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L’arrivée des nouveaux immigrants chinois et brésiliens

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 144-149)

LE DERNIER ARRIVÉ SERA L’IMMIGRANT : ANCIENS ET NOUVEAUX ÉTRANGERS

3. L’arrivée des nouveaux immigrants chinois et brésiliens

3.1. Les mouvements migratoires de 1940 aux années 1980

En 1940, après l’arrivée du dernier bateau de Javanais, s’est officiellement achevée la période des vagues d’immigration vers la Guyane Néerlandaise. Dès lors, le pays a commencé à voir son profil migratoire se modifier, passant de terre d’accueil à terre de départ de migrants.

L’inversion du sens de la migration s’est faite dans un contexte de changements qui se sont succédés au niveau mondial. Après le Seconde Guerre Mondiale, a commencé le processus de décolonisation de territoires en Asie, en Afrique et en Amérique, et avec lui le flux migratoire des ex-colonies vers les anciennes métropoles, aussi bien de colons métropolitains que de natifs à la recherche de meilleures conditions de vie186. Dans ce cadre, en 1949, le Royaume des Pays-Bas reconnait l’Indépendance des Indes Orientales Néerlandaises (Indonésie), marquant symboliquement la fin de l’empire colonial néerlandais. En 1954, la période coloniale s’achève officiellement en Guyane Néerlandaise, cette dernière s’élevant au statut de membre du royaume, en tant qu’unité d’outre-mer avec une autonomie interne, devenant alors le Suriname. Le 1er septembre 1962, une loi complémentaire est ratifiée, lui accordant le statut de Pays d’Outre-mer de la Communauté Économique Européenne — entité à l’origine de l’Union Européenne.

Les chiffres présents dans les archives sur les flux migratoires au Suriname à partir de 1960 indiquent que les Surinamiens qui sont partis ont été plus nombreux que les étrangers qui sont venus, ce qui donne un solde migratoire négatif. Au cours de cette décennie, les Surinamiens partaient surtout vers la Métropole et ce contexte s’est amplifié dans le milieu des années 1970 du fait des incertitudes générées par l’imminence de l’indépendance : presque tous les Néerlandais et les Surinamiens d’ascendance néerlandaise (Buru), en plus de quelques autres habitants, sont alors partis vers les Pays-Bas. Ce contexte a ensuite changé de manière significative à partir

186 WENDEN, La question migratoire au XXIe siècle : migrants, réfugiés et relations internationales, op. cit.

des années 1990, avec l’augmentation de l’arrivée de Brésiliens et de Chinois, qui a quasiment rééquilibré le bilan migratoire. Pour autant, ce dernier n’est devenu positif qu’en 2005, en raison de la croissance de l’immigration de ces derniers. La figure 7 montre le bilan quinquennal de migrants (nombre absolu d’immigrants moins le nombre d’émigrants) entre 1960 et 2010.

Figure 7 : Bilan migratoire du Suriname, entre 1960 et 2010 (graphique élaboré à partir des données recueillies sur PERSPECTIVE MONDE, 2013).

Sur le graphique, on observe une diminution significative du bilan migratoire dans les années 1970, décennie pendant laquelle l’émigration a atteint le nombre de près de 12.000 personnes par an. À ce moment-là, 90.000 Surinamiens vivaient en métropole, sur une population d’environ 370.000 personnes, autrement dit un Surinamien sur cinq serait parti aux Pays-Bas. Dans les années 1980, ce nombre se situe entre 145.000 et 200.000 personnes187.

Entre 1972 et 1977, l’émigration a été tellement élevée qu’elle a provoqué un décroît de la population. De plus, le coup d’État de 1980 et l’amplification du conflit entre le

187 ENCYCLOPEDIA OF THE NATIONS. [sans titre] Disponible sur le site : http://www.nationsencyclopedia.com. Consulté le 28 janvier 2013 ; AMERSFOORT, Hans van. How the Dutch government stimulated the unwanted immigration from Suriname. IMI Working Papers Series 2011, n. 47, octobre 2011. International Migration Institute / University of Oxford, 2011. Disponible sur le site : http://www.imi.ox.ac.uk/pdfs/wp/wp-47-11. Consulté le 28 janvier 2013.

gouvernement militaire et la guérilla apparue au nord-est du pays188 ont provoqué la fuite de 9 à 13.000 Surinamiens vers la Guyane française 189. L’accalmie des conflits à la fin de la décennie a entraîné le retour des réfugiés mais une partie est restée définitivement dans ce pays190. La figure 8 montre le taux de croissance démographique annuel du Suriname entre 1960 et 2011.

Figure 8 : Croissance démographique annuelle au Suriname entre 1960 et 2011 (graphique élaboré à partir des données recueillies sur PERSPECTIVE MONDE, 2013).

Ce n’est qu’en 1985 que la taille de la population est revenue au niveau auquel elle était avant l’émigration massive des années 1970 : cette année-là, le nombre d’habitants est revenu au même niveau qu’en 1971.

188 La guérilla était menée par le Jungle Commando, dirigé par Ronny Brunswijk, un mouvement soutenu par les intellectuels surinamiens alors exilés aux Pays-Bas où ils ont formé le Conseil de Libération, dans lequel étaient représentés les principaux partis politiques d’opposition du Suriname.

189 PIANTONI, L’enjeu migratoire en Guyane française : une géographie politique, op. cit., p. 191-197 ; DEW, The trouble in Suriname, 1975-1993, op. cit.

190 ENCYCLOPEDIA OF THE NATIONS, [sans titre], op. cit.

3.2. Les années 1990 : l’arrivée de nouveaux migrants

Dans les années 1990, l’immigration de Brésiliens et de Chinois vers le Suriname s’insère dans les nouvelles dynamiques migratoires apparues durant cette décennie et marquées par des migrations Sud-Sud. Dans un monde de plus en plus interdépendant, la régionalisation et la mondialisation des migrations sont représentées, au Suriname, par les flux Brésil-Suriname — pour le contexte régional — et Chine-Suriname — pour le contexte mondial. Les registres des entrées au Suriname montrent clairement une tendance à l’augmentation, avec un pic entre 1996 et 2000. La figure 9 illustre la moyenne annuelle d’entrée de Brésiliens et de Chinois au Suriname entre 1972 et 2004.

Figure 9 : Moyenne annuelle d’entrée de Brésiliens et de Chinois au Suriname entre 1972 et 2004 (graphique élaboré à partir des données recueillies sur ALGEMEEN

BUREAU VOOR DE STATISTIEK IN SURINAME. 2006, p. 28).

L’arrivée de nouveaux immigrants provoque dans les médias des discours mitigés tantôt positifs tantôt négatifs. Les Chinois sont associés à l’accélération de l’activité économique du pays, en raison de leurs investissements privés, mais leur immigration est également désignée comme le fer de lance d’une stratégie de domination de la puissante République Populaire de Chine sur le petit Suriname191. En ce qui concerne

191 TJON SIE FAT, Chinese new migrants in Suriname : the inevitability of ethnic performing, op. cit.

les Brésiliens, le discours favorable met en avant l’importance de l’activité minière pour l’économie locale et évoque la nécessité de sa réglementation ; la critique, quant à elle, met l’accent sur l’usurpation de richesses nationales par des étrangers qui ne cherchent pas à s’intégrer dans le pays ou à y rester de façon permanente.

Or, il faut préciser en effet que les Brésiliens ont été attirés par le Suriname du fait des possibilités de travail dans l’exploration aurifère à petite échelle. Si, d’un côté, ce flux migratoire a représenté de nouveaux défis pour la structure sociétale surinamienne ainsi que des problèmes environnementaux, d’un autre côté, elle a aussi permis une augmentation de l’économie minière192 : alors qu’en 1995, c'est-à-dire au cours de la décennie où l’exploration aurifère par les garimpeiros brésiliens a commencé, elle représentait 2% des exportations surinamiennes, en 2009, elle en représentait 47%, dépassant le corindon — minéral à base d’oxyde d’aluminium représentant historiquement la plus importante des productions des industries d’aluminium du pays193.

Il convient de souligner que le discours sur les flux migratoires, de la même manière que toute autre dynamique sociale, est invariablement accompagné d’une portée idéologique et politique. Il est commun, par exemple, de citer les luttes qui divisaient la Péninsule Ibérique entre les VIIIème et XVème siècles entre Chrétiens et Musulmans, pour aborder le contexte de la Reconquista chrétienne. Le triomphe chrétien a eu pour conséquence, entre autres, l’expulsion d’une partie de la population musulmane vers le nord de l’Afrique. De manière générale, les nouveaux royaumes chrétiens considéraient les Musulmans comme des étrangers et leur départ représentait (et représente toujours, dans certains discours politiques) l’idée qu’après 800 ans ils retourneraient

192 HOEFTE, Rosemarijn. Suriname in the long twentieth century: Domination, contestation, globalization.

New York: Palgrave Macmillan, 2014.

193 HAUSMANN, R. et al. The Atlas of Economic Complexity. Cambridge (MA) : Puritan Press, 2011.

Disponible sur le site : http://www.chidalgo.com/papers.html. Consulté le 10 février 2014 ; ASSOCIATION FOR THE ADVANCEMENT OF ARTIFICIAL INTELLIGENCE. Workshops at the Twenty-Fifth AAAI Conference on Artificial Intelligence. San Francisco, august 7-8, 2011. Disponible sur le site : http://www.aaai.org/Workshops/2011/aaai11workshopcall.pdf. Consulté le 10 février 2014. Selon Ivan Cairo (Suriname government starts structuring gold mining industry. Caribbean News Now!, january 11, 2011. Disponible sur le site : http://www.caribbeannewsnow.com/topstory-Suriname-government-starts-structuring-gold-mining-industry-4401.html. Consulté le 10 février 2014), le secteur de l’extraction d’or à petite échelle (orpaillage) représente un mouvement d’un milliard de dollars américains.

vers leur terre d’origine194. Ainsi, le ton donné au flux migratoire suit la tonalité du moment historique, du contexte économique et des intérêts politiques en jeu.

Le discours politique de l’actuel gouvernement surinamien, à caractère nationaliste, met l’accent sur la nécessité d’étendre les relations avec des pays considérés comme émergents, tels que le Brésil et la Chine, et de se détacher en même temps de l’influence de l’ex-métropole, les Pays-Bas. Ainsi, l’immigration est devenue un thème délicat, puisque le traitement réservé aux immigrés brésiliens et chinois s’insère dans la nouvelle politique internationale adoptée par le Suriname.

L’arrivée de ces nouveaux immigrés, bien qu’elle n’ait pas causé d’impact significatif sur la composition ethno-communautaire de la société surinamienne — comme ont pu le faire les immigrations précédentes —, a introduit de nouveaux éléments socioculturels et religieux dans cette société déjà complexe (voir chapitres 1 et 2).

Ainsi, avec l’immigration des Brésiliens, sont arrivées les Églises Évangéliques brésiliennes, d’abord à Paramaribo puis, progressivement, sur les zones d’orpaillage.

En plus des Brésiliens et des Chinois, on trouve également des immigrants d’autres pays comme le Guyana ou Haïti, ce qui a entraîné l’introduction de cultes religieux adressés à ces communautés et donc réalisés dans leurs langues maternelles.

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