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L’Institut maritime du Québec et les étudiants issus de l’immigration

CHAPITRE 4 – PRÉSENTATION DU TERRAIN ET ANALYSE DES DONNÉES

4.2 L’Institut maritime du Québec et les étudiants issus de l’immigration

Fondé en 1944, l’Institut maritime du Québec est une maison d’enseignement collégial technique qui offre des programmes de formation régulière et continue reliés au domaine maritime. Composante du Collège de Rimouski, avec le Cégep de Rimouski et le Centre matapédien d’études collégiales, l’IMQ est le seul centre de formation maritime francophone en Amérique du Nord et fait également partie des cinq écoles nationales québécoises reconnues par le ministère de l'Éducation. De ce fait,

49 On exclue ici les citoyens canadiens nés dans un autre pays.

Étudiants d’origine étrangère à Rimouski 2006 vs 2014

Étudiants étrangers

Résidents

permanents Total

2006 2014 2006 2014 2006 2014

Institut maritime du Québec 10 13 3 28 13 41

Cégep de Rimouski 53 46 8 10 61 56

Université du Québec à Rimouski 242 451 78 84 320 535

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on y reçoit des personnes provenant des quatre coins de la planète, et plus particulièrement de la

francophonie. Cinq programmes de formation y sont offerts, soit quatre menant à l’obtention d’un

diplôme d’études collégiales – Navigation, Techniques de génie mécanique de marine, Technologie de l’architecture navale, Techniques de la logistique du transport – et un programme sanctionné par

une attestation d’études collégiales – Plongée professionnelle.50

Avant mon arrivée à l’IMQ en 2006, il n’y avait pas de structure d’accueil spécifique pour les étudiants issus de l’immigration, ni de compilation de données à cet égard. Depuis l’automne 2007, j’y consacre

une partie de ma tâche. En concertation avec les membres du Service aux élèves et l’aide

pédagogique individuel, un comité a été formé en 2009 afin de mieux accueillir cette clientèle. Les actions du Comité interculturel touchent deux volets : l’accompagnement des étudiants étrangers ou résidents permanents nouvellement arrivés ainsi que l’animation et l’éducation interculturelles pour tous. Depuis 2000, l’IMQ compte en moyenne 300 étudiants par année, excluant les stagiaires en

mer51. Sa clientèle est majoritairement masculine, les femmes ne représentant que 15 % de celle-ci.

Le programme le plus fréquenté est celui de Navigation, avec 50 % des étudiants, suivi de Génie mécanique de marine, avec 28 %. Les programmes d’Architecture navale et de Logistique du transport reçoivent chacun 9 % de la clientèle ; le programme de Logistique présente toutefois une plus forte proportion de femmes (28,5 %) que les autres programmes. Enfin, pour ce qui est du programme de Plongée professionnelle (AEC), les groupes sont contingentés à douze étudiants et il y a généralement une femme par cohorte.

Figure 5 – Clientèle annuelle moyenne de l’IMQ de 2000 à 2014, par programme, par sexe

% femmes 18,5 % 18 % 6 % 28,5 % 8 %

50 Afin d’alléger le texte, nous évoquerons au besoin les programmes par un nom simplifié : Architecture navale, Navigation, Génie mécanique de marine (ou Mécanique de marine), Logistique du transport (ou Logistique) et Plongée.

51 On ajoute en moyenne cinquante élèves qui effectuent des stages en mer durant les trimestres d’automne ou d’hiver.

Architecture Navigation Mécanique Logistique Plongée

femmes 5 27 5 8 1 hommes 22 124 78 20 11 0 20 40 60 80 100 120 140 160 Nom bre d'étu di an ts

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Il est également important de souligner que les programmes de Navigation et de Génie mécanique de marine doivent proférer un enseignement conforme aux exigences de diverses autorités internationales, dont l’Organisation maritime internationale (OMI). Celle-ci encadre la qualification du personnel navigant par l’entremise de la Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (STCW) dont le Canada est signataire. Ainsi, ces

deux programmes doivent d’une part répondre aux exigences du ministère de l’Éducation52, et d’autre

part, à celles de Transports Canada53, instance qui s’assure de la conformité des programmes au

regard des conventions internationales et qui régit la certification des gens de mer, incluant les étudiants en formation à l’IMQ. Dans les faits, cela implique que pour faire un stage en mer et obtenir les brevets nécessaires à la pratique du métier, les élèves de Navigation et de Mécanique doivent posséder la citoyenneté canadienne ou la résidence permanente (avec visa spécial dans ce cas-ci) ; ce qui explique que la majorité des étudiants étrangers avec permis d’études soient inscrits dans les programmes de Logistique et d’Architecture navale. Nous retrouvons par ailleurs une proportion non- négligeable de résidents permanents et de citoyens canadiens naturalisés dans tous les programmes. En 2015-2016, 21 pays et 3 départements d’outre-mer français étaient représentés par les étudiants de l’IMQ. Ce chiffre regroupe autant les étudiants étrangers que les résidents permanents et les canadiens naturalisés. Si l’on ajoute les canadiens nés de parents immigrants, dix autres pays s’ajoutent à liste. Sur les 388 étudiants inscrits dans les quatre techniques à l’hiver

201654, 60 étaient nés hors-Canada, ce qui représente 15,5 % de la clientèle. En Architecture, 28 %

des étudiants sont d’origine étrangère, en Navigation, 8 %, en Mécanique, 19 % et en Logistique, 38 %55.

Figure 6 – Statut des étudiants de l’IMQ par programme à l’hiver 2016

52 Pour l’obtention du diplôme d’études collégiales (DEC).

53 Pour l’obtention des brevets maritimes nécessaires à la pratique professionnelle dans le domaine. 54 Ce chiffre inclue aussi les élèves inscrits en Tremplin DEC et ceux qui sont en stage en mer. 55 Ces données incluent les élèves en stage.

Architecture Navigation Mécanique Logistique

Étudiants étrangers 4 0 3 4 Résidents permanents 6 5 15 3 Canadiens naturalisés 0 9 10 1 Québécois 26 154 119 13 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 Nom bre d'étu di an ts

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En observant les noms et visages des mosaïques de diplômés de l’IMQ, affichées dans les couloirs de l’institution depuis 1959, il est possible de voir que l’accueil d’étudiants étrangers n’est pas un phénomène nouveau. En 1978, sur 26 étudiants diplômés en Mécanique, Navigation et Construction navale, 7 étaient Ivoiriens. En 1979, dans les mêmes programmes, 11 diplômés sur 28 étaient aussi originaires de la Côte d’Ivoire. Cela est dû aux ententes de l’époque entre le Québec et ce pays, lesquelles ont pris fin vers 1984. Certes, ces flux n’ont rien de stable sur une longue durée ; il s’agit plutôt d’épisodes. De 1985 à 2000, la réception d’étudiants étrangers ou issus de l’immigration était plutôt rare ; on parle de cas isolés de résidents permanents.

Depuis le début des années 2000, on remarque cependant un nouveau mouvement ; celui d’étudiants étrangers réunionnais et guadeloupéens, qui s’explique par les ententes intergouvernementales précédemment mentionnées qui visent l’établissement de ces étudiants dans le milieu régional qui les forme (pour les Réunionnais). De manière générale, les étudiants étrangers présents à l’IMQ sont Français (de la métropole ou des départements d’outre-mer), quoiqu’il arrive tout de même que des Africains immigrent avec un permis d’études afin de suivre une formation à l’IMQ. Entre 2004 et 2015, 24 Réunionnais, 11 Guadeloupéens, 6 Français, 3 Africains et un Américain d’origine tunisienne ont fréquenté l’IMQ en tant qu’étudiants étrangers. On comptait 10 étudiants ayant ce statut en 2006, 11 en 2010 et 13 en 2014. Bien que le nombre reste plutôt stable, la composition change : il y a moins de Réunionnais, alors que se sont ajoutés aux rangs des étudiants étrangers des Africains et des Guadeloupéens. Quant aux Français de la métropole, aucune constante ne ressort.

Figure 7 – Origine des étudiants étrangers de l’IMQ en 2006, 2010 et 2014

Dans les dix dernières années, s’il y a stabilité du côté des étudiants étrangers à l’IMQ, on note une étonnante croissance du côté des résidents permanents : on en comptait environ 3 en 2006, comparativement à 28 en 2014. Depuis 2013, ceux-ci proviennent majoritairement du Maroc et du Cameroun. Sont également représentés plusieurs autres pays dont l'Argentine, l’Algérie, la Chine, la Côte d’Ivoire, la France, Israël, la Martinique, la République démocratique du Congo, la Russie, le Sénégal, la Somalie, le Togo et la Tunisie. Plusieurs de ces étudiants sont d’abord arrivés à Montréal

0 2 4 6 8 10 2006 2010 2014

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ou à Québec pour ensuite effectuer un retour aux études à l’IMQ, faute de reconnaissance de leurs acquis professionnels sur le marché du travail, alors que d’autres individus appartenant à la catégorie des immigrants permanents arrivent directement de leur pays avec un projet d’études en tête. On compte également bon nombre d’étudiants nés à l’étranger ayant la citoyenneté canadienne. Il est plus difficile d’obtenir des données exactes concernant ce groupe puisque le système informatique institutionnel ne permet pas de trier selon le pays de naissance, mais seulement en fonction du statut. Des données sont nonobstant compilées depuis 2007 dans le cadre de mes fonctions d’encadrement des étudiants issus de l’immigration et d’animation interculturelle. On peut alors affirmer qu’il y avait environ 10 canadiens naturalisés en 2006-2007, 15 en 2014-2015 et 20 en 2015-2016. De nouveaux pays d'origine s'ajoutent ainsi à la liste de ceux représentés par les résidents permanents, dont le Burundi, la Colombie, l’Égypte, Les Comores, le Liban, la Palestine, la République dominicaine, la Roumanie, la Suède, etc. Durant l’année scolaire 2015-2016, les résidents permanents et canadiens nés hors Canada étaient au nombre de 50. Ils provenaient principalement du Maroc (20 %), du Cameroun (16 %), de l’Algérie (10 %) et de la Tunisie (10 %). La présence d’étudiants d’origine étrangère à l’IMQ se présente par le passage de micro-cohortes dépendantes de la conjoncture géopolitique du moment ou créées par l’effet des réseaux transnationaux contemporains. Pour illustrer cette dernière réalité, mentionnons la présence d’une mini-cohorte d’Africains résidents permanents ou canadiens naturalisés en provenance d’une même grande ville canadienne au moment de l’enquête orale. Ce mouvement plutôt informel s’explique par le phénomène d’influence pouvant s’opérer au sein des réseaux de migrants : la réussite d’un compatriote en un endroit provoque souvent un mouvement d’entrainement vers celui-ci. D’autres cas peuvent illustrer cette dynamique des réseaux de migrants, dont un étudiant canadien d’origine russe venu étudier à l’IMQ sous l’influence d’un ami canadien d’origine roumaine ; ou d’un jeune homme maghrébin venu rejoindre son frère à Rimouski pour entreprendre la même formation ; ou d’une jeune femme africaine venue du pays rejoindre son mari qui étudiait déjà à l’IMQ (regroupement familial) et s’y inscrivant, dans un autre programme, à son arrivée. Par contre, mis à part le dernier cas cité, il semble qu’aucun lien n’existe entre les individus d’une nouvelle vague de Camerounais

observée depuis 201156. Enfin, il est possible de dégager trois grands types de logiques migratoires

liées au projet d’études, lesquels sont tous représentés par les participants à la recherche :

 Le projet d’études pré-migratoire, celui qui précède ou initie le mouvement de migration : projet depuis l’international des étudiants étrangers et de certains résidents permanents.  Le projet d’études post-migratoire, celui qui apparait comme stratégie d’insertion suite à une

immigration de type économique : projet de retour aux études des résidents permanents.

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 Le projet d’études migratoire interrégional, celui qui demande à se déplacer à l’intérieur du pays plusieurs années après un projet d’immigration familiale : projet singulier de résidents permanents ou de canadiens d’origine étrangère.