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c Quelques caractéristiques des salles

sous le nazisme

I.2 La germanisation de l’exploitation cinématographique

I.2.2. c Quelques caractéristiques des salles

La répartition géographique des salles ne change guère par rapport à ce qu’elle était avant-guerre. Les villes à forte concentration de population accueillent chacune un ou plusieurs cinémas, ainsi que les principales cités sidérurgiques et minières. Néanmoins, nous constatons un phénomène de concentration géographique de l’activité cinématographique. En effet, en 1939 on comptait près de 88 établissements accueillant des projections de films ainsi qu’au moins 24 salles paroissiales. Après 1940, les Allemands décident vraisemblablement de ne pas remettre en fonctionnement ces dernières salles ainsi que les lieux dont le cinéma n’est pas l’activité exclusive (hôtels, cafés, etc.). Parmi toutes les salles dont on a pu retrouver un programme, il ne figure aucune salle de ce type mais uniquement des salles exclusivement dédiées à l’exploitation cinématographique212.

212 Certaines d’entre elles font parfois l’objet d’autres types de représentations et de manifestations publiques mais cela reste exceptionnel.

Emplacement des 56 salles de cinéma en activité en Moselle pendant toute ou une partie de l’annexion

Les zones urbaines restent plutôt bien fournies en salles de cinéma comme le montrent les nombreux établissements dans le bassin houiller (secteur de Forbach) et dans le bassin sidérurgique (secteur de la Fensch et de l’Orne). La réduction du nombre de salles implique néanmoins que certains spectateurs doivent désormais se rendre dans une autre ville mitoyenne pour aller au cinéma. Les habitants de Boulange, par exemple, doivent désormais se déplacer jusqu’à Fontoy ou à Aumetz, alors qu’ils pouvaient aller au cinéma Basthéa jusqu’en 1939. À Vitry-sur-Orne où habite Marie-Thérèse, il faut désormais compter sur toutes les villes alentours (Rombas, Amnéville, Moyeuvre) pour participer au loisir cinématographique. Les

villes qui accueillaient plusieurs salles avant la guerre voient également leur parc de salles être réduit. Forbach compte deux cinémas au lieu de quatre en 1939, Moyeuvre-Grande passe de trois salles à une seule, Stiring-Wendel conserve une salle sur trois. L’arrondissement de Metz-Campagne disposait d’au moins 11 salles en 1939 : Hagondange, Rombas, Montigny (2), Maizières-Lès-Metz, Amnéville, Sainte Marie-Aux-Chênes, Remilly, Vigy, Courcelles-Chaussy et Ars-sur Moselle. Pendant la guerre, on n’en dénombre plus que sept : Ars-Sur-Moselle, Rombas, Hagondange (2), Amnéville et Montigny (inauguré en 1944). C’est dans les communes les plus rurales de l’arrondissement que le cinéma cesse (Vigy, Courcelles-Chaussy, Rémilly).

À Metz, on compte neuf salles au dernier recensement de 1939 et elles ne sont plus que six pendant l’annexion.

Emplacement des 6 salles de cinéma en activité à Metz pendant tout ou

Metz est la seule ville de Moselle à disposer de plusieurs salles de plus de 1000 places213 : le Rex (1161 places), le Gloria (1033) et le Palast (1009). Ces trois salles sont situées dans l’hyper-centre de la ville et la distance maximale entre elles est de 500 mètres. Ce sont celles qui proposent le plus de films récents. On identifie également le Scala (688 places), également dans l’hyper-centre messin, dont la programmation est composée de copies anciennes. Le Kammer (544 places) est le dernier cinéma messin à rouvrir en octobre 1941. Bien qu’il ne soit pas un cinéma d’exclusivité, sa programmation est faite de films qui ont soit connu un succès important dans l’une des deux grandes salles du centre-ville, soit qui sont reconnus pour leur qualité artistique. Enfin, il ne subsiste qu’une salle « de quartier » pendant l’annexion, l’Union-Theater, ou UT-Sablon dans les programmes (433 places). Son activité est attestée pendant presque toute l’annexion. Cette répartition des salles dans les hyper-centres des villes et à des distances faibles les unes des autres se retrouvent dans chacune des autres villes de Moselle accueillant plus d’un cinéma durant l’annexion (Thionville, Forbach, Saint-Avold, etc.).

Bien entendu, les prix des tickets sont établis en fonction du prestige de la salle et de la qualité de sa programmation, notamment d’après les exclusivités qu’elle propose. En 1943, dans les trois grandes salles de Metz, le prix varie de 0,75 à 1,65 RM selon le placement (orchestre ou balcon). Les deux autres salles, le Scala et le Kammer, établissent leur tarif entre 0,55 et 1,25 RM. Les prix sont identiques au Gloria à Thionville alors que ceux du Scala sont sensiblement plus élevés 0,65 à 1,45 RM. Les deux salles de Forbach, le Rex (ou Scala) et le

Vox (ou Thalia), proposent également ces tarifs. Le prix moyen d’un ticket de cinéma est de 0,89 RM dans le Reich214. Au même moment, il est de 12,5 F en France occupée. À Longwy, la moyenne est fixée à 11,5 F en 1944. Le cinéma le plus prestigieux, qui se dénomme aussi le

Rex, propose un billet à 13 F, ce qui correspond aussi à la moyenne nationale française de l’année 1944215. Le taux de conversion du franc établi par l’autorité nazie est de 1 F pour 0,05 RM, soit deux fois plus faible que ce qu’il était en 1939216. Cela signifierait qu’une place à Longwy coûterait moins chère qu’une place achetée à Thionville (0,57 RM converti). Néanmoins, compte tenu de la dévaluation importante du franc à la suite de la Seconde Guerre

213 Seules les communes rattachées de Freyming et Merlebach peuvent rivaliser avec cette offre en proposant une salle de 1002 places et une seconde de 901 places.

214 DREWNIAK Boguslaw, op.cit., p. 627.

215 MONTEBELLO Fabrice, op.cit., 1997, p. 270.

Mondiale, il demeure compliqué de proposer une comparaison des prix pratiqués en zone annexée et en zone occupée.

En l’état, les spectateurs considèrent que le cinéma était un loisir plutôt accessible d’un point de vue financier, et que c’est une des raisons de son succès comme l’exprime Lucien : « Une séance coûtait à peine un mark ! C’était fait pour être une activité sociale »217. Pour autant, la dépense consentie pour assister à un film, dans un contexte de restriction économique, implique de faire le « bon choix » pour rentabiliser cette dépense culturelle.