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communicatives du réseau socio- socio-pédagogique

2. Les modes de participation aux échanges en ligne

2.2. La question de la (non-)participation en ligne

2.2.2. Lurking et participation

Sur tout RSN ou dans toute communauté en ligne, un nombre important de membres sont des « lurkers ». Des études ont cherché à voir dans quelle mesure ce statut d’observateur était, au sein des communautés, perçu et accepté ou non comme forme de participation. En 2004, l’étude de Preece, Nonnecke et Andrews a recueilli le discours de deux cent dix neuf lurkers de trois cents soixante quinze communautés fonctionnant avec l’outil MSN à propos du fait qu’ils ne publient pas. L’étude montre que les lurkers ont de nombreuses raisons pour ne pas publier et ne sont pas des membres égoïstes de la communauté. Les principales raisons de ne pas publier sont :

82 Or, on peut considérer avec Merzeau (2009) que nombre de traces produites sur les interfaces ne sont plus toujours rattachées à une personne qu’elles identifient, par le fait que tous nos actes produisent de l’information, tout informe. Pour ce type de traces, on pourrait parler d’ « empreinte numérique ».

• ne pas avoir besoin de publier ; la recherche et la lecture s’avèrent suffisante à satisfaire le membre ;

• avoir besoin d'en savoir plus sur le groupe avant de participer ;

• penser que publier ne serait pas utile parce que l’on n’a rien offrir à la communauté ou que ce que l’on pourrait écrire a déjà été proposé ;

• ne pas être capable d'utiliser le service ou ne pas en avoir le temps ;

• ne pas aimer la dynamique du groupe ou considérer que la communauté est de peu d'intérêt ; l’évaluation de la qualité de ce qui se publie ou des membres est négative. Un acteur va agir en fonction de sa perception de l’environnement. Ainsi, un lurker peut croire que sa contribution peut ne pas être la bienvenue, selon la manière dont il comprend l'objectif de la communauté. Preece et al. (2004) notent que dans de nombreuses études, ce comportement est expliqué comme un moyen de comprendre les normes et les règles de la communauté et fait partie d'un processus qui mène à une intégration plus complète. Zhang et Storck (2001) notent que, dans les communautés en ligne, la permanence de l’historique des échanges contribue à aider les membres à la périphérie à comprendre la communauté sans avoir à interagir avec les autres membres. Publier un message en cohérence avec l’histoire des échanges est possible. Par contre, la communication sociale est plus problématique et demande un engagement récurrent. Les membres à la périphérie semblent plus concentrés sur la tâche dans la communauté en ligne que les autres membres, sans doute parce que ces derniers socialisent plus.

Dans les grandes communautés, le lurking peut être désirable. Ces lurkers peuvent être considérés comme des observateurs passifs, futurs participants potentiels, lorsque le collectif le nécessitera du fait d’une moindre participation des participants les plus actifs, ou comme des observateurs impliqués qui apportent de la cohérence au groupe en favorisant les mécanismes de la reconnaissance et de la confiance, en constituant une audience par les traces de leur passage. Dans des petites communautés peu actives par contre, le lurking est un problème puisque personne ne souhaite participer à une conversation où personne ne dit rien. Le lurking peut être problématique dans certains contextes et dans certains collectifs. Nous l’avons dit, les petites communautés vont être affectées de manière plus sensible et problématique au lurking et à la non-participation. De plus, les dispositifs interactifs numériques conduisent parfois à une atomisation de la participation, en la contraignant sous des formes courtes, de type « post-it », « like » et autres manifestations minimales, qui

confinent à de simples techniques managériales de participation et enferment le sujet dans des schémas participatifs routinisés dont la fonction, parfois, s'arrête à montrer la participation.

2.2.3. Le lurking en situation pédagogique

Dans les communautés d’apprentissage, le lurking peut faire partie d’un processus d’apprentissage vicariant « durant lequel les lurkers peuvent bénéficier socialement et cognitivement de l’observation de l’apprentissage des autres » (Rau et al., 2008). Le repli d'une posture de lurker peut correspondre à « une stratégie d'entrée progressive dans une communauté » (Depover et al., 2013 : 179). Pour McKendree et al. (1998), dans l'effort pour comprendre un sujet nouveau, être capable de « jouer le voyeur » peut offrir certains avantages importants, notamment un engagement moins chargé émotionnellement et cognitivement. De plus, la persistance des dialogues sur les plateformes d’interaction en ligne permet de construire la saisie et la réutilisation des discussions en tant que ressources pour l’apprentissage.

Dennen (2008) a étudié la participation des étudiants de deux cours universitaires d’éducation de format hybride, dont l’activité en ligne reposait sur des discussions dans l’environnement

Blackboard. L'étude de Dennen cherche à déterminer si le lurking est une forme de

participation réelle et viable, si les apprenants le perçoivent comme contribuant à leur expérience d'apprentissage, s'il correspond à une forme de prise de modèle, avant la participation, ou à une forme de réflexion, une fois la discussion terminée, et enfin, si ce comportement peut être lié à une performance haute. Les résultats montrent qu’un certain type de lurking, qu’elle nomme « lurking pédagogique », est conçu comme faisant partie de la participation de classe. Il s’agit d’un lurking temporaire lié à la situation ou au sujet de discussion. A l’inverse, elle identifie une forme de participation paradoxale. En effet, les participants qui publient des messages seulement afin de répondre aux exigences du cours sans lire les messages des autres ne considèrent pas l'activité de discussion comme pertinente pour leur apprentissage. Cette étude montre que le lurking n'est pas une activité qui implique le manque d'engagement ou d'implication. La moitié des étudiants interrogés pense avoir appris au travers de l'expérience de discussion en ligne et que lire et publier des messages a contribué à leur apprentissage ; ils sont entrés dans la discussion avant de publier afin d'obtenir un modèle de participation et sont retournés plus tard pour y chercher des réponses et réfléchir à leur participation.

L’absence de traces de participation est cependant souvent problématique dans les communautés d’apprentissage, car il est difficile à interpréter autrement qu’une absence. Cette manifestation d’une position en retrait peut être la position d’avant la participation. Elle peut être aussi une position devant un lieu social considéré comme trop public ou pas assez public : - trop public pour que l’on s’y expose devant le sentiment d’espionnage ou d’être espionné ; - pas assez public pour que l’on prenne conscience de la présence de l’autre et de la nécessaire prise de responsabilité à l’égard de ce qui se passe dans ce lieu public. Il s’agit à la fois d’un problème de distribution des rôles dans l’espace de communication et de saisie des rôles accessibles aux membres. Goffman, dans les Cadres de l'expérience (1991), nous invite à ne pas prendre ces expériences négatives de participation comme des non-expériences, même si elles témoignent d'errements et de ratages communicatifs, mais à les comprendre dans leur fabrication discursive.