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Être étudiant d'origine étrangère en région au Québec : histoires de vie et parcours migratoires

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Être étudiant d’origine étrangère en région au Québec

Histoires de vie et parcours migratoires

Mémoire

Véronique Gagnon

Maitrise en ethnologie et francophonie en Amérique du Nord

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

© Véronique Gagnon, 2017

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Être étudiant d’origine étrangère en région au Québec

Histoires de vie et parcours migratoires

Mémoire

Véronique Gagnon

Sous la direction de :

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Depuis le début de sa lointaine histoire, l’homme migre à la recherche d’autres choses, d’autres lieux, cherchant à dépasser ses horizons culturels, à apprivoiser en quelque sorte l’espace inconnu, le non connu de l’espace mais non l’ignoré, car l’espace de l’ailleurs vit et s’active en permanence dans son imaginaire et le pousse sans cesse à dépasser ses limites, ses frontières, ses propres frontières.

- Gildas Simon, 2008

RÉSUMÉ

Au regard de diverses politiques canadiennes et québécoises visant à tirer profit de l’immigration, la présente recherche s’intéresse à de jeunes migrants adultes d’origine étrangère ayant comme projet celui de suivre une formation collégiale technique dans une région éloignée de la métropole québécoise. La prémisse de départ veut qu’au-delà des forces et contraintes extérieures, le parcours de chaque individu soit essentiellement unique et singulier. Cette étude cherche ainsi à saisir les logiques et processus sous-jacents à cette forme de mobilité aussi relative et évolutive que la réalité de notre ère globalisée l’impose, et ce, par l’appréhension du vécu des personnes impliquées. Grâce à la conduite d’entretiens semi-directifs auprès d’étudiants d’origine étrangère de l’Institut maritime

du Québec à Rimouski, ce mémoire pose un regard sur leur parcours migratoire et l’expérience

transculturelle vécue en région en traversant divers thèmes tels que les motivations à migrer et à choisir tel ou tel lieu de formation et de vie, les chocs culturels, la création de liens, le sentiment d’intégration, l’expérience académique, les stratégies d’adaptation et de résilience, les effets de la migration sur les individus, l’enjeu de l’appartenance, la vision de la localité d’accueil et les revirements de projets. Cette étude de cas permettra ainsi de soulever des pistes de réflexion concernant la réalité des étudiants en situation de mobilité et de questionner l’adéquation entre les logiques politiques et celles des individus.

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SUMMARY

With recent Canadian and Quebec policies aiming to capitalize on immigration, the present research targets migrant students enrolled in a regional college located in the Province of Québec. The basic premise of this paper is that beyond external forces and constraints, each individual has a unique and singular migratory experience. Through the analysis of these personal experiences, the following research aims to better understand the underlying processes of this relative and evolutionary migration movement brought about by globalization. Young foreign-born adults registered in a technical program at the Institut maritime du Québec in Rimouski were interviewed regarding their mobility and cross-cultural experiences through different themes such as : migration motivations, factors relating to choice of destination, culture shocks, relationships, academic experience, coping strategies, effects of migration, sense of integration and belonging, perception of the host community and projects evolution. The results of this case study highlight important avenues of reflection on the experience of migrant students in regional areas and question the concordance between governmental strategies and individual logic and projects.

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TABLE DES MATIERES

RÉSUMÉ ... III SUMMARY ... IV TABLE DES MATIERES ... V TABLE DES FIGURES ... IX LISTE DES SIGLES ... X REMERCIEMENTS ... XI

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1 – ÉTAT DE LA QUESTION ET PROBLÉMATIQUE ... 3

1.1 Le visage migratoire contemporain ... 3

1.2 Le Canada et l’immigration ... 6

1.2.1 Les étudiants étrangers au Canada ... 8

1.3 Le Québec et ses régions face à l’immigration ... 11

1.3.1 La régionalisation de l’immigration ... 13

1.4 Instrumentalisation des migrations ... 16

1.5 La migration pour études ... 17

1.6 Problématique et questions de recherche ... 24

CHAPITRE 2 – ORIENTATIONS CONCEPTUELLES ET CADRE THÉORIQUE OPÉRATOIRE ... 26

2.1 Posture épistémologique ... 26 2.1.1 L’approche qualitative ... 26 2.1.2 L’interactionnisme symbolique ... 26 2.2 Orientations conceptuelles ... 28 2.2.1 Jeunesse/Jeune adulte ... 29 2.2.2 Transition ... 33 2.2.2.1 Appartenance ... 35 2.2.2.2 Intégration et adaptation ... 35 2.2.2.3 Stratégies et résilience ... 36

2.2.2.4 Choc culturel et transition interculturelle ... 36

2.2.3 Projet ... 38

2.3 Cadre opératoire ... 41

CHAPITRE 3 – ORIENTATIONS METHODOLOGIQUES ... 43

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3.1.1 Population à l’étude ... 43

3.1.2 Position de la chercheure et entrée sur le terrain ... 44

3.1.3 Approche privilégiée : l’enquête ethnographique de terrain ... 44

3.3 Collecte des données et éthique... 46

3.3.1 Critères de sélection ... 46

3.3.2 Recrutement des participants ... 47

3.3.3 Contexte de réalisation des entretiens ... 48

3.4 Méthodes et outils de recherche ... 49

3.4.1 L’entretien-récit ... 49

3.4.2 Le guide d’entretien thématique ... 51

3.4.3 Les objets en appui au récit ... 52

3.4.4 Le journal de bord ... 52 3.4.5 L’observation ... 53 3.4.6 Contextes d’observation ... 54 3.5 Réflexivité ... 55 3.6 Préoccupations éthiques ... 56 3.7 Validité ... 57

3.8 Méthode d’analyse des données ... 58

3.8.1 Traitement des données : verbatim ... 58

3.8.2 La préanalyse et l’analyse qualitative ... 58

3.8.3 L’analyse de contenu thématique verticale et transversale... 59

CHAPITRE 4 – PRÉSENTATION DU TERRAIN ET ANALYSE DES DONNÉES ... 61

4.1 Portrait régional : le Bas-Saint-Laurent ... 61

4.1.1 Aperçu historique ... 61

4.1.2 Aperçu économique ... 62

4.1.3 Rimouski : Technopole maritime, Ville de services et Ville étudiante ... 63

4.1.4 Coup d’œil sur l’immigration ... 64

4.2 L’Institut maritime du Québec et les étudiants issus de l’immigration ... 68

4.3 Portrait de l’échantillon : des parcours migratoires pluriels ... 73

4.4 Partir et choisir ... 74

4.4.1 Choisir le Québec ... 75

4.4.2 Choisir Rimouski ... 75

4.4.3 Choisir l’Institut maritime du Québec ... 76

4.5 Les premiers pas : arriver, s’installer et s’intégrer ... 77

4.5.1 Les surprises à l’arrivée ... 77

4.5.2 L’accueil ... 77

4.5.3 L’installation ... 78

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4.5.5 Stratégies d’intégration ... 81

4.5.6 Sentiment d’intégration ... 82

4.6 L’expérience de formation ... 84

4.6.1 Vision de l’établissement d’enseignement ... 84

4.6.2 Différences du système d’éducation... 85

4.6.3 Satisfaction générale ... 85

4.6.4 La relation professeur-étudiant ... 85

4.6.5 Considérations générales sur l’expérience de formation ... 86

4.7 Le vécu entourant la transition interculturelle : les principaux écueils ... 86

4.7.1 L’éloignement et l’absence des repères familiers ... 87

4.7.2 L’hiver et la dépression saisonnière ... 87

4.7.3 La phase de confrontation ou le choc culturel ... 89

4.7.4 La rencontre avec l’Autre et les écueils relationnels ... 91

4.7.5 Stratégies de résilience ... 93

4.8 Effets de la migration sur les individus ... 94

4.8.1 Mieux se connaître et grandir… ... 95

4.8.2 Apprendre grâce à l’Autre ... 95

4.8.3 Bouleversements identitaires et compétences interculturelles ... 96

4.8.4 Reconnaissance ... 98

4.8.5 Des apprentissages variés ... 99

4.8.6 Vers de nouvelles opportunités ... 100

4.9 Appartenances et mobilité ... 101

4.9.1 Perceptions sur la ville de Rimouski ... 101

4.9.2 Appartenances ... 103

4.9.3 Projets et mobilité : partir ou rester ?... 106

4.9.4 Des projectoires ou des projets en constante évolution… ... 113

CHAPITRE 5 – INTERPRÉTATION ET DISCUSSION DES RESULTATS ... 114

5.1 Bref retour sur la problématique et les questions de recherche ... 114

5.2 Constats entourant l’expérience de transition interculturelle en région ... 115

5.2.1 La culture de la mobilité comme levier de migration et d’insertion ... 115

5.2.2 Éléments d’influence dans le processus d’adaptation et d’intégration sociale ... 116

5.2.3 Facteurs de réussite du projet d’études ... 119

5.2.4 L’impact de la proxémie sur la réussite académique ... 120

5.2.5 La transition de la migration comme espace de développement personnel ... 120

5.2.6 Le récit de soi comme vecteur de croissance ... 121

5.2.7 L’impact du climat ... 121

5.2.8 Constat concernant l’expérience régionale ... 122

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viii

5.4 Pertinence de la recherche ... 126

5.4.1 Apports de l’étude ... 126

5.4.2 Limites de l’étude ... 127

CONCLUSION... 130

ANNEXE 1 – GUIDE D’ENTRETIEN ... 132

ANNEXE 2 – GRILLE D’ANALYSE ... 135

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TABLE DES FIGURES

Figure 1 – Schéma du processus d’adaptation ... 37

Figure 2 – La perspective écologique de l’immigrant ... 42

Figure 3 – Représentation de l’univers du jeune migrant en transition et en évolution ... 42

Figure 4 – Les étudiants d’origine étrangère à Rimouski en 2006 et en 2014 ... 68

Figure 5 – Clientèle annuelle moyenne de l’IMQ de 2000 à 2014, par programme, par sexe ... 69

Figure 6 – Statut des étudiants de l’IMQ par programme à l’hiver 2016 ... 70

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LISTE DES SIGLES

AEC Attestation d’études collégiales

AIBSL Accueil et intégration Bas-Saint-Laurent

BCEI Bureau canadien de l’éducation internationale

BSL Bas-Saint-Laurent

CAMO-PI Comité d’adaptation de la main-d’œuvre - Personnes immigrantes

CEC Catégorie de l’expérience canadienne

CÉRUL Comité d’éthique en recherche de l’Université Laval

CRÉBSL Conférence régionale des éluEs du Bas-Saint-Laurent

DEC Diplôme d’études collégiales

DROM Départements et régions d’outre-mer

ENM Étude nationale des ménages

IMQ Institut maritime du Québec

MELS Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport

MESI Ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation

MICC Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles

MIDI Ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion

MRC Municipalité régionale de comté

OCDE Organisation de coopération et de développement économiques

OIM Organisation internationale pour les migrations

OMI Organisation maritime internationale

ONU Organisation des Nations unies

PEQ Programme de l’expérience québécoise

RMM Région métropolitaine de Montréal

STCW Standards of Training, Certification and Watchkeeping – Convention internationale

sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille

TIC Technologies de l’information et de la communication

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REMERCIEMENTS

Je remercie du fond du cœur Lucille Guilbert pour son soutien, sa patience et sa confiance tout au long de ce long processus.

Je remercie Annie Pilote et Jeanne-Marie Rugira pour leurs bons mots.

Je remercie l’Institut maritime du Québec pour son ouverture et son précieux soutien.

Je remercie les étudiants participants qui ont si généreusement partagé leur vécu et leur histoire. Je remercie mes proches qui m’ont chaleureusement soutenue et encouragée, en paroles et en gestes.

Je remercie tout spécialement ma mère, qui m’a transmis, sans relâche, courage et détermination ! Merci maman, papa, Isa, Guy, Sylvie, Yasmina, Paul, Marie-Claude, Pierrette, Richard, Maude, Anne-Julie, Vickie, Myriam, Maya, Matis, Linda, Catherine, Éthel, Marie-Jo, Suzie, Rosalie, Lili et tous les autres amours qui m’entourent…

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1

INTRODUCTION

Les mouvements de populations et d’individus font partie de l’histoire de l’humanité. Au fil du temps, les motifs et logiques soutenant la mobilité géographique se sont transformés, et les formes de migrations, démultipliées. Le troisième millénaire est marqué par une diversification déroutante des trames migratoires dans un espace transnational où le global et le local se répondent et se conjuguent de manière inusitée, où l’enjeu des frontières n’a plus le même sens. Dans ce nouvel espace-temps « de la distance abolie et de la communication instantanée » (Augé, 1997 : 11) sont apparues de nouvelles dynamiques territoriales et identitaires, de nouvelles formes d’appartenances et de solidarités ainsi que de nouveaux schèmes circulatoires de nature économiques, humanitaires, académiques ou touristiques... D’un point de vue géopolitique, les mouvements humains sont des flux à canaliser ; tantôt à restreindre, tantôt à encourager.

La présente recherche s’intéresse à un type de mobilité touchant deux flux migratoires souhaités au Canada : la mobilité étudiante et l’immigration hors des grands centres. D’une part, de nombreux pays se concurrencent sur la scène internationale dans l’attraction des étudiants étrangers. Fort concurrent de cette course à la clientèle étudiante, le Canada voit en cette catégorie d’immigrant un potentiel socio-économique important, une occasion de contrer les effets du vieillissement de la population, et met ainsi de l’avant des politiques qui encouragent l’immigration permanente des étudiants étrangers diplômés au pays. D’autre part, un tracé migratoire préconisé par le Canada vise une dispersion plus équilibrée des immigrants sur son territoire. Au Québec, la politique de régionalisation de l’immigration va en ce sens et favorise l’installation des immigrants hors des grands centres urbains. Des initiatives unissent ces deux stratégies politiques : combler le manque de main d’œuvre de certaines régions par l’attraction d’étudiants étrangers dans leurs institutions d’enseignement supérieur. Tel est le cas des ententes signées entre les instances gouvernementales du Québec et de l’Île de la Réunion pour la formation de jeunes réunionnais dans des institutions québécoises en dehors des grands centres dans une vision d’établissement à long terme. Enfin, les milieux régionaux et les établissements d’enseignement sont touchés par la baisse démographique et l’exode des jeunes vers les grands centres. Le besoin d’attirer des étudiants de l’extérieur, nationaux ou internationaux, se fait donc pressant, et divers modes de recrutement sont instaurés en ce sens. Ce mémoire vise à saisir l’expérience des migrants qui s’insèrent dans le jeu d’influence de politiques reliées à leur situation – dont celles d’attraction et de rétention des étudiants étrangers et celle d’attraction et de rétention des immigrants en région – mais qui sont également porteurs d’un

bagage et de projets singuliers. L’angle de recherche s’oriente surla trajectoire de personnes nées

hors-Canada dont la migration est, dans le présent, soutenue par un projet de formation dans un milieu régional québécois.

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2

L’objet de cette recherche s’est profilé à la lumière de nouvelles dynamiques migratoires

estudiantines dans une région périphérique québécoise : le Bas-Saint-Laurent. L’analyse du

phénomène de migration pour études en région se fait plus précisément à partir de l’expérience

d’étudiants d’origine étrangère ayant choisi l’Institut maritime du Québec (IMQ) à Rimouski comme lieu de formation et de vie pour la durée de leurs études ou au-delà de l’obtention de leur diplôme. Il s’agit donc de susciter la réflexion quant à l’adéquation entre logiques politiques et logiques individuelles de migrants en situation de transition.

À partir d’une perspective interactionniste, qui s’intéresse à la perception des sujets sur leur réalité, la présente recherche vise à relever les facteurs et logiques de mobilité des étudiants d’origine étrangère ainsi que les processus en cours dans l’expérience de transition interculturelle vécue dans le milieu régional et l’institution collégiale qui les accueillent. Cette étude de cas s’articule autour de trois principales sphères : la communauté d’accueil (le Bas Saint-Laurent, la ville de Rimouski), les établissements d’enseignement supérieur (plus particulièrement l’IMQ) et les étudiants d’origine étrangère. La méthodologie appliquée pour cette recherche qualitative se fonde sur les techniques d’enquête de l’ethnologie, et la collecte des données s’opère à partir de diverses sources, dont les entretiens semi-directifs, l’observation, les conversations de terrain et les documents officiels. Or les migrants pour études constituent la principale source d’information ; le cœur du corpus de données est donc issu de dix entretiens individuels réalisés avec des étudiants d’origine étrangère de l’Institut maritime.

La présente recherche se développe en cinq chapitres. Le premier fait état de la question et présente la problématique de recherche par une mise en contexte et une revue de littérature sur le sujet. Le second expose la posture épistémologique, les orientations conceptuelles et le cadre opératoire à partir desquels s’articule ce projet. Le chapitre trois présente l’étude de cas et les aléas méthodologiques et éthiques qui l’entourent. L’objet du quatrième chapitre concerne la présentation et l’analyse transversale des données ; on y présente le terrain de recherche et on y dégage des données relatives à la trajectoire pré-migratoire, à la transition interculturelle, à la vision portée sur le milieu d’accueil, à la mouvance des projets ainsi qu’à la mobilité. Dans le dernier chapitre, les résultats sont interprétés et discutés à la lumière des recherches existantes afin de faire ressortir les points saillants de cette étude dont la pertinence est en clôture évaluée à partir des apports et limites qu’elle présente.

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CHAPITRE 1 – ÉTAT DE LA QUESTION ET PROBLÉMATIQUE

Ce premier chapitre présente d’abord l’état de la question entourant les migrations et la mobilité étudiante sur les plans international, national, provincial et régional. Puis, une revue de littérature plus pointue concernant la migration pour études est ensuite étayée. La dernière section cerne la problématique entourant cette étude et définit les questions de recherche qui s’y rattachent. 1.1 Le visage migratoire contemporain

Dans un contexte de mondialisation, le phénomène des migrations internationales constitue un enjeu d’envergure à l’échelle mondiale. Les chiffres publiés en octobre 2013 par l'ONU révèlent que 232 millions de personnes vivent à l’étranger contre 175 millions en 2000 et 154 millions en 1990 (OCDE et ONU, 2013). Et si le solde migratoire des pays de l’OCDE a triplé depuis les années 60 (Keeley, 2009 : 3), l’intensification des mobilités n’est pas le seul trait caractéristique du visage contemporain des migrations. L’autre aspect notable des logiques migratoires d’aujourd’hui est qu’elles sont traversées par de profondes dynamiques de reconfiguration et de transformation. En

effet, comparativement à une relative linéarité des trajectoires migratoires au 20e siècle (Dumas et

Bélair-Bonnet, 2010), « le début du troisième millénaire semble ouvrir une ère nouvelle dans la réalité migratoire, dominée par des mouvements beaucoup plus chaotiques, incontrôlables, erratiques, qui correspondent aux soubresauts du monde » (Tandonnet, 2003 : 5). Diverses raisons peuvent mener au départ vers un ailleurs : la migration peut être activée par la réalité politique et socio-économique, motivée par l’expérience personnelle ou même alimentée par l’univers imaginaire. Elle peut aussi être forcée, volontaire, temporaire, saisonnière ou permanente. Par le passé, on pouvait plus facilement classifier les déplacements selon des facteurs de départ et d’attraction. On assiste néanmoins à une complexification et à une diversification des trajectoires et profils migratoires qui entraînent ainsi un flou dans la catégorisation des types de migrations tout en donnant lieu à des configurations flottantes chez un même individu ou un même groupe (Guilbert, 2005a : 5). Il incombe ainsi d’éviter les généralisations lorsque l’on aborde la question des migrations.

En plus de subir une métamorphose à l’échelle planétaire, l’expérience migratoire diffère d’un individu à l’autre, d’un pays à l’autre : « Pour ce qui est du nombre de départs et d’arrivées, les situations peuvent être très contrastées au sein d’un même pays, selon les régions et même entre les villes et les villages. La migration est donc un phénomène à la fois global et parfois, très local. » (Keeley, 2009 : 12) Aussi, les frontières spatiotemporelles, autrefois étanches, sont remises en question par la venue des nouvelles technologies de communication et de déplacement qui, en effaçant les distances, créent de nouveaux espaces transfrontaliers (Vatz Laaroussi, 2009; Dumas, 2010) à l’intérieur desquels « le lien social est en permanence actualisé dans une sociabilité quotidienne qui se déploie au-delà des frontières et des contraintes géopolitiques » (Nedelcu, 2004 : 12). Anthony

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Giddens (1994 : 29-30) parle de restructuration des relations sociales dans des champs spatio-temporels indéfinis. Ainsi, sur la toile contemporaine des migrations dans le monde se dessinent de nouvelles dynamiques territoriales et identitaires, de nouvelles formes d’appartenances et de solidarités dont la compréhension et l’explication appellent à l’adoption d’une vision cinématographique (Gohard-Radenkovic et Rachédi, 2009 : 6).

Ces reconfigurations polymorphes accélérées mènent ainsi à une redéfinition des paradigmes de recherche autour de nouveaux outils conceptuels. Pensons entre autres au concept de mobilité

pendulaire – qui réfère à des mouvements d’allers et retours entre le pays d’origine et la société d’accueil en fonction des « conjonctures socioéconomiques, [des] saisons ou [des] étapes de vie » (Vatz Laaroussi 2009 : 12) – ou à celui de diaspora. Aussi, dans le même sens qu’Alain Tarrius, avec le concept de territoire circulatoire, Simon Gildas (2002) propose la notion de champ migratoire qui rend davantage compte des rapports à l’espace, « ceux qui se nouent entre le migrant et les espaces pratiqués dans le cadre de « parcours migratoire » souvent complexes, les lieux de départ, d’arrivée,

d’installation, mais aussi de passage et de transit, voire de « rebondissement ». » (p.38)

Marie-Antoinette Hily (2009) parle du concept de circulation migratoire, lequel « correspond à une démarche de problématisation des phénomènes de mobilité physique des hommes, avec leurs itinéraires, les pratiques effectives et affectives des espaces parcourus » (p.23-24). On assiste également au renouvellement du concept de nomadisme pour lequel l’acteur migrant, qui fait de la mobilité un

modus vivendi (Nedelcu, 2004), s’installe à long terme dans un voyage sans fin (Vatz Laaroussi,

2009) où se développe une véritable culture de la mobilité (Dureau et Hily, 2009). On associe même l’étudiant international à cette figure du nomade en inscrivant sa mouvance dans un nouveau

courant : celui du nomadisme académique (MacDonald1 cité dans Dumas et Bélair-Bonnet, 2010).

Tous ces concepts constituent en fait l’arborescence d’un même phénomène, plus global, qui rend compte du « brouillage des schémas migratoires » (Catarino et Morokvasic, 2005 : 4) et de l’investissement réciproque du local et du global. Il s’agit du transnationalisme, incontournable dans l’appréhension de cette culture migratoire contemporaine et des logiques qui en découlent. Selon Nina Glick Schiller (1999 : 96) : « Transnational migration is a pattern of migration in which persons,

although they move across international borders and settle and establish social relations in a new state, maintain social connections within the polity from which they originated. In transnational migration, persons live their lives across international borders. » Le transnationalisme, nouvelle

personnalité des réseaux, est un phénomène de délocalisation des interactions à travers lequel « les individus franchissent ou se jouent des frontières, qui pour travailler, qui pour se soigner, se marier, étudier, etc., maintiennent des liens qui les transgressent, circulent entre elles, à travers elles, construisent leur identité en référence à plusieurs espaces nationaux » (Catarino et Morokvasic,

1 MacDonald, Kent, « Serving Immigrants : The Global Perspective » conférence prononcée à Montréal le 5 octobre 2009 à l’occasion du symposium des collèges des grandes régions métropolitaines.

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2005 : 4). Cela transforme considérablement les stratégies migratoires et identitaires déployées par les individus et les groupes qui ne sont plus étroitement territorialisés, limités dans l’espace ou culturellement homogènes (Appadurai, 1990). Ces réseaux transnationaux sont ainsi au carrefour du local et du global en ce sens où les expériences vécues ici nourrissent les réalités de là-bas et vice-versa (Augé, 1997; Setién et Vatz Laaroussi, 2012; Vatz Laaroussi et Bolzman, 2010).

Par ce regard nouveau et cette lecture innovante des manifestations émergentes de la culture transnationale de la migration, même la question de fuite des cerveaux se pose différemment. Cet exode des dits « cerveaux », définis par Anne-Marie et Jacques Gaillard (1999 : 43) comme étant « des professionnels issus de formations supérieures, quelle que soit leur discipline, et les étudiants en cours de formation », était, durant les décennies 50 à 80, perçu comme « un déplacement de ressources (humaines, sociales, économiques) à sens unique » (Nedelcu, 2004 : 9), donc, comme un phénomène essentiellement négatif pour les pays d’origine, plus souvent associés aux pays en développement, qui se voyaient dépossédés de leurs ressources intellectuelles au profit des pays d’accueil occidentaux. Or, au cours de la deuxième moitié du 20e siècle, la notion de fuite des

cerveaux subit un virage paradigmatique qui apporte nuance aux effets de la mobilité des

professionnels qualifiés (ou en voie de l’être), et ce, grâce aux concepts de diaspora, de réseau, de mobilité pendulaire et de circulation (Gaillard et Gaillard, 2002, 1999; Halary, 1994). Mihaela Nedelcu (2004) propose le terme globalocalisation qui illustre « la capacité des migrants à se positionner en tant que médiateurs sociaux et culturels dans plusieurs localités à la fois, grâce à la multiplicité des appartenances, des légitimités et au potentiel grandissant des mises en réseaux » (p.12). D’ailleurs, l’utilisation de la nouvelle proposition conceptuelle brain gain, qui remplace celle de brain drain, illustre bien cette nouvelle manière de saisir le phénomène de mobilité des élites (Meyer et Charum, 1995). La mobilité internationale des compétences ainsi analysée à la loupe du transnationalisme démontre que ces mouvements migratoires n’engendrent pas une rupture définitive entre l’acteur migrant et son pays d’origine, mais qu’ils ouvrent plutôt vers une multiplicité de scénarios alternatifs – allant de la création de communautés scientifiques transnationales au retour d’expertises et de compétences à distance, à la contribution des ressortissants aux projets de développement du pays d’origine jusqu’au retour des experts expatriés vers celui-ci – qui vraisemblablement profitent aux pays émetteurs (Gaillard et Gaillard, 1999, 2002; Nedelcu, 2004). L’heure est au développement d’une éthique de réciprocité en ce qui concerne la circulation des personnes, du savoir, des connaissances et des compétences (Guilbert et Prévost, 2009; Jewsiewicki, 2003).

Les sciences humaines et sociales sont aujourd’hui tenues d’aborder l’expérience des mouvements migratoires tant dans une perspective locale et individuelle que dans son déploiement à travers l’espace transnational. Il n’est plus suffisant de se fonder sur ce que Geneviève Cortés et Laurent Faret (2009) appellent le mode d’appréhension traditionnel du fait migratoire, lequel réfère à une conception univoque de la migration comme mouvement unidirectionnel d’un lieu de départ vers un

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lieu d’installation définitif. Dans le même sens, les migrations ne peuvent plus être essentiellement associées aux déplacements des pays les plus pauvres vers les pays les plus riches (Keeley, 2009 : 34) ou perçues comme un phénomène Sud-Nord (OIM, 2013). Dans l’Atlas des migrations, Catherine Wihtol de Wenden (2016 : 10) affirme à ce sujet que de nouvelles configurations apparaissent dans d’importants mouvements Sud-Sud (travail et asile), Nord-Nord (expatriés qualifiés) et Nord-Sud (seniors en quête de soleil et expatriés). Ainsi, l’analyse résultant du modèle classique de transfert dans l’axe nord-sud démontre l’indéniable mouvance des flux migratoires et l’importance d’approcher la lentille vers la singularité des expériences. La notion de trajectoires individuelles et familiales prend ainsi une place prépondérante dans la compréhension des processus de migration, et ce, dans une optique transnationale. Les facteurs contribuant à la multiplication et à la singularisation des contextes de mobilité se situent à plusieurs niveaux. On peut considérer ces mouvements autant à

la lumièredu milieu dans lequel ils s’opèrent que des processus en cours dans le déploiement du

projet par l’acteur migrant, tel que le soulèvent Cortes et Faret (2009 : 7) : « les choix opérés par les individus, les modes de mobilité mis en œuvre et les attentes qui les sous-tendent apparaissent comme les résultantes d’une large gamme d’éléments, où l’on retrouve à la fois le jeu des opportunités et des contraintes qui caractérisent les environnements économiques et sociaux de la migration mais aussi la transformation des univers législatifs et politiques des pays dans lesquels ces mouvements prennent place. » À cet égard, il importe de regarder avec plus d’attention la position du Canada et du Québec face à l’immigration.

1.2 Le Canada et l’immigration

Dans ce paysage migratoire contemporain, le Canada connait une situation et des enjeux qui lui sont propres. De par son histoire et sa situation géographique, on retrouve au Canada une politique d’immigration dite de remplacement2 qui de nos jours vise à contrer les effets du déclin et du

vieillissement de la population. De ce fait, l'immigration est, selon Emploi et Développement social Canada, la plus importante composante de la croissance démographique du Canada. Marc Termote (2012) dégage quatre objectifs poursuivis par la politique d’immigration du Canada et du Québec, ceux-ci étant démographiques, économiques, humanitaires et politiques. Ces différents objectifs sont bien évidemment reliés et se superposent dans la mise en place des diverses politiques de sélection

et d’établissement des candidats à l’immigration. Aussi, on y répond par l’orchestration d’une

immigration permanente – avec les immigrants indépendants ou économiques, les personnes issues du regroupement familial et les réfugiés – et d’une immigration temporaire – avec les travailleurs et

les étudiants étrangers. En 2011, on comptait au Canada environ 6 775 800 personnes nées à

l’étranger, ce qui représentait 20,6 % de la population totale. Il s'agit de la plus forte proportion parmi

les pays du G8 (Statistique Canada, 2013). Ces chiffres montrent bien que le Canada, pays

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d’ancienne colonisation ayant jadis tablé sur l’immigration pour l’occupation de son territoire, continue aujourd’hui d’être une importante terre d’accueil dans le monde. Or, la composition de l’immigration subit des transformations au fil du temps. Reconnue comme un important levier de développement, la migration internationale constitue désormais un enjeu économique mondialisé. Sur la scène internationale, on assiste à une course aux talents avec l’intensification de la concurrence entre les pays pour attirer les migrants qualifiés. D’ailleurs, la proportion de migrants hautement qualifiés dans les pays de l’OCDE est en forte augmentation » (OCDE et ONU, 2013). Ainsi, dans le but d’assurer sa croissance et sa position sur l’échiquier économique mondial, le Canada est appelé à revoir ses stratégies et politiques d’immigration. À ce titre, on note une volonté d’augmenter la proportion des immigrants économiques dont le profil favoriserait une insertion plus aisée et plus rapide au sein du marché du travail canadien. Statistique Canada (2012) révèle que de 1999 à 2009, la composition de l'immigration s'est transformée par la diminution des réfugiés et des regroupements familiaux en

proportion de l’immigration totale alors que l'immigration économique a fortement progressé avec

une hausse de 40 %. Cette progression s’est poursuivie alors qu’en 2014, les immigrants économiques représentaient 64,5 % des résidents permanents, comparativement à 61% en 2009 (Gouvernement du Canada, 2015).

De plus, afin de faciliter et d’accélérer le processus d’accueil de nouveaux arrivants qui ont des qualifications spécialisées, Citoyenneté et Immigration Canada a mis sur pied le programme Entrée

Express, en vigueur depuis janvier 2015. Impliquant les employeurs dans la démarche, ce modèle

de recrutement actif en ligne permet d’arrimer plus étroitement le choix des candidats aux besoins de main d’œuvre spécifiques. En 2015, le gouvernement fédéral souhaitait accueillir davantage d’immigrants qualifiés au pays de sorte que cette catégorie représente 65 % des immigrants. Il prévoyait ainsi recevoir entre 260 000 et 285 000 nouveaux résidents permanents (Citoyenneté et immigration Canada, 2014a; 2014b). Dans sa planification des niveaux d’immigration pour 2016, le nouveau gouvernement vise une augmentation de 7,4 % des admissions prévues en 2015 avec une cible de 300 000 nouveaux résidents permanents (entre 280 000 et 305 000) (Gouvernement du Canada, 2016). Bien que la nouvelle politique du gouvernement canadien cherche à faciliter le processus de regroupement familial et vise l’accueil d’un plus grand nombre de personnes réfugiés et protégées à titre humanitaire, les taux planifiés pour les immigrants économiques restent constants : « Le plan des niveaux d’immigration pour 2016 continue d’appuyer la croissance économique du Canada en admettant un nombre important de personnes dans le cadre des programmes d’immigration économique. La catégorie de l’immigration économique représentera la majorité de l'ensemble des admissions en 2016, soit plus de la moitié du total global prévu pour l’année. » (Gouvernement du Canada, 2016).

Si des mesures sont prises dans le domaine de l’immigration permanente au Canada pour soutenir le développement socio-économique, l’immigration temporaire n’est pas en reste. Le recrutement des

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travailleurs temporaires au Canada a en effet connu une croissance accélérée et substantielle au cours des quinze dernières années : en 2010, leur admission a augmenté de 52 % par rapport à 2001 (Monnot, 2012 : 186). Il y a toutefois derrière cet attrait pour l’immigration temporaire une logique de rétention. Parallèlement à la sélection des immigrants permanents par le système traditionnel de pointage, on assiste au tracé d’une nouvelle voie vers la résidence permanente : une opération en deux temps qui accueille d’abord temporairement les étudiants et les travailleurs qualifiés étrangers avant de leur permettre de demander le statut de résident permanent. La pierre angulaire de ce nouveau tracé est la catégorie de l’expérience canadienne (CEC), créée en 2008, qui permet aux travailleurs étrangers qualifiés qui occupent un emploi temporaire au Canada ainsi qu’aux diplômés étrangers d’établissements d’enseignement supérieur canadiens qui ont une expérience de travail de demander leur résidence permanente sans quitter le pays. Selon Laurence Monnot (2012 : 188), « le plan stratégique prévo[yait] d’augmenter de 10 % par année le nombre d’étudiants étrangers et de 15 % celui des travailleurs temporaires qui s’établir[aient] à titre permanent. » Les taux de rétention sont toutefois mitigés : en 2009, seulement 2 143 étudiant étrangers, soit 7 % du contingent, et 430 travailleurs temporaires ont emprunté la voie de l’immigration permanente. En 2010, c’est respectivement 2 526 et 1 467 (Monnot, 2012 : 188).

1.2.1 Les étudiants étrangers au Canada

Les étudiants étrangers s’inscrivent ainsi dans des logiques politiques et économiques visant la hausse effective de travailleurs au pays. Ils suscitent donc cette même compétitivité sur l’échiquier économique mondial : « À l’heure où l’éducation devient un marché économique concurrentiel par sa privatisation croissante et sa mondialisation, les étudiants étrangers constituent une clientèle fortement recherchée par les universités des pays industrialisés. » (Jewsiewicki, 2003 : 6) Au Canada, l’immigration de cette population est liée à une rhétorique de nature économique faisant de l’étudiant étranger un individu à attirer et à retenir dans un milieu qui espère se développer par sa présence (Belkhodja et Vatz Laaroussi, 2012 : 19). Les recherches du Bureau canadien de l’éducation internationale (BCEI) offrent plusieurs données récentes au sujet de cette circulation académique internationale croissante. Dans son rapport de 2012, le BCEI affirme que la demande mondiale d’enseignement supérieur à l’extérieur du pays d’origine devrait passer de 4,1 millions en 2010 à 7,2 millions en 2025. Le Canada rencontre la concurrence des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France, de la Chine, de l’Australie et de l’Allemagne. En 2010, le Canada a inscrit environ 5 %

des étudiants en mobilité internationale, ce qui en fait le 7e pays d’accueil dans le monde. Ces dix

dernières années, le nombre d’étudiants internationaux au Canada a augmenté de 75 % (près de 240 000 étudiants à tous les niveaux). En outre, le BCEI estime que la participation des étudiants internationaux à l’économie du Canada s’élève à plus de 7,7 milliards de dollars et qu’ils génèrent plus de 445 millions de dollars de recettes publiques.

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Sur le plan de l’éducation, la course aux talents s’inscrit dans l’agenda des universités qui visent l’internationalisation de la formation. Dans l’ensemble des pays de l’OCDE, la mobilité étudiante constitue le moyen le plus répandu de soutenir cette visée (OCDE 2004 : 11). Ainsi, les universités jouent un rôle majeur dans le recrutement et l’attraction des étudiants internationaux, mais leur action se veut au cœur d’une plus grande visée en ce sens où « depuis une dizaine d’années, les politiques nationales ont évolué vers un rapprochement de plus en plus évident entre les étudiants internationaux, l’internationalisation de l’éducation et l’immigration » (Belkhodja, 2012 : 147). Afin de soutenir sa volonté d’accroître sa part de marché d’étudiants internationaux et d’en attirer un plus grand nombre au pays, le Canada adopte certaines stratégies qui laissent poindre un nouveau modèle migratoire de transition temporaire à permanente. De manière générale, l’objectif de ces mesures est de faciliter la transition des étudiants internationaux vers le marché du travail et de les encourager à s’établir de manière permanente (Belkhodja, 2011; Tremblay, 2004, 2005).

Selon Bogumil Jewsiewicki (2003), la gestion de l’immigration a fait l’objet d’aménagements substantiels depuis 2002, et ce, par la mise en place de projets-pilotes dans diverses provinces telles que le Québec, le Nouveau-Brunswick, le Manitoba et l’Alberta. Ceux-ci ont tantôt ouvert aux étudiants étrangers l’accès au marché de l’emploi hors-campus durant leurs études, tantôt offert la possibilité de prolonger d’un an le permis de travail pour les diplômés d’une institution post-secondaire. En Alberta, un projet-pilote misait sur l’accélération du traitement des demandes de permis de séjour pour attirer davantage d’étudiants étrangers. En 2006, dans toutes les provinces, les étudiants internationaux pouvaient demander un permis de travail d’une durée de deux ans, excepté à Montréal, Toronto et Vancouver. Au Québec, depuis 2009, le Ministère de l’immigration

offre un Certificat de sélection du Québec aux élèves internationaux ayant obtenu un diplôme3 dans

la province (Belkhodja, 2012). Aussi, le gouvernement québécois offre un programme d’exemption des droits de scolarité supplémentaires permettant à des étudiants étrangers de payer les mêmes droits de scolarité que les québécois (Gouvernement du Québec, 2016a).

Melissa Fama (2011) recense d’autres initiatives pancanadiennes telles que le programme de

bourses d'études supérieures du Canada Vanier. Introduite en 2008, cette bourse « vise à recruter et à garder au pays les meilleurs étudiants au doctorat du monde et à promouvoir le Canada en tant que centre d'excellence en recherche et en enseignement supérieur » (site du Gouvernement du Canada, 2014a). Dans la même année, le gouvernement canadien a également lancé une campagne publicitaire internationale – "Imagine Education in/au Canada" – afin de promouvoir le Canada comme destination de choix pour l’éducation post-secondaire.

3 Un diplôme d’études secondaires en formation professionnelle, un diplôme d’études collégiales en formation technique ou un diplôme universitaire délivré par un établissement d’enseignement du Québec reconnu par le Ministère de l’éducation.

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Plus récemment, le gouvernement fédéral a assoupli les règles de la CEC en permettant aux étudiants étrangers de rester au Canada jusqu’à trois ans plutôt que deux après l’obtention de leur diplôme, leur laissant ainsi plus de temps pour inscrire à leur curriculum l’expérience de travail requise pour l’admissibilité à la résidence permanente. Dans la même foulée, la période de travail exigée est passée de 24 à 12 mois. Le gouvernement canadien a également apporté des modifications au Programme des étudiants étrangers qui facilitent l’accès au travail hors campus aux titulaires d’un permis d’études. En effet, depuis juin 2014, les étudiants étrangers à temps plein qui sont inscrits à un programme post-secondaire dans un établissement d’enseignement désigné peuvent travailler hors campus, même s’ils ne détiennent pas de permis de travail, et ce, sans avoir à se conformer à l’ancien délai d’attente de 6 mois (Gouvernement du Canada, 2014b; Tamburri, 2013).

Enfin, ce sont autant de stratégies et de mesures jalonnant la voie vers la résidence permanente à des immigrants temporaires, diplômés au Canada, dont le potentiel d’intégration socio-économique serait plus fort que celui des immigrants économiques en raison d’une meilleure reconnaissance par les employeurs du diplôme national que de celui obtenu à l’étranger. On attribue également cette intégrabilité à l’âge et au fait que le temps passé à étudier et à travailler au pays avant la diplomation aura permis aux étudiants internationaux de s’adapter à la culture, d’acquérir des compétences linguistiques, de bâtir leurs réseaux et d’ainsi fortifier leur capital social canadien (Alboim, 2011; Belkhodja, 2011, 2012; Hawthorne 2005, 2010).

La question de l’intégration des temporaires suscite toutefois des interrogations : « Admis sans perspective d’immigration, ils ne bénéficient pas des mêmes services de soutien à l’établissement ni des cours de langue, et disposent moins fréquemment de réseaux communautaires. Leur base d’intégration est donc inférieure à celle des permanents. » (Monnot, 2012 : 188) Les résultats de la recherche d’Abdoul Echraf (2012) auprès de jeunes immigrants dans le Bas-Saint-Laurent montrent que l’accès à l’emploi reste difficile « malgré un séjour de quelques années dans la société d'accueil et des diplômes en cours dans des domaines en demande […]. Ces difficultés semblent d'autant plus subsister qu'au stade actuel de leur séjour et au regard de leur mode de socialisation, ces jeunes ne semblent pas avoir réussi à créer le type de capital social à même d'être mobilisé utilement sur le marché de l'emploi » (p.271). D’autres études (Belkhodja, 2012; Lowe, 2011) démontrent par ailleurs que le Canada éprouve certaines difficultés à retenir les étudiants internationaux une fois les études terminées et relèvent la responsabilité des universités à cet égard.

En somme, tous ces efforts pour attirer et retenir les immigrants permanents et temporaires au pays s’inscrivent dans cette même volonté de stimuler la croissance démographique, la prospérité économique et la créativité des communautés d’accueil (Belkhodja, 2011, 2012), défis auxquels le Québec n’est pas étranger.

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1.3 Le Québec et ses régions face à l’immigration

Le Québec est lui aussi aux prises avec des problèmes structuraux de divers ordres, dont le manque de capital humain. La réalité est empreinte d’une pénurie de main d’œuvre dans plusieurs domaines ainsi que d’un étiolement démographique important dû au vieillissement de la population et à la baisse du taux de natalité. Ici aussi on tente de redresser cette situation problématique par l’accueil d’immigrants de toutes catégories. Or au Canada, la province de Québec se distingue par son implication dans la sélection et l’intégration des personnes immigrantes sur son territoire. Aussi, « le Québec est l’une des trois provinces canadiennes où vivent la majorité des personnes nées à l’étranger ; en 2006, celles-ci représentaient 11,5 % des 7 546 130 habitants de la province. » (Germain, Armand et Mc Andrew, 2010 : 4) Depuis 1968, le Québec possède son propre ministère de l’immigration et dès le début des années 70, diverses ententes ont été signées entre les paliers fédéral et provincial, faisant de la gestion de l’immigration une compétence partagée. Le Québec a d’abord obtenu du gouvernement fédéral, celui-ci responsable de l’admission, le droit de participer à la sélection des immigrants indépendants et de fil en aiguille, sa capacité d’intervention en la matière s’est accrue. Ces ententes, dont l’entente Cullen-Couture (1978) et la plus récente, l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains (1991), ont conféré à la province de réels pouvoirs dans les domaines de la sélection des candidats à l’immigration et de l’intégration des nouveaux arrivants.

En 1990, le Québec a adopté l’Énoncé de politique en matière d’immigration et d’intégration qui pose quatre enjeux pour le développement du Québec en lien avec l’immigration. Ceux-ci sont intimement liés à la situation démographique, économique mais aussi culturelle et linguistique du Québec. Le redressement démographique et la prospérité économique sont des enjeux communs aux autres provinces et à d’autres nations. Toutefois, en tant qu’unique collectivité majoritairement francophone en Amérique du Nord, le Québec présente des défis particuliers. En ce sens, l’immigration doit soutenir la pérennité du fait français en plus de permettre à la province de s’ouvrir sur le monde. L’ensemble de la politique d’intégration et des mesures qui en découlent reposent sur les choix de société caractérisant le Québec moderne comme étant une société francophone, démocratique et pluraliste. Le Québec intervient de façon proactive dans la gestion de cet enjeu sociétal majeur qu’est l’immigration ; et il le fait de manière à répondre à des besoins qui lui sont propres, comme celui du maintien de son caractère francophone. D’ailleurs, de tous les étudiants internationaux aux études supérieures, les Français sont les plus représentés dans les universités québécoises, mais aussi dans les cégeps. Au sein des établissements collégiaux, la majorité des étudiants internationaux sont de nationalité française : une proportion de 63% selon la Fédération des cégeps (2014) qui stipule que la provenance des étudiants internationaux serait concourante aux actions entreprises par les cégeps dans les pays qu’ils considèrent prioritaires.

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À partir des enjeux soulevés dans l’Énoncé, des orientations sont adoptées sur une base triennale par le biais de consultations publiques sur la Planification de l’immigration au Québec. Le Plan

d’immigration du Québec pour l’année 2016 reconduit les orientations de la période 2012-2015 qui

recherchent l’atteinte d’un profil d’immigration dont les traits les plus saillants sont la qualification, la jeunesse, la connaissance du français et la diversité (MIDI, 2016). Par ses portraits statistiques sur l’immigration temporaire au Québec de 2008 à 2013 (MIDI, 2014a), le Ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI) dévoile que durant cette période, les immigrants temporaires admis sur le territoire québécois sont plus nombreux que les immigrants permanents. On enregistre en effet, entre 2008 et 2013, une moyenne annuelle de 53 264 entrées liées à l’immigration temporaire contre 51 235 entrées de la catégorie permanente. En plus d’une hausse de l’immigration temporaire, celle-ci est également marquée par une transformation de sa composition qui, jusqu’en 2010, se répartissait également entre les trois catégories : travailleurs, étudiants et cas humanitaires. À partir de 2011, les travailleurs étrangers ont devancé les autres catégories alors que le poids des étudiants étrangers a légèrement augmenté et que les cas d’ordre humanitaire ont diminué de plus de moitié (MIDI, 2014a : 7). On prévoit toutefois qu’en raison de la crise internationale des réfugiés, cette composition connaisse une nouvelle reconfiguration pour la période 2017-2019 (Gouvernement du Québec, 2016b). Enfin, il est possible de constater que, tout comme le Canada, le Québec joue de plus en plus finement avec les ficelles de l’immigration afin d’en extraire le remède tout désigné pour une croissance en santé. Par exemple, depuis 2010, la province québécoise a elle aussi mis en place un programme qui accélère et facilite les démarches vers l’immigration permanente pour les travailleurs temporaires et les étudiants étrangers qui y vivent ; il s’agit du programme de l’expérience québécoise (PEQ). Selon Monnot (2012 : 189), « la question de la rétention des temporaires convertis est une autre inconnue » et les résultats seraient discutables.

Par ailleurs, bien que l’accroissement de la population active soit recherché, il s’accompagne d’un phénomène de déséquilibre géographique associé aux mouvements migratoires internes. Les grands centres effectuent en effet une attraction considérable sur les nationaux, mais ils attirent également la majorité des flux migratoires internationaux. La population de Montréal ne cesse ainsi d’augmenter avec l’accueil d’une grande proportion des nouveaux arrivants. Selon le recensement de 2006, 87 % de l’ensemble des immigrants de la province se retrouve dans la grande région montréalaise. D’ailleurs, « près des trois quarts (74,9 %) des immigrants admis de 2003 à 2012 et présents au Québec en janvier 2014 résidaient dans la région métropolitaine de Montréal (RMM), tandis que 21,8 % résidaient dans une région hors de la RMM » (MIDI, 2014b : 16). Ce phénomène d’urbanisation renvoie à la situation des régions périphériques du Québec pour lesquelles les logiques et enjeux démographiques sont tout autres. Plutôt touchées par la dévitalisation, les régions sont le sujet d’importants débats de société. Roméo Bouchard (2006) affirme à ce sujet que « la désintégration des régions périphériques et le fossé qui se creuse chaque jour davantage entre elles et la région multiculturelle de Montréal constituent une menace sans précédent pour l’identité,

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l’intégrité et le dynamisme futur du Québec » (Quatrième de couverture). Mais la destinée des régions du Québec aurait toujours été rattachée à la canalisation des mouvements migratoires, et à la migration des jeunes en particulier (Noreau et Perron, 1997 : 133). En effet, en plus d’être fortement affectées par la dénatalité et le vieillissement de la population, les régions connaissent une autre entrave à leur vitalité : l’exode des jeunes. Par la conjugaison de ces deux phénomènes s’amplifient les impacts sur les milieux régionaux : le manque de main d’œuvre qualifiée, la baisse de clientèle dans les établissements d’enseignement et tous les effets collatéraux sur le tissu socio-économique qui s’en suivent. Les établissements d’enseignement supérieur des régions périphériques sont eux aussi touchés par cette situation. D’ailleurs, les collèges étant subventionnés en fonction du nombre d’étudiants qu’ils accueillent, une diminution des inscriptions entraîne une réduction proportionnelle du financement. Le gouvernement québécois prend différents moyens pour soutenir les institutions

en région. Un nouveau programme de mobilité interrégionale a d’ailleurs été mis sur pieds en

2016 afin d’aider les cégeps en région à attirer des étudiants des grands centres chez eux. Une autre solution pour contrer la baisse des effectifs étudiants est l’accueil d’étudiants étrangers. En 2003, le ministère de l’immigration a élaboré « un plan d’action visant à accroître la présence d’étudiants étrangers en région » (Cégep international, 2007 : 9). En plus de soutenir le financement des institutions, cette mesure pourrait éviter la fermeture de programmes et permettre d’en relancer d’autres. L’enjeu pour les milieux de l’éducation en région est donc majeur.

En 2002, le gouvernement a adopté une stratégie d’internationalisation de l’éducation québécoise (Gouvernement du Québec, 2002) qui s’inscrirait dans la foulée internationale de course aux talents. Le Québec voudrait ainsi « éviter d’être marginalisé par le processus d’européanisation de l’enseignement supérieur, et plus spécifiquement, de perdre l’intérêt de la France, son partenaire

traditionnel » (Garneau et Bouchard, 2013 : 208). Dans une optique d’internationalisation, les

établissements d’enseignement supérieur tablent en partie sur la promotion de leur institution à l’international afin de pallier la baisse de clientèle. Ainsi, ces institutions constituent un facteur d’attraction dans les régions du Québec. Elles travaillent conjointement avec d’autres instances afin de recruter dans des pays en particulier et d’arrimer leur besoin d’étudiants à celui de main d’œuvre diplômée de la région. Enfin, c’est à partir du besoin de revitalisation démographique, économique, culturelle et sociale des régions qu’a surgi il y a de cela plus de vingt ans l’idée d’une répartition géographique plus équilibrée de l’immigration et le concept de régionalisation de l’immigration. 1.3.1 La régionalisation de l’immigration

Durant les années 70, alors que la problématique de l’immigration se voulait jusqu’alors toute montréalaise, les décideurs politiques ont commencé à aborder la question de l’immigration en région sous l’angle de dé-métropolisation de l’immigration. Il faut toutefois attendre la fin des années 80 pour que les premières réflexions systématiques sur le sujet s’amorcent réellement, et le début des années

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90 pour que cette volonté de décentraliser les flux migratoires au Québec s’articule à travers une politique de régionalisation de l’immigration (Guilbert, 2006 ; Simard, 1996). Les assises fondamentales de celle-ci seraient le partage entre les régions du Québec des multiples apports de l’immigration, l’intégration à la majorité francophone, le partenariat avec l’ensemble des acteurs socio-économiques, y compris leur sensibilisation et leur engagement dans les services d’accueil et de soutien, et enfin les liens étroits avec la politique de développement régional (Simard, 1996 : 48).

En ce sens, les régions du Québec bénéficient depuis le début des années 2000 d’ententes

spécifiques sur la régionalisation de l’immigration à travers lesquelles sont subventionnés des projets visant l’attraction, l’intégration et la rétention des immigrants en région. En 2009, tout le Québec était couvert par ces ententes que le Ministère de l’immigration avait signées avec douze conférences régionales des élus et huit municipalités (Vatz Laaroussi et Bezzi, 2010). Or en 2006, la Direction régionale du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine du ministère de l’Éducation (MELS) a affirmé par l’entremise d’un portrait régional sur l’immigration que « les efforts déployés par les intervenants de la région en matière d’immigration ne sont pas suffisamment soutenus par le MICC. Les programmes de ce ministère sont trop normés et mal adaptés aux réalités de la région, aussi bien pour l’accueil et l’intégration des personnes immigrantes que pour leur francisation. » (Beaulieu, 2006 : 40). Cela démontre que « les mesures sont dispersées et sans concertation systématique entre les responsables de la politique d’immigration » (Manço, 2001 : 76). Le ministre des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire a d’ailleurs annoncé en novembre 2014 l’abolition des conférences régionales des élus (CRÉ), lesquelles s’appuyaient sur un modèle de

gouvernance partenariale s’étant construit à partir d'une vision partagée entre élus et acteurs

socioéconomiques, et qui par leur plate-forme de concertation, constituaient un élément clé de la réussite de la politique de régionalisation de l’immigration.

Plusieurs recherches soulèvent que les efforts consentis pour l’implantation des immigrants dans les régions se soldent par un faible taux de rétention et que les politiques de régionalisation de l’immigration n’atteignent pas leurs objectifs (Guilbert 2004a, 2006; Echraf, 2012; Quimper, 2005; Vatz Laaroussi et Bezzi, 2010; Vatz Laaroussi et Roberts, 2005). Altay Manço (2001 : 69) va jusqu’à qualifier ces politiques d’« hésitantes et immobilisatrices, manquant de moyens et de détermination » et ajoute aussi que « les résultats démographiques finaux sont indubitablement faibles ». En effet, l’observation des données sur la population immigrante admise au Québec entre 2003 et 2012 révèle que seulement 0,3 % de cette population habitait le Bas-St-Laurent (913 personnes) en 2014, 0,3 % au Saguenay-Lac-St-Jean (1150 personnes), 0,2 % en Abitibi-Témiscamingue (838 personnes), 0,1 % sur la Côte-Nord (443 personnes) et 0,1 % en Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine (260 personnes) (MIDI, 2014b : 31). Les chiffres concernant la région projetée de destination des immigrants admis dans la province entre 2009 et 2013, très similaires, n’atteignent davantage 1 % pour ces mêmes régions (MIDI, 2014c : 40). La difficulté à retenir les immigrants en région serait entre autres attribuable au fait que « les politiques canadiennes de sélection favorisent des immigrants ayant un

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profil qui s’apparie mal avec les besoins des régions. Ils sont souvent très urbanisés et surqualifiés avec des profils de cadres, de professionnels ou d’universitaires. Or, malgré l’importance grandissante du secteur tertiaire, l’économie des régions rurales canadiennes reste encore très marquée par le secteur primaire qui demande des ouvriers et des techniciens spécialisés plutôt que des cadres. » (Echraf, 2012 : 17) Diverses études ont également démontré les difficultés rencontrées par les migrants dans ce type d’environnement : moins de services, réseaux ethniques restreints, moins de possibilités promotionnelles reliées à l’emploi, etc… Certes, en ce qui a trait à la recherche sur l’immigration hors des grands centres, un manque d’études localisées permettant de nuancer l’expérience humaine et migratoire d’individus dans un lieu donné a toutefois été relevé au début du siècle : les participants réunis par Métropolis en 2003 faisaient ressortir le fait que « s’il existe à l’échelon macro-économique des recherches pertinentes en matière de stratégies de régionalisation, on note au niveau local une pénurie de données pour soutenir une stratégie de régionalisation approfondie et ancrée dans la durée » (Vatz Laaroussi et Roberts, 2005). Suite à ce constat, des recherches ont été menées au Québec, et dans d’autres provinces canadiennes, dans le but de combler ce manque. À ce titre, il convient de souligner l’apport du Centre Immigration et Métropoles, du Centre pancanadien Métropolis et de l’Observatoire canadien de l’immigration dans les zones à faible densité d’immigrants, devenu par la suite le Réseau international de recherche sur l’immigration en dehors des grands centres (Vatz laaroussi et Guilbert, 2013). En plus d’avoir produit une série d’études de cas locales, provinciales et nationales, ce réseau a permis « de soulever des enjeux importants tant pour la mise en œuvre des politiques publiques que pour les connaissances scientifiques » (Belkhodja et Vatz Laaroussi, 2012 : 16). Il en va de même pour l’équipe de recherche en partenariat sur la diversité culturelle et l’immigration dans la région de Québec (ÉDIQ) qui regroupe des acteurs d’établissements universitaires, d’institutions de gouvernance, d’organismes et de services de première ligne. L’ÉDIQ aborde la question migratoire, impliquant nouveaux arrivants et population locale, par l’examen des « interactions des personnes et des groupes au sein de la société en considérant tant les ancrages historiques que les dynamiques locales récentes. » (Site web de l’ÉDIQ : www.ediq.ulaval.ca) Enfin, la recherche au Québec entourant les phénomènes d’immigration et d’insertion en région s’intensifie depuis une dizaine d’années, comme en témoigne l’ouvrage collectif dirigé par Michèle Vatz Laaroussi, Estelle Bernier et Lucille Guilbert (2013) : Les collectivités

locales au cœur de l’intégration des immigrants.

Les études réalisées s’intéressent à des régions, des populations ou des phénomènes en particulier ; elles se penchent sur des aspects variés de la migration et de l’immigration en région tels que la mobilité interrégionale (St-Amour et Ledent, 2010; Vatz Laaroussi, 2009; Vatz Laaroussi, Guilbert,

Bezzi et Prévost, 2010) ;les réseaux transnationaux (Setién et Vatz Laaroussi, 2012; Vatz Laaroussi,

2009; Vatz Laaroussi et Bolzman, 2010) et les pratiques transnationales (Garant, 2010) ;le capital

d’attraction et de rétention en général (Arsenault et Giroux, 2009; Esses, 2010; Vatz Laaroussi, Guilbert, Bezzi et Prévost, 2010) ou plus particulièrement lié à l’employabilité (Bernier et Vatz

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Laaroussi, 2013a; Quimper, 2013), aux instances d’accueil, d’accompagnement et de gouvernance (Ansòn, 2013; Belkhodja, 2010; Bernier et Vatz Laaroussi, 2013b; Duplessis, 2013; Guilbert et al., 2013; Guilbert et Walling, 2011; Walling, 2013) ; les aléas de l’intégration chez les élèves issus de l’immigration à Québec (Nadeau-Cossette, 2013) et en Estrie (Steinbach et Lussier, 2013), chez les étudiants étrangers en formation dans le Bas-Saint-Laurent (Echraf, 2012), chez les étudiants

immigrants dans les universités de Sherbrooke et de Québec(Guilbert et Prévost, 2009), chez les

résidents permanents en Gaspésie (Arsenault et Giroux, 2009), chez les femmes immigrantes et réfugiées dans les régions du Québec (Vatz Laaroussi, Guilbert, Velez, Bezzi et Laperrière, 2007)… D’autres chercheurs se sont penchés sur des espaces de socialisation et de médiation interculturelle tels que l’école (Froelich Cim et Lenoir, 2013; Guyon, 2013), sur la participation citoyenne en région (Vatz Laaroussi, Bezzi, Manço et Tadlaoui, 2012), sur les attitudes de la population locale à l’égard

de la diversité (Ansòn, 2013; Fournier, 2011; Gallant, Bilodeau et Lechaume, 2013)ou sur des

périodes de vie transitoires comme l’adolescence (Nadeau-Cossette, 2013), la maternité (Guilbert et al., 2013), les études (Guilbert et Prévost, 2009) et la réorientation professionnelle (Giroux, 2011). Certes, il importe de poursuivre les recherches qui tiennent compte des spécificités d’une localité ou d’une région donnée ainsi que de la nature complexe et profonde des rapports qui s’opèrent en situation de migration et d’interculturalité pour des individus dont l’histoire doit être saisie comme étant singulière. Cela pourra contribuer à sortir de la vision utilitariste des migrations qui porte à y réfléchir et à les articuler en fonction d’un « simple calcul économique immédiatiste » (Manço, 2001 : 74) et de « dynamiques socio-économiques désincarnées » (OIM, 2013 : 186).

1.4 Instrumentalisation des migrations

La rhétorique mercantile et déshumanisante concernant l’immigration en région n’est en réalité que le reflet d’un phénomène global d’instrumentalisation des migrations qui s’inscrit dans les logiques

du néo-libéralisme mondial, centrées sur le modèle de l’homo œconomicus4. Dans toutes les strates

– nationale, provinciale, régionale, institutionnelle – on appréhende le migrant sous cet angle comptable : source d’enrichissement, capital, travailleur actif, contribuable, clientèle étudiante, potentiel d’investissement, économie du savoir… Dans Chedly Belkhodja (2011 : 3), on parle des étudiants étrangers comme de potentiels « agents de développement au service d’une économie qui cherche à s’inscrire dans un marché global plus compétitif ». En parlant des universités, Stéphanie Garneau et Caroline Bouchard (2013 : 202) affirment qu’elles sont en phase de managérialisation en ce sens où « l’internationalisation de l’enseignement supérieur dépasse largement le cadre strict des politiques de l’enseignement supérieur pour embrasser des intérêts proprement économiques ».

Figure

Figure 1 – Schéma du processus d’adaptation 20
Figure 3 – Représentation de l’univers du jeune migrant en transition et en évolution
Figure 4 – Les étudiants d’origine étrangère à Rimouski en 2006 et en 2014
Figure 5 – Clientèle annuelle moyenne de l’IMQ de 2000 à 2014, par programme, par sexe
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