• Aucun résultat trouvé

l’adaptabilité des programmes

I.2 Identifier les films à succès

I.2.3. a Les listes de films

L’écriture est un mode de transmission du savoir qui a considérablement transformé les pratiques humaines et posé le fondement technologique du raisonnement scientifique471. La forme d’écriture que nous évoquons ici est celle de la liste. Différentes formes de listes existent et sont reprises par Jean-Marc Leveratto : la liste-inventaire comme moyen de conserver la mémoire, la liste-guide comme moyen d’organiser l’action et la liste-hiérarchique qui permet de classer des choses472. La conception d’une liste est donc un mode d’organisation et de mémorisation qui permet aussi une mise en relation directe entre les éléments qui la composent (causale, mémorielle ou hiérarchique). Bien que nous n’ayons jamais demandé aux témoins de

467 GOODY Jack, « Chapitre 4 », La Raison graphique, Paris, Éditions de Minuit, 1977, p. 108-139.

468 La définition du tableau retenu par Goody est la suivante : « Une manière de disposer des nombres, des mots ou tout autre élément sous une forme claire et ramassée de façon à présenter un ensemble quelconque de faits ou de relations distinctement et globalement, pour la commodité de l’étude, du calcul ou des références. (…) ». Elle provient du Shorter Oxford Dictionnary mais l’édition n’est pas précisée. Ibid., p. 111.

469 C’est-à-dire, pour reprendre le sens de la locution latine animae, lui inculquer un souffle de vie, celle de l’expérience des spectateurs mosellans.

470 Jack Goody entrevoit l’usage du tableau dans une perspective de synthèse de la communication orale des civilisations primitives. Etant donné que nous envisageons la reconstitution des programmes comme une des façons d’accéder à l’expérience des spectateurs mosellans pendant la guerre, elle contient en quelque sorte un caractère de retranscription indirecte.

471 LEVERATTO Jean-Marc, op.cit., 2006, p. 150.

préparer les entretiens en composant une liste des films dont ils se souvenaient, certains d’entre eux en ont faites spontanément. L’acte d’écriture d’une liste est en effet banal dans notre quotidien. Chez les adolescents, on retrouve des compositions de listes aussi variées qu’originales (liste des choses à faire, liste des copains de classe, liste des professeurs classés par les matières qu’ils enseignent, liste des manières de dire « je t’aime » dans différentes langues, etc.473). Cette forme d’écriture privilégie les sensations au détriment des relations logiques474. Elle passe sous silence les causes et conséquences, et ne donne pas les justifications de son rapport au monde. Elle s’exprime aussi par « la violence de l’écriture »475, qui ancre la désignation dans un signifié, contrairement à l’oral qui autorise le changement et l’ambivalence. Objet découlant d’une démarche spontanée mais qui engage son auteur dans le sens qu’il souhaite exprimer, la liste n’en demeure donc pas moins un support chargé de sens.

Les listes qui nous ont été données par les témoins ne sont pas des archives au sens où elles nous parviendraient du passé et transmettraient une vérité. Ces listes sont typiques des pratiques cinéphiles puisqu’elles permettent au spectateur passionné de noter ses films favoris, en les classant par ordre de préférence, et ainsi délimiter le contour de ses critères de jugement des œuvres. Dans notre cas, les listes fournies sont plutôt de l’ordre des listes-inventaires puisqu’elles permettent, dans le cadre de la préparation de l’entretien, de fixer la mémoire surgissante. Elles indiquent un ordre de films subjectif à priori plutôt lié à une question de remémoration qu’à une question hiérarchique. Elles ne sont pas des témoignages datant de l’époque de l’annexion mais elles nous permettent de découvrir les films dont le souvenir a su traverser les époques. Elles comportent aussi quelques maladresses, comme certains anachronismes ou des fautes d’orthographe, et nous les avons restituées telles quelles.

Le premier entretien, mené au moment de la phase d’exploration de l’objet d’étude elle-même destinée à approfondir nos connaissances et établir des hypothèses, s’est déroulé avec deux témoins originaires de Forbach : Lucien et Gaston476. Cette rencontre était précédée d’échanges de courriels au cours desquels ces deux témoins ont transmis une liste des films dont ils se souvenaient « de mémoire » :

473 PENLOUP, Marie-Claude, L'écriture extrascolaire des collégiens : Des constats aux perspectives didactiques. Paris, ESF, 1999, p. 111-120. L’écriture de liste est ici observée à travers une enquête globale auprès d’un public jeune (enfants et adolescents) destinée à étudier leurs pratiques d’écriture et dans le but de proposer des pistes pour les encourager. La liste peut posséder un caractère ludique et / ou poétique.

474Ibid., p. 131.

475 Expression empruntée à une conférence de Jack Goody en 2007 et dont on peut consulter un compte-rendu dans : BLAQUIERE Hélène, « Jack Goody : Pouvoirs et savoirs de l'écrit. Pouvoir magique de l'écrit », Figures de la psychanalyse, volume 17, n°1, 2009, p. 209-212.

• Im Westen nichts neues

• Reitet für Deutschland avec Willy Birkel

• Frauen sind doch bessere Diplomaten avec Marika Roeck • Wir machen Musik avec Ilse Werner

• Die goldene Stadt avec Christiana Joderbaum • Jud Süssavec Ferdinand Marian

• Sieg im Westen (wochenschaue la campagne de France) • Wiener Blut avec Hans Moser et Paul Hörbiger

Nous retrouvons d’ores et déjà dans cette liste sept films faisant partie des palmarès reconstitués. Im Westen nichts neues477 n’a pas été projeté en Moselle puisqu’il s’agit d’un film américain et de surcroît strictement interdit par les nazis478. Il laisse néanmoins un souvenir marquant pour les Forbachois puisque Lucien nous apprendra lors de l’entretien que « des bus remplis d’Allemands » se rendaient à Forbach au début des années 1930479. Les autres titres évoqués dans cette première liste sont presque tous des succès remarquables du cinéma allemand de l’annexion. Seul Sieg im Westen ne figure dans aucun palmarès et n’a pas bénéficié d’une grande diffusion en Moselle.

Les deux listes suivantes sont en lien avec un entretien de groupe organisé en juin 2013 à Forbach480. Lucien a également participé à cette rencontre en compagnie d’Alice et Raymond, des amis d’enfance tous originaires de Forbach. La première liste est celle d’Alice :

477 Lewis Milestone, 1930, TVF : À l’Ouest, rien de nouveau.

478 Le film antimilitariste inspiré du roman éponyme d’Eric Maria Remarque est interdit de projection en Allemagne avant même l’accession au pouvoir du parti nazi. Il donne l’occasion à Josef Goebbels de faire l’un de ces premiers discours enflammés remarqué par la presse. En 1933, les nazis confisquent tous les romans qu’ils trouvent et les font brûler. EKSTEINS Modris, « All Quiet on the Western Front and the Fate of a War » Journal of Contemporary History, volume 15, n° 2, 1980, p. 345-366.

479 Lors du second entretien de groupe (EG-2), Lucien nous indique que son père, qui n’allait jamais au cinéma, lui disait souvent qu’il attendrait que les Allemands programment Im Westen nicht neues. On imagine le degré d’ironie, voire même d’espoir désenchanté d’une telle proposition dans le contexte de la Seconde Guerre Mondiale.

• Marcks der Bruchpilot • Die Feuerzang Bowle • Die 3 von der Tankstelle • Das Indische Grabmal • Der Tiger von Eschnapur • Ich Klage an

• Die goldene Stadt • Münchhausen • Annelie • Kora Terri

• Die Grosse Liebe481

La liste d’Alice comporte plusieurs titres en commun avec les films des palmarès reconstitués : Quax der Bruchpilot482, Die goldene Stadt, Münchhausen, Die grosse Liebe et

Jud Süss. On retrouve également plusieurs films de revue, ou du moins comportant un nombre important de numéros de danse. Elle cite le diptyque Der Tiger von Eschnapur / Das indische Grabmal avec l’actrice La Jana ainsi que Kora Terri avec l’actrice hongroise Marika Rökk. Alice évoque aussi Annelie483 (Josef von Bàky, 1941) un film dans lequel on suit la vie entière du personnage du même nom interprété en majeure partie par Luise Ulrich qui reçoit la Coupe Volpi de la meilleure actrice au festival de Venise en 1941484. Il est vrai que l’interprétation est d’un haut-niveau et le vieillissement d’Annelie est bien représenté. Le film raconte l’histoire d’une jeune fille depuis sa naissance en 1871 jusqu’à sa mort au début de la Seconde Guerre Mondiale. Nous la voyons grandir, tomber amoureuse, devenir mère, perdre son mari au cours de la Première Guerre Mondiale et consentir au départ de ses enfants à la guerre. La connotation idéologique du film quant à l’illustration du sacrifice maternel envers la conquête militaire est assez claire. Le film est construit d’une manière cyclique. Notons tout de même qu’Annelie ne s’endort définitivement qu’après avoir reçu des nouvelles positives de son fils engagé sur le

481 Voir annexe pour la reproduction du document original. Alice a également noté trois autres titres de film qui lui ont été soufflés, ou inspirés au cours de l’entretien : Gewitter in Mai, Die grosse Liebe et Jud Süss. Ils correspondent à des films qu’elle a vus mais dont elle ne se souvenait pas au moment de la rédaction de la liste.

482 Kurt Hoffmann, 1941, TVF : Pilote malgré lui.

483 TVF : Annelie.

front. Le film véhicule donc l’idéologie sacrificielle nazie tout en transmettant l’émotion que peut susciter ce genre de situation. Annelie ressent elle-même sa propre peur lorsque sa belle-fille pleure le départ de son mari sur le front. Malgré le fait qu’il n’apparaisse pas dans les trois palmarès, le film bénéficie d’un très bon cycle de représentation notamment à Metz (34ème

position dans la suite du palmarès).

Programmation du film Annelie en Moselle

Date Salle Jours Séances

14/11/1941 Metz Gloria 11 35 23/12/1941 Thionville Scala 5 16 20/02/1942 Sarrebourg Union 4 6 28/02/1942 Hayange Palast 3 3 13/09/1942 Sierck 1 3 06/11/1942 Thionville Gloria 7 22 05/02/1943 Metz Kammer 14 44 10/03/1944 Metz UT sablon 3 4 30/05/1944 Hayange Union 3 3

Le film Die Drei von der Tankstelle485 (Wilhelm Thiele, 1930) n’a quant à lui certainement jamais été projeté durant la guerre puisque la censure allemande l’interdit en 1937486. Il s’agit du film qui lance véritablement le genre de la comédie musicale allemande lors de sa sortie en 1930. On y retrouve Liliane Harvey, Willy Fritsch et Heinz Rühmann. Il est impossible de savoir si Alice associe ce film à des souvenirs datant d’avant 1937 ou d’après la guerre, d’autant que le film est l’occasion d’un remake en 1955487. Malgré cette erreur, on ne peut qu’être agréablement surpris de découvrir une liste de films aussi précise et qui ne

485 Titre de la version francophone tournée par Max de Vaucorbeil et Wilhelm Thiele : Le Chemin du Paradis.

486 Information recueillie sur le site Filmportal.de. Cette interdiction fait suite au renforcement de la censure cinématographique en 1935 qui impose aux films sortis avant le 30 janvier 1933 de passer à nouveau devant la commission de censure du Reich. La raison de cette censure est la participation de Juifs dans la production du film. Depuis mai 1933, ils n’ont plus l’autorisation de travailler dans le secteur cinématographique.

487Die Drei von der Tankstelle, Hans Wolff, 1955. Tout comme pour la sortie de 1930, le film est tourné en deux versions : française et allemande. Willy Fitsch tourne dans ce remake qui est aussi co-produit par le réalisateur Willi Forst.

reproduit pas que le palmarès habituel des films produits sous le nazisme. La liste suivante, préparée par Raymond, accentue davantage ce constat488 :

• Die Feuerzangenbowle mit Heinz Rühmann • Quax der Bruchpilot mit Heinz Rühmann • Ich klage an (film orienté)

• Ohm Krüger (film orienté) avec Emil Jannings • Die grosse Liebe mit Zarah Leander, Victor de Kowa • Die goldene Stadt

• Immensee • Münchhausen • Kora Terry • Frau Luna

• Der laufende Berg

• Die drei von der Tankstelle • Lumpacis Vagabundus

• Un film français doublé en allemand avec Danielle Darrieux • Sieben Jahre Pech (Hans Moser)

• Des films avec Paul Hörbiger, Hans Albers • Jud Süss (orienté) antijuif

• Gasparone mit Johannes Heesters • Trenck der Pandur : Hans Albers ? • Un film sur Friedrich der Grosse • Un film sur Schiller

• Akatraz

• Des films de guerre

• Der Zerbrochene Krug (Emil Jannings)

• Des films avec Willy Birgel / sur les courses à cheval

La liste de Raymond est intéressante en tous points. Son travail de remémoration exprime à la fois les caractéristiques générales du cinéma de l’annexion, en faisant ressortir leurs succès déjà identifiés dans les palmarès reconstitués, ainsi que des caractéristiques émanant de l’expérience personnelle de Raymond.

Il est intéressant d’observer le cheminement entre les différents types de films, la liste permet d’ailleurs de rendre ces catégories plus visibles489 du fait même de l’agencement qu’elle présuppose. Nous pouvons ainsi « lire » le travail de remémoration à travers l’enchainement des titres. Raymond commence par citer deux célèbres films avec Heinz Rühmann : Der Feuerzangenbowle et Quax der Bruchpilot. Le premier est une comédie phare du nazisme devenue culte au fil du temps. Elle sort dans les salles en 1944 et apparait sur les écrans de Moselle à partir de mai 1944. Outre une programmation continue de 14 jours au Rex de Metz, on observe également sa programmation dans les salles d’Hayange et Creutzwald. Il est donc envisageable que le film soit aussi diffusé dans l’un des deux cinémas de Forbach avant la fin de la guerre. Quax der Bruchpilot, a déjà été identifié dans les palmarès de Metz (1) et de la Moselle (3). Il évoque ensuite Ich klage an490(Wolfgang Liebeneiner, 1941), le drame connu pour son message pro-euthanasie dont la sortie se fait après la mise en place du programme T4 visant à éliminer les handicapés physiques et mentaux491. Ich klage an aborde le thème de l’euthanasie à travers le choix que doit affronter un médecin face à la maladie incurable de sa femme. L’évocation de ce film que Raymond qualifie lui-même d’« orienté » le mène à écrire ensuite le titre d’Ohm Krüger, la charge antibritannique à travers l’histoire de la guerre de Boers. Il aborde ensuite plusieurs des œuvres phares du cinéma nazi : Die grosse Liebe et Die goldene Stadt. Il confond au passage l’acteur Viktor De Kowa avec Viktor Staal qui joue effectivement dans le film avec Zarah Leander. Après le mélodrame Die goldene Stadt, Raymond cite l’autre mélodrame d’Harlan Immensee. Nous l’avons évoqué, le film n’arrive à Metz qu’à partir d’août 1944 et rien n’indique qu’il ait pu être programmé à Forbach dans un délai aussi court. Néanmoins, comme pour le « film avec Danielle Darrieux » qu’il évoque plus loin et dont nous avons déjà parlé, il faut se souvenir que la sortie au cinéma n’est pas cloisonnée aux frontières de la commune où vivent les spectateurs. Raymond aurait donc pu également voir Immensee dans un cinéma d’exclusivité de Sarrebruck grâce aux tram-bus qui relient les deux villes toute la journée. Il cite ensuite Münchhausen qui peut être relié aux titres précédents

489 GOODY Jack, op.cit., p. 151.

490 TVF : Suis-je un criminel ?

491 Pour une synthèse à propos de ce sujet, lire : TERNON Yves, « L’Aktion T4 », Revue d’Histoire de la Shoah, volume 199, n°2, 2013, p. 37-59. On note que le film de Liebeneiner sort dans les salles en octobre 1941, alors que le programme T4 aurait déjà été suspendu par l’administration nazie.

par l’emploi de la pellicule couleur. Il s’agit en effet de trois des quatre premiers longs-métrages

Agfacolor produits par les Allemands entre 1940 et 1943. Le témoin enchaine en inscrivant le film musical Kora Terry de Georg Jacoby puis cite d’autres films musicaux : Frau Luna, Die Drei von der Tankstelle, Lumpacivagabundus492 et Ihr erstes Rendezvous. Bien qu’encore une fois Die Drei von der Tankstelle n’ait pas été programmé pendant l’annexion, il s’inscrit dans la mémoire des films musicaux de Raymond. Il fait la liaison avec un autre titre de film,

Lumpaci Vagabundus, également musical, avec Heinz Rühmann. L’emploi comique de ce dernier est à rapprocher des rôles tenus par Theo Lingen, réalisateur et acteur dans Frau Luna

et que l’on retrouve également dans l’un des deux rôles principaux de Sieben Jahre Pech qui est évoqué à la suite d’Ihr erstes Rendezvous. Seul Der laufende Berg493 (Hans Deppe, 1941) s’intercale dans cette liste de films musicaux. Il s’agit d’un Heimatfilm se passant dans les Dolomites et contenant peu de passages musicaux. Raymond précise que l’acteur Hans Moser joue dans Sieben Jahre Pech et évoque ensuite, sans citer de films précis, des films avec Paul Hörbiger et Hans Albers. Avec Rühmann, il s’agit là des noms des principaux acteurs des films de l’annexion qu’on identifie dans de nombreux films présents au sein des palmarès : Die grosse Liebe, Münchhausen, Wen die Götter Lieben, Wiener Blut, Liebe Streng Verboten!, Sieben Jahre Pech / Glück, Quax der Bruchpilot. Raymond cite aussi Jud Süss puis Gasparone494

(Georg Jacoby, 1937) avec Johannes Heesters, un autre grand acteur de l’époque de l’annexion également habitué des comédies musicales.

Il passe ensuite à une autre catégorie de films, les œuvres historiques, en inscrivant

Trenck, der Pandur avec Hans Albers, un film avec « Friedrich der Grosse » et un autre avec Schiller. Pour le premier, il s’agit en effet de Der grosse König495 (Veit Harlan, 1942) qui raconte l’histoire du roi de Prusse Frédéric II, surnommé le grand roi. Malgré une première programmation de 15 jours au Gloria de Metz, le film peine à s’imposer dans cette ville ainsi qu’à Thionville. Il apparait pourtant à la 33ème place du palmarès 3 (Moselle). Le film obtient la récompense suprême du nazisme « Film der Nation » et remporte également la Coupe Mussolini en 1942496. Le roi est interprété par Otto Gebühr pour la quatrième fois. En effet, il joue déjà ce rôle dans un premier film consacré au même personnage historique Fredericus Rex

(Arzen von Cserépy, 1922), un second intitulé enfin dans Der Choral von Leuthen497 (Carl

492 Film autrichien. Géza von Bolvary, 1937, TR : Lumpaci le vagabond.

493 TR : La montagne qui s’effondre. 494 TR : Gasparone.

495 TR : Le grand Roi.

496 Elle récompensait le meilleur film de la compétition au festival de Venise.

Froelich, 1933) et Fridericus (Johannes Meyer, 1937). Quant au film sur Schiller évoqué par Raymond, il s’agit de Friedrich Schiller qui sort en 1940.

Ces films historiques conduisent Raymond à se remémorer un film italien sur la guerre civile espagnole intitulé Alkazar. Ce film que nous avons déjà abordé pour la participation de Mireille Balin apparait également dans les palmarès de Metz et Thionville. Il est également évoqué par Jean-Marie dans un autre entretien. Raymond se souvient d’autres films de guerre, sans donner d’autres noms, et finit sa liste en citant encore deux films. Der zerbrochene Krug498

(Gustav Ucicky, 1937)est un drame avec Emil Jannings adapté d’une œuvre de Von Kleist. Quant au film avec Willy Birgel « sur les courses à cheval », il s’agit en l’occurrence de Reitet für Deutschland.

Les listes d’Alice et Raymond ont été rédigées avant la rencontre et sans concertation, comme en témoignent les différents supports papiers utilisés499. Pourtant il est aisé d’identifier des points communs entre elles : identification formelle des succès locaux et nationaux, goût prononcé pour les films musicaux, surreprésentation de certaines vedettes (Heinz Rühmann, Marika Rökk par exemple). On note quand même une propension plus grande chez Raymond à se souvenir des films historiques et des films de guerre, deux genres qu’on associe plus aisément aux jeunes garçons qu’aux jeunes filles. Ces deux listes, si elles renseignent bien le chercheur quant aux souvenirs existant chez les témoins qu’il rencontre, servent aussi de support à la discussion qui doit se dérouler entre les différents intervenants (discutant/chercheur et témoins). Cette mise en commun des souvenirs s’apparente à ce que Jean-Marc Leveratto identifie comme une expression de la dispute artistique au sens qu’elle occasionne une discussion autour des intérêts personnels de chaque participant500. La confrontation des listes d’Alice et Raymond, ainsi que les souvenirs de Lucien, le troisième participant, entrainent dès