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CHAPITRE 4 – PRÉSENTATION DU TERRAIN ET ANALYSE DES DONNÉES

4.5 Les premiers pas : arriver, s’installer et s’intégrer

4.5.4 La création de liens

La résidence étudiante a été pour plusieurs participants un lieu de socialisation important. Certains affirment en effet que le contexte social aux résidences est favorable à la création de liens et à l’intégration. Didier dit y avoir rencontré des gens de partout, y compris des Québécois venus de l’extérieur de Rimouski, avec qui il a d’ailleurs développé une certaine complicité, tous impliqués qu’ils étaient dans un même espace de vie transitoire (loin de la famille, intégration dans un nouveau lieu de vie, dans un nouveau programme d’études, etc). Il relève le fait qu’un esprit de solidarité et d’entraide s’est ainsi développé entre les nouveaux arrivants étrangers ou québécois et que cet aspect a été soutenant à divers égards. Souleiman abonde dans le même sens : le contact avec les gens aux résidences est très facile et aussi, avec les gens de l’extérieur, Québécois ou non, parce que le fait de provenir d’ailleurs crée un rapprochement. Or bien que la résidence étudiante soit un lieu propice à la rencontre de nouvelles personnes et à la création de liens, elle ne constitue pas l’espace relationnel de prédilection de tous. Pour des raisons d’affinités ou de personnalité, certains se sont orientés vers d’autres lieux. François a sciemment choisi de créer des liens dans son milieu académique plutôt qu’aux résidences, puisqu’il arrivait « avec l’optique professionnelle » et qu’il n’était pas dans le même esprit de fête que ceux qui l’entouraient là-bas.

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L’univers des études constitue un autre espace relationnel important pour les étudiants. Souleiman, pour qui le réseau s’est étendu et enrichi au fil du temps, affirme s’être davantage entouré des gens de son programme d’études au début. Ce sont donc ses pairs qui l’on aidé à s’installer, à découvrir la ville et « la mentalité des Rimouskois ». Fouad a également trouvé dans son groupe une facilité à entrer en relation. Alors qu’il avait vécu une dynamique « chacun pour soi » au Cégep de Rimouski, il a découvert une toute autre ambiance au sein de son groupe à l’IMQ : un groupe « agréable » où il trouve respect et entraide. Ainsi, selon ces participants, l’IMQ est un lieu propice et favorable à la socialisation. Certains étudiants d’origine étrangère ont même été invités dans la famille de compagnons d’études.

D’autres vivent néanmoins des situations plus négatives dans cet espace. Au début, Bastien a ressenti un certain malaise au sein de son groupe, « une relation un peu étrange » entre étudiants réunionnais et québécois ; une certaine phase d’adaptation où chacun s’observait : « Ils nous

observaient, on les observait un peu, mais après ça va... » C’est le cas aussi de Lissa et de son

copain pour qui les relations au sein de leur programme d’études se sont détériorées à partir de la deuxième année. Au début, le couple a fait des efforts pour tisser des liens en invitant régulièrement des collègues à souper chez eux ; ils n’ont toutefois pas senti de réciprocité et ont ainsi cessé de nourrir ces relations. De manière générale, leur expérience relationnelle a été négative, Lissa affirmant ne pas s’être fait d’amis. Enfin, il importe de souligner qu’une fratrie s’est tissée entre certains participants à la recherche. Il y avait certainement là des liens favorables au rapprochement, comme le fait d’étudier dans le même programme (avec petits groupes), l’origine première, le lieu de résidence avant Rimouski ou la confession.

Il est possible de voir que la proximité et la quotidienneté offertes par de petits milieux comme les résidences et l’IMQ sont vectrices de socialisation, que des lieux de vie partagés ou des appartenances communes peuvent favoriser la création de liens, et que le fait de provenir de l’extérieur de Rimouski et de partager une même réalité crée chez les étudiants de toutes origines une forme de rapprochement naturel, une sorte de communauté d’expérience… Or, il apparait que la personnalité, la posture et la perception de l’individu jouent aussi leur part dans ce processus. Par exemple, un étudiant réunionnais a rencontré d’autres étudiants de même nationalité aux résidences. Il avoue que cela a facilité l’arrivée, d’une certaine manière, mais qu’il ne s’est pas vraiment lié d’amitié avec eux puisqu’il ne s’y reconnaissait pas, n’étant pas de la même génération, n’ayant pas les mêmes intérêts. Il a plutôt choisi de se distancier et de faire son chemin ; il a de cette façon rencontré des Québécois et Québécoises. Il a trouvé aisé de rencontrer des gens dans le milieu : « Les gens viennent vers nous aussi pas mal là ». Un autre Réunionnais n’entrait en relation qu’avec des étudiants de même origine à son arrivée et se trouvait insatisfait de cette situation. Cependant,

il a trouvé difficile de rencontrer « d’autres personnes » et de créer des liens plus profonds : même si

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d’entrer en contact avec les jeunes de son âge. La difficulté d’entrer en relation lui ayant donné le sentiment de ne pas avoir « sa place ici » ; il a même pensé rentrer dans son pays. Il convient toutefois que la situation relève aussi du fait qu’il se perçoive comme étant « une personne un peu

timide, pas vraiment ouvert ». Lissa attribue aussi une part du résultat de sa socialisation à sa

personnalité, à sa nature plus « sérieuse ». Elle affirme ne pas se sentir sur la même longueur d’onde que les gens de son âge et partager davantage de valeurs avec des personnes plus âgées qu’elle. En ce sens, son copain et elle ont développé une belle relation avec la personne les ayant accueillis (et la femme de celui-ci) ; ils les appellent d’ailleurs leurs « parents québécois ». Par ailleurs, Lissa avoue que le fait d’être en couple a été en quelque sorte nuisible à la création de liens : « Parce qu’à

deux, quand tu es deux, tu as ton cocon. C’est plus difficile d’aller vers les autres. C’est plus difficile de faire des amis… »

Marc-Antoine, qui fréquente des personnes issues de l’immigration et des Québécois, a été invité et accueilli dans la famille d’un étudiant de Montréal à Noël et durant la semaine de mise à jour. Pourtant, à savoir s’il s’est lié d’amitié avec des gens, il répond de prime à bord « non », en raison de son caractère « réservé ». À savoir s’il a un réseau, il répond encore à la négative : « Pas vraiment

non », « j’ai des amis que je peux contacter, mais pour savoir jusqu’à quel point je peux me fier dessus, ça, c’est une autre chose ». Pour sa part, Souleiman se décrit en d’autres termes et possède

une toute autre perception de ses relations d’amitié :

J’ai quand même eu beaucoup de facilité aussi parce que ça dépend de ta personnalité. Si tu es une personne ouverte, et bien tu vas avoir de la facilité. Si tu es une personne renfermée, ou tu es plus calme, tu auras plus de difficulté, c’est normal. Alors moi je suis très ouvert puis j’aime ça parler et j’aime ça découvrir aussi. […] Alors, c’est ça, j’ai découvert quand même pas mal de gens, et ils m’ont aidé à m’intégrer là. Alors je n’ai pas eu de difficulté à avoir des amis.

C’est également une attitude d’ouverture que Didier présente, une posture favorable à la création d’un réseau diversifié. Il a ainsi créé des liens avec des gens de toutes origines, de Sénégalais à Gaspésiens, avec des étudiants de l’IMQ, du Cégep, de l’UQAR et aussi avec des gens de la communauté. Il a d’ailleurs fréquenté une Québécoise pendant quelques mois, et grâce à cette relation, il a pu côtoyer une famille locale. Il a aussi passé quelques mois dans la famille de collègues d’études d’origine étrangère habitant une autre ville canadienne. Didier et Souleiman sont de bons exemples d’étudiant socialement actif pour qui la création de liens a été aisée et dont le réseau est étendu. L’issue de leurs parcours sera toutefois très différente.

En somme, les principaux lieux de contact relevés sont les résidences étudiantes et l’IMQ, et la création de liens semble beaucoup plus facile avec les gens qui vivent la migration pour études, qu’ils soient d’origine étrangère ou non. L’expérience relationnelle varie toutefois d’un individu à l’autre, passant de facile à difficile, de positive à négative, et leur teneur est liée à la perception, à l’attitude et à la personnalité des personnes impliquées.

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