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communicatives du réseau socio- socio-pédagogique

2. Les modes de participation aux échanges en ligne

2.1. Modes de participation avec les outils de CMO

La complexification des moyens technologiques de la communication, qui amène à mobiliser des ressources matérielles, sémiotiques et langagières diverses, implique de la part des participants des compétences sociotechniques pour déterminer, par rapport à de multiples possibilités de communication médiatisée, « celle qui convient du point de vue du lien et de la dynamique des rencontres à travers laquelle il se construit » (Fribourg et al., 2009 : 252) et pour organiser d'éventuels passages d'un dispositif de communication vers un autre si ce dernier parait plus apte à maintenir la communication ou à lui donner la coloration ou le style que l'on souhaite (plus ou moins formel, plus ou moins conversationnel, plus ou moins intime). Chaque outil façonne en effet des modes d’engagement et des styles de participation.

Certains chercheurs, dans une démarche comparative, se sont ainsi intéressés aux structures de participation dans différents outils de CMO. Nous reprenons trois études qui, de manières différentes et dans des contextes différents, se sont intéressées aux structures participatives. Ainsi, dans un contexte d’apprentissage de l’anglais à des non-spécialistes, Sarré (2012) a comparé l’impact des outils76 de CMO sur la « charge interactionnelle » et sur la qualité de l’output, qui traduisent, selon le chercheur, le degré de prise en compte de l’autre et l’intensité de la participation, en s’appuyant notamment sur une analyse sociométrique des réseaux sociaux. Sa conclusion est que les outils de CMO utilisés pour interagir influencent l’intégration des participants dans la communauté d’apprentissage. Son étude montre comment, en contraste avec des outils de CMO synchrones comme le clavardage ou la visioconférence, le forum n’est pas un outil avec lequel les apprenants de langue mobilisent des compétences et des ressources interactionnelles pour la co-construction et la co-gestion de l’interaction. Les forums, en contexte pédagogique, sont des outils qui induisent une production écrite de type monologale, à faible charge interactionnelle, le forum étant souvent considéré comme « une sorte de copie électronique » (Sarré, 2012 : 16). Ainsi, le clavardage serait un outil favorisant cette intégration, alors que les apprenants utilisant le forum électronique auraient plus de mal et resteraient en périphérie de la communauté. Dans les forums pédagogiques, on peut observer un plus grand nombre de « lurkers » et de monologues parallèles77. Ceci montre que, bien souvent, il y a un écart entre la participation prévue par l’enseignant et ce qui se réalise effectivement. Sur les forums, le mode prédominant des échanges est le mode question / réponse, alors que l’on souhaiterait observer de longs échanges78. Les modes de participation observés dans les dispositifs d’apprentissage ne semblent pas différents de ceux que l’on rencontre sur la plupart des forums dans d’autres contextes. Mais les attentes à leur égard dans le contexte éducatif sont liées à un imaginaire relatif à tous les médias sociaux dans leur ensemble et qui sont celles d’un média participatif au contenu moins régulé et plus fluide (Seargeant et Tagg, 2014). De plus, le forum favoriserait peu les rencontres entre participants silencieux puisque aucun dispositif ne donne à voir ce public invisible (Beaudouin (2002)79.

76 Le chercheur parle de « modes » de CMO, nous lui substituons le terme d’ » outil » pour des soucis de clarté et de cohérence, puisque nous préférons garder le terme « mode » pour parler du mode sémiotique -verbal écrit, verbal oral, gestuel…

77 Henri et Charlier (2004) citent des études qui ont montré qu’un faible pourcentage des étudiants était responsable de la grande majorité des messages et que plus de la moitié des étudiants ne postaient rien.

78 Cf. également Henri et Charlier, 2004.

Rau et al. (2008), comparent la participation entre les communautés en ligne traditionnelles, reposant sur des forums de discussion, et les réseaux sociaux numériques. Ils remarquent que les membres de communautés en ligne traditionnelles autour de forums, construisent leur participation dans le but d’améliorer leur compréhension d'un sujet ; même si certaines communautés sont construites autour de l'échange de « supports émotionnels » (p. 2759), ces échanges se passent très souvent entre étrangers plutôt qu'entre connaissances de la vie hors ligne. La participation dans les communautés en ligne traditionnelles serait structurée de manière descendante, centrée sur le lieu, contrôlée par un modérateur, conduite par le sujet, centralisée et architecturée. La participation dans les RSN serait quant à elle développée de manière ascendante, centrée sur les individus, contrôlée par les utilisateurs, conduite par le contexte, décentralisée, et auto-organisée. Les chercheurs affirment d’une part que les relations entre les membres sont plus visibles dans les réseaux que dans les communautés et qu’ainsi de tels sites impliquent une participation publique et active des utilisateurs. D’autre part, ils remarquent que publier activement sur de tels espaces relève de motivations et de comportements différents des communautés en ligne traditionnelles.

Figure 22 : modèle de chaine comportementale (Vasalou et al., 2010 : 720)

Enfin, l’étude de Vasalou et al. (2010) s’intéresse aux activités sur le réseau Facebook et à aux motivations des usagers pour utiliser le réseau. Les chercheurs s’appuient sur un « modèle

de chaine comportementale » (p.720) retraçant la gamme de comportements qu’un site doit favoriser par son design80

pour que l’utilisateur adopte le service. Ce modèle se construit sur trois phases : la découverte, l’engagement superficiel et l’engagement réel (figure 22). Les chercheurs s’intéressent à la troisième phase. A cette phase, le design des RSN est caractérisé par trois cibles comportementales : (1) créer de la valeur et du contenu, (2) rester actif et loyal (par exemple visiter le site fréquemment), et (3) impliquer les autres. Ce sont les trois cibles d’un design participatif.

L’étude de Vasalou et al. montre ainsi que, dans la phase d’engagement réel sur le réseau

Facebook, les usagers créent du contenu et de la valeur à travers cinq usages principaux : (1)

poster des photos, (2), jouer à des jeux, (3) participer à des quizzes, (4) utiliser des applications et (5) mettre à jour leur statut. De plus, ils engagent les autres ou sont engagés par les autres au travers de neuf usages : (1) regarder des photos, (2) être « taggés » sur des photos, (3) tagger des photos, (4) découvrir des applications parce que les amis les ont ajoutés, (5) organiser des événements, (6) recevoir la requête d'un ami, (7) voir le statut des autres, (8) utiliser la recherche avancée pour voir des types spécifiques de personnes, (9) joindre des groupes.

Ces comportements généraux peuvent se modifier selon le temps d’appropriation du service. Ainsi, les utilisateurs plus anciens accordent moins d'importance aux applications interactives et aux jeux et plus d'importance aux statuts et aux photos, notamment parce que les photos s'avèrent des objets adéquats pour l'expression ou la co-construction de l'identité sociale. Or, les statuts et les usages liés à la photo font visiter Facebook plus souvent alors que les applications y font passer plus de temps. On peut en conclure que les usages se tournent avec le temps de plus en plus vers des activités de conversation sociale, une fois que les réseaux d’amis sont formés. L'apprentissage social de Facebook s'avère être un apprentissage vicariant. Plus le réseau d'amis augmente et plus le partage de photos augmente.

Ces trois études différentes montrent que, suivant les outils de CMO, les modes de participation diffèrent. Les réseaux sociaux sont des outils plus conversationnels, mais la durée de l’engagement sur le site implique des modifications de comportements : les activités plébiscitées par les acteurs ne sont pas les mêmes.

Il est ainsi capital de voir, à la suite d’Erickson (1982), la situation d’apprentissage instruit comme reposant sur deux ensembles de connaissances pratiques, les structures de tâche académique et les structures sociales de participation, qui constituent « un ensemble

schématique de contraintes fourni par la logique d’une séquence » d’apprentissage (Appel, 2010). Il s’agit de distinguer le focus pédagogique de l’interaction et les structures de participation. Dans une situation d’enseignement en présentiel, le tissage entre les deux structures se façonnent de manière simultanée. Dans le cas des situations d’apprentissage en ligne, les structures sont découplées dans le temps et dans l’espace et le maillage des deux se construit différemment (Mangenot, 2008). Dans les deux situations, le présentiel et le en ligne, « la participation contraint l’apprentissage et l’affecte en fournissant un espace et des opportunités aux processus cognitifs » (Appel, 2010), mais sans doute pas de la même manière, puisque dans les espaces d’apprentissage en ligne, la participation laisse des traces rémanentes et est donc réifiée, de manière beaucoup plus systématique que dans l’enseignement en présentiel. Dans le but d'avoir accès à des opportunités d'apprentissage, c’est-à-dire d'être actif, les apprenants doivent non seulement comprendre la logique derrière la tache académique, mais aussi les formes de participation prévues par l'enseignant au travers du dispositif socio-pédagogique en ligne.