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CHAPITRE 3 – ORIENTATIONS METHODOLOGIQUES

3.8 Méthode d’analyse des données

L’ethnologie propose « une démarche essentiellement inductive, privilégiant l’analyse des faits particuliers dans toute leur complexité. » (Bromberger, 1980 : 13) Dans le va et vient entre les outils de l’enquête orale - observation, entretiens et journal de terrain – le chercheur est toujours dans une démarche réflexive qui lui permet d’effectuer certaines analyses qui guideront le déroulement du terrain. Toutefois, « si l’observation directe comporte un travail d’imprégnation, si les impressions ressenties par l’observateur ont un intérêt heuristique, si des interprétations émergent dans le temps même de l’observation in situ, l’analyse ne s’arrête pas quand l’observateur quitte le terrain... » (Arborio et Fournier, 2005 : 50) L’étape d’analyse du corpus des données consiste plutôt à « rendre ces analyses [de terrain] explicites et [à] systématiser la démarche pour en produire de nouvelles, totalisantes. » (Arborio et Fournier, 2005 : 61)

3.8.1 Traitement des données : verbatim

La première étape permettant de traiter les données recueillies de sources orales est la transcription. Nous avons ainsi procédé à la transcription intégrale des entretiens enregistrés, et ce, rapidement après leur tenue, avec la plus grande fidélité possible à l’égard du discours oral et de son contexte d’énonciation. Afin de conserver tous les éléments de la communication non-verbale pouvant apporter des informations essentielles à la compréhension et à l’interprétation du message lors de la lecture (hésitations, silences, répétitions, mots coupés, rires, etc.), un système de transcription a été créé et utilisé à des fins d’analyse. Cependant, dans la phase de présentation des données, nous avons fait le choix de restaurer une expression conforme aux exigences linguistiques et un niveau de langue neutre afin de faciliter la lecture des citations utilisées. Ainsi, les contractions et déformations de mots propres à l’oralité ont été corrigées. Toutefois, la syntaxe et le vocabulaire utilisé par les participants ont été conservés dans le but de ne pas dénaturer le message.

3.8.2 La préanalyse et l’analyse qualitative

Une fois tous les verbatim complétés, il a été possible de prendre contact avec l’ensemble du corpus de données et d’en effectuer la préanalyse. Lors de cette phase d’imprégnation34, le matériel est

abordé de manière plus intuitive, par le biais d’une lecture flottante au fil de laquelle viennent à soi des impressions et des orientations (Bardin, 2007). Selon Deslauriers et Mayer (2000 : 147), cette opération permet de laisser les données livrer leur sens d’elles-mêmes, alors que « le chercheur lit et relit ses notes sans chercher nécessairement à trouver un sens précis mais [plutôt] en laissant apparaître le sens sans le forcer, tel qu’il peut se manifester, […]. C’est ainsi que, peu à peu, le matériel se met à « parler ». » C’est de cette façon que le matériel recueilli a été abordé avant de

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procéder à l’analyse proprement dite du corpus de données. De par sa nature, le présent projet de recherche induit l’utilisation de l’analyse qualitative. Mace et Pétry (2000 : 110) la définissent comme étant « un exercice structuré de mise en relation logique de variables et, par voie de conséquence, de catégories de données. » L’analyse qualitative permettra donc de traiter les données non numériques afin de les mettre en relation et de comprendre la structure et les processus sous-jacents. Par le biais de l’analyse qualitative, il sera aussi possible de cerner l’essence des diverses visions du monde « en faisant ressortir les représentations communes, moyennes partagées par l’ensemble des membres du groupe et les différences qui apparaissent dans l’ensemble des témoignages attestés. » (Bromberger, 1980 : 16)

Des outils d’analyse présentés par Beaud et Weber (1997) présentent également un intérêt considérable dans le cas présent. Les auteurs évoquent le concept des points de vue, lesquels sont multiples et en soi tous valables : « il n’y a donc pas de « vérité objective » d’une situation : il y a des vérités subjectives partielles et la vérité objective (celle que peut découvrir l’analyste par comparaison, par étude systématique) est elle-même partielle. » (Beaud et Weber, 1997 : 303) Dans son travail de terrain et dans son analyse, le chercheur doit donc exercer le décentrement de point

de vue afin d’en restituer la diversité, et ainsi dépeindre la réalité le plus fidèlement possible. Selon Guy Michelat (1975 : 242), cela passe par une approche qui s’intéresse autant à la singularité de chaque individu, de chaque entretien, qu’à leur mise en relation : « On est ainsi conduit à alterner les lectures verticales des entretiens (en gardant la logique propre à chacun) et les lectures horizontales, pour établir la relation avec les autres entretiens. » De ce fait, c’est plus particulièrement l’analyse de contenu thématique, dans son usage vertical et transversal, qui sera la méthode d’analyse retenue dans le présent mémoire.

3.8.3 L’analyse de contenu thématique verticale et transversale

De manière générale, le propre de l’analyse thématique, comme son nom l’indique, est de regrouper les données sous forme de thèmes. Il s’agit dès lors de procéder à « un exercice systématique de classification de l’information [...] qui consiste à classer les faits recueillis à l’intérieur de catégories préalablement déterminés par les référents empiriques du cadre opératoire et la ou les techniques d’analyse retenues. » (Mace et Pétry, 2000 : 104) Selon Pierre Paillé et Alex Mucchielli (2012 : 232), l’analyse thématique consiste « à procéder systématiquement au repérage, au regroupement et, subsidiairement, à l’examen discursif des thèmes abordés dans un corpus, qu’il s’agisse d’un

verbatim d’entretien, d’un document organisationnel ou de notes d’observation ». L’opération centrale

de ce type d’analyse est « la thématisation […], à savoir la transposition d’un corpus donné en un certain nombre de thèmes représentatifs du contenu analysé, et ce, en rapport avec l’orientation de recherche » (Paillé et Mucchielli, 2012 : 232).

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Afin de permettre une systématisation des données de chaque entrevue et d'en faciliter l’analyse transversale, la classification des données s’est fait sous forme de grilles dont la division repose sur les grands référents du guide d’entretien (eux-mêmes issus de la logique propre au récit de migration). Or, « à la différence du guide d’entretien qui est un outil d’exploration (visant la production de données), la grille d’analyse est un outil explicatif visant la production de résultats. Elle n’est donc nullement le décalque, mais une version plus logifiée. » (Blanchet et Gotman, 2007 : 97) La grille d’analyse produite (Annexe 2) comprenait quinze sections sous les thèmes que voici :

1. Les caractéristiques sociodémographiques 2. La situation familiale et l’appartenance 3. Le bagage migratoire

4. Le projet de migration et d’études à Rimouski 5. L’arrivée, l’accueil et l’installation

6. L’intégration

7. L’expérience de formation

8. Les hauts et les bas de l’expérience de migration

9. La rencontre avec l’Autre 10. Vision et analyse de la localité 11. Les projets

12. Questions de mobilité

13. Les effets de la migration sur les individus

14. Les effets de la venue d’étudiants d’origine étrangère sur le milieu

15. Informations post-entretien

Quelques observations de terrain pouvant nourrir l’analyse ont également été ajoutées. Il s’agit surtout des observations colligées dans le journal de bord en cours d’enquête orale ou d’informations post-entretien sur le devenir des participants. La thématisation sous forme de grille constitue l’outil par excellence pour l’analyse transversale des données, celle-ci incontournable dans le travail de synthèse à effectuer face à l’ensemble des entretiens. C’est cette lecture horizontale qui « permet la relativisation, la distanciation ; [qui] met à jour les constances, les ressemblances, les régularités. » (Bardin, 2007 : 96) Cette phase analytique doit cependant se voir précédée de ce que Laurence Bardin (2007 : 96-97) appelle le « déchiffrement structurel centré sur chaque entretien » ; cette lecture verticale qui vise à saisir de l’intérieur la parole de chaque individu, la logique de chaque récit, sa structuration propre, son organisation sous-jacente, « la dynamique personnelle, qui, en filigrane du flot de paroles, orchestre le processus de pensée de l’interviewé. » C’est par l’articulation de ces deux niveaux d’analyse (vertical et transversal), et au regard du cadre conceptuel et opératoire établi, que le travail d’interprétation des données s’est fait.

Le travail d’analyse transversale des données anonymisées dans la grille d’analyse, construites à l’étape de classification, mènera donc à la distinction de grandes tendances (issues des convergences et divergences) émergeant du discours des interviewés. Ces tendances, croisées à des facteurs extérieurs concernant la région et la ville permettront de dresser un portrait de l’expérience des étudiants d’origine étrangère dans la ville de Rimouski...

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