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communicatives du réseau socio- socio-pédagogique

1. L’écrit en ligne

1.2. La conversationnalisation de l’écrit connecté

1.3.1. Formes d’énonciation dans l’espace public numérique

Les médias sociaux ébranlent les frontières entre paroles privées et paroles publiques. celles-ci ne disparaissent pas mais semblent par contre « submergées par la revendication de visibilité » (Cardon, 2012 : 35) : la communication interpersonnelle et la prise de parole

67 Beaudouin définit la présence écranique comme « le fait de partager un même contexte, une même situation définie par un ensemble de textes disponibles à l’écran » (2002) ; son principe est que chacun se rend présent à l’autre à travers des inscriptions à l’écran.

publique sont partiellement réunifiées par les individus dans un processus de publicisation68 et réorganisés par les processus d’énonciation. Les internautes, sur les réseaux sociaux, mêlent

petite et grande conversations en faisant varier le périmètre de leur public en fonction du degré de distanciation des énoncés qu'ils publient : les propos personnels parlent aux liens forts, les commentaires généraux s'ouvrent aux liens faibles » (ibid., p.38).

Cette co-existence de membres d'un même RSN qui « reflètent différents contextes sociaux et ont différentes attentes sur ce qui est approprié » (Androutsopoulos, 2014a : 63) est appelée « context collapse »69 et a été utilisée pour décrire la façon dont les utilisateurs perçoivent leur audience sur des RSN semi-publics (Androutsopoulos, 2014a ; Seargeant and Tagg, 2014). Une audience potentielle d'un utilisateur se dessine à travers des personnes variées qui forment la liste d'amis, et la composition exacte de l'audience d'une seule publication est inconnue. L'effet du « context collapse » mène à gérer de multiples proximités co-existantes :

Confrontés à un context collapse, les usagers apprennent à gérer les tensions entre le public et le privé, les initiés et les non-initiés, et les performances de devant ou de derrière la scène

Androutsopoulos, 2014a : 63).

Les individus développent alors des stratégies pour faire la distinction entre différentes couches de cette audience potentielle, et pour présenter leurs énoncés de manière à cibler certains individus et à en exclure d'autres. Ce sont les signes de l’énonciation textuelle qui font osciller le texte produit vers la conversation privée ou vers l’énonciation publique. Les interlocuteurs vont avoir recours à de l’implicite (formes allusives, propos ancrés dans un contexte particulier) ou à des formes explicites d’adressage qui vont ratifier ou non les participants éventuels. Dans des espaces d’interactions semi-publics, Seargeant et Tagg (2014) notent que l'influence plus grande n'est pas forcément celle des destinataires et la moins grande celle des participants non ratifiés70. Ce qui est nouveau dans ces cadres participatifs, c’est que « le public des liens faibles peut aussi être témoin d’énonciations familières » (ibid., 39). Il y a une promotion et une publicisation de ce que l'on peut appeler une « intimité à distance » conversationnelle (Hutchby, 2001). L’affordance communicative

68 Ainsi, par exemple, Zappavigna (2013) note que les usages de Twitter les plus fréquents sont le bavardage du quotidien, la conversation, le fait de prendre des nouvelles de quelqu’un, mais aussi le partage d’informations et de liens.

69 En effet, tout échange communicatif se construit normalement sur une sorte de réciprocité des perspectives sur le monde qui nous entoure (Linell, 1998).

70 Les auteurs prennent ainsi l’exemple d'un dialogue entre deux enfants en présence de la mère de l'un d'entre eux pour montrer que le participant non ratifié –Goffman appelle toute personne qui a accès à une interaction, un participant- peut avoir une influence importante sur la nature et la forme de l’interaction. Mais cela pourrait se concevoir aussi d’un dialogue dans une salle de classe ou sur un réseau socio-pédagogique où l’enseignant peut être ce participant non-ratifié officiellement mais qui influence fortement la teneur de l’interaction.

des médias numériques serait de faire de « l’étranger intime » une réalité à large échelle (Gee et Hayes 2011 : 35).

Cela implique des formes d’énonciation variées et plus souples dans les espaces d’expression en réseau que Cardon (2012) représente dans le tableau ci-dessous (tableau 8). Les propos portant sur des objets familiers et livrés de manière spontanée et émotionnelle dans la conversation quotidienne relèvent d’une énonciation contextuelle (a) ; ce sont les bavardages et les petits récits du quotidien, l’humour, les moqueries et les humeurs quotidiennes. Les propos portant sur des objets publics et livrés dans une mise à distance de soi et de ses émotions relèvent d’une énonciation distanciée (b) ; ce sont les opinions et l’argumentation, les témoignages et la critique.

Objet de l’énoncé

Enonciation Familier Public

Contextuelle (a)

Propos personnel

(d)

Jugement contextuel sur questions publiques

â á

Distanciée (c)

Récit personnel distancié

(b)

Prise de parole publique Tableau 8 : Quatre formes d'énonciation dans l'espace public numérique,

Cardon (2012 : 40)

Sur le réseau socio-pédagogique, les énoncés ont toujours une forme de visibilité qui implique une audience publique. On pourra repérer, avec Cardon (2012) des stratégies énonciatives pour introduire dans les conversations numériques la prise en compte d’un certain public. La première consiste à « faire circuler, davantage qu’à l’accoutumée, des objets publics dans leurs bavardages », c’est-à-dire (c) « introduire un énoncé public dans une énonciation contextuelle », la seconde à « se raconter de manière réflexive », c’est-à-dire (d) « introduire un énoncé familier dans une énonciation distanciée » (p.42). La gestion des publics se fait par des choix énonciatifs. Cardon propose ainsi quatre formes d’énonciation dans l’espace public numérique qui amorce une « grammaire des formes de la parole publique » (ibid.).

Nous retiendrons ainsi, avec Tagg et Seargeant (2014), que, dans les environnements de RSN, trois éléments permettent de créer une dynamique communicative spécifique à la manière dont les personnes interagissent et gèrent leurs relations : (1) une forme de design d'audience, (2) des enjeux autour de choix langagiers (code, variété, registre, script…), (3) une référence à une communauté71. Construire une audience, c'est se positionner à partir de décisions au sujet du style, de choix langagiers, de sujet de conversation et elle se construit à partir des pratiques partagées. Les styles langagiers sur un RSN sont façonnés par une tension entre intimité et publicité, puisque ces derniers permettent le dialogue intime en même temps que l'adresse à une audience publique.

1.3.2. La dimension phatique des échanges en ligne