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PARTIE I (DU LIBRE REFUS DE L’ENGAGEMENT)

Chapitre 4 La liberté sociale comme thérapie

Étant parvenu à illustrer maintes limites propres aux systèmes d’action de la liberté individuelle, incarnés par la liberté juridique et la liberté morale, Honneth se propose alors de reprendre le principe hégélien de l’éthicité, pour illustrer les avantages qu’une conception sociale de la liberté peut détenir sur une conception plutôt subjective et égocentrée de celle- ci. Les critiques précédemment mises en évidence, propres à la liberté juridique et à la liberté morale, avaient donc pour effet de préparer cette proposition d’une liberté sociale comme thérapie.

Cette idée de liberté sociale comme thérapie, Honneth l’avait elle aussi déjà illustrée, alors qu’il y accorda la majeure partie de son œuvre Les pathologies de la liberté : Une réactualisation de la philosophie du droit de Hegel172. Ainsi, Honneth a mis l’accent sur le

concept d’ « être-auprès-de-soi-dans-l’autre », afin de démontrer la réciprocité inconditionnelle à cette réalisation d’une liberté effective des individus. Il s’appuyait même sur ce concept de « volonté libre », qui représente les conditions nécessaires à la libre interaction qu’Hegel considérait comme les « biens de base »173 :

Manifestement, de telles conditions sociales ou institutionnelles doivent précisément être comprises comme le concept d’ensemble d’un ordre social juste permettant à chaque sujet individuel de se mouvoir au sein de relations communicationnelles qui peuvent être exprimées comme l’expression de sa propre liberté ; car c’est uniquement dans la mesure où les sujets parviennent à participer à des relations sociales de cette sorte, qu’ils peuvent aussi réaliser leur liberté sans contrainte dans le monde extérieur174.

172 À l’époque de cette ancienne rédaction, les critiques d’Honneth envers la liberté juridique et la liberté morale

étaient bien moins étoffées, mais il avait déjà une idée de l’endroit où il voulait se diriger, avec une liberté sociale comme solution aux problèmes courants. « Le passage à l’ « éthicité », en même temps qu’il permet de surmonter les attitudes pathologiques, doit aussi permettre de comprendre les conditions communicationnelles qui constituent la présupposition sociale grâce à laquelle tous les sujets peuvent accéder de façon égale à la réalisation de leur liberté : [..]. » (Honneth, A. (2008). Les pathologies de la liberté : Une réactualisation de la philosophie du droit de Hegel, p. 83)

173 Pour Hegel, les pré-conditions qui permettent la réalisation d’une liberté effective, dans un contexte

d’interaction sociale, devraient faire partie intégrante des biens de base et dépasser les simples biens pouvant assurer la survie. « On peut peut-être également dire qu’il considère des relations communicationnelles comme le « bien de base (« basic good ») qui est requis dans l’intérêt de tous les hommes pour ce qui regarde la réalisation de leur liberté. Quoi qu’il en soit, quand on formule les choses de cette manière, il faut aussitôt ajouter que Hegel, à la différence de Rawls, n’admet pas que ce bien de base puisse être réparti de façon juste selon de quelconques principes ; bien plutôt, il semble qu’il veuille en venir à l’idée selon laquelle la « justice » des sociétés modernes dépend de la mesure dans laquelle elles peuvent permettre à tous les sujets une égale participation au « bien de base » que sont de telles relations communicationnelles. » (Honneth, A. (2008). Les pathologies de la liberté : Une réactualisation de la philosophie du droit de Hegel, p. 41)

174 Honneth, A. (2008). Les pathologies de la liberté : Une réactualisation de la philosophie du droit de Hegel,

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Il s’agit en fait, pour Honneth, d’illustrer que le tissu social puisse constituer le socle de nos questionnements moraux, qui ne peuvent donc pas être envisagés sans ce construit social auquel nous prenons part. Une fois qu’il réalise cela, l’individu se retrouve libéré face aux sentiments de vacuité ou de solitude. Honneth reprend même un intéressant passage des Principes de la philosophie du droit, afin de démontrer l’importance qu’un tel cadre social revêt pour l’individu :

Dans l’obligation, l’individu a plutôt sa libération, d’une part à l’égard de la dépendance où il se tient dans la simple impulsion naturelle, ainsi qu’à l’égard de l’oppression dans laquelle il est en tant que particularité subjective prise dans les réflexions morales au sujet de ce qui doit être et de ce qui peut être, d’autre part à l’égard de la subjectivité indéterminée qui ne parvient pas à l’existence et à la détermination objective de l’agir, et qui reste en elle-même et comme une ineffectivité175.

Une telle conception de l’éthicité, propose donc un accès à une liberté négative, mais tout aussi à une liberté positive, alors qu’elle permet d’envisager les conditions de réalisation pratiques d’une liberté réelle. Cette conception vient assurément agir chez Honneth, comme thérapie, puisqu’il y est question de permettre une certaine reconnaissance sociale face à bon nombre de souffrances vécues par des individus juridiquement ou moralement isolés. Comme le concept de reconnaissance est au centre de l’œuvre d’Honneth, puis que son discours fut aussi fortement influencé par les conceptions pathologiques de la psychanalyse freudienne, il devient évident que la reprise de cette éthicité hégélienne répond aux conditions de la démonstration qu’il entend faire. C’est d’ailleurs en référence à la psychanalyse, qu’Honneth tend à critiquer l’approche communicationnelle habbermasienne, alors qu’il croit que ce dernier n’aurait pas dû chercher à organiser sa théorie selon une progression comme nous pouvons la voir chez un auteur comme Lawrence Kohlberg :

Aussi, Jürgen Habermas, en développant sa Théorie de l’agir communicationnel (1981), était-il parfaitement fondé à prendre ses distances avec la psychanalyse, et à lui substituer une psychosociologie évolutive inspirée de Kohlberg et Piaget, qui devait expliquer en accord avec les concepts directeurs du système les possibilités de réussite d’une conscience morale postconventionnelle. […] Je suis néanmoins convaincu, contre Habermas, qu’il y a beaucoup de bonnes raisons de renvoyer une théorie critique de la société à la psychanalyse (au sens le plus large)176.

C’est donc en relation avec cette quête du soi, propre à la psychanalyse, qu’Honneth cherche à réorganiser sa nouvelle critique de la liberté autour du phénomène de

175 Hegel, G.W.F. (2003) Principes de la philosophie du droit, p. 255 176 Honneth, A. (2013). Un monde de déchirements, p. 232-233

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reconnaissance, propre à la liberté sociale. Il ne s’agit toutefois pas d’une quête formelle d’accroissement moral, mais plutôt d’une observation des conditions de moralité généralement admises par certaines communautés données, dans cette quête que chacun effectue vers son individualité et sa liberté.

Si Honneth réfère autant au principe d’état pathologique et suggère sa liberté sociale comme pouvant être une thérapie, c’est inévitablement à cause des recherches qu’il a pu effectuer à partir de la psychanalyse. Par contre, il n’a pas retenu de celle-ci une source d’inspiration autant qu’un tremplin critique vers son approche qui se veut bien plus psychosociologique. De la psychanalyse, il retient la difficulté de reconnaître l’influence pouvant découler d’une immersion de l’individu dans la communauté. Cependant, il entretient pratiquement le même type de réserves envers la sociologie, qui elle peine à reconnaître la place de l’individu dans cet imposant « Nous » que forme la société :

Ces occultations réciproques ont pour effet qu’aucune des deux orientations ne perçoit plus combien son domaine d’objet est aussi modelé par l’autre. Autant la psychanalyse a du mal à admettre que l’immersion dans un groupe social peut être bénéfique aux forces constitutives du Moi individuel, autant l’étude sociologique des groupes ignore combien l’expérience collective peut se révéler menaçante pour l’individu, en qui elle réactive inconsciemment des relations d’objet primitives. Mais une conséquence plus lourde est que ces réductions unilatérales semblent interdire d’emblée une mise en commun des fonds conceptuels respectifs des deux disciplines. Les motifs auxquels on impute dans chaque cas l’adhésion au groupe sont tellement éloignés qu’on a l’impression d’être devant deux phénomènes sociaux totalement différents177.

Cependant, alors qu’Honneth admet que cette psychanalyse freudienne est assurément dépassée, puis que la notion de pulsion et d’ego de l’enfant sont devenues des vestiges oubliés, il maintient toutefois que l’essence de la psychanalyse, elle, demeure pertinente. Cette essence, qu’il reprend comme fondement de ses actuels travaux, quoiqu’il le fasse en référant de façon exhaustive à Hegel et Mead, est celle de la quête pour la liberté intérieure et pour l’individualité. C’est cette même pulsion qui a dirigé Honneth vers des travaux sur la reconnaissance, puis maintenant, sur une apogée orientée vers le droit de la liberté :

Ma thèse est que l’on risque ainsi de perdre l’héritage central de la théorie freudienne, l’élément qui parmi tous ceux qui sont en effet devenus discutables conserve jusqu’aujourd’hui sa validité : l’idée que l’être humain est d’abord un être divisé, intérieurement clivé, mais qu’il possède pourtant, parce qu’il est intéressé à étendre sa liberté « intérieure », la capacité de réduire, voire de dépasser ce clivage à travers sa propre activité réflexive. Dans toutes les différentes dimensions que comporte cette unique idée anthropologique, Freud

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ajoute à l’image traditionnelle de l’homme un élément essentiellement nouveau, qui a pour noyau l’élargissement de la relation à soi : le sujet ne peut accéder à ses activités psychiques qu’à partir de la perspective interne que lui ouvre la représentation déjà familière de sa propre liberté178.

Ainsi, c’est par cette quête d’autodétermination propre à la psychanalyse, que l’individu en vient paradoxalement à réfléchir sur son extériorité. Cela lui permet d’obtenir l’information nécessaire sur ce Soi qu’il tente de construire. C’est donc à partir de cet élément central qu’Honneth a su orienter sa quête théorique vers les concepts de reconnaissance et de liberté. Par contre, il ne pourrait point se limiter à cette quête formelle de soi, alors que la réalité du monde vécu, du vrai monde comme le dit Honneth, demeure incontournable à l’élaboration des conditions d’une liberté effective.

Selon Honneth, la véritable éthicité ne réside non pas dans le droit formel ou dans nos idéaux moraux, qui trop souvent demeurent abstraits, mais s’incarne plutôt de façon subtile dans l’ensemble des interactions que nous entretenons de notre vivant. Ce sera donc en référence à certaines institutions communes, qu’Honneth tentera de reconstruire une théorie de la liberté. Il se rapporte généralement au contexte de la famille, à celui du marché et à celui de l’implication politique. Ces trois sphères qu’il avait déjà considérées comme présentes chez Hegel, dans le passage sur l’éthicité, des Principes de la philosophie du droit, lui permettent d’opposer à la liberté individuelle jusqu’alors constituée de la liberté juridique et de la liberté morale, l’idée d’une liberté sociale :

La capacité de se savoir lié à des rôles bien précis, correspondant à différents lieux de la vie sociale, et donc de distinguer entre, par exemple, les obligations en vigueur sur le lieu de travail et celles en vigueur dans la sphère familiale, cette capacité, donc, est restée largement inentamée, alors même que la rigidité de ces modèles de rôles individuels a été significativement réduite. La persistance d’une telle capacité de différenciation n’a rien de très surprenant, car elle représente une composante de la réserve de savoirs socialement nécessaire, sans laquelle les processus élémentaires de coordination de l’agir social ne seraient absolument pas possibles. Cet agir social a en effet besoin d’une réserve de base de différenciations communément partagées informant sur le mode intuitif chaque individu des règles, normes et routines qui sont attendues de sa part dans les divers domaines de son environnement social179.

C’est donc ce nébuleux tissu d’institutions sociales qu’Honneth se propose de démystifier, afin de mettre en lumière des règles communes que nous partageons inconsciemment. Par cette approche, il croit parvenir à extraire de notre agir commun, les normes que nous pourrions considérer comme nos impératifs moraux, qui permettent de

178 Ibid., p. 265

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réguler les diverses interactions dans lesquelles nous œuvrons. Peut-être après cela sera-t-il possible d’en arriver à un consensus plus souple, que par de longs processus discursifs comme pouvait le proposer Habermas :

Bien que je ne puisse pas encore en donner une justification suffisamment étayée, je vais dans les pages qui suivent m’appuyer sur des distinctions devenues routinières dans le monde de la vie, faisant que de telles institutions relationnelles peuvent se constater dans la sphère institutionnelle des relations personnelles (VI.1.), dans la sphère institutionnelle de l’agir propre à l’économie de marché (VI.2.), ainsi que dans la sphère institutionnelle de la vie publique politique (VI.3.). Dans chacun de ces trois systèmes d’action, il importera chaque fois d’extraire peu à peu le modèle de reconnaissance mutuelle et les obligations de rôles complémentaires sur la base desquels les membres de la société peuvent concrétiser des formes de liberté sociale dans les conditions de leur temps180.

Par contre, Honneth avoue d’entrée de jeu que ce projet risque de demeurer imparfait, puis que les portraits qu’il parviendra à décrire dans son investigation seront des « idéal- typiques » face auxquels bon nombre d’écarts individuels sont envisageables. Cette conception d’idéal-typiques, est calquée sur ces idéaltypes de Max Weber, qui sont devenus propres à la quête de compréhension des relations entre les humains :

Les types idéaux sont non pas pensés sur un apriori de déductions exclusivement logiques et définitionnelles, mais construits à partir de la réalité sociale dont par synthèse et abstraction ils ont choisi, extrait et accentué certaines caractéristiques jugées représentatives d’un fait ou d’un ensemble de faits ayant cours dans l’histoire. Ces choix, extractions et accentuations sont l’œuvre du savant. Ils sont structurés en s’éloignant de cette réalité par leur pureté logique, pour mieux la retraiter et la penser (chacun d’eux est ainsi « idéal »). Ils ne sont donc pas issus d’une sorte de synthèse de l’existant, comme autant de copies de lui, mais permettent une analyse de cet existant181.

Cependant, Honneth croit vraiment pouvoir démontrer que de tels écarts ne représentent pas des pathologies, mais plutôt des « évolutions sociales négatives ». La différence entre les deux interprétations réside, selon Honneth, dans le fait que les évolutions négatives ne sont pas supportées par notre vivre ensemble, et ne seraient observables que de façon ponctuelle, brève et temporaire. Malgré ces quelques écarts, Honneth soutient que la liberté sociale se réalise déjà au quotidien. Même si nous voulions nous y soustraire, elle est présente dans l’ici et le maintenant.

180 Ibid., p. 200

181 Dantier, B. (2004). Les « idéaltypes » de Max Weber, leurs constructions et usages dans la recherche

sociologique. », Extrait de Max Weber, Économie et société, tome 1 : Les catégories de la sociologie, Paris, Plon/Agora.

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C’est la compréhension des composantes communicationnelles ou institutionnelles de ce vivre ensemble, qui permet aux individus d’éviter les pathologies explicitées dans nos précédents chapitres. Quand les individus peuvent eux-mêmes réaliser les limites propres aux libertés juridiques et morales, l’institutionnalisation d’une liberté sociale s’avère possible :

Sans la représentation libératrice de ce qu’ils ne souffrent d’être indéterminés que parce qu’ils ont adopté sans s’en apercevoir, au sein de leur praxis de vie, des conceptions unilatérales de la liberté, les sujets ne peuvent absolument pas accéder à ce concept intersubjectif de justice qui est donné dans l’idée d’une éthicité moderne182.

C’est donc en accédant à la compréhension de l’intersubjectivité que les individus parviendront à la liberté effective. Quoiqu’elle se réalise déjà, selon Honneth, de façon naturelle, cette liberté sociale s’élèvera au rang d’éthicité, lorsque la somme des individus seront parvenus à intérioriser ces normes implicites que l’auteur tente, par l’investigation qu’il réalise dans Le droit de la liberté : Esquisse d’une éthicité démocratique, et qu’il avait déjà introduite dans Les pathologies de la liberté, de mettre en évidence :

La libération de la pathologie ne peut pas avoir d’autre sens que celui d’une orientation en direction d’une justice comprise dans les termes d’une théorie de l’intersubjectivité. En d’autres termes, l’analyse thérapeutique a immédiatement des conséquences sur la conception de la justice parce que le fait de surmonter de façon critique les pathologies sociales et de devenir conscient des fausses convictions met en route l’appropriation des présuppositions communicationnelles et procure la compréhension des conditions nécessaires de la liberté183.

Ainsi, la mise en évidence des conditions propres à la liberté sociale, comprise comme se réalisant dans la sphère des relations interpersonnelles, la sphère du marché et la sphère de la participation démocratique, va bien au-delà d’une mise en place des conditions plutôt matérielles et propres à la réalisation d’une liberté effective. Une telle réalisation permet plutôt de traiter, à titre de thérapie, les individus qui souffrent et qui ont pu s’enliser dans des conditions de solitude, de vacuité et d’abattement, telles que suggérées par Hegel dans ses Principes de la philosophie du droit184.

182 Honneth, A. (2008). Les pathologies de la liberté : Une réactualisation de la philosophie du droit de Hegel,

p. 83

183 Ibid., p. 84

184 Entre les paragraphes 136 et 141 de ses Principes de la philosophie du droit, Hegel tente de mettre en

évidence les effets pervers que peuvent créer la liberté juridique et la liberté morale sur les individus qui font le choix de se soustraire à leurs obligations communautaires ou communicationnelles. Il utilise alors les thèmes de solitude, vacuité et d’abattement.

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Comme il l’a auparavant fait dans La lutte pour la reconnaissance, Honneth se réfère encore à ce besoin d’être reconnu en tant qu’individu, pour justifier la vision qu’il entretient de cette liberté sociale comme thérapie. En fait, s’il tente de défendre celle-ci, en ayant préalablement essayé de mettre en évidence les limites des libertés institutionnalisés avec lesquelles l’Occident œuvre actuellement, c’est qu’il lui semble inévitable, afin que ceux-ci puissent véritablement accéder à la liberté effective, que les individus parviennent à comprendre ce tissu intersubjectif d’actions réciproques dans lequel ils évoluent :

Si la réalisation de la liberté individuelle est liée à la condition de l’interaction parce que les sujets ne peuvent s’expérimenter eux-mêmes comme libres dans leurs limites que face à un partenaire humain, alors il faut que vaille pour l’ensemble de la sphère de l’éthicité le principe selon lequel elle doit consister en des pratiques de commerce intersubjectif. Les conditions de l’autoréalisation individuelle, que cette sphère doit procurer pour permettre d’échapper à la souffrance liée au fait d’être indéterminé, doivent d’une façon ou d’une autre être composées de formes de communication dans lesquelles les sujets peuvent réciproquement apercevoir dans l’autre une condition de leur propre liberté185.

Ainsi, le concept de reconnaissance auquel Honneth fait référence est celui pour lequel les individus ne sont pas seulement reconnus de façon formelle ou seulement abstraite, mais plutôt par leurs actions. Ce sont nos actions réciproques qui délimitent le niveau de reconnaissance que nous offrons à nos pairs. Comme purent le suggérer Kant ou Hegel, il est nécessaire de se comporter envers autrui de façon à ce que les actions que nous lui adressons, puissent être souhaitables même pour nous-mêmes186 :

La « reconnaissance » signifie d’abord ici, comme auparavant, se confirmer réciproquement et de façon non contrainte dans des aspects déterminés de la personnalité qui dépendent à chaque fois du mode de l’interaction sociale. […] Se reconnaître réciproquement ne signifie pas seulement aller à la rencontre de