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Chapitre 5 – RÉSEAUX : Nature formelle et informelle des réseaux

5.2.1 Motifs d’adhésion à un réseau structuré ou à une association

Si plusieurs raisons motivent les participants à adhérer à un réseau structuré ou à une association professionnelle, certaines sont plus importantes que d’autres. Il existe également des différences importantes en fonction du sexe. Ainsi, les raisons les plus souvent nommées sont : développer un réseau de contact et de soutien (17 mentions; 7 hommes et 10 femmes) ; recruter des clients, faire connaître son produit ou service (15 mentions; 3 hommes et 12 femmes) ; rencontrer d’autres travailleurs autonomes, briser l’isolement et s’entraider (9 mentions; 4 hommes et 5 femmes) ; avoir accès à de la formation (8 mentions; 3 hommes et 5 femmes) ; et, finalement, recevoir des informations (7 mentions; 1 homme et 6 femmes). Moins souvent mentionnées, mais tout aussi importantes, les raisons suivantes suscitent également quelques commentaires : avoir accès à des ressources techniques ou financières ou à des

services-conseils (3 mentions; 1 homme et 2 femmes) ; acquérir le droit d’exercer une profession (3 mentions; 1 homme et 2 femmes) ; se donner de l’information (1 mention; 1 femme) ; défendre des droits, revendiquer des amélioration de sa condition (1 mention; 1 femme) ; et, finalement, faire des achats ou se donner des services en commun (1 mention; 1 homme). Aucun participant n’a évoqué que sa participation à un réseau avait pour motif le fait d’être représenté auprès des gouvernements ou encore la possibilité d’obtenir du financement ; deux raisons parfois évoquées dans les études sur le sujet.

Certains motifs sont davantage mentionnés par les professionnels appartenant à un ordre que par les autres participants. C’est le cas, notamment, des motifs suivants : se donner de l’information (5 mentions) ; avoir accès à de la formation (7 mentions) ; rencontrer d’autres travailleurs autonomes, briser l’isolement, s’entraider (6 mentions). Pour leur part, les professionnels n’appartenant pas à un ordre recherchent davantage que les autres la possibilité de recruter des clients, faire connaître son produit ou service (9 mentions) et de développer un réseau de contact ou de soutien (9 mentions). Le tableau 5.3a présente ces résultats.

Tableau 5.3a

Nombre de mentions des avantages de la participation à un réseau ou une association, selon le regroupement professionnel

Total Profes- sionnels apparte-nant à un Ordre Profes- sionnels n’appar- tenant pas à un Ordre Autres

Recevoir des informations 7 5 2 -

Se donner de l’Information 1 - 1 -

Avoir accès à des

ressources techniques ou financières ou à des services-conseil 3 2 1 - Avoir accès à de la formation 8 7 1 -

Acquérir le droit d’exercer

une profession 3 2 1 -

Recruter des clients, faire connaître son produit ou service 15 3 9 3 Rencontrer d’autres travailleurs autonomes, briser l’isolement, s’entraider 9 6 2 1 Développer un réseau de contact et de soutien 17 7 9 1

Défendre des droits, revendiquer des améliorations de sa condition

1 1 - -

Être représenté auprès des

gouvernements - - - -

Faire des achats ou se donner des services en commun.

1 1 - -

Tableau 5.3b

Nombre de mentions des avantages de la participation à un réseau ou une association, selon le sexe

Total Hommes Femmes

Recevoir des informations 7 1 6

Se donner de l’Information 1 - 1

Avoir accès à des

ressources techniques ou financières ou à des services-conseil 3 1 2 Avoir accès à de la formation 8 3 5

Acquérir le droit d’exercer

une profession 3 - 3

Recruter des clients, faire connaître son produit ou service 15 3 12 Rencontrer d’autres travailleurs autonomes, briser l’isolement, s’entraider 9 4 5 Développer un réseau de contact et de soutien 17 7 10

Défendre des droits, revendiquer des améliorations de sa condition

1 - 1

Être représenté auprès des

gouvernements - - -

Faire des achats ou se donner des services en commun.

1 1 -

Obtenir du financement - - -

Aussi, si l’adhésion à un réseau formel ou à une association s’avère un avantage pour « savoir ce qu’il en est » et pour échanger sur certains sujets relatifs au marché du travail, cela sert aussi à se défaire de l’isolement ou encore à se rassurer par rapport à la réalité du travail autonome.

« Du social. Moi, je dirais du social. J’ai beaucoup de plaisir avec ces gens-là. Cela ne me rapporte rien sur un plan affaires. Ce n’est pas des gens qui peuvent vraiment me donner [d’autres contacts…] Non, pas à cet égard-là. Mais c’est très bon d’avoir un réseau de gens… On est tous des autonomes… De rester en contact, parce que, dans le fond, les problèmes que j’ai, les problèmes fiscaux, d’"overhead", etc. tout le monde l’a. Alors, c’est le fun de partager avec des gens qui ont un peu le même contexte. » [Traducteur, en couple, TA-9 ans] 013

Certains se servent même des réseaux structurés avant d’être travailleurs autonomes, afin de se familiariser avec cette réalité. C’est souvent l’occasion de constater que le travail autonome « fonctionne » avec d’autres :

« Je crois que je n’avais même pas terminé l’université, c’était ce que je voulais faire [être travailleuse autonome]. Je suis une fille un peu rebelle, donc je voulais travailler à mon compte mais… dans le temps, ce n’était pas quelque chose de très valorisé, de très commun, le terme travailleur autonome n’existait même pas, et puis, je me suis mis à travailler à temps partiel parce qu’il fallait bien payer les prêts. Par contre, rapidement, je me suis joint à un réseau de travailleurs autonomes et puis, j’ai baigné dans le réseau un certain temps avant de vraiment dégager les choses que j’étais capable de faire et d’offrir à une clientèle. »

[Conseillère en communication, en couple, TA-3 ans] 024

Bien que la participation à un réseau permette de recruter de la clientèle, comme l’ont surtout souligné les organisateurs d’évènements, les conseillers en ressources humaines et relations industrielles, ainsi que les travailleurs autonomes du domaine artistique, certains indépendants ne souscrivent pas à ce genre d’activités parce qu’ils ne ressentent pas le besoin d’aller chercher une clientèle plus importante. Il arrive aussi que le fonctionnement même de ce type de réseautage ne corresponde pas à leurs valeurs.

« Bien c’est un peu pour cela que je… Justement, je reviens à mon point du début… Je pense que j’ai des années peut-être point tournant qui s’en viennent parce que si je vais aussi dans ce genre de trucs-là [les réseaux structurés], c’est sûr que cela m’amène de plus en plus de travail, puis est-ce que je continue à le faire ici. Fait que c’est un peu un cercle, bon, pas vicieux, mais cela demande cette réflexion-là. Parce que, étant donné que pour le moment je ne fais pas de publicité, c’est sûr que si je vais dans un

réseautage (sic) pour m’en faire, c’est pour en avoir, puis, bon, etc. Fait que c’est pour cela que… Mais oui, cela m’intéresse. Je pense que je vais éventuellement joindre un de ces groupes-là. D’aller voir aussi en quoi cela consiste, entre autres. »

[Traiteure, en couple-3 enfants, TA-5ans] 044

Deux types de réseaux structurés ressortent davantage que les autres dans les réponses des participants : les ordres professionnels et les chambres de commerce. L’adhésion à un réseau formel, à une association professionnelle ou à un ordre représente généralement un gage de la crédibilité accordée au travailleur autonome qui reçoit l’autorisation d’utiliser sa signature. Dans certains domaines, l’adhésion à l’ordre est même obligatoire pour porter le titre et pratiquer. Une autre raison de souscrire à un ordre professionnel est liée aux assurances professionnelles et aux avantages sociaux.

« L’assurance-responsabilité. [À l’Ordre,] on nous offre une assurance-responsabilité quand on est autonome, qui est très importante quand c’est… 1 million de dollars, 2 fois par année. J’en n’ai jamais eu besoin, je vais toucher du bois, mais c’est qu’on travaille nécessairement pour des gros clients. Si jamais le client décide de revenir contre toi parce qu’il juge qu’il a perdu de l’argent à cause d’une de tes traductions, ils peuvent te mettre à la rue. Alors, donc, c’est important d’avoir cette assurance-là. Je dirais le social, aussi. T’sais, peut-être parce que je suis un être sociable, mais d’avoir des gens qui font le même métier que moi et, aussi, de rester au fait de l’évolution des outils. Parce qu’il y a beaucoup d’outils, des mémoires de traduction, des… Alors, on se rencontre, on s’échange des tuyaux. »

[Traducteur, en couple, TA-9 ans] 013

En ce qui concerne les chambres de commerce, les caractéristiques socio- démographiques de notre échantillon favorisent les commentaires sur la Jeune Chambre de commerce de Montréal. En effet, plusieurs répondants sont âgés de moins de 35 ans et habitent la grande région métropolitaine. Cependant, la participation à ce genre de réseau est jugée plus ou moins utile. Pourtant, on pourrait s’attendre à ce que les travailleurs autonomes aient davantage besoin d’un réseau ou de contacts que les employés. Mais s’impliquer dans un réseau structuré demande du temps. De plus, on ne s’aperçoit pas toujours tout de suite des avantages. Aussi, la plupart des travailleurs autonomes attendent d’être établis dans leur situation avant d’adhérer à une chambre de commerce (ou jeune chambre de commerce) :

« Bien, en fait, ce qui est arrivé, c’est que, comme je disais, c’est depuis 10 ans que je me considère comme travailleur autonome, bien que j’aie eu quelques emplois, mais… officiellement, depuis je dirais un an, que je réseaute beaucoup plus. Oui, je savais que c’était important, mais je n’avais pas le temps ou je ne me donnais pas le temps. Là, oui. Oui, je m’implique dans la jeune Chambre, donc… je dirais que depuis deux ans, je suis plus impliquée. »

[Relationniste, en couple, TA-10 ans] 002

La participation à ce type d’organisation demande de l’énergie et de l’investissement ; d’autant plus que, sans ces deux ingrédients essentiels, il n’est pas certain que l’activité de réseautage fonctionne et rapporte. Cela représente un autre danger pour les travailleurs autonomes, puisque leur flexibilité d’horaire les rend généralement plus disponibles que les employés salariés qui font partie des mêmes réseaux. Il y a donc un risque que l’implication déborde les limites de temps et d’effort à consacrer à ce type d’activités :

« Cela, c’est un inconvénient d’être travailleur autonome et d’être associée [à un réseau formel] parce qu’on y passe beaucoup de temps. Je sais que, dans le groupe, parce que je suis travailleur autonome, j’ai moins de contraintes pour y mettre du temps que les autres… […] C’était aussi ce qui s’était passé cet automne, c’est que je me suis aperçue que… étant donné que je peux gérer mon temps comme je veux, eux, mettons, s’ils veulent travailler sur un dossier, ils vont le faire chez eux le soir ou le week-end parce qu’ils ont un travail… Moi, je peux me dire "bien, tiens, je vais y passer une heure ce matin sur un compte-rendu du comité, puis…" puis là j’y passe la matinée au lieu d’y passer une heure. Mais, cela, c’est la difficulté de gérer le temps. […] Je pense aussi que

c’est tout un rapport d’investissement. Le réseautage, cela demande beaucoup, beaucoup d’investissement au début… »

[Formatrice, célibataire, TA-6 ans] 036

Finalement, même si, dans certains cas, le réseautage augmente en devenant travailleur autonome, ces relations restent souvent superficielles. D’ailleurs, plusieurs répondants notent que la façon de penser d’un travailleur autonome est différente des autres gens. En effet, les travailleurs autonomes auraient une vision plus positive et des relations plus vraies. Pour d’autres, la façon de penser des travailleurs autonomes est plus près de celle des cadres que des jeunes professionnels. C’est pour cette raison que certaines critiques sont formulées par rapport aux réseaux structurés et que plusieurs travailleurs autonomes refusent d’y adhérer.