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1. INTRODUCTION

1.4. Posture de recherche et méthodologie

1.4.3. Méthodologie

Pour rappel, nous cherchons à caractériser les formes que prennent, dans la réalité d'expériences parisiennes et françaises, le développement de clusters musicaux sur des territoires locaux, en construction permanente et singulière, et le développement de territoires qui s'appuient entre autres sur des dispositifs de pôles de compétitivité dans le champ culturel.

La littérature académique nous fournit à la fois des modèles et théories, et des analyses de processus, dynamiques ou expériences qui situent notre objet d'étude et les conditions de son observation. Ainsi, les enjeux économiques et institutionnels comme les rapports de force locaux et internationaux spécifiques à l'industrie de la musique et à l'économie de la musique constituent un cadre dans lequel nous souhaitons observer les pratiques et modes d'organisation des entrepreneurs de ce secteur fédérés au sein d'un cluster. Par ailleurs, les modalités d'émergence et d'animation des clusters musicaux, tant par les équipes qui en ont la charge que par les collectivités locales et institutions qui les initient, les soutiennent et les financent constituent un second type de données nécessaire. Enfin, nous avons soulevé des enjeux forts de la publicisation des activités de ces dispositifs et de la communication institutionnelle qui leur est associée. Ces processus communicationnels identitaires visent reconnaissance et distinction, et concernent tant les TPE et PME de l'industrie musicale que les aménageurs du territoire et les équipes en charge de la gestion et de l'animation des clusters.

Une pré-étude du terrain, quantitative, nous a par ailleurs permis de dégager des problématiques fortes, saillantes, relatives à une partie de ces enjeux. Nous les avons organisées autour de trois axes principaux, présentés plus haut – faible territorialité économique, hétérogénéités multiples, et capacités des équipes d'animation des clusters.

Les huit expériences françaises de cluster musical constitutives de notre population, et notamment les deux clusters parisiens, seront donc observés selon une méthodologie axée sur la mesure de ces enjeux.

Cette thèse, rappelons-le, s'inscrit dans un programme de recherche financé dans le cadre du programme régionale d'Ile de France Partenariats Institutions Citoyens pour la Recherche et l'Innovation - Picri. Sous la responsabilité d'un responsable scientifique, ce contexte pose le principe méthodologique d'une démarche d'étude de terrain collaborative : acteurs et partenaires des clusters ParisMix et Mila sont donc impliqués auprès des chercheurs dans la définition et le déroulé des travaux d'observation du terrain. Ceci s'est notamment traduit par une forme originale de recueil de données via des ateliers collaboratifs, problématisés et introduits par un

chercheur spécialiste du thème de chaque atelier.

Plus globalement, deux axes méthodologiques guident notre travail d'observation qualitative du terrain : des ateliers collaboratifs et des entretiens individuels semi-directifs d'une part, une analyse sémiotique de supports de communication d'autre part.

1.4.3.1. Ateliers collaboratif et entretiens semi-directifs

Ce premier axe méthodologique a pour objet le recueil de données relatives aux parcours des acteurs et aux trois enjeux principaux précisés plus haut.

Il s'organise autour de deux outils principaux, auxquels s'ajoutent des immersions dans cinq conseils d'administration et réunions de travail internes et/ou avec les partenaires.

Trois groupes de travail, neuf ateliers collaboratifs :

Premièrement, neuf ateliers de travail collaboratifs ont donc été organisés - six seulement ont pu être mis en œuvre avant la cessation d'activités du cluster porteur du projet. Leur principe est constant :

- une réunion de deux heures est organisée dans les locaux du cluster ParisMix ou du Mila, à laquelle sont invités des acteurs et partenaires du cluster : entrepreneurs adhérents, acteurs locaux, élus ou représentants d'institutions et collectivités locales, et membres des équipes et administrateurs des clusters.

- chaque atelier porte sur un thème précis, problématisé, qui met en regard des notions académiques théoriques et empiriques, présentées en une vingtaine de minutes par un chercheur en début de séance, et les pratiques, ressentis, interrogations ou positions de ces acteurs partenaires singuliers des deux clusters. La dizaine de chercheurs mobilisés dans ce cadre relève majoritairement des Sciences de l'information et de la communication, mais également de la sociologie, de l'anthropologie, de l'économie ou de la géographie.

- neuf ateliers ont été programmés sur ce principe, organisés en trois séances de trois groupes de travail thématiques. Ces trois groupes de travail correspondent aux trois grands enjeux des relations entre le cluster et son territoire. Afin d'assurer une certaine continuité des échanges, les participants invités à chaque séance d'un même groupe de travail étaient relativement fixes. Ainsi, une cinquantaine de participants ont été sollicités ; les participations effectives aux ateliers se sont avérées à la fois relativement faibles - cinq à dix participants par séance - et peu régulières. Enfin, dans l'objectif que chaque participant puisse préparer ses interventions ou du

moins confronter ses pratiques à chaque problématique abordée, un texte introductif a été diffusé pour chaque atelier. Un site web collaboratif a été mis en place pour cela

de janvier 2015 à décembre 201535. Un compte-rendu des échanges a été produit à la

suite de chaque atelier.

Les thèmes des neuf ateliers étaient les suivants :

- Groupe de travail Industrie musicale :

- La transformation des filières musicales et ses enjeux

- Quelles démarches innovantes pour ces acteurs de la filière sont portées par le Cluster Paris Musiques ?

- Quelles nouvelles formes d'organisation du travail sont proposées par le cluster ?

- Groupe de travail Territoires :

- Quelles dimensions territoriales sont concernées par l'action du cluster ? - Au regard de ses financements, quels sont les territoires d'action du cluster ? - Quels sont les bénéficiaires de l'action du cluster, notamment dans les domaines de l'insertion et du développement économique ?

- Groupe de travail Cluster :

- Le modèle de la grappe d'entreprises et l'enjeu de concertation

- Quelles actions de formation sont menées par le cluster pour ses adhérents ? - Face aux enjeux d'innovation et de concertation entre une filière économique et des territoires, les modalités d'une conduite de projet spécifique peut-elle se dégager des expériences réussies ?

Des entretiens individuels semi-dirigés :

Deuxièmement, une cinquantaine d'entretiens individuels semi-dirigés d'une durée de 1h30 à 4h ont été menés et ont permis le recueil de récits du vécu et du ressenti de

chacun, dans sa position d'acteur et de partenaire du cluster36.

Parmi les entrepreneurs, qui représentent un bon tiers de cette population, une sélection a été opérée sur la base des données recueillies lors de l'enquête préalable, afin de disposer de récits qui illustrent à la fois la diversité des types d'entrepreneurs et de métiers concernés par les clusters et les tendances fortes relevées.

35 Voir http://picri-parismusiques.net/. La présentation de la démarche et des ateliers est fournie en annexes. 36 La liste exhaustive des entretiens menés est fournie en annexes.

Les membres des équipes de ParisMix et du Mila ainsi qu'un administrateur de chaque structure et des personnalités fondamentales dans leurs histoires ont été rencontrés. Cela a été également le cas pour les six autres clusters musicaux français identifiés pour notre population d'étude.

Quelques partenaires et acteurs locaux ont été rencontrés, notamment pour leur rôle structurant des relations des clusters avec des réseaux locaux liés à la musique ou à la culture, avec des réseaux institutionnels, ou pour la complémentarité de leurs activités de proximité.

Enfin, les principaux interlocuteurs institutionnels des deux clusters parisiens ont été rencontrés : élus et techniciens en charge de la Culture, de l'Action économique, des Industries culturelles ou de la Politique de la Ville, mais aussi des agents en charge des équipes opérationnelles de développement local. Quelques représentants institutionnels à l'initiative ou en charge du suivi des six autres clusters musicaux ont également été rencontrés.

L'ensemble de ces entretiens, d'un volume global de 120 heures environ, a été retranscrit, en partie ou totalité, sur la base d'enregistrements audio systématiques.

1.4.3.2. Analyse sémiotique de supports de communication

Le second axe de notre méthodologie, de nature sémiotique, a pour objet le recueil de données relatives aux champs sémantiques, aux signifiants mobilisés et aux modalités de mise en récit du cluster et de ses activités, tant de la part des entrepreneurs que des clusters eux-mêmes et des collectivités locales et institutions. Une centaine de publications, supports de communication, rapports et autres pages de sites web ont été analysées dans ce cadre.

Dans des proportions variables - ParisMix et le Mila constituent également sur cet axe nos sources principales -, ces différents types de documents ont été recueillis et leurs contenus analysés pour les huit clusters français constitutifs de notre population. Plus précisément, notre corpus se compose de :

- onze rapports d'activité des années 2012 à 2015 et quatre documents d'orientation, produits par les clusters musicaux ;

- dix-sept dossiers de candidature ou réponse à appels à projets qui relèvent tant de la labellisation institutionnelle des clusters - SPL, Grappe d'entreprises, PTCE - que de candidatures et demandes de financements de projets dans les champs de l'action culturelle, de l'insertion et du développement local, des industries créatives ;

activités, de manière générale ou thématique, produits soit par les clusters soit par les collectivités locales qui les promeuvent ;

- sept documents internes aux clusters qui relèvent soit de contractualisations avec les adhérents, de chartes éthiques ou de règlements intérieurs ;

- quelque soixante pages web - dont neuf documents vidéo - issues des sites web des clusters, des collectivités locales ou de partenaires nationaux et locaux, et relatives aux histoires, activités et services de ces dispositifs ainsi qu'aux projets de territoires et aux modalités de leur gouvernance présentés par les institutions et collectivités.

Notre objectif, par l'analyse sémantique de ce corpus, résidait dans la caractérisation des contextes opérationnels et des cadres symboliques de référence dans lesquels sont publicisés les clusters et présentées leurs activités et modalités de fonctionnement. Nous nous sommes notamment attachés à la temporalité de ces caractéristiques, celles-ci étant susceptibles d'évoluer au fil du temps, ainsi que selon les types de publications et leurs destinataires.

Deux grands champs sémantiques ont été mobilisés pour cette analyse :

- le premier est relatif au positionnement sectoriel du cluster sur son territoire : est-il majoritairement présenté comme un dispositif économique, culturel, de développement local, d'innovation, d'animation ou d'aménagement du territoire ? Ce positionnement communicationnel s'avère-t-il cohérent sur l'ensemble des supports de médiation produits par les partenaires ? Est-il stable dans le temps ? Est-il appuyé sur des actions, stratégies ou tactiques relevées par ailleurs au sein du cluster et via les entretiens ? L'industrie musicale est-elle visible dans ces supports, et sous quelles formes ?

- le second est relatif aux modèles des territoires créatifs – et à ceux liés aux pôles de compétitivité - et vise à situer chaque dynamique de développement d'un cluster dans un projet plus large, politique et institutionnel. Nous nous sommes ici attachés aux notions mobilisées de manière récurrente par ces modèles d'aménagement et d'organisation du territoire : l'innovation, les écosystèmes, la créativité, la transversalité, la coopération, etc. Là encore, cette approche nous a permis de repérer des signifiants et de caractériser des cadres de référence symboliques selon lesquels les clusters sont mis en intrigue dans un récit du territoire et de son évolution par l'action des aménageurs.

Nous n'avons pas retenu de méthode quantitative d'analyse textuelle, qui ne nous a pas semblé pertinente au regard de notre objet d'étude. L'objectif de l'analyse de

corpus réside fondamentalement dans les discours des différents partenaires, dans les représentations et réalités idéelles sur lesquels ils s'appuient, et dans l'identification de concordances ou de discordances entre leurs cadres de référence respectifs. L'enjeu de cette approche réside, enfin, dans l'identification de concomitances entre ces éventuels points de rupture ou de cohérence communicationnels repérés et des événements, phénomènes ou périodes charnières, identifiés dans les dynamiques de développement opérationnel des clusters concernés.

Notre méthodologie générale nous fournit donc des données factuelles - dates, chiffres clés, acteurs impliqués -, des données qualitatives issues de récits des acteurs relatifs aux trois grands enjeux que nous avons identifiés, et des données sémantiques relatives aux représentations et énonciations des clusters par les acteurs inter-dépendants.

Ces choix, s'ils peuvent bien entendu être discutés, nous semblent cependant cohérents pour nous fournir, dans notre positionnement socio-économique et communicationnel, des données qui permettront de confronter nos propositions théoriques et notre hypothèse à des dynamiques locales, enclenchées et vécues de manière singulière. Notre population de clusters musicaux et de leurs territoires, tous deux observés à travers des récits et discours d'acteurs variés, nous semble pertinente pour, au-delà d'études cas monographiques, prétendre dégager des tendances générales et des spécificités, à partir desquels nous souhaitons tenter de définir des équilibres idéal-typiques autour des dynamiques d'acteurs hétérogènes et de leurs rapports de force, dans le cadre de la création et du développement de clusters culturels sur des territoires locaux français.

Des données du même ordre issues d'expériences menées hors du territoire français, donc dans d'autres contextes administratifs, politiques et économiques, ou dans d'autres secteurs d'activité, qu'ils relèvent des industries culturelles, des industries créatives ou d'autres secteurs relatifs à la production de biens symboliques, pourraient bien entendu compléter notre analyse. Outre les singularités liées aux modalités de développement des territoires français métropolitains, ces démarches d'observation de dynamiques de spatialisation fédératrice d'entrepreneurs culturels pourraient enrichir les travaux et réflexions sur les spécificités des industries culturelles au regard d'autres secteurs des industries des biens symboliques.

2. DES ENTREPRENEURS MUSICAUX ET DES CLUSTERS

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