• Aucun résultat trouvé

Du mythe de la migration à la migration du mythe

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 169-181)

RELATIONS ENTRE MIGRATION ET RELIGION : PENTECÔTISME AU BRÉSIL ET CONTACTS AVEC LES GUYANES

1. Du mythe de la migration à la migration du mythe

1.1. Pérégrinations de divinités

Religion et migration ne sont pas seulement liées dans les mythes — qui intègrent des histoires de migration — et dans les migrations — qui font circuler les religions —, mais aussi dans les pérégrinations de certaines divinités vers leur lieu de destination.

Le Tambour de Mina231 constitue un bon exemple de ces pérégrinations. Selon le récit

229 LENOIR, Frédéric. Socrates, Jésus, Bouddha : trois maîtres de vie. Paris : Fayard, 2009 ; AZRIA, Régine ; HERVIEU-LÉGER, Danièle (dir.). Dictionnaire des faits religieux. Paris : Quadrige/PUF, 2010.

230 HERVIEU-LÉGER, O peregrino e o convertido, op. cit.

231 Le Tambour de Mina est une ramification des cultes afro-brésiliens, présente principalement au Pará et au Maranhão. Son apparition est généralement attribuée à l’influence des esclaves venus du Dahomey (République du Bénin) vers ces États. Le terme fait allusion au Fort São Jorge d’Elmina (ou São Jorge de Mina), d’où partaient les esclaves d’Afrique occidentale vers le Brésil (CAMPELO, Marilu Márcia ; LUCA, Taissa Tavernard de. As duas africanidades estabelecidas no Pará. Revista Aulas, Dossiê Religião, n. 4, avril/juillet 2007. Disponible sur le site : http://www.unicamp.br/~aulas/Conjunto%20II/4_13.pdf.

Consulté le 20 février 2012). Pour sa part, le terme « tambour » est dû à l’importance de cet instrument dans ces rites de culte. La prémisse usuelle de classification des cultes afro-brésiliens laisse de côté des traditions comme le Tambour de Mina, car elle divise ces derniers en deux types opposés : l’umbanda — culte syncrétique, mêlant cultes africains, spiritisme et des éléments du catholicisme populaire, où l’on voue un culte à diverses entités spirituelles, parmi lesquelles les cabocos (déformation du mot caboclo, désignant les Métis descendants d’Européens et d’Amérindiens) — et le candomblé — fidèle à l’Afrique, vouant un culte aux Orixás. Dans la pratique, le domaine religieux afro-brésilien est bien plus complexe que cela, comme l’ont démontré de nombreux chercheurs (BOYER-ARAUJO, Véronique. Femmes et cultes de possession au Brésil : les compagnons invisibles. Paris : L’Harmattan, 1993 ; BASTIDE, Le prochain et le lointain, op. cit. ; DANTAS, Beatriz Gois. Vovô Nagô e papai branco : usos e abusos da Africa no Brasil.

du père Luiz Tayandô232, prêtre du Tambour de Mina (Terreiro Toy Lissá, à Belém), rapporté dans le documentaire A descoberta da Amazônia pelos turcos encantados233, de Luiz Arnaldo Campos234 :

Le Tambour de Mina est la religion qui nait et vit dans les terres de Grão-Pará. C’est la religion des Orixás, des vaudous, des enchantements et des Caboclos, des Noirs, des Blancs et des Indiens, des princes et des sultans. L’histoire de l’Amazonie et celle de Mina est la même, et c’est cette histoire que nous allons raconter maintenant.

Cette histoire a commencé il y a plus de mille ans.

Terre Sainte, 15 juillet 1099.

La troupe chrétienne de la Première Croisade conquiert Jérusalem dans un bain de sang : dix mille personnes sont sacrifiées par les soldats de la croix. Les Turcs, bien que défaits, sont parvenus à maintenir quelques postes dans les villes du littoral. Dans l’une d’elles, le sultan Toy Dar Sa Allan entretient l’espoir de reconquérir Jérusalem en possédant cet espace. Un matin, malgré tous ses efforts, Dar Sa Allan

— honneur et gloire de l’Islam — reçoit une triste nouvelle. Après avoir consulté son grand-vizir, Ludugam, et le chef des troupes, il décide de mettre en sécurité le plus précieux de son sultanat : ses filles Mariana, Erondina et Jarina. Les trois princesses sont évacuées en urgence vers un royaume ami situé en Mauritanie, mais elles n’arriveront jamais à destination. Les émissaires attendirent sur la plage ; des heures, des jours et des mois. Les princesses étaient en haute mer, perdues, cheminant vers leur destin mystique. Au cours de

Mémoire de master, 220 p. Campinas, Université d'Etat de Campinas, 1982). Je reviendrai sur ce point dans le Chapitre 9.

232 « Père » et « mère » sont des titres sacerdotaux du Tambour de Mina. Père et mère « de Saint » fait référence à la relation de maître vis-à-vis des « fils et filles de Saint », c’est-à-dire les disciples.

233 On entend par « enchantés » des êtres qui ont eu une vie terrestre mais qui ne doivent pas être confondus avec les esprits des morts, car ils sont passés dans le « monde de l’enchantement » encore en vie, par un « portail », et certains appartiennent à des catégories non humaines (père Tayandô, par exemple, a eu une première incarnation à 4 ans : Maitre Juvenal, un dauphin rose enchanté) ; dans

« notre monde », ils se manifestent dans le corps des initiés. Selon Raymundo Heraldo Maués (Três formas de cura « espiritual » : na pajelança cabocla amazônica, na renovação carismática e na biomedicina. Travail présenté à la 26ème Réunion Brésilienne d’Anthropologie. Porto Seguro, 2008, p. 6), les enchantés sont des « être humains vivants, de corps et d’âme », mais aussi capables de se manifester selon différentes formes, dont de manière visible, et de s’incorporer — entiers, avec le corps et l’âme, selon certaines versions des interlocuteurs — dans le corps des victimes et/ou des chamans.

234 CAMPOS, Luiz Arnaldo (réal.). A descoberta da Amazônia pelos turcos encantados. Secretaria do Audiovisual do Ministério da Cultura ; Fundação Padre Anchieta/TV Cultura ; Associação Brasileira das Emissoras Públicas, Educativas e Culturais, 2005. Log On Editora Multimidia (dist.). 1 DVD vidéo, 55 min.

Documentaire. Les phrases en italique font référence à des informations qui apparaissent écrites dans le documentaire, pendant le récit.

leur voyage vers l’Afrique, les trois princesses turques — Mariana, Jarina et Erondina — passèrent par le Détroit de Gibraltar, connu comme le portail vers d’autres mondes, et, sans s’en apercevoir, elles quittèrent le monde réel pour entrer dans ce grand monde des enchantements. Des années passèrent et les princesses s’endormirent ; comme des sortes de limbes, elles restèrent prisonnières pendant toute cette période…

Fleuve des Amazones, année 1500.

jusqu’à ce qu’elles se réveillent dans le delta du fleuve Amazone, près de la Grande Île de Johannes, où se trouvait la Vieille Tapuia, qui pleurait encore la perte de ses parents, capturés par des hommes étranges et blancs.

[Elle chante] Le vent est mon soupir / Mes larmes sont le fleuve / Je suis au bord de la mer / Je suis la Pororoca / Je défends le peuple contre la méchanceté qui vient de la mer / Mais vous pouvez entrer / Princesses enchantées.

Les trois princesses, qui arrivèrent à ce moment-là, eurent la vision de leur nouvelle réalité. Le Royaume Enchanté est une région tridimensionnelle, où celui qui entre ne ressort jamais. Et elles, prisonnières de cette dimension, commencèrent à percevoir la nouvelle vie qu’elles menaient. Les portails du Royaume Enchanté se trouvent dans la forêt, dans le miroir des eaux, dans les rochers et dans d’autres endroits et pays. Personne ne connaît ces lieux qui changent tout le temps ; mais les histoires racontent qu’ils existent. La date d’arrivée de ces princesses au Brésil nous est confirmée par les historiens, qui disent qu’au début des années 1500, l’Espagnol Vicente de Pizón [Vicente Yáñez Pinzón] visitait le littoral atlantique du Pará et rapporta en Europe une quantité d’esclaves indigènes. C’est peut-être pour ça que la Vieille Tapuia pleure encore aujourd’hui et devient la grande Pororoca, qui représente pour nous la lutte, qui représente pour nous la défense contre tous les étrangers qui veulent détruire l’Amazonie.

Après avoir croisé la Pororoca, l’embarcation qui emportait les princesses navigua sur le fleuve pendant plusieurs jours et plusieurs nuits. De ce qu’il se passa pendant ce voyage, rien ne nous est affirmé, pourtant moi qui connais la personnalité de ces princesses, je peux vous dire que Mariana devait être toujours sur le pont, aux commandes, parce qu’elle avait été éduquée ainsi : pour commander, pour gouverner, pour diriger ; Jarina, la cadette, devait pleurer car ses parents et, notamment, les terres de la Turquie, lui manquaient ; Erondina, quant à elle, devait s’approprier les parfums romantiques de l’Amazonie, elle qui fut la première des princesses à se transformer, ou à s’ajuremar [devenir une entité spirituelle des cultes afro-brésiliens].

Après un long voyage, les princesses arrivèrent enfin au village de Caboclo Velho, sur l’Île de Parintins. C’est là, avec Caboclo Velho, un esprit ancestral également connu sous le nom de Xaramundi, que les princesses turques prirent connaissance de leur nouvelle condition et firent leurs premiers pas dans le monde de l’enchantement.

L’origine historique du Tambour de Mina est liée à la fondation, au XIXème siècle, de deux lieux de culte au Maranhão : la Casa das Minas, de tradition Jeje, et la Casa de Nagô, influencée par la tradition Nagô. Par la suite, d’autres lieux de grande importance pour la diffusion de ce culte sont apparus, à l’exemple du Terreiro da Turquia, créé par la mère Anastácia235. Le père Luiz Tayandô, que j’ai rencontré en 2011, raconte ainsi que « vers 1889, une femme appelée Anastácia Santos, fille [de Saint] d’un Africain, Nigérian de Lagos, appelé Manoel Teu Santo, un nom portugais, […] fonde une maison […] appelée Terreiro da Turquia »236. Dans ce terreiro, une partie de la famille impériale de Turquie (ici, la notion territoriale ne coïncide pas avec celle du pays moderne), s’y réunissait, commençant à s’y manifester. Au Tambour de Mina, de la même manière que Dona Mariana et les caboclas Jarina et Erondina, le roi de Turquie, Toy Dar Sa Allan

— appelé par d’autres noms comme João Marambaia —, est une entité très connue. Au cours de l’entretien, le père Luiz Tayandô raconte la migration du groupe de Turquie et précise que c’était un groupe d’origine islamique :

Pourquoi le roi de Turquie a-t-il quitté la ville d’Alexandrie, au nord de l’Afrique, pour aller à Jérusalem ? Précisément parce qu’il y avait des profanations des espaces islamiques. Il existait déjà des lieux sacrés islamiques là-bas et les Chrétiens sont venus ; il y a alors eu ce pacte, et il y est allé par normaliser ces questions. Les Chrétiens se sont alors réunis et ont fait la première et unique croisade qui a vaincu. Elle était commandée par un des commandants — il y avait beaucoup de commandants —, par Godefroy de Bouillon. Ils vont là-bas, ils défont les Turcs et tuent tout le monde. Ce fut un massacre terrible237.

235 CAMPELO ; LUCA, As duas africanidades estabelecidas no Pará, op. cit.

236 Version originale : « por volta de 1889, uma senhora chamada Anastácia Santos, filha [de santo] de um africano, nigeriano de Lagos, chamado de Manoel Teu Santo, um nome português, [...] funda uma casa [...]

chamada Terreiro da Turquia ». Cette information corrobore les données de Campelo et Luca (op. cit.) qui affirment que les casas (maisons) ont été fondées au XIXème siècle.

237 Version originale : « Por que o rei da Turquia se mudou da cidade de Alexandria, no norte da África, e foi até Jerusalém? Exatamente porque estava tendo profanação nos espaços islâmicos. Já existiam

À l’instar du documentaire, mais dans un ordre chronologique différent, il évoque également la raison de l’embarquement des princesses avant cette défaite, de leur entrée dans le « portail » du Détroit de Gibraltar et de leur trajet jusqu’en Amazonie :

Avant que tout cela n’arrive, le roi de Turquie prépare une embarcation dans laquelle il met les femmes, parce que les femmes étaient les premières dévorées par les soldats ; les hommes, eux, étaient gardés pour des échanges, mais les femmes étaient utilisées, violées. Il a donc réuni toutes les filles et femmes, et les a envoyées sur le bateau commandé par un général, Alguzonos. Et elles sont parties, en direction de la Mauritanie, c’est-à-dire la terre de Maures ; ils allaient là-bas, au royaume de Mauritanie. Ils y vont en bateau et envoient les messagers — qui étaient des gens allant à cheval, qui changeaient de cheval au poste, c’était un télégraphe à cheval — pour prévenir. Là-bas, ils préparent une réception pour accueillir la famille impériale mais ils ne sont jamais arrivés. Après avoir passé le Détroit de Gibraltar, soudain le calme s’est installé, comme si les eaux étaient devenues un film en plastique ; il n’y avait plus aucun mouvement.

Certains soldats, certaines personnes, se jetèrent dans l’océan, mais ne s’y enfoncèrent pas. Et, à chaque instant, la foudre, des lumières. Et ils se sont aperçu que cette clarté, ce nuage, envahissait le navire, et ils se sont endormis. Ils se réveillent pratiquement cinq cent ans plus tard, ici, dans le delta du fleuve Amazone. Ils entrent alors et vont jusqu’à l’Île de Parintins, où ils rencontrent le Caboclo Velho qui leur explique qu’ils ne sont plus des gens mais des enchantés, qu’ils devaient revenir parce que leur mission était ici. Et le Caboclo Velho les a reçus et leur a donné une nouvelle réalité. Ils repartent et s’en vont, passent par l’Île du Marajó, trouvent la Pororoca et vont jusqu’à la plage des Lençóis238.

lugares sagrados islâmicos lá, e os cristãos foram pra lá, e tinha aquele pacto lá; e ele foi pra normalizar as questões lá. Com isso, os cristãos se reúnem e fazem a primeira e única cruzada que venceu, comandada por um dos comandantes — eram vários comandantes —, por Godofredo de Bulhão. Eles vão até lá, conseguem derrotar os turcos e matam todo mundo; foi uma matança terrível ».

238 Version originale : « Antes de acontecer isso, o rei da Turquia prepara uma embarcação e coloca as mulheres, porque as mulheres eram as primeiras que eram devoradas pelos soldados; os homens eram preservados para troca, mas as mulheres eram usadas, eram estupradas. Então ele reuniu todas as filhas e mulheres e mandou pro barco, comandado por um general, Alguzonos. E elas vêm embora, e estavam endereçadas pra ir pra Mauritânia, que significa terra de mouro; iam pra lá, pro reino da Mauritânia. Vão de navio, e ele manda os mensageiros — que eram pessoas que andavam de cavalo, trocavam de cavalo no posto, era um telégrafo com cavalo —, e manda avisar. Lá, eles preparam uma recepção pra receber a família imperial, só que eles nunca chegaram lá. Depois que eles passaram pelo Estreito de Gibraltar, eles, de repente, se depararam com uma calmaria muito grande, como se a água tivesse virado um plástico; não tinha movimento nenhum. Alguns soldados, algumas pessoas se jogaram na água, mas não afundavam. E aquilo como se fosse relâmpago toda hora, aquelas luzes. E eles acabam sentindo que

Sur le plan spirituel, le récit de la migration de nobles turco-musulmans vers l’Amazonie est lié à la migration historique des Africains, à leur installation et à leur adaptation à la nouvelle réalité du Brésil. Comme le mythe a besoin d’un support qui donne du sens au déplacement et à la transformation postérieure qu’il subit, les anciens nobles sont aujourd’hui des entités spirituelles qui se sont conformées à leur nouvelle réalité : ils se sont réconciliés avec les ennemis chrétiens et se sont adaptés au monde spirituel :

Là-bas [la plage des Lençóis] ils rencontrent le roi Sébastien et voient Sébastien à cause de la croix ; pas la figure du roi Sébastien, mais à cause de la croix, ils viennent ; ceux qui avaient la croix étaient des ennemis. Et là, le roi Sébastien leur explique qu’ils doivent en finir avec ça, que c’est terminé ; là où ils sont, dans le royaume de l’enchantement, cette idée n’existe pas. Et il les reçoit dans son palais.

C’est une réplique du palais de Queluz qui existe sous la plage des Lençóis239.

En tant que base fondatrice du propre mythe, la migration de divinités renforce la relation entre religion et migration, ainsi qu’entre les déplacements de populations et la terre ancestrale imaginée, qui constitue la source de toute base religieuse expliquant et justifiant la réalité vécue. En ce sens, le mythe présent dans le Tambour de Mina est un bon exemple de bricolage entre religion et migration.

D’autres récits prodigieux dépeignent également des déplacements d’institutions religieuses qui vont « répandre » la semence d’une religion déterminée, entraînant la

« migration » de celle-ci. Dans ces histoires, la migration de personnes et de religions

aquela claridade, aquela nuvem, ela invade o navio, e eles adormecem. Eles já vão se acordar praticamente quinhentos anos depois, aqui na foz do rio Amazonas. Aí eles adentram e vão até a Ilha de Parintins, onde eles encontram o Caboclo Velho, que explica que eles não são mais gente, eles são agora encantados, que eles tinham que retornar porque a missão deles era ali. E o Caboclo Velho recebeu eles e mostrou, deu a nova realidade pra eles. Eles retornam e vão, passam pela Ilha do Marajó, encontram a Pororoca e vão até a praia dos Lençóis ».

239 Version originale : « Lá encontram o rei Sebastião, e vê o Sebastião por causa da cruz; não a figura do rei Sebastião, mas por causa da cruz eles veem, quem tinha a cruz era inimigo. E lá o rei Sebastião explica que eles têm que parar com aquilo, que acabou; onde eles estão, na encantaria, não existe mais essa ideia.

E recolhe eles no palácio dele. Tem uma réplica do palácio de Queluz que existe debaixo da praia dos Lençóis ».

correspond à un objectif plus large, lié au dessein divin d’atteindre d’autres localités, d’autres peuples, d’autres réalités. C’est pourquoi les relations objectives, économiques et stratégiques d’expansion restent au second plan. On retrouve cette trame dans l’arrivée des Assemblées de Dieu au Brésil.

1.2. Le « voyage » des Assemblées de Dieu vers le Brésil

Les Suédois Daniel Berg et Gunnar Vingren, pionniers des Assemblées de Dieu au Brésil, ont respectivement émigré aux États-Unis en 1902 et 1903 — le premier avait 18 ans, le second 24. Ils se sont rencontrés à Chicago en 1909, lors d’une conférence pentecôtiste donnée à la Première Église Baptiste Suédoise. Tous deux originaires de l’Église Baptiste Suédoise, c’est dans le nouveau pays qu’ils ont été baptisés « dans le Saint-Esprit » et ont adhéré au mouvement pentecôtiste240.

La version la plus courante de la « mission » de Vingren et Berg nous dit qu’en 1910, alors qu’ils étaient à South Bend, dans l’Indiana — où ils étaient hébergés dans la maison d’un membre du groupe pentecôtiste, Olaf Adolf Ulldin —, durant une prière, Dieu « a révélé » à ce dernier qu’ils devaient partir pour une région appelée Pará, au Brésil — région que personne ici ne connaissaient. Selon le récit du fils d’Olaf, qui était présent, la « prophétie »241 s’est réalisée « sous l’onction et l’inspiration du Saint-Esprit » :

C’est, en 1910, dans la maison de mes parents, dans la ville de South Bend, État de l’Indiana, que les frères Gunnar Vingren et Daniel Berg ont reçu leur appel pour le Brésil. Pendant des semaines, ces frères ont été hébergés chez nous et priaient constamment le Seigneur pour qu’Il les guide quant à l’endroit où ils devaient dédier leurs vies. Un jour, mon père, Olaf Ulldin — qui était un simple peintre en bâtiment, mais un homme de prière — travaillait dans la cuisine de notre maison,

240 GRANADO DE PAULA, Wesley Américo. Semeando a palavra em terras distantes : os missionários pioneiros da Igreja Evangélica Assembleia de Deus do Brasil. In : OLIVA, Alfredo dos Santos ; BENATTE, Antonio Paulo (org.). 100 anos de pentecostes : capítulos da história do pentecostalismo no Brasil. São Paulo : Fonte, 2010, p. 125-161.

241 « Prophétie » et « révélation » sont des termes courants des Eglises évangéliques. Ces deux concepts sont repris plus en détail dans le Chapitre 5.

quand soudain lui est apparu le Saint-Esprit. Il s’est agenouillé et toute la famille a fait de même, ainsi que nos hôtes Gunnar Vingren et Daniel Berg. Moi, petit garçon de onze ans à l’époque, j’ai entendu mon père prononcer une prophétie à ces deux jeunes pasteurs : « Vous irez au

quand soudain lui est apparu le Saint-Esprit. Il s’est agenouillé et toute la famille a fait de même, ainsi que nos hôtes Gunnar Vingren et Daniel Berg. Moi, petit garçon de onze ans à l’époque, j’ai entendu mon père prononcer une prophétie à ces deux jeunes pasteurs : « Vous irez au

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 169-181)