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Deuxième partie – Principes et hypothèses

Chapitre 4. Élaboration des principes de recherche et du dispositif Babbelnet

4.1. Étude préalable sur la FAD en langues

4.1.3. Éléments à retenir

Cette étude nous a permis d’approfondir nos connaissances théoriques sur la formation à distance. Mais elle a également été l’occasion pour nous de nous positionner par rapport à la recherche sur la FAD en langues, et a dessiné des voies que nous souhaitons continuer à suivre ou qu’au contraire nous souhaitons éviter dans le futur.

Mener une recherche expérimentale avec un public réel d’apprenants

Les recherches sur l’acquisition d’une langue étrangère à l’aide d’un ordinateur ont souvent porté sur des personnes qui n’étaient pas apprenants de la langue en question, ou bien à qui l’on a demandé d’apprendre une langue artificielle, ou encore d’effectuer des tâches en vue de l’expérimentation qui ne représentent pas pour eux des objectifs d’apprentissage identifiables. Bref, les études ont souvent été conduites dans des conditions de laboratoire. Si elles ont l’avantage d’être plus facilement contrôlables, de telles situations donnent à nos yeux des résultats faussés, car les objectifs et les comportements des sujets ne sont pas ceux d’un « vrai » apprenant. À l’instar de notre étude de DEA, nous allons par conséquent continuer à observer des apprenants dans une réelle situation d’apprentissage.

Ce travail nous a montré la difficulté d’élaborer une grille d’analyse pour des interactions de formation qui ne soit pas trop complexe mais qui tienne néanmoins compte des aspects importants. Il nous semble cependant indispensable, lorsqu’il est question de formation ou d’apprentissage, de valider (ou au contraire d’invalider) les hypothèses de recherche expérimentalement, et nous continuerons dans cette voie.

Observer l’apprentissage

Il semble clairement établi que les médias induisent un changement aussi bien dans la situation communicative que dans la formation. Mais ce constat ne permet pas encore de conclure à un changement de l’apprentissage. Et pourtant, dans une perspective centrée sur l’apprentissage, cette question est tout à fait fondamentale. L’analyse de l’interaction est importante pour mieux comprendre quels sont les facteurs qui peuvent favoriser le progrès de l’apprenant. Mais elle ne saurait suffire à elle seule.

Elle doit à notre sens être accompagnée de la mesure des acquisitions qui ont effectivement lieu. Nous sommes bien sûr consciente que ce que l’on peut mesurer, c’est une performance qui n’équivaut pas exactement aux connaissances réelles de l’apprenant. Ces dernières sont en effet impossibles à observer. On mesure par conséquent les progrès faits par une personne dans la mobilisation de ses connaissances et dans l’utilisation d’un système langagier (Chapelle 2001 : 142).

Se détacher d’une comparaison entre une situation en présentiel et une autre à distance

Par ailleurs, notre étude a porté sur la comparaison entre une situation médiatisée et une situation non médiatisée. La question inhérente était de savoir quelle était la différence entre les deux et dans quelle mesure cette différence pouvait ensuite être exploitée pour optimiser des formations. Cet objet d’étude nous paraît aujourd’hui déplacé. Dans la mesure où la FAD est en principe pratiquée lorsqu’elle permet un accès plus facile à la formation (que ce soit pour des raisons de contenu proposé, d’horaires, de rythme, d’éloignement physique ou de caractère – car ce type de formation convient souvent mieux aux personnes introverties (Demaizière & Dubuisson 1992), elle représente de manière générale un choix délibéré de la part des apprenants et n’a donc pas besoin d’être comparée au présentiel. De plus, la comparaison entre les types de situations limite l’exploitation des possibilités que comporte la FAD à une reproduction des formations présentielles, ou du moins ne permet pas de s’en détacher. Il nous semble bien plus approprié de concentrer la recherche sur deux autres questions. Premièrement, celle de savoir quel type d’activité peut convenir pour l’apprentissage par un média donné – et nous avons montré certains exemples plus haut dans ce chapitre. Deuxièmement, pour un type de tâche donné, la question est de savoir quelles sont les différentes manières de l’aborder, ou encore si la réponse donnée en termes de dispositif pédagogique (avec ses composantes humaines, matérielles et technologiques) a les résultats espérés sur l’apprentissage. La deuxième question a l’avantage sur la première de dépasser la focalisation sur un seul média et d’envisager une médiation intégrant des composantes diverses. Dans le cadre de notre travail de thèse, c’est dans cette deuxième perspective de recherche que nous nous situons.

Prendre en considération l’affect dans la formation

Lorsqu’on considère des dispositifs de formation à distance, un aspect de la médiation nous semble avoir une importance toute particulière : celui de l’affect. Cette impression est née de la pratique de l’enseignement à distance, où l’aspect relationnel, loin de disparaître, semble être un facteur important pour l’adhésion d’une personne à une formation. Si dans les cours par correspondance les abandons sont si fréquents, cela est notamment dû – nous semble-t-il – au manque de contact humain. Cette impression s’est ensuite renforcée durant l’observation de la formation par

visioconférence. En effet, nous étions surprise dans ce contexte par la très bonne entente entre le formateur et l’apprenant (leur relation semblait presque amicale) alors que la plupart des apprenants n’avaient jamais encore rencontré le formateur de visu (c’est vrai pour ceux qui avaient l’habitude de pratiquer exclusivement la FAD). La mesure de la « distance interpersonnelle » prenait dans ce cadre toute son importance. La lecture d’un certain nombre de publications sur la FAD le confirme (Esch 1995, Gavelle & De Pembroke 1999) : l’aspect affectif entre les interactants de la FAD influe beaucoup sur la participation et l’adhésion des apprenants à la formation. Il est une composante importante de la médiation humaine, qui détermine en grande partie les facteurs de réussite ou au contraire d’échec d’un type d’apprentissage à distance. Il est évident que la médiatisation technologique joue également un rôle important. Elle véhicule et conditionne la médiation et l’interaction humaines. Mais ce sont les facteurs humains durant la situation pédagogique et in fine dans l’apprentissage que nous mettons au premier plan.

L’affect est pour certains une composante de la formation. Selon Esch par exemple,

if the affective filter is up there is very little chance that learners will be receptive to input, interact together in a way which will modify this input and acquire new language21 » (Esch 1995 : 6).

La sympathie qu’ont les acteurs les uns pour les autres détermine donc aussi bien l’enseignement que l’apprentissage. Pour d’autres auteurs, l’affect est au contraire un effet supposé de l’enseignement (De Landsheere & De Landsheere 1992). Il est cependant difficile à analyser, à défaut d’une méthode et de critères satisfaisants. En effet, les attitudes ne sont observables qu’à travers les comportements, et le lien entre attitude et comportement qui en résulte reste hypothétique. Par exemple, il n’est pas certain que l’individu soit en mesure de moduler son comportement pour exprimer exactement ce qu’il souhaite exprimer. Et, il est parfois impossible de distinguer quel comportement relève du domaine affectif ou cognitif.

Nous pensons qu’il n’y a pas lieu de trancher entre naissance de l’affect avant ou suite à une situation donnée : l’affect à la fois participe à la situation d’enseignement et évolue à travers elle.

Observer l’interaction

Il reste une dernière discontinuité par rapport à notre DEA. Ce n’est pas par hasard que nous nous sommes préoccupée de l’échange verbal. L’étude menée s’est inscrite dans l’approche communicative, dans laquelle la pratique de la communication est ce que doit favoriser la situation de formation à distance, car il s’agit d’apprendre à communiquer en communiquant (cf. 2.1.). Dès lors, il devenait logique de se concentrer sur l’analyse de la communication médiatisée. Or, la participation à l’élaboration et à l’expérimentation d’une première version expérimentale d’une nouvelle certification universitaire (décrite en 2.2.3.) nous a fait nous orienter vers une autre approche didactique : la perspective actionnelle (cf. 2.2.). Elle pose comme objectif de l’apprentissage d’une langue la réalisation d’une tâche (en langue cible ou non langagière) par l’apprenant, conjointement avec d’autres personnes. La communication ne représente dès lors plus qu’un aspect de l’interaction entre les différents apprenants ou entre les apprenants et le tuteur (formateur). En effet, la communication en tant qu’échange verbal a jusqu’ici le plus souvent été purement informative. La discussion a consisté en un échange d’informations. Ce que nous considérons comme interaction dépasse ce stade et implique la volonté partagée des différents acteurs d’atteindre un but (ou dans le cas du tuteur, de faire atteindre ce but) qui dans notre cas est une production langagière. L’interaction a alors pour objectif non seulement de discuter sur la réalisation de la tâche, mais également de la réaliser ensemble. Elle a par conséquent un statut tout à fait central dans l’apprentissage de l’accomplissement d’une tâche en langue étrangère. Et cette préoccupation de l’interaction humaine se recoupe avec nos préoccupations à propos de l’affect auxquelles nous venons de faire référence.