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Modèles de mise en cohérence des tâches dans la perspective actionnelle (Puren 2002a)

Liens avec le Cadre européen commun de référence

Encadré 3. Modèles de mise en cohérence des tâches dans la perspective actionnelle (Puren 2002a)

Le type de tâches proposé sur Babbelnet est selon cette catégorisation un mélange entre la « procédure » (elle représente une articulation entre plusieurs sous-tâches, toutes orientées vers la production finale et en même temps vers un apprentissage de la réalisation de ce type de tâche) et le « projet » (il s’agit d’une activité de groupe à relativement long terme. D’un point de vue cognitif, la tâche peut être qualifiée de « résolution-problème » et, même si des étapes nécessaires pour sa réalisation peuvent être dégagées, la manière dont elle sera faite reste variable). Or, lorsque l’on prend en considération la mise en scène de la réalisation de la tâche dans le dispositif, avec les aides et les ressources qu’elle prévoit (cf. 4.2.), on la désignerait plutôt de scénario pédagogique.

Le type d’activité sans doute le plus connu en langue étrangère qui intègre des ressources sur internet est le WebQuest. En février 2000, le site web officiel (http://webquest.sdsu.edu) comptait presque 2000 visiteurs tous les jours. Des articles sur la création et l’utilisation d’une « cyberenquête », voire sur l’étude scientifique des principes d’apprentissage inhérents commencent également à voir le jour en France (Catroux 2003). Un WebQuest est une enquête qui s’articule autour d’une tâche de production à partir des ressources trouvées sur le web. Le concept a été développé en 1995 par Bernie Dodge et Tom March de l’université de San Diego7.

Lors de l’activité, l’accent est mis sur l’utilisation de l’information et non sur sa recherche. Les tâches demandent de la part de l’apprenant une compréhension et une analyse du contenu. Il existe de nombreux exemples pour des WebQuests de courte durée (d’environ 3 cours)8, mais peu d’activités de longue durée (d’au moins une

semaine) ont été développées. Tandis que lors d’une activité à court terme, il s’agit pour l’élève seulement de comprendre les ressources, il doit, lors d’une activité à long terme, analyser un ensemble d’informations, les synthétiser et les réutiliser dans le cadre d’une production accessible (en ligne ou hors ligne) aux autres élèves de la classe et à laquelle ils peuvent réagir.

Un WebQuest représente le plus souvent un jeu de rôle et une activité de groupe, faite dans le cadre d’une classe – via ordinateur ou en direct. Par exemple, dans le cas d’une activité longue, il peut s’agir d’un personnage simulé que les élèves, après s’être documentés sur le personnage, peuvent interviewer via internet. Prenons deux exemples d’activités dans le cadre de l’enseignement des langues :

- Exemple 1 : Un jeu de survie en groupe dans le Grand Canyon9, axé sur la

communication orale entre les personnes qui participent au voyage simulé. Les participants doivent planifier le voyage pour un nombre de jours donné avec un budget limité. Ils se trouvent ensemble dans une classe pendant qu’ils consultent les données nécessaires sur le web.

7 Cf. http://edweb.sdsu.edu/courses/edtec596/about_webquests.html 8 Cf. http://webquest.sdsu.edu/webquest_collections.htm

- Exemple 2 : La conception d’une brochure à partir de documents sur

Valence10 : plusieurs élèves choisissent chacun un personnage, dans la peau

duquel ils vont chercher de l’information sur la ville, correspondant aux centres d’intérêt du personnage. La brochure qu’ils vont ainsi participer à élaborer doit servir à convaincre les autres élèves de la classe que cette ville vaut bien un voyage.

Les WebQuests et le type de tâches proposé sur Babbelnet sont relativement proches. Dans les deux cas, il s’agit d’une production en langue étrangère qui se sert de ressources sur le web, voire qui passe elle-même par internet (communication / publication en ligne). Or, contrairement au WebQuest, il ne s’agit sur Babbelnet, sauf dans le cadre des chats « d’échauffement », pas de jeux de rôles, car ceux-ci obligent une personne à avoir et à défendre des avis qui ne sont pas les siens. De plus, la production finie n’a pas sur Babbelnet la vocation de stimuler la conversation ou la discussion ; c’est plutôt pendant et pour son élaboration que la négociation doit avoir lieu. Pour faire court, on pourrait l’exprimer ainsi : non pas communiquer pour communiquer comme dans l’exemple 1, ni produire pour communiquer comme dans l’exemple 2, mais communiquer pour produire.

A la fin de la partie sur les critiques formulées par rapport à l’approche communicative (2.1.2.), nous avons fait référence à la revendication formulée par Poteaux (1998) que l’élève devait communiquer en apprenant plutôt que de communiquer pour apprendre à communiquer. La perspective actionnelle ne nie pas l’importance de la communication mais ne la place pas non plus dans son centre. Et peut-être est-ce justement en déplaçant son objectif (de la communication à la réalisation d’une tâche) qu’elle donne une réponse aux questions posées dans le cadre de l’approche communicative : c’est lorsque la communication n’est plus une finalité en tant que telle qu’elle prend tout son sens. C’est en construisant quelque chose ensemble que les personnes ont besoin d’échanger, de communiquer et d’interagir.

2.3. Conclusion du chapitre

Dans ce chapitre, nous avons tout d’abord décrit dans ses grandes lignes l’approche dominante aujourd’hui en didactique des langues qui est l’approche communicative. Elle a été, tout comme une autre approche qui est en train d’émerger, initiée par les travaux du Conseil de l’Europe. Cette autre approche est la perspective actionnelle. Dans la perspective actionnelle, la langue est considérée non plus comme un instrument de communication ou d’information, mais comme un instrument d’action, voire d’action sociale. Elle vise la capacité de l’apprenant à interagir en langue étrangère, dans un contexte social authentique comme celui du travail, des études ou du quotidien et à travailler en langue étrangère. La co-action entre apprenants semble dès lors représenter un moyen adéquat pour les préparer à cette interaction sociale. L’idée de recourir au groupe pour favoriser l’apprentissage n’est pas nouvelle. Elle est soutenue par un nombre important de théories et de recherches qui seront abordées dans le chapitre suivant. Elle rencontre néanmoins un succès grandissant ces dernières années avec l’introduction de l’apprentissage collaboratif dans des formations à distance. C’est également le mode de travail retenu dans le dispositif sur lequel sont basées nos observations : un groupe y accomplit des tâches dans un environnement et avec des aides donnés, et notamment avec le soutien d’un tuteur. Face au groupe comme moyen d’apprentissage dans ces formations, on rencontre régulièrement des évaluations qui se font de manière individuelle. Nous avons montré comme exemple le CLES, qui est l’évaluation envisagée pour le dispositif retenu. Notre question de recherche sera ainsi de savoir si le travail en groupe tutoré sur une tâche permet d’acquérir les compétences individuelles requises pour la réalisation autonome d’un tel type de tâche. Par conséquent, bien que la visée de la perspective actionnelle soit sociale, nous allons évaluer l’apprentissage individuel des sujets dans le dispositif et sur un type de tâche (la synthèse) donnés.

En parallèle, une autre question va nous préoccuper : celle de savoir si le dispositif pédagogique proposé, avec ses composantes humaines, matérielles et pédagogiques, y compris la réalisation en groupe d’une tâche à distance, représente une solution adéquate pour l’apprentissage de l’accomplissement de ce type de tâche en langue étrangère.