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Section I – de la patrimonialisation de l'image du sportif professionnel

Paragraphe 1 – du régime juridique spécifique de l'image du sportif

B) du droit à l'image du sportif

2- des limites à l'exploitation du droit à l'image sportive

356. Toute opération juridique est nécessairement encadrée par des règles. L'exploitation

commerciale du droit à l'image sportive est ainsi limitée par analogie avec d'autres droits spéciaux (a) et par le droit de la presse (b).

a) des limites dégagées par analogie avec d'autres droits spéciaux

357. La première limite est relative à la garantie du fait personnel (i.). La seconde concerne

la prohibition des clauses de cession globale (ii.).

consom. 2009, comm. 68, obs. L. LEVENEUR. – V. aussi, plus généralement, G. LOISEAU, La crise existentielle

du droit patrimonial à l'image : D. 2010, p. 450.

439 A. LEPAGE, Mariage du contrat et de l'image, Communication Commerce électronique n° 3, Mars 2012, comm. 33

440 P. COLLOMB, Le libre exercice du sport in Les problèmes juridiques du sport, colloque des 18 et 19 octobre 1979 à Nice, Centre d'études administratives de la Faculté de Droit de Nice, Economica, p. 141.

i. La garantie du fait personnel du sportif

358. La garantie du fait personnel est réservée aux contrats de vente, au sens des articles

1628 du Code civil442 et 1483 alinéa 1 du Codice civile443. Le sportif cédant l'exploitation de son

droit dérivé d'image consent-il à un contrat de vente ? La patrimonialité du droit dérivé s'étant détachée du caractère ad personam du droit primaire, il semble possible d'affirmer sa négociabilité. Le droit dérivé à l'image est ainsi cédé à un tiers pour être exploité, celui-ci devant néanmoins respecter le droit primaire qui, lui, n'est pas cédé. Cette cession du droit dérivé à titre onéreux constitue-t-elle une vente ? Est-il possible de vendre son droit dérivé à l'image ? La vente est un transfert de propriété. Une propriété peut être cédée alors même qu'elle est grevée d'une servitude. Il ne semble dès lors pas illicite, pour un sportif, de transférer la propriété de son droit dérivé d'image, grevée d'une forme de « servitude » tenant à la protection du droit primaire dont il découle et de droits concurrents. Ce contrat ayant été qualifié de contrat de vente, la garantie du fait personnel – d'ordre public – peut donner lieu à application. En l'espèce, le sportif cédant s'oblige envers le cessionnaire aux termes d'une obligation de ne pas faire. Cette obligation consiste en une double interdiction faite au cédant. D'une part, il ne peut invoquer une stipulation contractuelle étrangère au contrat de vente qui aurait pour effet de remettre en cause le contrat. D'autre part, le cédant s'interdit de se livrer à tout comportement qui serait de nature à troubler la jouissance des droits du cessionnaire résultant du contrat. Le sportif cédant l'exploitation commerciale de son image à un tiers cessionnaire garantit ipso facto celui-ci de son fait personnel, c'est-à-dire qu'il garantit le cessionnaire, d'une part, de l'absence de droits concurrents exclusifs sur la chose objet du contrat, d'autre part, d'une attitude contractuelle loyale dite de bonus pater familias. Ainsi, le sportif contractant, lorsqu'il consent à l'exploitation commerciale de la notoriété de son image, garantit que cette notoriété n'est et ne sera pas entachée par tout comportement contraire à la loi, à l'éthique sportive et aux bonnes mœurs. En somme, il s'interdit tout comportement nuisible à l'effectivité des droits du cessionnaire. Cette garantie s'étend-elle à un domaine comprenant les résultats sportifs ?

442 L'article 1628 du Code civil dispose que « Quoiqu'il soit dit que le vendeur ne sera soumis à aucune garantie, il

demeure cependant tenu de celle qui résulte d'un fait qui lui est personnel : toute convention contraire est nulle. »

443 L'alinéa 1 de l'article 1483 du Codice civile dispose que « Si l'acheteur subit l'éviction totale de la chose par l'effet

de droits qu'un tiers a fait valoir sur celle-ci, le vendeur est tenu de réparer le dommage conformément à l'article 1479 »

La question peut se poser tant la notion de notoriété sportive paraît imprécise. Elle se heurte néanmoins au socle du droit commun des contrats. Les résultats sportifs constituent un aléa. Or, le contrat d'exploitation de l'image sportive constitue un contrat commutatif, aux prestations et contreparties clairement fixées, qui ne connaît aucun aléa. Il paraît donc critiquable d'affirmer la licéité d'une clause de garantie stipulant l'engagement du sportif à garantir des résultats sportifs favorables, du fait même de leur caractère aléatoire.

ii. La prohibition des clauses de cession globale à raison de l'aspect extrapatrimonial

359. Une clause de cession globale définitive est une clause par laquelle le cédant cède au

cessionnaire ses biens présents mais aussi ses biens futurs s'ils sont imprécisément visés. En France, l'article L. 131-1 du Code de la propriété intellectuelle et, en Italie, l'article 120444 de la loi n°633 du

22 avril 1941 relative à la protection du droit d'auteur (loi qui protège également le droit à l'image aux articles 96 et 97) prohibent de telles clauses en matière d'œuvres intellectuelles, au nom du respect du caractère moral, personnel, primaire, du droit d'auteur. Pour ce qui concerne le droit à l'image, comme pour le droit d'auteur, le caractère extrapatrimonial du droit primaire duquel dérive le droit patrimonial constitue une forme de « servitude » de ce dernier445. Cette forme de

« servitude » est composée d'une obligation de ne pas faire, c'est-à-dire de ne pas porter atteinte au droit primaire. Autrement dit, le droit dérivé pourrait s'exercer tant qu'un abus de ce dernier ne contreviendrait pas au droit primaire. Mais lorsque le droit dérivé est cédé, il ne peut l'être sans égards pour les impératifs inhérents au droit primaire. Dès lors, comment garantir une telle « servitude » en présence d'une clause de cession globale du droit dérivé ? Le droit positif ne prohibe pas expressément une telle clause en matière de droit à l'image, celui ne relevant pas du Code de la propriété intellectuelle. Pourtant, une clause qui stipulerait une cession globale, sans autre précision, de l'ensemble des éléments relevant du droit dérivé de l'image du sportif conduirait

444 L'article 120 de la loi n°633 du 22 avril 1941 dispose que « Se il contratto ha per oggetto opere che non sono state

ancora create si devono osservare le norme seguenti :1) è nullo il contratto che abbia per oggetto tutte le opere o categorie di opere che l'autore possa creare, senza limite di tempo; 2) senza pregiudizio delle norme regolanti i contratti di lavoro o di impiego, i contratti concernenti l'alienazione dei diritti esclusivi di autore per opere da crearsi non possono avere una durata superiore ai dieci anni; 3) se fu determinata l'opera da creare, ma non fu diffuso il termine nel quale l'opera deve essere consegnata, l'editore ha sempre il diritto di ricorrere all'Autorità giudiziaria per la fissazione di un termine. Se il termine fu fissato, l'Autorità giudiziaria ha facoltà di prorogarlo. »

le cessionnaire à acquérir un droit de propriété imprécis et large sur l'exploitation économique de l'image de l'athlète. Le cédant ne pourrait plus s'opposer, par exemple, au choix des supports ultérieurs de son image. Il ne pourrait plus non plus s'opposer à l'exploitation commerciale de son image pour des services ou produits n'ayant pas été précisés dans le contrat. Or, certains services ou produits peuvent être contraires à l'éthique sportive (produits dérivés du tabac, alcool) ou aux engagements du joueur vis-à-vis de son club. Tout simplement, le sportif peut ne pas vouloir associer son image à certains produits ou services. La clause de cession globale porte atteinte à un élément clef du contrat, son consentement exprès, sa volonté. La prohibition des clauses de cession globale sous-tend dès lors un droit de veto du sportif cédant garantissant son droit primaire à l'image. Ce veto lui permet de garder un contrôle sur l'utilisation de son image. Aussi, la cession peut être définitive, mais elle ne saurait être globale. En la matière, il convient donc de préférer la technique de l'avenant à celle de la clause globale de cession.

b) des limites tirées du droit de la presse

360. Le droit de la presse comprend le droit à l'information du public (i.) et le droit à la

caricacture (ii.)

i. du droit à l'information du public

361. En France, comme en Italie, le droit de la presse constitue un pilier du régime démocratique. Le droit au respect de l'image446 doit dès lors être concilié avec ce dernier. Il

convient de préciser l'objet de la discussion. Au titre du respect du droit à la vie privée, c'est bien le droit primaire à l'image qui est protégé. Pour autant, il s'est patrimonialisé et autonomisé de sorte que la violation du droit à l'image n'est plus forcément constitutive d'une violation de la vie privée du sujet représenté sur l'image. Un principe simple doit être rappelé : toute personne dispose, sur son image, d'un droit exclusif et absolu, quelle que soit le degré de sa notoriété. Cela signifie qu'en principe toute utilisation de la photographie d'une personne, publique ou privée et même sportive,

446 Article 8 de la C.E.S.D.H. ; Article 9 du Code civil ; Article 10 du Codice civile ; Articles 96 et 97 de la loi italienne n°633 du 22 avril 1941

est soumise à son autorisation447. Une exception existe, le droit à l'information du public, notion

appréciée de manière très circonstanciée. Lorsque l'image du sportif est utilisée dans le cadre d'un contexte commercial, ce qui est le cas des livres, magazines et revues, l'utilisation de cette image en couverture ou en illustration dans le corps du livre peut donner lieu à controverse. Si l'objectif de la publication est avant tout d'informer le public, l'utilisation de l'image de la personnalité n'y ayant pas consenti, si elle est en lien direct avec l'objet de la publication et si elle est « particulièrement utile »448, sera licite449. A contrario, si l'utilisation de l'image de la personnalité ne semble pas

correspondre directement à une nécessité inhérente à l'information du public, c'est-à-dire si elle correspond à une fin publicitaire ou de curiosité excessive des lecteurs450, elle sera considérée

comme illicite et devra donner lieu au paiement de dommages-intérêts451. Naturellement, la somme

allouée à ce titre sera fonction de la notoriété de la personne lésée. Une personne qui n'est pas notoire se verra seulement allouer une somme correspondant, d'une part, à un préjudice « existentiel » et, d'autre part, à un préjudice moral452. La Cour de cassation italienne a, depuis 1979,

posé le principe de l'impossibilité de réparation du préjudice moral si les faits d'exploitation non autorisée de l'image d'une personne ne sont pas constitutifs d'un délit453. C'est une responsabilité

extracontractuelle qui sera mise en œuvre et qui réparera le préjudice économique né de l'absence de consentement de la personne dont l'image a été reproduite. Car, oui, l'image d'une personne dispose bien d'une valeur économique, aléatoire certes selon l'individu concerné454 !

ii. du droit à la caricature

362. La caricature constitue un marqueur essentielle de la liberté d'expression, protégée par l'article 10 de la C.E.S.D.H. L'utilisation de l'image d'une personne est dès lors

possible sans son consentement si et seulement si la caricature contestée respecte les lois du genre,

447 Cass. civ. 2, 30 juin 2004, n°03-13416, publié au Bulletin, X c/ TF1.

448 N. SAMARCQ, Concilier le droit à l’image et le droit à l’information, Les Echos Judiciaires Girondins, n°5439 du 22 février 2008.

449 A. DE MARTINI, La disciplina dei diritti televisi nello sport, RDES, Vol. III, Fasc. 2, 2011, page 40. 450 Pretura di Milano, 12 décembre 1989.

451 TGI de Paris, 5 février 2008, Bruni-Sarkozy c/ Ryanair. 452 Tribunale di Forli, 9 octobre 2002.

453 Corte di cass., sez. Civ., 10 novembre 1979, n°5790.

454 M. SANTINI, Il diritto allo sfruttamento dell’immagine altrui, dirittosuweb.com, 23 juin 2005, page consultée le 11 juillet 2015 à 16h46.

au titre du plein exercice de la liberté d'expression455. En revanche, si l'objectif de la caricature est

de dévaloriser la personne caricaturée, portant dès alors atteinte à sa dignité (protégée par l'article 8 de la C.E.S.D.H.), la dérogation ne tient plus456. Cette dérogation disparaît aussi si l'objectif de la

caricature n'est pas la liberté d'expression mais la liberté commerciale457. La commercialité

corrompt (presque) tout !