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communicatives du réseau socio- socio-pédagogique

1. L’écrit en ligne

1.4. L’écriture comme « entextualisation » et activité de partage

Ces dispositifs d’écriture reposent sur une seconde affordance qui est la « réplicabilité »

(boyd, 2010)72. Cette « réplicabilité » en réseau met en jeu un processus

d’ « entextualisation » mis en place dans des activités sociales de partage d’informations et de communication.

1.4.1. Le processus d’ « entextualisation »

La mise en réseau d’un texte est un processus d’ « entextualisation », processus qui consiste à faire sortir un texte ou un élément d’un texte de son cadre interactif originel pour le recontextualiser dans un nouvel espace de discours (Bauman et Briggs, 1990). Il s’agit d’une relocalisation textuelle. Cette opération peut consister en la publication d’un hyperlien vers un texte qui se trouve dans un autre espace, d’un copier-coller du texte original ; aujourd’hui, les interfaces des réseaux permettent de faciliter ces opérations d’entextualisation par des outils de partage social en un clic. Androutsopoulos (2014b) propose de redéfinir le concept au regard des activités de resémiotisation et de recontextualisation que proposent les médias sociaux, l’appliquant notamment à une analyse du partage sur les sites de réseautage social. Tout d’abord, le partage sur un réseau social est envisagé comme un accomplissement interactif qui implique à la fois celui qui partage et les membres de l'audience dont le feedback encourage et parfois façonne les activités de partage futures. C'est la coopération entre internautes qui va donner un nouveau sens au texte dans un nouveau contexte. En effet, à l'inverse des discours institutionnels traditionnels, dans lesquels les agents d'une institution « entextualisent » leur discours de manière hautement contrôlée et compartimentée, les médias sociaux offrent un dispositif d'entextualisation participatif. Beaucoup d’activités de la classe de langue sont des activités d’entextualisation. Un élément d’un texte est repris dans la classe –le texte d’un article de journal photocopié et distribué en classe, par exemple- et utilisé dans un autre contexte que celui de sa production, à des fins d’apprentissage de la langue. Sur les médias sociaux, cette activité est plus symétrique que dans le cadre institutionnel où l’enseignant garde souvent le contrôle de ce processus. De plus, cette entextualisation a a priori toujours le même sens dans la classe de langue : réfléchir et

72 boyd (2010) suggère quatre affordances particulièrement signifiantes des RSN : la persistance, la réplicabilité, l’extensivité ou l’évolutivité et le caractère « investigable » (findable) des productions.

apprendre sur la langue. La mise en partage d’un écrit sur les réseaux sociaux est une entextualisation ouverte, par rapport aux contextes institutionnels.

Une analyse de l’entextualisation sur les réseaux sociaux met l’emphase sur trois aspects des pratiques langagières : leur matérialité sémiotique, l'accès aux ressources du réseau et l'orientation envers l’audience du réseau (Androutsopoulos, 2014b). L'auteur propose d'analyser les pratiques de partage en « moments signifiants » qui sont entextualisés et négociés interactivement dans un espace semi-public construit socialement. Ces moments sont des « événements de littératie73 » (Barton et Hamilton, 2005 : 47) importants pour un participant et son réseau d'amis. Un texte peut être un point de référence pour partager du sens et peut synchroniser les activités. Il s'agit d'intertextualité mais aussi de la façon dont les textes et leurs sens sont réaménagés dans différents contextes. Ces formes nouvelles et facilitées d’entextualisation peuvent être favorables à un design pédagogique participatif.

1.4.2. Les activités de partage en réseau

Le partage est une des activités centrales sur les médias sociaux et est un mot clé de la culture de l’internet, les médias sociaux pouvant être considérés comme des dispositifs de partage participatifs. Le partage consiste en deux opérations, la distribution74 et la communication : il est une commande qui permet de faire circuler l’information entre les réseaux et les sites mais aussi un processus de communication qui couvre un ensemble de pratiques langagières du réseautage social -par exemple, mettre à jour son statut, dire quelque chose, laisser apparaître une information. Le partage va prendre des sens différents suivant les plateformes et leur interface. Ainsi, sur Facebook, la fonction de partage est associée à l’interface de la timeline. Le processus de communication peut se décomposer en trois étapes (Androutsopoulos, 2014b) : la sélection du contenu et du moment à partager, l’entextualisation (la mise en texte) de l’objet75 à partager et la manière dont cela engage des choix de style, et enfin, la négociation qui se réfère à la façon dont l’audience va s’engager dans la conversation autour de l’objet. Ces activités de partage se réalisent sur les réseaux sociaux très souvent à partir d’objets – images, vidéos, documents- que l’on pourrait dire conversationnels. Les réseaux socio-numériques sont construits autour de tels objets sociaux. Pour Engeström (2005), les réseaux

73 Les « événements de littératie » sont « des épisodes observables qui émergent des pratiques et sont façonnés par elle » (Barton et Hamilton, 2010 : 47) La notion d’ « événement » souligne la nature située de la littératie.

74 Si, dans le champ du numérique, le partage signifie une multiplication par copie et échange, étymologiquement, il est division et répartition (Aigrain, 2015). C’est un terme polysémique qui renvoie à la fois à un avoir en commun, concret (des fichiers) et abstrait (opinion, information).

sociaux exigent ce genre d’objets sociaux qui facilitent la conversation, et donc l'interaction sociale. Il s’agit d’une « sociabilité orientée-objet » (Engeström, 2005 ; cf. chapitre 2). Nous pouvons prendre l’exemple des images dont le partage s’est développé de manière exponentielle depuis une dizaine d’années sur les réseaux. Gunther (2014) définit l’image conversationnelle comme le « produit inattendu de la rencontre de la numérisation des contenus visuels et de l’interaction documentée ». L’image, sur les RSN, est là pour documenter la vie, pour être montrée, discutée et rediffusée (Gunther, 2014). Elle est intégrée à la « sociabilité égalitaire de la conversation » du web participatif et il ne s’agit plus alors de conversations à propos des photos, mais de conversations avec les photos (Beuscart et al. 2009), « les systèmes communicants [conférant] également aux images la fonction d’embrayeur de conversation ou d’unité dialogique » (Gunther, 2014).

A travers l’usage de ces objets sociaux, les personnes développent des intérêts partagés en créant des conversations autour de ces objets. Ces objets sont en outre nécessaires à la création de tâches, de contenus d’apprentissage et d’épisodes d’apprentissage (Bouman et al, 2007) adaptés à des environnements numériques d’apprentissage et qui vont faire émerger conversations et dialogues. Le contenu doit pour cela exister dans un cadre instrumenté approprié qui fournit les bonnes affordances pour ce type d'interaction sociale, et à l'intérieur d'un réseau d'utilisateurs qui utilise les objets sociaux comme des événements signifiants. La participation à ces activités de partage est « à la fois action et connexion » (Wenger, 2005 : 61) à une entreprise commune. Pour participer, il ne s’agit pas seulement de construire une intelligibilité commune de la situation, mais également une « association de perspectives » qui déplace la focalisation des acteurs « de ce qui est connu vers ce qui peut être partagé » (Bidet et al., 2013 : 174). Weller (2008) identifie ainsi trois éléments nécessaires pour un mode d'éducation conduit par les objets sociaux :

1. du contenu qui agit comme un objet social,

2. des outils qui facilite l'interaction autour de ces objets,

3. une communauté d'apprenants qui trouvent les objets sociaux engageant.

L’activité de partage semble alors montrer des potentialités d’usage dans des contextes d’apprentissage, puisqu’elle associe la diffusion d’une information et l’engagement d’une négociation du sens de la recontextualisation que constitue le partage.

Dans cette section, nous avons vu les caractéristiques des activités communicationnelles écrites en ligne. Dans la section suivante, nous examinons les modes d’engagement et de participation que les objets communicationnels favorisent.

2. Les modes de participation aux échanges en