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Logos et ergon : le réel du philosophe

VII de Platon

2.1. Logos et ergon : le réel du philosophe

Comme le problème du présent, la question que nous avons évoquée à la fin du chapitre précédent du réel de la théorie semble pouvoir se prêter à un rapprochement entre Foucault et Althusser. C'est ce que suggère Stéphane Legrand dans « Présence de Machiavel dans le

346 Du coup, le clivage dans la pensée kantienne entre une analytique de la vérité et une ontologie du présent n'équivaut pas à une « coupure ».

347

marxisme », lorsqu'il se propose d'interroger ce qu'il appelle « l'effet-Machiavel » en philosophie : un effet qui, par une sorte de courant souterrain, permettrait de relier Foucault à Althusser. Déceler ce courant souterrain requiert une lecture symptomale de Foucault, car à s'en tenir à la lettre de ses textes, on assiste plutôt, on l'a vu, à une démystification radicale de la figure machiavélienne. L'effet-Machiavel chez Foucault serait alors tangible à travers la question de « l'effectivité du vrai », ou encore de ce que Legrand appelle le « réel de la vérité » : ce qui importe ici, ce n'est pas le contenu de vérité ou de fausseté du discours, c'est « la manière dont cet effort pour dire le vrai prend effet dans le réel, s'insère dans le réel et y produit des effets concrets »348. S'il y a bien un problème de départ commun à Foucault et Althusser – celui de la rencontre de la pensée avec son réel –, ils ne donnent cependant pas du tout le même sens à cette idée de rencontre. « S'interroger sur le réel de la philosophie », précise Foucault, « c'est se demander ce qu'est, dans sa réalité même, la volonté de dire vrai, cette activité de dire vrai »349. On le voit, la rencontre est recentrée sur le sujet du dire-vrai. À rebours de l'embarras althussérien face à la question d'un éventuel sujet de la pensée qui ne serait pas un effet de l'idéologie, Foucault assume totalement la thèse d'une implication subjective du dire-vrai, poursuivant ainsi un programme de recherches plus vaste sur les rapports entre subjectivité et vérité entrepris dès 1980 dans Du gouvernement des vivants, voire même dès 1970 avec les Leçons sur la volonté de savoir, si l'on tient compte du motif nietzschéen de la volonté de vérité350.

Venons-en alors à la lecture que Foucault donne, dans les leçons des 9, 16 et 23 février 1983 de la Lettre VII. Platon dresse un bilan amer de son deuxième voyage en Sicile où, à la demande de Dion, il s'est rendu pour prodiguer des conseils au jeune tyran Denys, héritier du pouvoir de son père qui avait régné en despote. Foucault part d'un paradoxe : pourquoi Platon a-t-il accepté de se rendre en Sicile, alors qu'il éprouve une hostilité a priori envers le régime despotique dont hérite le jeune Denys ? Deux raisons à cela. 1/ Une raison objective d'abord, qui tient à une estimation de la conjoncture, du kairos : déçu par la tournure que prennent les choses à Athènes (le retour à une démocratie dévoyée après l'épisode du régime des Trente), Platon parie sur une heureuse rencontre de la philosophie et de la politique en Sicile où, en lieu et place d'une foule de citoyens corrompus, il n'aura qu'un seul homme à convaincre, qu'on lui présente de surcroît comme un jeune homme déjà acquis à la cause de la philosophie, qui ne demande donc qu'à se laisser convaincre. 2/ Une raison personnelle

348

S. Legrand, « Présence de Machiavel dans le marxisme », op. cit., p. 15

349 M. Foucault, Le gouvernement de soi et des autres, op. cit., p. 210

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J'analyse cette question de la volonté de vérité comme enjeu d'une passe d'armes plus ou moins explicite avec Althusser dans la section suivante de ce chapitre.

ensuite, qui a trait à la philia, à l'amitié qu'il voue à Dion. Ce kairos et cette philia réunis constituent comme une trouée, comme une « éclaircie », qui font défaut dans le ciel bouché d'Athènes, en proie à un climat délétère. Un événement s'ouvre dans le présent, qui devient pour le philosophe un enjeu d'actualité. « C'était le moment d'essayer », écrit Platon :

C'est donc dans cet état d'esprit et résolu à réaliser cette tâche que je quittai Athènes, non pour les motifs que me prêtaient certains, mais de peur surtout de passer à mes propres yeux pour quelqu'un qui n'est rien qu'un beau parleur et qui, en revanche, se montre incapable de s'attaquer résolument à une action.351

La philosophie comme logos ne se suffit pas : elle doit sortir de sa tour d'ivoire, et se susciter elle-même comme ergon, comme tâche pratique, faute de quoi le philosophe risque de passer pour un beau-parleur ou pour un « verbe-creux », selon la traduction des Belles Lettres qu'utilise Foucault. Il s'agit de « mettre la main à l'ergon » (ou, comme on dirait familièrement, de mettre la main à la pâte). La rencontre entre le philosophe-conseiller et l'homme politique est, pour le premier, une épreuve de réalité. Le sujet de l'ergon philosophique est fonction de la conjoncture à laquelle il appartient et dans laquelle il

intervient tout à la fois. On retrouve cette tension problématique que Foucault avait mise en

évidence dans « Qu'est-ce que les Lumières ? » entre appartenance et intervention, où se joue la subjectivation. Se faire ergon, pour la philosophie, c'est s'actualiser en répondant à la conjoncture, ou plutôt, à ce qui pour elle, dans la conjoncture, fait actualité, au double du terme : d'une part, l'immédiate facticité d'une situation (le fait que l'homme à convaincre soit jeune, et apparemment bien disposé à recevoir des conseils) ; d'autre part, le passage à l'acte : « être le conseiller politique réel d'un homme politique réel, dans le champ des décisions qu'il a à prendre »352.

S'agissant de cette insistance sur l'insuffisance du logos à remplir le rôle dévolu à la philosophie, Foucault note « un clivage dans la philosophie platonicienne » entre les deux modèles de l'éros et de l'ergon : ici, bien que le critère de la philia envers Dion soit mentionné, ce n'est pas l'éros philosophique qui amène à saisir la conjoncture, comme dans l'Alcibiade où c'est l'amour que Socrate éprouve pour Alcibiade qui le pousse à conseiller le jeune homme, en l'enjoignant à se gouverner lui-même d'abord, lui qui aspire à être le premier à gouverner les autres. Dans le récit sicilien de Platon, la saisie au vol de l'occasion est commandée par « une sorte d'obligation interne, qui n'est pas tellement plantée comme un désir dans l'âme du

351 Platon, Lettre VII, 328c-d, in Lettres, trad. L. Brisson, Paris, GF, 2004, p. 173

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philosophe, mais qui est la tâche même de la philosophie »353. Contrairement à l'éros, qui jouit d'un rapport d'implication réciproque avec le logos, l'ergon n'est pas analytiquement contenu dans le logos, il n'y a pas de connaturalité entre eux : le logos doit se susciter en plus comme ergon, comme pratique. On a donc un clivage au sein du platonisme entre deux conceptions de la philosophie : on a d'une part une érotique de la vérité (que Foucault analyse pour elle-même dans le chapitre V de L'usage des plaisirs, à partir d'une relecture du Banquet), et d'autre part, ce qu'on pourrait appeler une ergologie de la vérité354, qui passe au premier plan

dans la Lettre VII, et également dans certains dialogues tels que le Lachès, où l'accent est mis sur la philosophie comme bios, comme vie pratique.

Certes, dire que la vérité est d'abord passible d'une érotique plutôt que d'une eidétique, qu'elle est affaire de problématisation pratique du désir (« le véritable amour ») avant de faire l'objet d'une théories des Idées, c'est déjà opérer une torsion considérable par rapport à la lecture traditionnelle de Platon355. Mais, quand bien même elle est appuyée sur des pratiques de soi spécifique – qui rompent avec les conduites traditionnelles d'honneur et de cour dans l'érotique grecque courante –, l'érotique platonicienne est commandée par une question théorique en dernière instance : celle de l'accès à la vérité, celle de l'amour exclusif pour les Idées. Comme si, bien qu'inscrite dans la pratique de soi du theios anêr, du sage endurant, capable de « s'absenter de son corps et de concentrer en lui-même toute l'énergie de son âme »356, l'érotique demeurait finalisée par une eidétique de la vérité, où l'homme de désir s'accomplit en homme théorique.

Avec l'ergologie de la vérité, en revanche, c'est plutôt la pratique qui constitue la

finalité du logos. C'est avec cette synthèse problématique entre logos et ergon, que se pose la

question du réel de la philosophie. Il s'agit d'abord, dit Foucault, d'une inquiétude357 : une inquiétude que le logos ne soit pas à la hauteur de la tâche, qu'il puisse échouer à se susciter comme pratique, et qu'il rate du coup le réel. En quoi consiste alors cette synthèse ergologique, cette épreuve de réalité pour la philosophie ? Non pas, on l'a vu, qu'elle dise vrai

sur le réel, comme si celui-ci constituait un référent, appelant des découpages objectifs. Le

353

M. Foucault, Le gouvernement de soi et des autres, op. cit., p. 209

354 J'utilise ici ce terme d'ergologie pour souligner l'importance que Foucault accorde à l'ergon dans son cours.

355

Cf. Henri Joly, « Retour aux Grecs. Réflexions sur les ''pratiques de soi'' dans L'Usage des plaisirs » , Le Débat, n° 41, septembre-novembre 1986, p. 119 : « Non ignorance, assurément, dans cette étrange ellipse de l'Essence, mais un parti-pris délibéré d'ignorer l'essentiel, c'est-à-dire, au bout du compte, de contourner, dans

l'intimité même de l'homme philosophique, le surgissement de l'épistémè, et d'esquiver une resémantisation sans précédent de l'alétheia ».

356 M. Foucault, L'usage des plaisirs, op. cit., p. 312. Sur cette figure, Foucault renvoie à l'ouvrage d'Henri Joly,

Le renversement platonicien. Logos, épistémè, polis, Paris, Vrin, 1974

357

On retrouve là un fil conducteur constant chez Foucault, consistant à se demander, à propos d'une pratique (philosophique ou non, peu importe), à quelle forme d'inquiétude elle répond. Ce point a été bien mis en évidence par M. Potte-Bonneville dans Michel Foucault, l'inquiétude de l'histoire.

propre de la philosophie comme ergon, ce n'est pas de « dire le vrai sur le vrai, le vrai du vrai »358, en s'appuyant par exemple, comme dans l'Analytique kantienne, sur les vérités établies par les sciences pour exhumer à un niveau transcendantal les conditions de possibilité de l'objectivité, ou dans un autre ordre d'idées comme chez Althusser, en s'appuyant sur un dispositif de réflexivité en interne, nous faisant passer de la pratique théorique à la théorie de la pratique théorique, de l'idée vraie à l'idée de l'idée, etc. Le réel de la philosophie ne s'atteste pas à l'adéquation entre le discours et l'objet, mais à l'activité elle-même de dire vrai par rapport à une extériorité potentiellement hostile, le pouvoir du tyran.

L'expression « réel de la philosophie » ne laisse pas de surprendre, Foucault en a conscience. Faut-il comprendre une relation d'appropriation : le réel propre à la philosophie, ou une frange du réel qu'elle aurait sélectionnée et dans laquelle elle se reconnaîtrait ? On l'a vu, Foucault écarte cette approche référentielle. Il s'agit d'une épreuve. Sur ce point, on peut se reporter dix ans en arrière : dans Le pouvoir psychiatrique, Foucault montre que le psychiatre, de « contrebandier du réel » irréalisant et manipulant le réel pour agir sur l'erreur née du délire afin d'écouter le langage de la déraison, devient au moment de la diffusion du pouvoir disciplinaire, l'agent de la réalité, cherchant à réduire l'insoumission du fou à la réalité en donnant un surcroît, un supplément de pouvoir à cette réalité. Le psychiatre (tel que Leuret) orchestre le « surpouvoir » du réel en répétant les prestiges du monde social extérieur dans l'asile, qui fonctionne comme tautologie : ce « n'est pas simplement un supplément de pouvoir ajouté à la réalité, c'est la forme réelle de la réalité elle-même »359. L'« agent » du réel impose donc une version du réel sous une forme tautologique, qui vaut pour le « patient » (le malade en l'occurrence) comme une épreuve de confirmation que la réalité est bien ce qu'elle est360.

Il y a lieu alors de distinguer l'agent du réel (comme le psychiatre du cours de 1973) et

le philosophe rencontrant son réel. On n'aura pas affaire à la même « version » du réel dans

les deux cas. Le « réel » de l'asile et du psychiatre est un réel par excès, surajouté transitivement à des mécanismes d'assujettissement qu'il légitime en leur conférant un

358

M. Foucault, Le gouvernement de soi et des autres, op. cit., p. 211

359 M. Foucault, Le pouvoir psychiatrique, op. cit., p. 164. Sur cette idée d'épreuve, cf. Frédéric Keck, Stéphane Legrand « Les épreuves de la psychiatrie », in Foucault au Collège de France, un itinéraire, G. le Blanc et J. Terrel (dir.), Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2005

360

On peut croiser sur ce point l'idée foucaldienne de tautologie du réel avec la notion d'« épreuve de vérité »

analysée par Luc Boltanski, qui entend par là toutes les stratégies de confirmation, de « maintenance de la réalité » que les individus des arguments qu'implique toute critique véritable. Cf. L. Boltanski, De la critique. Précis de sociologie de

l'émancipation, Paris, Gallimard, 2009, p. 156-159. La différence notable entre Boltanski et Foucault cependant,

réside dans le fait que chez Boltanski, les sujets opèrent d'eux-mêmes ces épreuves de confirmation du réel, sans avoir besoin d'être « dominés » par un « agent de la réalité » surplombant – même si par ailleurs les formats d'épreuves auxquels ils se livrent sont soutenus par des cadres institutionnels.

semblant de naturalité. Le réel du philosophe, en revanche, n'est plus un réel surdéterminé et sursaturé, mais un réel sous-déterminé : le rapport du philosophe à ce réel est de l'ordre d'une rencontre fragile.

Dès lors, l'épreuve ergologique du philosophe n'est pas affaire d'efficacité politique. Et pour cause : si la philosophie s'adresse au pouvoir, elle ne se confond pas avec la politique. Le réel de la philosophie n'est pas le même que celui de la politique. La rencontre entre la philosophie et la politique n'est donc pas un écrasement ou une annulation de la première dans la seconde. Un passage important de la leçon du 23 février 1983 précise ce point :

Le discours philosophique dans sa vérité, à l'intérieur du jeu qu'il joue nécessairement à la politique pour y trouver sa vérité, n'a pas à projeter ce que doit être une action politique. Il ne dit pas le vrai de l'action politique, il ne dit pas le vrai pour l'action politique, il dit vrai par rapport à l'action politique, par rapport à l'exercice de la politique, par rapport au personnage politique […] La philosophie n'a pas à dire au pouvoir que faire, mais elle a à exister comme dire-vrai dans une certaine relation à l'action politique. Rien de plus, rien de moins.361

En un sens, Foucault s'accorderait avec Althusser pour dire que la philosophie (si on la distingue de la théorie ou de la science, selon la terminologie althussérienne) n'a pas d'objet. En effet, il ne s'agit pas d'un discours de ou d'un discours sur, qui aurait une affinité native avec son objet dont il serait l'explicitation, comme si l'enjeu pour Platon était de transmettre à Denys un savoir politique, ou une théorie de l'action politique. Il ne s'agit pas non plus d'un

discours pour, qui se ferait l'avocat de son objet ou de sa « cause » : le problème de Platon

n'est pas de défendre la cause de l'action politique face à Denys, face à ceux, tyrans ou autres, qui la dévoient ; ni de défendre la cause d'une action politique à venir, en tant qu'elle serait exigée par la conjoncture. Foucault précise à cet égard que les conseils de Platon paraissent bien fades au regard de la tradition ultérieure des arts de gouverner (dont, précisément, l'arte

della stato machiavélien), ou, pour rester dans un contexte contemporain de la Lettre VII, au

regard des conseils stratégiques bien plus précis et informés d'un Périclès362. Le réel de la philosophie, ce n'est ni son objet, ni son objectif (pour reprendre la distinction althussérienne). C'est le mode d'existence du discours vrai à l'état pratique, irréductible aussi bien au pur logos sans ergon qu'à l'action politique qui ferait fi du logos363.

361

M. Foucault, Le gouvernement de soi et des autres, op. cit., p. 263-264

362 M. Foucault, Le gouvernement de soi et des autres, op. cit., p. 241.

363

Sur ce point, cf. Jean Terrel, Politiques de Foucault, Paris, PUF, 2010, p. 199 : « la philosophie ne peut être réduite ni à l'ascèse, ni à l'action politique, elle reste un discours vrai, qui doit cependant faire l'épreuve de sa

La rencontre de la philosophie avec son réel n'est plus, comme dans « Machiavel et nous », une intrusion du problème de la pratique dans la théorie, qui mettait la théorie au bord du vide ; même poussée dans ses derniers retranchements, même écartelée entre la surdétermination de son objet et la sous-détermination de son objectif, la théorie chez Althusser ne sortait pas réellement d'elle-même : car en effet, rencontrer son réel pour la théorie, cela voulait dire alors compter sur le hasard d'une autre rencontre, sur une heureuse rencontre entre la fortune et la virtù d'un condottiere. Mais entre ces deux rencontres, de la

virtù et de la fortune d'une part (ou de la pratique avec ses propres conditions), de la théorie et

de la pratique qu'elle appelle d'autre part, il restait un insondable abîme qui maintenait disjointes, dans deux îlots de solitude, la théorie et la pratique.

Dans la Lettre VII au contraire, la rencontre entre la pensée et son réel est activement suscitée par le sujet lui-même, plutôt que laissée aux aléas d'une autre rencontre sur laquelle, effectivement, le philosophe n'a aucune prise. Susciter la rencontre, ce n'est donc pas affirmer la souveraineté de la pensée sur la conjoncture ; c'est susciter un mode d'existence irréductible, qui manifeste la « différence propre »364 de l'ergon philosophique par rapport à l'action politique (et par rapport à la rhétorique qui la soutient), sans que ce rapport soit figuré sous la forme abstraite d'un vide, d'une béance entre deux solitudes, la solitude théorique du penseur et la solitude pratique de l'homme politique.

« Rien de plus, rien de moins » qu'une rencontre, qu'une « certaine relation à l'action politique », précise Foucault : rien de plus en effet, au sens où cette relation ne bascule pas du côté d'un surplomb du logos sur l'action politique, ou d'une relation transitive du logos à l'action. Mais rien de moins non plus, car la philosophie ne se contente pas d'être un logos retranché de l'ergon. L'ergologie philosophique n'est donc rien de plus, rien de moins, qu'une « différence propre » introduite dans l'ordre des pratiques et des discours : une différence qui, loin d'introduire une coupure épistémologique sanctionnant théoriquement des modes de discours inadéquats (comme la rhétorique), se mesure d'abord à ses effets pratiques. Ce qui différencie le philosophe du politicien rhéteur, c'est d'abord la spécificité d'un genre de vie, thème bien connu chez Platon, mais qui bénéficie avec Foucault d'un nouvel éclairage.

réalité dans ses pratiques ».

364

M. Foucault, Le gouvernement de soi et des autres, op. cit., p. 211. Dans ses deux derniers cours, Foucault insiste beaucoup sur cette idée selon laquelle la parrêsia, quelles que soient les formes multiples qu'elle peut prendre (philosophiques ou non), se reconnaît au fait qu'elle introduit une différence dans l'ordre des discours, et précisément dans l'ordre des modes de véridiction Je reviendrai sur cette question dans le dernier chapitre en montrant dans quelle mesure ce motif de la différence interdiscursive constitue une reformulation de la