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l’apprentissage des langues

2. L’intégration des TIC : des processus de changements pluriels

2.2. Croyances et représentations sociales comme filtre pour l’action

actions et aux traces de ces actions, mais également aux discours des acteurs sur leurs actions. Autrement dit, l’innovation suppose une appropriation sociale. La qualité de l’invention n’est pas son potentiel abstrait ou une qualité intrinsèque, mais « la possibilité de lui affecter un usage, compte tenu du système social dans lequel elle intervient » (Alter, 2000 : 13).

2.2. Croyances et représentations sociales comme filtre pour

l’action

Devant les résultats des deux enquêtes que nous avons résumés dans la première section du chapitre, nous pouvons nous poser la question de savoir si les enseignants sont résistants au changement. Cros (1997) note que les éducateurs font plutôt ce qu'ils connaissent déjà et que, souvent, ils ne connaissent pas assez les travaux théoriques qui sous-tendent les principes de toute innovation. Cambra-Giné (2003 : 280) estime, quant à elle, que les cultures d'enseignement sont potentiellement innovatrices. Quoiqu'étant par nature résistantes au

changement et force d’inertie, les représentations sociales peuvent se transformer sous l'effet de nouvelles expériences, de débats, de changements dans les modèles idéologiques dominants. Elle rappelle en outre que la fonction première de la construction d'une représentation sociale est de faire face à un élément nouveau (Cambra-Giné : 221) et que la réaction d'un enseignant face à une nouvelle idée est de l'interpréter et de la transférer à une scène didactique cognitivement contrôlable. Enfin, si on peut noter l’échec de certaines formes éducatives face à la capacité de changement des enseignants, c'est, selon elle, non par immobilisme, mais car « l’innovation n’a de sens pour ceux-ci que si elle repose sur l’expérience et les savoirs pratiques personnels, dans le cadre de contexte spécifique.» (p.205-206).

Croyances et représentations de l'enseignant à l’égard des TIC jouent un rôle critique dans la transformation de leur intégration vers des pratiques plus constructivistes. Les relations entre croyances et pratiques peuvent montrer comment les enseignants prennent des décisions en matière d'intégration des TIC (Judson, 2006). Pour Tai & Ting (2011), la connaissance de la technologie et l'attitude envers elle peuvent déterminer le degré de réussite des enseignants dans l'utilisation de la technologie. Ertmer (2005) note que la plupart des enseignants n'a qu'une compréhension et une expérience limitées à propos de la façon dont la technologie devrait être intégrée pour faciliter l'enseignement et l'apprentissage, mais surtout que les enseignants peuvent ne pas vouloir adopter une technologie si elle entre en opposition avec leurs croyances et pratiques effectives. Les croyances des enseignants servent de filtres à travers lesquels ils déterminent les priorités des différents facteurs et se repèrent dans les discours. Pour Judson (2006), toute croyance inclut un composant cognitif, la connaissance, un composant affectif suscitant l'émotion, un composant behavioriste guidant l'action. Dans ce cadre, la connaissance fait partie de la croyance. Cette définition rapproche la notion de celle de représentation sociale, qui articule des éléments affectifs, mentaux et sociaux. Pour Jodelet (1994), la représentation sociale est

une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social. Jodelet, 1994 : 36

C’est une « modélisation » (une forme de savoir) pratique (elle sert à agir) d’un objet. Elle est socialement partagée, c’est-à-dire qu’elle suppose un principe d’adhésion et de participation proche de la croyance et traduit la façon dont le groupe se pense dans ses rapports à l’objet. La représentation sociale a ainsi un rôle de maintien d’une identité sociale et donc a une

certaine fixité. Mais elle est également socialement élaborée et donc un processus continuel d’échanges, d’interactions et de négociations.

Guichon (2012) note que les TIC ont des caractéristiques spécifiques qui en font l'objet de représentations sociales dans le sens où : (1) elles débordent largement du cadre professionnel et sont intégrées dans la sphère privée des individus ; (2) leur utilisation se fait en lien avec des discours médiatiques valorisant, sur des critères d'innovation et de modernité ; (3) ce sont des technologies en évolution constante qui nécessitent une adaptation permanente des utilisateurs.

On peut considérer qu’un enseignant prendra la décision de s’intéresser à un changement selon un jugement pratique qui repose sur trois critères, l’instrumentalité, la congruence et le coût (Vandenberghe, 1986 ; Cros, 1996 ; Janssen et al., 2014). L’évaluation du changement répond aux questions du tableau 5.

Est-ce que… Instrumentalité Congruence Coût

le changement, l’innovation, l’outil, la situation - traduit un contenu opérationnel clair ? - correspond à des principes et objectifs adaptés ? - répond à un besoin identifié ? - est adapté à la manière habituelle et personnelle de travailler de l’enseignant ?

- est compatible avec l’image que l’enseignant se fait de lui-même et à ses façons de communiquer ? - implique une reconnaissance ? De quel type et de la part de qui (étudiants, collègues, institution) ? - implique un investissement personnel (temps et efforts) ? - affectera personnellement l’enseignant (temps, énergie, compétence, émotion) ?

Tableau 5 : critères de prise de décision dans l'engagement d'un changement, d'après Vandenberghe (1986)

La congruence est le fait que le changement proposé convient suffisamment aux buts et à la pratique courante de l’enseignant. L’instrumentalité d’une pratique implique que des procédures efficientes sont disponibles pour transférer les idées innovantes en instructions concrètes. Le coût est l’investissement cognitif et temporel par rapport aux bénéfices attendus ; l’implémentation de l’innovation doit demander un investissement jugé limité par rapport aux bénéfices qui doivent être, eux, perçus comme substantiels.

Pour être adoptée, une innovation technique doit répondre à plusieurs caractéristiques : son avantage relatif (non seulement en termes de prix ou de bénéfices escomptés, mais aussi de prestige et de distinction), sa compatibilité avec les valeurs du groupe d'appartenance et les expériences antérieures, sa complexité (plus ou moins grande difficulté à la comprendre et à l'utiliser), son « essayabilité » (possibilité de la tester et de l'expérimenter), et enfin sa visibilité (disponibilité à être observée et évaluée en fonction des résultats) (Jauréguiberry, 2012).

Ces critères sont des manières de lire la situation et d’accorder du sens à un processus de changement. Cependant, ces critères se lisent en situation, face à un objet particulier et dans un environnement précis. Dans la section suivante, nous resserrons notre propos sur les usages d’outils connectés qui s’observent dans un milieu associé spécifique.

2.3. Pluralité des régimes d’engagement dans un