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Troisième partie – Expérimentations

Encadré 4. Critères d’évaluation de la synthèse.

Chacun de ces critères est noté sur deux points (voir annexe 1, chap. 8). Ils correspondent aux différents aspects se rapportant aux compétences cognitive, langagière et pragmatique que nous avons mentionnées précédemment (cf. 5.2.) : les

aspects cognitifs concernent le repérage de la problématique dans les documents authentiques et des idées essentielles qui s’y rapportent ; les aspects langagiers, la compréhension et l’expression en langue étrangère ; les aspects pragmatiques, la présence des différents éléments de la synthèse (introduction, grandes parties, conclusion), leur organisation et la cohérence de l’ensemble de la rédaction en langue étrangère.

6.2.6. Analyse de l’interaction

À part l’évaluation des synthèses, notre étude comprend également une analyse de l’interaction entre les membres des différents groupes restreints tutorés. En effet, la particularité du groupe restreint est que les membres y peuvent « effectivement interagir » (Abric 1996 : 67), ce qui n’est pas vraiment le cas dans un grand groupe. L’interaction qui a lieu au sein du groupe restreint est ainsi une de ses composantes fondamentales.

Pour décrire et analyser l’interaction qui a lieu dans un groupe, de nombreux procédés existent, qui sont plus ou moins convaincants. Précisons que nous nous intéressons à l’interaction entre personnes – même si cette interaction peut tout à fait passer par des outils de communication – et non à l’interaction entre l’Homme et la machine (contrairement par exemple à Renié et Chanier (1995), qui vont jusqu’à parler de « collaboration » pour le travail d’une personne avec l’ordinateur). Abric (1996) retient deux méthodes d’observation et de recueil des processus de groupe qui sont, dit-il, inégalées aujourd’hui malgré les nombreuses critiques qui ont été formulées à leur égard. Il s’agit, premièrement, de l’approche socio-affective (la sociométrie36) qui

vise à analyser la dynamique de groupe à partir d’unités de sentiment (i.e. attirance, répulsion, indifférence) qui sont souvent inobservables. Le recueil des données se fait pour cette raison par le moyen de questionnaires, qui permettent d’établir des sociographes dans lesquels les individus sont représentés en tant que noyaux de relations qui prennent la forme de flèches allant d’un individu à l’autre. Cela permet d’identifier par exemple l’existence de sous-groupes à l’intérieur d’un groupe plus grand. Une variante quantitative de cette méthode est utilisée par Reffay et Chanier (2003), qui s’intéressent au destinataire ainsi qu’au lecteur réel des messages sur une plate-forme numérique pour connaître les relations entre les apprenants.

La deuxième méthode décrite par Abric (1996) est celle utilisée par Bales37 (1950).

Bales se situe dans un courant interactionniste qui considère que la somme des interactions au sein d’un groupe définit le groupe. Pour analyser le fonctionnement

36 Cette méthode est utilisée initialement par J.-L. Moreno, Who shall survive? Washington, Nervous and

Mental Disease Publishing C°, 1934.

37 R.F. Bales, Interaction process analysis : a method for the study of small groups. Cambrige, Addison-

du groupe, ce sont par conséquent les échanges entre les différents membres du groupe qui sont observés. Un reproche qui a été formulé par rapport à cette méthode est qu’elle ne prend en compte ni les statuts des différents acteurs (leader, animateur, chef dans le cadre d’une entreprise, etc.), ni l’environnement social et idéologique du travail de groupe. Cette méthode s’intéresse en effet uniquement à ce qui est observable, c’est-à-dire aux échanges qui ont effectivement lieu dans le groupe. Bales distingue deux types d’interventions :

- l’intervention opératoire (qui cible la production)

- l’intervention socio-affective (qui cible la gestion du groupe)

A l’intérieur de chacun de ces types, il distingue des sous-rubriques. Selon lui, ce sont la quantité et le type d’intervention de chaque personne qui déterminent les statuts des membres du groupe restreint – statut qui est susceptible d’évoluer dans le temps, ce que cette méthode permet de voir. Le codage est fait en fonction de la plus petite unité significative distinguable.

Les méthodes qui visent l’analyse d’interactions dans des groupes d’apprentissage (ce qui n’était pas le cas de Bales ou de Moreno qui s’intéressaient au groupe en général) passent aujourd’hui presque toujours par un découpage des messages échangés en unités significatives. La nature des unités, quant à elle, est très diverse. Dans ce sens, Gilly, Roux et Trognon (1999) rappellent que c’est le type d’observation que le chercheur souhaite faire qui détermine le type de catégories – et d’unités – qui vont être distinguées dans l’interaction. Sciolli (2001) base son analyse sur le repérage des fonctions du langage indiquées par Jakobson. Beaudichon, Legros et Magnusson (198738) établissent une liste de dix comportements de base dans les régulations

interindividuelles, qui sont l’évaluation positive ou négative, la direction de l’attention, l’ordre, la question, l’information, la réponse positive, négative ou indéterminée, ainsi que le commentaire non centré sur la tâche.

Dans le cadre de l’apprentissage d’une langue étrangère, l’on peut distinguer deux types d’analyse de l’interaction (ou plutôt de la communication, puisqu’il ne s’agit pas de la réalisation commune d’une tâche). Les unes portent sur les caractéristiques d’une communication orale et visuelle (cf. 4.1.1.), les autres sur l’apport de cette interaction pour une confrontation de l’apprenant avec de l’input original. L’objectif de ce dernier type de communication est que l’apprenant produise du matériel verbal et puisse vérifier si ce qu’il dit / écrit est compris par son interlocuteur ou encore que l’apprenant puisse « négocier le sens » avec son interlocuteur, c’est-à-dire vérifier la forme linguistique et son adéquation à ce qu’il voulait dire ou à la situation (cf. 4.1.1.). Dans ces deux types d’analyse, l’objectif n’est généralement pas l’étude du fonctionnement d’un groupe, mais la quantité de production en langue étrangère à

laquelle est confrontée l’apprenant ou qu’il produit lui-même, ou bien la quantité de négociation de sens qui a eu lieu. Ainsi, Schwienhorst (2002a) par exemple s’intéresse aux échanges en « tandem » entre deux apprenants de langues maternelles différentes – chacun apprenant la langue maternelle de l’autre – dans un « Multi-user domain- object-oriented » (MOO ; cf. 4.1.1.). Les données qu’il recueille sont le nombre total de messages reçus et envoyés par chacun, le nombre moyen de mots par message, le pourcentage de phrases dans la première langue ainsi que dans la deuxième langue et le nombre de mots corrigés39. D’autres encore ont une méthode purement

quantitative, qui fait abstraction de la nature des messages échangés. C’est le cas de Mangenot (2003), qui compare le nombre de messages échangés sur un forum de discussion à propos de différents genres de tâches réalisées individuellement (la discussion, l’analyse de ressources, la conception de ressources, l’étude de cas et la situation-problème), et ce d’une année à l’autre.

Notre objectif, dans le cadre de l’analyse de l’interaction qui a lieu dans les différents groupes dans le dispositif d’apprentissage, est de connaître le genre d’échange qui a eu lieu et le sujet des discussions. Cet objectif nous oblige donc à distinguer entre les différents types de messages échangés. Un modèle, développé pour l’observation du fonctionnement de groupes d’apprentissage qui communiquent via un forum de discussion, nous semble pertinent pour notre analyse. Il s’agit d’un modèle présenté par Verburgh et Mulder (2002).

Selon ces auteurs, les activités des apprenants dans l’apprentissage peuvent être réparties en trois catégories, qui concernent :

- la cognition - la métacognition - l’affectivité

Pour analyser les messages entre élèves sur un forum, ils classent les interventions en trois catégories (par un procédé de codification mis au point par Veldhuis-Diermanse 1999 et inspiré initialement de Vermunt 1992). Les activités relèvent ainsi de la cognition, de la métacognition et de l’affectivité. Une quatrième catégorie, « résiduelle », comprend tous les échanges qui n’ont pas pu être classés dans une des trois premières catégories. La cognition est divisée à son tour en différentes sous- catégories, qui sont 1) le fait de relier ou de répéter l’information, 2) l’utilisation d’informations extérieures et 3) le débat entre les membres du groupe. Le débat, quant à lui, comporte trois types d’interaction différents, qui sont l’apport d’une idée argumentée ou non, le questionnement et la réponse. La grille d’analyse est la suivante :

- cognition (traitement de l’information)  débat

- argumentation (apport d’une nouvelle idée avec ou sans argumentaire raisonné) - interrogation

- réaction (réponse)

 introduction d’informations nouvelles (utilisation d’informations extérieures)

 mise en relation ou rappel d’informations déjà connues (relier ou répéter l’information) - métacognition (activités régulatrices comme la prise de rendez-vous, apport d’explications

supplémentaires)

- affectivité (liée à l’ambiance au sein du groupe)

- activité « résiduelle » (les autres activités, toutes celles qui ne peuvent être classées dans aucune des trois catégories ci-dessus).

Encadré 5. Types d’interaction dans un groupe d’apprentissage selon Verburgh et Mulder