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Chapitre 2 – CONTEXTE : Pourquoi devient-on travailleur autonome ?

2.2 Résultats de notre recherche

2.2.1 Les motifs expliquant l’exercice d’un travail autonome

Selon les résultats de nos entrevues, l’exercice du travail autonome repose sur trois catégories de motifs : on y entre à la suite d’une décision réfléchie et ce, à un moment ou à un autre de la vie active ; on le devient simplement parce que l’occasion se présente, sans qu’aucune réflexion sérieuse n’ait jamais porté sur la question ; ou on y est contraint, faute d’alternative. Aux premiers motifs correspondent la recherche d’une flexibilité quant à l’organisation du travail au cours de la vie active ou en fin de vie active, le désir, voire le besoin fondamental, d’autonomie ou d’indépendance, les raisons motivées par les choix familiaux ou l’état de santé et, finalement, la continuité relative à une réalité familiale (parents entrepreneurs). Par rapport à la deuxième catégorie de motifs, certaines circonstances ont contribué au développement d’activités de travail autonome sans que l’individu y ait nécessairement songé avant. Cela rejoint particulièrement les jeunes travailleurs autonomes que nous avons rencontrés. Certains sont devenus travailleurs autonomes après qu’ils eurent été appelés à réaliser un contrat ici et là pour dépanner des amis ou pour répondre à une urgence formulée par un tiers via le bouche-à-oreille. Aux troisièmes motifs sont associées les situations suivantes : le travail autonome est la seule façon d’exercer sa profession, les organisations offrent des emplois contractuels qui permettent aux personnels d’emprunter le statut d’autonome ou encore, le marché du travail n’offre pas les conditions permettant à l’individu de se trouver un emploi salarié dans les délais souhaités. Quelquefois, l’exercice du travail autonome repose sur une combinaison de motifs.

Les travailleurs autonomes qui le sont devenus par un choix autre que des raisons familiales ont manifesté un intérêt pour la recherche de défis et la possibilité de se réaliser pleinement ; c’est principalement ce qui les a attirés dans ce statut d’emploi. Certains ont décidé d’emprunter la voie du travail autonome parce qu’ils considéraient que leur potentiel, leurs aptitudes, leurs talents et leur créativité n’étaient pas pleinement exploités dans le cadre d’un emploi salarié. Cela rejoint particulièrement les organisateurs d’évènements, les relationnistes ainsi que les professions plus artistiques.

« J’avais le goût de voler de mes propres ailes, je voulais me mettre un peu plus en contrôle de ma vie et aussi, je pense que le challenge m’a amené… C’était le goût du défi de faire ça à mon compte. J’avais fait le tour du jardin où j’étais. »

[Organisateur d'événements, monoparental-2 enfants, TA-3 ans] 030

« La seule raison pourquoi je trouve cela intéressant de devenir travailleur autonome, c’est parce que je suis à contrat. C’est la liberté de temps. Donc beaucoup de revenus avec peu de travail. C’est le meilleur outil, cela me garde "sharp" aussi au niveau de mes habiletés cinématographiques. Cela me garde toujours en train de rencontrer du monde, en train de travailler… Cela me garde efficace. »

« … je pense que ma façon de me réaliser c’était de devenir travailleuse autonome. Parce qu’en photographie, tu peux rentrer dans n’importe quelle entreprise pis faire de la photo. Ça devient une platitude, c’est toujours les mêmes choses… moi j’ai besoin de quelque chose de créatif, pis j’ai besoin de rencontrer des gens pis j’ai besoin que les journées ne se ressemblent pas. »

[Photographe (♀), en couple, TA-4 ans] 056

Dans le domaine de la consultation, en ressources humaines et en relations industrielles notamment, l’expérience, la réputation et la crédibilité sont des conditions essentielles à la décision de se lancer à son compte. D’ailleurs, les années en entreprise permettent d’alimenter un réseau de contacts sur lequel on peut s’appuyer. Le cheminement commun est donc celui-ci : travailler plusieurs années pour une ou quelques entreprises afin de faire ses classes et ensuite devenir travailleur autonome. Les propos suivants illustrent bien ce fait :

« Il y a la raison officielle et la raison officieuse. La raison officielle, c’est que j’avais déjà fait de la consultation et j’aimais ça. Je n’avais pas le niveau de responsabilités que je voulais avoir parce que j’étais tout jeune à ce moment-là. J’avais 25 ans, aujourd’hui j’en ai 51. Mais j’aimais la consultation et je me trouvais un peu jeune pour faire de la

consultation, alors là, j’ai fait le choix d’aller en entreprise, de prendre de l’expérience et je m’étais toujours dit qu’un jour je reviendrais en consultation. Les circonstances ont fait que ce jour-là est arrivé et je ne le regrette pas. L’histoire officieuse, (après plusieurs entrevues d’embauche suite à la perte d’emploi) je me suis dit que mes cheveux gris seraient probablement plus appréciés dans la consultation qu’en entreprise. Les entreprises cherchent aujourd’hui des jeunes qui vont se défoncer, qui ont la fougue des jeunes loups, moi je ne l’ai pas cet aspect-là. Par contre, je suis très bien organisé et j’atteindrais les résultats très facilement, beaucoup plus rapidement que quelqu’un qui déploierait beaucoup d’énergie parce qu’il est jeune puis il a à apprendre beaucoup de choses mais pour les entreprises, ce n’est pas ce qui est valorisé, c’est le dynamisme. » [Psychologue (♂), en couple, TA-3 ans] 060

On se tourne également vers le travail autonome afin de pallier une situation de chômage ou une situation pour laquelle le marché du travail n’offre que des statuts précaires ou pour réduire graduellement son temps de travail avant la retraite, comme l’ont souligné deux participantes.

« Bien, quand je suis sortie de l’université, en fait, je me trouvais confrontée au fait qu’il n’y a pas d’emplois permanents à vie comme certains ont pu bénéficier dans le passé, donc je me suis dit que la seule façon d’avoir le contrôle, de ne pas me faire mettre à la porte, c’était d’être travailleuse autonome. Donc cela a vraiment été motivé par cela, parce que je suis une personne qui a beaucoup, beaucoup d’autonomie et d’initiative. » [Relationniste (♀), en couple, TA-10 ans] 002

« … il va falloir que je travaille au moins jusqu’à 65 ans si ce n’est pas 70 ans, je

n’espère pas autant par exemple, travailler moins. Mais bon, il va falloir que je subvienne à mes besoins pendant assez longtemps, alors je me suis dit, en travaillant à mon compte, je pourrai toujours garder mes meilleurs clients et faire des contrats comme ça de façon sporadique… »

« Et je pense que c’était peut-être associé au désir de liberté, il y avait peut-être de ne plus effectivement être dans un domaine où il y avait déjà des balises qui étaient là, je veux dire qu’on soit dans quelque domaine que ce soit, quand on est dans une structure, il faut respecter les règles de la structure. Or, si on quitte ces structures là, il est évident que quelque part, on s’en crée une autre mais on va créer cette structure-là

essentiellement à son image. »

[Coach (♀) pour entrepreneurs, célibataire-enfant âgé, TA-18 ans] 039

« Je me suis donnée de nouveaux défis, ça me permet de prendre des cours qui m’intéressent, prendre du temps pour moi en vieillissant. »

[Comptable (♀), en couple-3 enfants, TA-13 ans)] 009