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Y a-t-il une morale pour le marché ?

PARTIE II (LES PATHOLOGIES DE LA LIBERTÉ SOCIALE)

Chapitre 7 Le marché comme iniquité

7.2 Y a-t-il une morale pour le marché ?

L’élément premier qui nous vient à l’esprit lorsque nous tentons de conjuguer échange communicationnel et marché capitaliste, est assurément le fait que l’apparition de l’économie de marché est venue mettre un terme à ce qu’il pouvait rester d’interaction sociale propre aux modèles d’échange féodaux, qui proposaient la fabrication, la distribution et l’échange de biens. Suite à l’apparition du marché, la valeur d’usage fit place à cette valeur d’échange240,

qui semble aujourd’hui encore miner les relations entre individus. Cependant, il ne faudrait

238 Smith, A. (1976). Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Paris, Gallimard, p. 197 239 « Mais est-ce que le travail salarié, le travail du prolétaire crée pour lui de la propriété ? Absolument pas. Il

crée le capital, c’est-à-dire la propriété qui exploite le travail salarié, et qui ne peut s’accroître qu’à la condition de produire davantage de travail salarié pour l’exploiter de nouveau. » (Marx. K. et F. Engels (1973). Manifeste du Parti communiste, Paris : LGF, p. 37)

240 « À partir de ce moment, les travaux privés des producteurs acquièrent en fait un double caractère social.

D’un côté, ils doivent être travail utile, satisfaire des besoins sociaux et s’affirmer ainsi comme parties intégrantes du travail général, d’un système de division sociale du travail qui se forme spontanément ; de l’autre côté, ils ne satisfont les besoins divers des producteurs eux-mêmes que parce que chaque espèce de travail privé utile est échangeable avec toutes les autres espèces de travail privé utile, c’est-à-dire est réputé leur égal. » (Marx, K. (1867). Le Capital, Paris : La Pléiade, 1685 pages.

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pas négliger le rôle de médiateur que ce nouveau marché capitaliste a aussi su instaurer. Sans celui-ci, les relations interpersonnelles soutenues par les échanges économiques se réalisaient, mise à part dans quelques cas d’exception comme la route de la soie241, d’un à

l’autre ou d’un vers quelques-uns tout au plus.La mise en place d’un vaste marché mondialisé a donc eu pour effet d’inclure tous les individus de l’Occident dans une large relation formelle d’échange de biens et services. En fait, le marché semble à l’époque de son apparition avoir eu un effet similaire, dans une mesure assurément moindre, à celui créé par l’explosion récente des médias sociaux, qui permirent à tous, quoique de façon aussi formelle qu’a su le faire à l’époque le marché, d’entrer en communication :

Ces marchés servaient l’échange économique des biens et services qui n’étaient pas accessibles à l’échelon local ou à l’intérieur des frontières du territoire politique concerné, de telle sorte qu’ils devaient être acquis à l’extérieur moyennant paiement et à des prix déterminés par la demande. Mais, dans la vision communément admise, ce n’est qu’avec le capitalisme qu’apparaît un système économique ne développant les rapports entre toutes les parties prenantes à la reproduction économique – et donc entre les ouvriers, les consommateurs et les entrepreneurs – que sous la forme de transactions pour lesquelles le marché fait office de médiateur242.

Un autre élément qui est soulevé par Honneth et qui peut découler de la croissance de ce marché, est l’accroissement en production économique. Selon une conception plutôt libérale, voire néolibérale, un tel accroissement est synonyme de liberté243. De plus, une

régulation imposée par l’État est souvent accusée, par les défenseurs d’une telle approche, de freiner les élans promis par le modèle compétitif du marché, qui pousserait les individus au dépassement en les rendant plus productifs. Cependant, l’auteur s’empresse aussi de rappeler qu’avant qu’un tel accroissement effectif des libertés individuelles puisse avoir lieu, une institutionnalisation juridique est nécessaire. Ainsi, nous nous retrouvons de nouveau à notre point de départ, alors qu’Axel Honneth tente, par la démonstration des avantages découlant de son concept de liberté sociale, de dépasser cette limitation juridique de l’individu.

Donc, avant de pouvoir lui-même incarner une quelconque forme de liberté ou de devenir autonome, ce marché a eu besoin d’une intervention massive de l’État244. Cette

241 La route de la soie est cet ancien réseau routier entre la Chine et l’Europe. La communication et les échanges

entre ces deux populations remontent à plus de deux mille ans avant notre ère.

242 Honneth, A. (2015). Le droit de la liberté : Esquisse d’une éthicité démocratique, p. 276

243 « C’est ainsi que nous avons établi une théorie des droits de propriété, qui énonce que chaque homme a un

Droit absolu de contrôler et de posséder son propre corps ainsi que les ressources naturelles non utilisées qu’il a trouvées et transformées. (…) Ainsi, tout Droit de propriété légitime est déduit de la propriété de chaque homme sur sa propre personne (…) » (Rothbard, M. (1991). L’éthique de la liberté, Paris : Les Belles lettres, coll. Laissez-faire, p. 83)

244 Suite à une période de crises économiques diverses, l’économiste J.M. Keynes (Keynésianisme) suggéra une

théorie selon laquelle l’État devait être la garant de l’intérêt général. L’État providence prend donc en charge les aspects publics comme la sécurité publique, la santé, l’éducation, etc. Nous le reconnaissons aujourd’hui

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affirmation va donc dans le même sens que cette nécessité d’une reconnaissance juridique et du développement de la personne juridique, pour permettre aux individus d’ensuite s’impliquer dans un marché libre d’entrave. Pour se libérer, le marché devait se voir paradoxalement circonscrit, puis l’individu, afin de devenir libre, a dû à son tour, voir la sphère de ses propres libertés être délimitée.

Pourtant, ce marché se veut une œuvre de rationalisation effective des libertés individuelles. Il doit éviter de sombrer dans la simplicité des préférences individuelles, afin de répondre aux demandes les plus régulièrement et communément exprimées. Toutefois, avec un certain recul, nous sommes en droit de penser que le marché, principalement à cause des investissements importants faits en publicité (qui construit et oriente aussi la demande), répond positivement aux demandes les plus régulièrement exprimées. Celui-ci tend à s’orienter vers les demandes des consommateurs, en publicisant bon nombre d’articles répondant à des intérêts particuliers et égoïstes, qui font toutefois de plus en plus consensus.

La démocratie désinformée s’est donc emparée du marché et a su le pervertir afin de lui donner une direction. Elle a toutefois su réaliser cela, en laissant croire aux individus qu’ils sont maîtres de leur destinée et qu’ils ont choisi cette direction donnée au libre marché. D’ailleurs, certains intellectuels des Lumières pouvaient soulever bon nombre de craintes face aux dérives possibles du marché :

Selon leurs tempéraments respectifs, et leurs convictions politiques respectives, les uns considéraient la mise en pratique de ce nouveau style de comportement comme une opportunité de transformer les « passions » en « intérêts », de transformer des passions difficilement contrôlables en calculs dépassionnés de l’intérêt bien compris, plus aisés à contrôler ; tandis que les autres l’envisageaient comme le premier d’une érosion rapide des attitudes morales et des relations sociales fondées sur l’affection mutuelle245.

Donc, en plus d’anticiper la possible dérive et la manipulation des intérêts de masse, une inévitable érosion des liens profonds entre individus fut déjà anticipée pendant la modernité. Marx avait d’ailleurs pris soin de souligner cette rupture du lien social découlant de la nécessité qu’ont les individus de se comporter comme sujet de l’État246. Cette limite ou

dans la plupart de nos institutions publiques. En 1942, le premier rapport Beveridge dressait alors les grandes lignes (cadre théorique) de cet État providence.

245 Honneth, A. (2015). Le droit de la liberté : Esquisse d’une éthicité démocratique, p. 279

246 « […], pour se comporter en sujet réel de l’État, acquérir importance et efficacité politiques, il doit

abandonner sa réalité civique, en faire abstraction, se retirer de toute cette organisation pour se réfugier dans son individualité ; car il ne lui reste plus, pour affirmer sa citoyenneté, que son individualité pure et nue, […]. Ce n’est qu’en contradiction avec ces seules communautés existantes, ce n’est qu’en tant qu’individu qu’il peut être citoyen de l’État. Son existence comme citoyen se situe hors de ses modes d’existence communautaires ; elle est donc purement individuelle. » (Marx, K. (1965). « Anti-Hegel », dans Œuvres, V.1. France : Gallimard, p. 956-957)

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ce risque inhérent au capitalisme de marché n’est pas sans rappeler la fragilité avec laquelle sont aujourd’hui frappées les amitiés, en ce qui a trait au possible opportunisme ou carriérisme. Dans l’économie de marché, cette attitude opportuniste vise l’accroissement des biens et services, au détriment des relations profondes et engagées.

Comme cet accroissement devient une priorité, il nous permet d’assister à une négation des relations interpersonnelles, au profit de visées individuelles et égocentrées. Dans cette course à la consommation, l’espace pour l’interaction se voit réifié et remplacé par cette chosification des individus. Ceux-ci ne deviennent plus que des agents qui interagissent dans le but de maximiser le profit, qui peut découler de ces nouvelles relations client-commerçant. D’autre part, l’accroissement du marché a eu pour effet de réduire ces mêmes individus, attirés vers la consommation de biens et services, au rôle d’esclaves. « Elle [la conscience heureuse] abrite la croyance que le réel est rationnel, que le système établi, malgré tout, distribue les biens. Les individus trouvent peu à peu dans l’appareil de production l’agent effectif de pensée et d’action auquel leur pensée personnelle et leur action personnelle peuvent et doivent se soumettre. 247» Alors que nous sommes désormais déresponsabilisés

face à notre capacité d’autogestion, notre souveraineté économique est remise à ce marché libéral, qui détermine selon le processus démocratiqued’offre, de demande et de propagande, quels seront nos biens nécessaires et essentiels. Ainsi, il ne nous reste plus qu’à produire, afin de combler ces nouveaux besoins tels : une télé à écran Plasma ; une voiture de l’année ; un masseur pour les pieds ; etc. Pour combler leurs besoins en biens et services et atteindre cette liberté factice tant promise et espérée, les individus se mettent au travail sans relâche. Cela avait pourtant pour but d’obtenir les moyens concrets et financiers d’accroître leur niveau de liberté réelle :

L’économie de marché, dont la légitimité, aux yeux de ses défenseurs, découle du fait qu’elle rend possible la liberté juridique, ne fragilise pas seulement les conditions de la liberté sociale que rendrait possible une coopération planifiée, mais enfreint même sa propre promesse en ne laissant pas d’autre choix aux ouvriers que d’entrer dans des relations de travail contractuelles impliquant un travail avilissant et une exploitation économique248.

Cette critique marxiste de l’économie de marché nous semble toujours juste et pertinente, alors que les besoins matériels sont désormais exponentiellement accrus. Bon nombre de ces gadgets non essentiels n’existaient même pas à l’époque où ces premières critiques à l’endroit de l’économie de marché furent soulevées. Que dire des téléphones intelligents, des moyens de divertissements virtuels et de toute cette économie abstraite qui,

247 Marcuse, H. (1968). L’homme unidimensionnel. Essai sur l’idéologie de la société industrielle avancée,

trad. M. Wittig. France : Les éditions de minuit, p. 103

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à travers un nouveau marché, amène les individus à consommer dans une sphère quasi parallèle au monde réel. Nous pouvons penser au cinéma en ligne ou, encore, au téléchargement musical, qui engagent les individus financièrement sans pour autant leur offrir un accroissement en biens concrets. La plupart de ces achats demeurent pourtant simplement abstraits et virtuels. Même les modes de paiements sont suffisamment abstraits, pour permettre aux institutions d’exploiter cette naïveté propre aux individus qui ne sont pas conscients des sommes qu’ils engagent en consommation de biens superficiels et eux aussi abstraits. Cette marche vers le consumérisme sans limite menotte toutefois les individus et les pousse à travailler davantage.

Ainsi, alors que les défenseurs du marché s’affairaient à soutenir que celui-ci pourrait offrir un accroissement de reconnaissance et de liberté, pour les citoyens qui osent s’y engager, certains auteurs, comme Hegel et Durkheim, s’opposèrent à un tel mouvement pour affirmer que la reconnaissance et la liberté étaient des préconditions propres à l’entrée d’un individu dans l’économie de marché :

Tous deux étaient convaincus que de telles attitudes de solidarité se développeraient nécessairement, comme tout naturellement, chez toutes les parties prenantes au motif que le fonctionnement sans heurts du mécanisme du marché dépendait d’elles. Hegel considérait pour cette raison que la possibilité d’un recoupement des intérêts égocentriques « médié » par l’offre et la demande imposait que les parties prenantes montrent les unes à l’endroit des autres une estime mutuelle, dans leur « honneur » en tant que citoyens économiques, et montrent en conséquence une certaine considération les unes pour les autres dans le fait même d’œuvrer à leur sécurité économique respective. Et Durkheim croyait même pouvoir montrer que le système entier de l’économie de marché moderne n’était parfaitement exempt d’anomalies, et ne pouvait donc fonctionner sur le mode de l’encouragement à l’intégration, qu’à la condition que tous bénéficient d’une égalité des chances continue, de salaires décents, mais aussi d’un travail « ayant un sens »249.

Par leurs préoccupations, Hegel et Durkheim se situaient déjà en phase avec ces problématiques que de nombreux auteurs contemporains reprochent encore aujourd’hui à l’économie de marché. Nous l’avons bien compris aujourd’hui : afin d’accorder l’ensemble des intérêts particuliers, le marché a besoin que les individus qui s’y engagent soient considérés pour ce qu’ils sont et non pas méprisés et appelés à joindre les rangs d’une masse informelle de consommateurs. C’est cette lacune, voire cette impossibilité persistante de reconnaître les particularités individuelles, qui rend encore aujourd’hui l’économie de marché non fonctionnelle. Celle-ci dicte les règles et laisse trop d’individus et, par le fait même, trop d’intérêts singuliers dépourvus de toute reconnaissance :

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La coordination réalisée par le marché des calculs d’intérêts bien compris purement individuels ne peut être menée à bien qu’à la condition que les sujets impliqués se soient préalablement reconnus les uns les autres, non seulement sur le plan juridique, en tant que partenaires contractuels, mais aussi sur le plan moral ou éthique, en tant que membres d’une communauté axée sur la coopération. En effet, sans une telle conscience préalable de la solidarité, qui oblige les sujets à faire plus que respecter seulement les termes d’un contrat, les opportunités offertes par le marché pourraient être utilisées pour escroquer, amasser des richesses et exploiter autrui250.

Pendant le XIXe siècle, l’économie capitaliste s’est grandement développée, sans toutefois tenir compte de ces appréhensions exprimées par Hegel, Durkheim et Marx. C’est pour cette principale raison qu’il nous semble aujourd’hui difficile de considérer le marché capitaliste, comme une institution pouvant permettre un accroissement significatif des libertés individuelles. Il nous est encore plus difficile d’imaginer ce marché capitaliste comme pouvant générer un type social de liberté fondé sur l’interaction et l’intersubjectivité. En fait, le marché nous semble aujourd’hui être la plus magnifique incarnation de ce qu’est l’individualité ou l’égocentrisme. Le capitalisme de marché, en plus de produire bon nombre de comportements pathologiques n’internalise ni les coûts sociaux, comme notre nouvelle forme d’esclavagisme ou les conditions de travail auxquelles les gens sont soumis, ni les conditions environnementales, qui sont totalement évacuées du portrait.

Cependant, nous en revenons à cette responsabilité plus tôt évoquée, qu’il nous est possible d’attribuer aux consommateurs. Afin de maintenir sa forme actuelle et d’entretenir son déploiement et son organisation, le marché a besoin de l’assentiment d’une majorité de la population. Sans cela, il aurait pu être renversé ou remplacé par une autre structure économique. Pourtant, il se maintient et cela, Hegel et Durkheim avaient déjà su l’anticiper :

En effet, cette précondition normative doit être remplie pour que cet ordre puisse compter sur l’accord de l’ensemble des parties prenantes. À l’instar de toute autre sphère sociale, le marché a également besoin de l’assentiment moral de tous ceux qui y sont parties prenantes, si bien que ses conditions d’existence ne peuvent être remplies indépendamment des normes complémentaires qui légitiment le marché aux yeux de ces acteurs économiques. Hegel, à qui le langage fonctionnaliste était naturellement tout à fait étranger, considérait qu’une telle manière de voir tombait sous le sens. […] Durkheim, enfin, ne pensait pas autrement lorsqu’il reliait les pathologies de la division du travail moderne, médiée par le marché, au fait que certaines conditions d’équité et de justice ne s’y voyaient pas remplies. Il considérait en effet lui aussi que la stabilité et l’intouchabilité de nouvel ordre se mesuraient à sa manière de satisfaire aux normes morales susceptibles de rencontrer un assentiment universel251.

250 Ibid., p. 282 251 Ibid., p. 285-286

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Ainsi, cet ordre économique devient impérativement relié à ces préconditions ou à cette forme de contrat pré-économie de marché. La théorie des contre-mouvements élaborée par Karl Polanyi252 dans La Grande Transformation253, vient en quelque sorte confirmer cette

emprise de la masse sur la direction que doit prendre le marché254. Celui-ci fait valoir que

lors de mécontentement, la population tend à se révolter et demander une intervention massive de l’État afin de faire valoir ses droits :

Que le marché capitaliste se voie privé de ses états précontractuels prenant la forme de normes de solidarité communément partagées, et le voilà alors affligé d’ « anomie » au sens durkheimien du terme. Le mécontentement de la population en résultant s’exprime alors inévitablement, selon Polanyi, dans des contre-mouvements sociaux exigeant une intervention de l’État destinée à y remédier255.

Malgré le fait que, chacun à leur façon, ces auteurs puissent critiquer l’économie de marché dans son modèle capitaliste, il n’en est pas moins vrai qu’ils lui reconnaissent tous une certaine portée démocratique. En fait, ils en proposent une lecture qui s’apparente à celle d’un contrat de travail ou, encore, à une forme implicitement reconnue d’expression des cadres normatifs de la reconnaissance entre individus. De plus, cet engagement contractuel mène aussi les contractants à une forme de socialisation et de considération réciproque. Cependant, l’élément qui demeure le plus fragile est cette forme conditionnelle de reconnaissance, qui se rattache trop souvent au pouvoir d’achat des contractants. C’est d’ailleurs sur cette sphère que porte la section suivante du travail d’Honneth, relative au « nous » dans l’économie de marché.

Inévitablement, la plupart des auteurs peuvent reconnaître cette force propre au marché, qui à titre de levier, permet d’améliorer le rendement. Cependant, qui dit rendement, dit aussi sélectivité et, qui dit sélectivité, dit aussi exclusion. Comme nous nous trouvons dans l’attente d’une reconnaissance pouvant mener à une éthicité démocratique qui se veut inclusive, cette composante de performance se doit donc d’être modérée ou même supprimée :

252 Karl Polanyi (1886-1964). Selon ce dernier, le marché ou l’homme économique sont des concepts non

universels ou non naturels. Il l’illustre principalement dans La Grande Transformation (1983). Sa vision sociale-démocrate est encore aujourd’hui proposée comme solution au néolibéralisme souvent critique.

253 Polanyi, K. (1983). La Grande Tranformation, Paris : Gallimard, 419 pages.

254 « Les contre-révolutions formaient l’habituel retour du balancier politique vers un état de choses qui avait

été violemment troublé. Ces déplacements (move) avaient été caractéristiques en Europe depuis la république d’Angleterre au moins et n’avaient que des rapports limités avec les processus sociaux de leur époque. Dans les années vingt se développèrent de nombreuses situations de ce genre, car les soulèvements qui renversèrent plus d’une douzaine de trônes en Europe centrale et orientale ne tenaient pas au progrès de la démocratie, mais