et interdépendances, en prétendant que comme c’est le fait de tous, alors ce n’est pas son fait à lui. Nous avons besoin d’une imputation d’ « intersolidarité », comme le dit la Déclaration Universelle d’Interdépendance. Il faut donc étendre l’imputation des faits depuis la courte sphère des actes jusqu’à la large sphère des impacts des actes.

(2) Une imputation du sujet qui n’implique pas l’irresponsabilité symétrique des autres sujets, mais au contraire leur coresponsabilité : la responsabilité établie de l’un doit entrainer la responsabilité de tous les autres impliqués également dans la production des faits et impacts incriminés, en tant qu’il s’agit de processus systémiques et non pas d’événements isolés dont on pourrait désigner les auteurs par application du jugement d’imputation classique. Le mécanisme de coresponsabilisation va permettre alors de ne pas surcharger un « sujet chevelu » de responsabilités face auxquelles il ne peut presque rien, vu que les impacts qui lui incombent dépendent en fait très peu de sa causalité, mais bien au contraire de ramener bon nombre d’impacts imputables à leur vrai auteur, toujours collectif, en créant par l’imputation le sujet collectifchargé de répondre du fait commun systémique. L’imputation subit ici une sorte de révolution copernicienne : on ne cherche plus qui est l’auteur du fait, en supposant que cet auteur existe avant et en dehors de l’acte d’imputation, ce qui justifie justement qu’on le cherche et qu’on l’impute ; on le crée par l’acte d’imputation, qui fait surgir de la masse plus ou moins informe du « pratico-inerte » (Sartre) le sujet collectif comme obligation de se regrouper, prendre conscience et prendre soin de ce « pratico-inerte » au futur. L’imputation de coresponsabilité crée le « c’est nous ! » qui manque au processus social anonyme du « on » ou du « ça » de l’écoulement historique apparemment fatal et sans auteur, mais qui est et qui doit être reconnu comme notre fait, donc comme notre responsabilité. Nous définirons donc une « imputation sociale » comme une imputation qui crée le sujet de la responsabilité pour le futur, au lieu d’être une imputation qui trouve le sujet passé de la responsabilité. Là où « ça » était (le processus social pratico-inerte), « nous » devons advenir (la coresponsabilité active des citoyens unis). Tel est l’impératif de la responsabilité socialisée que l’on cherche, qui exige le passage du « pratico-inerte » au « pratico-alerte ».

Comment rendre cette coresponsabilité opposable aux sujets ? En les obligeant à s’associer pour traiter en commun leurs impacts négatifs. Double mécanisme : on exagère mais on mutualise. L’imputation au sujet des impacts de ses décisions et actions, en soi toujours exagérée car touchant rapidement des processus bien éloignés de ses intentions, ses prévisions et sa causalité, est corrigée par l’imputation symétrique de tous les coparticipants aux mêmes impacts. Et c’est cette imputation symétrique d’une pluralité d’acteurs qui constitue l’acte de création du sujet collectif de la responsabilité par l’imputation sociale. Une prise en charge effective et mutualisée par les sujets de cette responsabilité collective globale est possible, de

par le fait qu’on peut les rendre redevables et leur opposer leurs impacts négatifs (par divers moyens hybrides : légaux, sociaux, économiques, professionnels et moraux), tout en leur ordonnant un devoir d’association avec les autres coresponsables des dits impacts négatifs, pour leur correction, réparation ou élimination. Quels sujets convoquer pour une telle association de coresponsabilité ? Tous ceux qui sont parties prenantes des impacts détectés, soit parce qu’ils en sont les victimes affectées, et que donc ils ont leur mot à dire au sujet de la réparation de leurs maux, soit parce qu’ils ont un pouvoir d’influence sur ces impacts, donc un pouvoir de corriger, prévenir ou réparer. C’est donc l’impact, le problème à résoudre, qui désigne les sujets en capacité de le résoudre au futur.

L’extension de l’objet de la responsabilité est ici assurée : car l’agent devient responsable de tous les impacts de son agir, de tout ce que fait ce qu’il fait, dans toute sa « portée » et non plus seulement sa causalité directe intentionnelle. En retour, l’extension du sujet de la responsabilité est aussi assurée : car les agents sont élevés à une exigence de coresponsabilité et mutualisation des charges entre tous, alertés et tenus en alerte du devoir de l’humanité envers elle-même qui est celui de prendre soin des inerties sociales et environnementales risquées que notre simple présence sur Terre génère, devoir de passer d’un monde subit pratico-inerte à un monde voulu pratico-alerte. Il reste alors à s’associer, négocier les répartitions des charges, inventer les solutions les plus économiques pour que la coresponsabilité soit la plus efficace et légère possible, bref pratiquer la gouvernance entre partenaires distincts mais interdépendants.

Cette imputation élargie aux impacts des actions, gérée en association de coresponsabilité, constitue le schéma théorique de réponse à la question de la responsabilité globale, question que nous avions posée de deux manières dans notre premier chapitre, en soulignant à chaque fois l’écart à combler entre une responsabilité trop limitée aux faits de la personne (Code Civil) et une responsabilité trop illimitée de tous pour le tout (Charte de la Terre) : Y a-t-il un passage possible depuis les responsabilités locales, individuelles et contextuelles de tout un chacun, jusqu’à la responsabilité globale de tout le monde, responsabilité totale et absolue ? Comment faire d’une responsabilité globale en soi illimitée, donc non opposable aux agents sociaux, une responsabilité limitée, institutionnellement reconnue, donc opposable aux agents sociaux ?

La réponse serait donc théoriquement la suivante : Il faut rendre les sujets redevables des impacts de leurs actes (tels qu’ils peuvent être connus par l’état d’avancée de l’analyse scientifique et sociale) en leur exigeant la cogestion de tous leurs effets négatifs décelés, donc leur association pour le traitement efficace commun des dysfonctionnements systémiques qui rendent la vie sociale injuste et insoutenable. De cette manière, on déjoue, au sein même de l’imputation de responsabilité, le problème du caractère anonyme, sans auteur et sériel des faits sociaux : imputer à l’agent les impacts de ses actes, c’est en quelque sorte lui imputer ce dont il n’est pas vraiment l’auteur, « ce que fait ce qu’il fait » (Valéry). Mais lui imputer cela, à la limite de l’injustice, en coresponsabilité avec tous les autres, en le forçant à s’associer avec ses coresponsables, c’est lui rendre justice et dignité de coauteur qui partage les responsabilités avec tous les autres, en s’associant politiquement avec eux pour que les effets systémiques sériels, aveugles et déchainés, deviennent des effets communs groupaux, voulus et contrôlés. C’est bien entendu impossible tout seul, mais c’est possible entre nous, et nous pouvons nous y contraindre.

La coresponsabilité pour les impacts systémiques de l’agir humain est ainsi un opérateur de créativité politique destiné à redonner les droits d’auteurs (confisqués aux individus par les puissances systémiques) aux citoyens unis en Public (Dewey) pour la constitution d’un pouvoir de contrôle commun du processus social. L’action politique, en effet, se définit par la recherche d’une réponse collective autonome des humains associés à la question : « Comment devons-nous vivre ensemble ? » Cet exercice de responsabilité commune exige la négation du fatalisme de la soumission dépressive aux processus sociaux inertes, vécus comme nécessité aliénante à laquelle il faudrait s’adapter, et au contraire l’affirmation saine d’un pouvoir d’intervention créative dans la réalité, un pouvoir d’y jouer et d’y inventer quelque chose de voulu par les sujets, quelque chose qui leur démontre qu’ils existent vraiment comme liberté, comme auteurs de leur vie, et non pas seulement comme substance vivante sans possibilité d’initiative, substance vivante soumise aux lois de la vie. La politique suppose le jeu créatif, signe de santé199. Il n’est d’existence véritablement et sainement humaine que dans la pratique du jeu politique, du jeu pour l’autonomie collective.

      

199 C’est le pédiatre et psychanalyste Donald Winnicott qui a le plus clairement lié la santé mentale à la possibilité de jouer avec la réalité, d’y être créatif et donc de s’y assurer de son existence personnelle réelle (ce que je crée n’existerait pas sans moi, donc je suis), alors que la pathologie commence avec un renoncement à la joie de se sentir être, une impossibilité de jouer et créer, par confrontation à une réalité trop décevante, trop distante, trop fatale, donc une simple adaptation (névrotique) à la réalité, ou une fuite (psychotique). Voir : Winnicott D. Jeu et

Mais cette responsabilité élargie suscite bien des interrogations. Cette imputation sociale n’a pas de bords nets. Elle est bien évidemment un peu déconcertante, par rapport à nos habitudes mentales :

On s’inquiètera d’abord d’y être imputé de ce que l’on n’a pas vraiment fait, ni voulu faire. Car que veut dire être responsable des « impacts de mes actions » ? Qu’est-ce qu’un impact ? Nous en parlerons comme d’un « effet collatéral », en suivant ce qu’Ulrich Beck définit comme l’entrée dans une nouvelle ère, « The Age of Side-effects »200, où la Modernité industrielle devient « Société réflexive du risque », car elle n’y est plus tant confrontée à la lutte contre une Nature à transformer qu’à une lutte contre l’amoncellement et l’emballement de tous les « effets collatéraux » de son propre agir technoscientifique, effets qu’elle ne peut