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Chapitre 3 – ORGANISATION DU TRAVAIL : Les conditions de travail et son

3.1. Recension des écrits

3.2.7 Assurances, régime de retraite et avantages sociaux

L’Enquête sur le travail indépendant de 2000 indique que la sécurité financière, l’absence d’avantages sociaux offerts par l’employeur et les gouvernements, tels que l’assurance-maladie complémentaire, les régimes de retraite, les congés de maternité et les congés parentaux constituent des préoccupations importantes pour bon nombre de travailleurs indépendants (Cooke-Reynolds et Zukewich, 2004).

D’emblée, mentionnons que 26 participants (36,6 %) trouvent que l’absence d’avantages sociaux liés à l’emploi est un inconvénient « important » et « très important » du travail autonome. Cet inconvénient se classe d’ailleurs en troisième position au chapitre des inconvénients rattachés au travail autonome et jugés importants et très importants, derrière l’incertitude et l’insécurité occasionnées par la peur de manquer de contrats et de revenus (32 mentions) et l’incertitude et l’insécurité occasionnées par des revenus instables et des problèmes de liquidités (28 mentions). Notons toutefois que 7 participants n'ont pas répondu à cette question.

Les travailleurs autonomes interviewés ne sont pas tous couverts par un régime d’assurance. À ce titre, certains réseaux offrent différentes possibilités. Aussi, parmi les travailleurs autonomes en couple, certains ont mentionné être couverts par le régime de leur conjoint. Par contre, plusieurs ont mentionné ne pas être assurés parce qu’ils n’en ont pas les moyens ou tout simplement parce qu’ils préfèrent assumer le risque et payer au besoin. En matière de REER, la majorité des participants alimentent régulièrement leur régime de retraite, mais certains vivent au moment présent, soulignant qu’ils ne se sentent pas encore interpellés par la retraite, et donc par la nécessité d’économiser.

« Par rapport à l’enfant… c’est surtout au niveau des avantages sociaux… dentaire, médical, vision… qui sont des frais que je dois assumer maintenant, ben je veux dire, c’est sûr qu’il y a des frais qui sont assumés par le gouvernement mais, t‘sais, tu as moins de flexibilité… heureusement j’ai un enfant qui n’est pas malade […] mais si j’avais eu ces problèmes là avec l’enfant, ça aurait été un handicap d’être travailleuse

autonome. »

[Traductrice, en couple – 1 enfant, TA-10 ans] 053

Lorsque les enfants sont malades, aucun congé n’est prévu pour le travailleur autonome. L’idée d’une aide gouvernementale de type assurance collective est ressortie des propos tenus par les parents à ce sujet.

« C'est sûr que tout ça c'est des choses qui ont été discutées par rapport au… Au niveau du gouvernement ils se questionnent beaucoup sur ce qui pourrait être fait pour aider les gens qui justement sont TA qui est quand même une force de travail grandissante, en croissance. C’est sur tous les aspects, moi je mets ça dans le même panier… congé parental, tout ça, c’est tout par rapport aux avantages que les compagnies donnent. Que ce soit… j’appelle ça avantages sociaux mais… ça englobe beaucoup de choses… justement… ou des groupes de soutien, t’sais si je me fie disons à ce que IBM, remarque c’est peut-être un cas extrême parce qu’eux autres ils sont assez bien structurés de ce

côté-là, ils ont des groupes de soutien, ils ont des avantages qu’ils offrent à leurs employés pour tout ce qui est au niveau des possibilités de garderie, possibilité de prendre un congé sans solde pendant x temps pour pouvoir justement répondre à des besoins de famille… si un parent est malade… ce que je n’ai pas du tout là. C'est sûr que si le gouvernement voulait instituer un genre de programme où est-ce qu’on pouvait adhérer comme [si] le gouvernement devenait une entreprise pis qu’ils offraient certains avantages, comme ils le font avec l’assurance-maladie où ça nous offre un programme assurance, assurance complète où tout ça pourrait être mis dans un même panier… prendre une assurance séparée, c’est très dispendieux et pour la majorité des TA, c’est inaccessible. »

[Consultant en informatique, célibataire, TA-2 ans] 051

Dans le cas des travailleurs autonomes en situation de monoparentalité, la question des assurances concerne davantage une question de coût qu’une question d’accessibilité comme peut en témoigner la situation suivante :

« Je ne fais pas grand-chose, je me sécurise beaucoup avec mes ressources personnelles… je dirais que dans tous les inconvénients du modèle, c’est le principal inconvénient. […] je me rends compte qu’on marche sur une corde raide parce qu’il arriverait une maladie grave ou quelque chose, c’est pas évident. […] Donc ce bout-là, cette bulle-là, fait que quand je me pose la question si j’aime ce modèle là ou pas, ça c’est un gros morceau. Si je laisse la peur m’atteindre là, si je raisonne un petit peu, c’est risqué ce que je fais actuellement. »

[Comptable (♀), monoparentale-2 enfants, TA-2ans] 025

« Mon conjoint a déjà un plan d’assurance qui m’englobe donc je n’ai pas vraiment de problèmes à ce niveau-là. Par contre, s’il n’en avait pas, dans l’association de travailleurs autonomes à laquelle j’appartiens, ben ils offrent ce service-là, une assurance collective pour travailleurs autonomes, donc pas en avoir, c’est vers ça que je me tournerais. » [Conseillère en communication, en couple, TA-3 ans] 024

Sur la question des avantages sociaux rattachés à l’emploi, l’ensemble des travailleurs autonomes ont souligné que c’est un point sur lequel le travail n’a pas encore été fait par les différentes instances. Les vacances, les congés personnels pour maladie ou pour des besoins familiaux, ainsi que les congés parentaux n’étant pas accessibles comme tels, avec rémunération ou prestation, les travailleurs autonomes doivent assumer seuls les pertes de revenus encourues par de tels évènements. Certains travaillent même lorsqu’ils sont malades alors que ceux qui prennent congé sont contraints de reprendre les heures « perdues » le soir ou la fin de semaine ou d’assumer une perte de revenu s’ils n’arrivent pas à respecter les échéances. Les quelques travailleurs autonomes qui occupent un emploi en parallèle, soit 4 participants27 sur 71 (5,6 %), se disent avantagés, ne serait-ce que du point de vue des assurances.

« Au niveau des inconvénients, si j’étais juste travailleur autonome, je parlerais probablement des assurances pis… t’sais s’il arrive une impasse ou je me casse une jambe, je ne peux pas avoir de chômage mais on ne peut pas parler de ça étant donné que j’ai un emploi salarié en dehors de ça. »

[Photographe (♀), en couple, TA-4 ans] 056

En ce qui concerne les vacances, mentionnons ici que l’idée d’associer le fait de ne pas avoir de vacances directement rémunérées à un inconvénient reposerait sur une certaine conception du travail autonome qui ne fait pas l’unanimité. Pour certains, l’exercice d’un travail autonome ne serait pas pénalisant du point de vue des vacances, dans la mesure où ils acceptent la responsabilité de planifier cette période. Pour d’autres, le manque de temps ou encore le manque de moyens financiers associés au statut d’autonome pénalisent la personne.

« Les vacances, c’est quelque chose à planifier. […] Quand on va prendre ses vacances, il va falloir assumer quand même ses frais fixes. »

[Coach (♀) pour entrepreneurs, célibataire-enfant âgé, TA-18 ans] 039

« [Des vacances] Cela fait 5 ans que j’en ai pas pris. […] Mais cela, ce n’est pas dû à un surplus de travail, c’est dû au manque de financement pour sortir. Comme je suis chez moi et que tout est organisé pour travailler, bien je n’ai pas de divan pour m’étendre et écouter la télé… donc, je vais faire de la peinture ou quelque chose comme cela. Mais si j’avais l’argent... »

[Formatrice, célibataire, TA-5 ans] 003

Parmi les 19 travailleurs autonomes qui ont au moins un enfant de 16 ans et moins, 13 (68,0 %) sont devenus parents alors qu’ils étaient déjà travailleurs autonomes ou sont devenus travailleurs autonomes dans l’année suivant la naissance d’un enfant. D’autre part, quelques travailleurs interrogés qui ne sont pas encore parents, mais qui projettent de l’être, sont préoccupés par le fait que leur statut ne leur permette pas d’envisager sereinement les semaines suivant l’arrivée d’un enfant. Financièrement, cela paraît difficile à gérer, sans compter qu’il est pratiquement impossible de penser à prendre un « long » congé, comme le souligne cette photographe qui projette d'avoir un enfant :

« Premièrement, je ne pourrai pas me permettre d’arrêter un an… un an sans répondre au téléphone… les gens qui vont m’appeler, qu’est-ce que je vais faire ? Je vais les référer à d’autres, ils vont m’oublier… »

[Photographe (♀), en couple, TA-4 ans] 056

Selon cette dernière citation, même l’avènement du congé parental couvrant les travailleurs autonomes au Québec n’est pas une solution complète, puisque le maintien de la clientèle n’est pas assuré. Toutefois, comme il est prévu que le congé puisse être utilisé de manière flexible (taux plus élevé de remplacement de revenu mais prestations versées moins longtemps, ou taux plus faible et prestations plus longues), cette nouvelle mesure devrait tout de même favoriser certaines travailleuses autonomes. Dans le même esprit, 5 participantes devenues mères alors qu’elles étaient travailleuses autonomes ont mentionné que la reprise du travail après le congé de

maternité est assez rapide. D’ailleurs, selon une étude menée par Statistique Canada, la grande majorité des mères qui retournent rapidement au travail, en 2001, sont des travailleuses autonomes ou des employées qui n’ont pas de prestations de maternité ou de prestations parentales (Marshall, 2003). La nature du travail (suivi des dossiers et clients importants, etc.) peut impliquer que les longues absences soient tellement coûteuses professionnellement que le congé de maternité ne peut pas être très long, comme le souligne une avocate qui a eu un enfant alors qu’elle était déjà travailleuse autonome :

« Non, non parce que… je donne l’exemple, quand tu es travailleur autonome, tu prends pour acquis que c’est une forme de travail qui est différente d’un salarié, à partir du moment où ça tu l’acceptes, tu acceptes ce qui va avec. […] Tu arrêtes 2 mois et demi, 3 mois, c’est le maximum que tu peux faire parce que si tu pars plus longtemps que ça du marché, le marché t’oublie, les clients vont t’oublier, pis ce que tu as construit pendant des années, ça va se démolir. Alors c’est quelque chose qui va avec, c’est sûr que j’aurais aimé ça avoir 6 mois de plus mais à ce moment-là j’avais juste à être salariée. Travailleur autonome, tu ne pourras jamais penser que les filles vont pouvoir avoir un congé de 6 mois… »

[Avocate, en couple-1enfant, TA-11 ans] 067

Du point de vue financier, cette question ne semble pas poser de problème majeur pour les travailleurs autonomes qui peuvent compter sur une situation familiale confortable financièrement ou qui investissent systématiquement dans un « fonds maternité ». Pour d'autres, par contre, la venue d’un enfant, alors qu’ils étaient autonomes, a signifié un sacrifice financier et un retour hâtif au travail, du moins à temps partiel. Cela confirme les réticences de ceux qui envisagent avoir des enfants. Plus rares sont ceux qui ont planifié ce moment en mettant des sous de côté. Précisons ici que le Barreau, et plus récemment, la Chambre des notaires, ont créé leur propre régime d’aide parentale pour leurs membres travailleurs autonomes (Mondor, 2004). De plus, le congé parental, sous le régime québécois des droits parentaux, est accessible aux travailleurs autonomes depuis janvier 2006 ; cette mesure n'était toutefois pas encore en vigueur au moment où les entrevues se sont déroulées.

« […] Elle [en parlant de sa conjointe] elle n’a jamais vécu ça, ça fait qu’elle commence à comprendre plus les réalités, là on a fait un an ensemble, elle a vu l’année… parce que c’est comme ça mais… il y a des moments où ça va bien, elle est confiante et tout ça, d’autres moments où c’est plus angoissant financièrement, t’sais surtout que là on veut avoir des enfants, c'est comme… c'est ça qui bloque… c’est vraiment le côté instable qui fait que… parce que moi j’en veux des enfants, c’est elle qui… pas avant que tu ailles tant dans le compte de banque… mais ça c’est une question de perception… mais en tout cas. »

[Photographe (♂), en couple, TA-4 ans] 020

« La seule chose, si je peux me permettre d’ajouter cela, la seule chose que je trouve bien plate, c'est le congé de maternité. J’ai parlé à beaucoup de filles qui sont à leur compte puis… elles seraient prêtes à payer une espèce de quelque chose par mois qui ferait qu’elles pourraient avoir une espèce de revenu durant qu’elles sont en congé de maternité, parce que cela finit qu’elles prennent trois mois… puis qu’elles doivent retourner, elles n’ont pas le choix, parce que, pour plusieurs, il n’y a pas de rentrée

d’argent depuis qu’elles sont parties parce que, des fois, c'est elles qui amènent l’argent. […] Donc ça serait le cas pour moi. »

[Organisatrice d'événements, en couple, TA- 4 ans] 018