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Introduction au cadre théorique

Chapitre 2 Réseau social et dispositif médiatisé

1. Web, médias et réseaux sociaux

2.2. Les médias sociaux

A l’intérieur de ce cadre socio-technologique du web social, un média social est un média qui augmente ou améliore la communication et la formation de liens sociaux entre les utilisateurs. Le terme de « média social » insiste sur les aspects des interactions dans des contextes en ligne qui sont refaçonnés selon les usages sociaux et les caractéristiques des médias qui sont employés.

2.2.1. Le caractère social des plateformes

Le média est social en ce qu’il propose des structures de participation à travers les interactions entre les individus. L'adjectif « social » suggère de prêter attention aux façons dont les différents sites permettent d'interagir avec les autres. Le but et l’activité sur ces médias sociaux sont les interactions avec échanges d’informations. Certains chercheurs comme Kaplan (2010) affirment que « l’explosion des contenus générés par les utilisateurs provient plus d’une soif de relation que d’une exigence de participation » (p.160). Il apparaît ainsi productif à certains chercheurs (boyd et Ellison, 2007 ; Coutant et Stenger, 2010) de retenir la différence entre les sites dont le réseau est principal et ceux pour lesquels il est secondaire. Coutant et Stenger (2010) proposent d’adopter une dichotomie plus précise en fonction des usages et des buts de l’activité en ligne où l’on aurait d’un côté les médias dont l’activité principale est « la computation sociale », c’est-à-dire une activité de partage et de commentaire de fichiers, ou une « sociabilité orientée objet » (Engeström, 2005), et d’un autre, les RSN qui « focalisent l’activité sur la création et la mise en scène de cette face publique (Goffman) que constitue le profil » Coutant et Stenger (2010 : 221). Ito et al. (2008) ont distingué ainsi deux orientations participatives qu'elles nomment l' « interest-driven activity », où les activités sont orientées autour d’un intérêt, d’une passion, et la « friendship-driven activity », orientée vers l’amitié en ligne. boyd et Ellison (2007) avaient déjà pointé cette différence lorsqu’elles affirmaient que « les RSN sont d’abord organisés autour des personnes, pas des intérêts. » La structuration de l’activité ne se fait pas autour de sujets mais autour d’individus, à l’intérieur de la communauté. Cela implique une conception plurielle de la notion de liens sociaux, sur laquelle nous reviendrons au chapitre 4 car il nous apparaît essentiel de développer la compréhension de la nature des dynamiques sociales dans les réseaux sociaux numériques pour mieux saisir les engagements impliqués par la situation pédagogique médiatisée.

2.2.2. Le caractère médiatique des plateformes

Les médias sociaux peuvent être aussi différenciés selon leurs caractéristiques technologiques. En ce sens, le mot média renvoie aux multiples modes médiatiques et sémiotiques permis, de même qu’aux objets technologiques mobilisés pour les rendre possibles. Les médias sociaux sont souvent distingués de leurs prédécesseurs par le fait qu'ils autorisent l'utilisation d'une gamme plus riche de modes sémiotiques de manière simultanée ; mais il reste des différences entre les sites selon la dominance d'un style sémiotique sur les autres20. Ce qui fait dire à Page et al. (2014 : 16) que « cette variation des modes sémiotiques rend parfois difficile de trouver le bon langage pour décrire la façon dont les gens interagissent sur les sites sociaux ».

Les fonctionnalités des environnements numériques offrent des ressources et des possibilités de création en même temps qu’elles contraignent la nature des interactions et des productions. Kaplan et Haenlein (2010) proposent une classification (reprise par Proulx, 2012 ; Page et al., 2014) qui a l’intérêt de coupler fonctionnalités technologiques et processus d’expression de soi (tableau 3). Les chercheurs proposent ainsi de classer ces médias en croisant deux critères : la richesse du média et son corollaire, le degré de présence sociale qu’il autorise, d’une part et d’autre part, le degré de dévoilement de soi et le type de présentation de soi qu’il permet. La théorie de la richesse du média repose sur le postulat que toute communication est la résolution de l’ambiguïté et de l’incertitude. Celle-ci va dépendre du degré de présence sociale qui repose sur la qualité du contact permise par le média.

20 Par exemple, on pourrait comparer ce que donneront des productions, des interactions et des échanges sur des blogues utilisant des plateformes comme Wordpress ou Tumblr, qui sont deux plateformes de blogues qui façonnent les productions et les échanges de deux manières différentes, la seconde incitant à des formes plus courtes et sollicitant de manière plus explicite des internautes les échanges de contenus.

Typologie des médias sociaux Présence sociale / Richesse du média

Faible moyenne élevée

Degré d’auto-dévoilement des sujets élevée Blogues Réseaux Sociaux Numériques (ex. Facebook) Mondes immersifs (ex. Second Life)

faible Projets collectifs (ex. Wikipédia) Communautés d’échanges de contenu (ex. YouTube) Jeux vidéo massivement multi-joueurs (ex. World of Warcraft)

Tableau 3 : catégorisation des médias sociaux, Kaplan et Haenlein (2010 : 62)

La nature des médias sociaux dépend de caractéristiques médiatiques autorisant une qualité plus ou moins riche d'informations transmises entre les participants qui façonnent le sentiment de présence sociale. Ces caractéristiques interfèrent avec les choix que les participants peuvent faire quant à la révélation d'informations sur eux-mêmes. La nature des échanges et la présence sociale due à l’auto-dévoilement des participants relèvent à la fois d’intention des individus mais dépendent également des affordances du site médiatique Ainsi, l'auto-représentation de soi se distingue sur les médias sociaux selon les façons dont les individus peuvent présenter leurs relations avec les autres, puisque les identités se négocient au travers des interactions avec les autres.

Le média comme mode technologique se distingue par des formats de communication qui vont influer sur l’intimité des échanges permise par le média, notamment au travers de trois caractéristiques :

• Les systèmes synchrones impliquent que les participants soient connectés en même temps, ce qui implique une structuration de l’interaction en termes de tours de parole. • La persistance des échanges (cf. infra, chapitre 5, section 1) aura un impact à la fois

sur le degré de présence sociale et sur le degré de dévoilement de soi induits par le média.

• Les cadres de confidentialité (privacy) contribuent à créer la relation entre les locuteurs et leur audience, et la nature publique ou privée de la communication.

Mais cette distinction des espaces synchrones et asynchrones de communication, avec les sites de réseaux sociaux, perd de plus en plus sa pertinence au fur et à mesure du développement d’espaces sociaux en ligne qui permettent différents modes de communication et de synchronicité, selon la présence des participants, et le passage d'un mode à l'autre de manière relativement fluide. Ainsi, La plateforme Ning que nous utilisons recouvre quatre des six types de médias sociaux repérés par Kaplan et Haenlein (2010). En effet, chaque participant dispose d’une page de profil et d’outils de communication qui font appartenir le site à la catégorie des réseaux sociaux numériques, mais chaque membre possède aussi un blogue, le site fournit la possibilité d’ouvrir des espaces de travail collectifs et, dans ce cadre, d’échanger du contenu. Chaque membre du réseau peut ouvrir des discussions dans les forums généraux du site et le responsable d’un groupe de travail peut ouvrir des discussions propres au groupe. L’architecture dominante de la plateforme est cependant celle d’un réseau social numérique dont nous dressons les caractéristiques dans la section suivante.