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Section I de la notion de capitalisation du salarié sportif

Paragraphe 2 – de la valeur ajoutée personnelle du salarié sportif

A) du capital humain du salarié de droit commun

93. Le capital humain du salarié est un concept socio-économique bien connu des

services de ressources humaines. Il fait appel à la psychologie, d'une part, et à la responsabilité sociale des entreprises, d'autre part. Il s'agit de considérer un salarié en tant que personne humaine, en tant que membre de la société formant une communauté quasi familiale, et pas seulement en tant que salarié stricto sensu.

94. Le salarié apporte ainsi à l'entreprise sa personne, son temps, son humanité, et ses valeurs individuelles. L'entreprise quant à elle doit respecter ses éléments et en faire un atout pour

l'ensemble des personnes amenées à travailler ensemble dans le cadre salarial. C'est une vision positive et optimiste de la gouvernance des entreprises.

95. La personne du salarié. Est-il possible d'affirmer que le salarié apporte à l'entreprise

sa personne ? Le corps humain étant incessible et ne pouvant faire l'objet de quelque convention, une telle présentation serait erronée en droit. Le salarié n'apporte pas à l'entreprise sa personne, il met à disposition les qualités substantielles de celle-ci, c'est-à-dire ses compétences, sa rigueur, sa performance. Un salarié jouissant de ses pleines capacités sera alors plus productif qu'un salarié fatigué, dépressif, ou malade. L'entreprise a donc un intérêt direct à ce que le salarié puisse exécuter sa prestation de travail dans de bonnes conditions et, s'il pâtit d'un état personnel défavorable, lui accorder un temps de repos ou le diriger vers une prise en charge adéquate.

96. La présence temporelle du salarié. Le salarié apporte à l'entreprise un bien précieux,

sa disponibilité, son temps, un temps qu'il met à la disposition de l'employeur pour que celui-ci atteigne ses objectifs financiers et économiques. Ce temps est une période de vie qui n'est pas consacrée à la vie familiale ou aux loisirs, c'est un temps utilisé par le marché. La présence du

salarié au sein de l'entreprise est indispensable à l'accomplissement de la prestation de travail, d'où il résulte que les absences injustifiées puissent être sanctionnées par l'employeur. Pour autant, toutes les sanctions ne sont pas admises. En droit français, l'article L.1331-2 du Code du travail, article d'ordre public, dispose que « les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites. ». Le 26 janvier 2010, le Député Valérie ROSSO-DEBORD, par le biais d'une question écrite déposée à l'Assemblée nationale184, attirait l'attention du Ministre du travail quant aux pénalités financières

appliquées aux footballeurs professionnels par certains clubs à raison de leurs retards aux entraînements. Dans une réponse publiée au J.O. le 16 mars 2010, le gouvernement expliqua que si « les amendes ou autres sanctions pécuniaires qui sont explicitement prohibées par le droit du

travail […], les retenues sur salaire pour absence injustifiée ou retard sont licites dès lors qu'elles correspondent aux heures non travaillées, cette déduction doit répondre à certaines règles pour ne pas être considérée comme une sanction pécuniaire le montant de la retenue doit être proportionnel à l'absence », se fondant sur une jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation du 24

novembre 1992 laquelle retient que « la somme retenue sur le salaire, pour retard injustifié,

excédait le temps non travaillé »185. De même, les retenues sur primes sont licites si les conditions

d'octroi de celles-ci mentionnent comme critère la présence du salarié. En droit italien, l'article 2106 du Codice civile pose l'obligation pour l'employeur de respecter le principe de proportionnalité de la sanction disciplinaire. Sur ce fondement, la même solution jurisprudentielle peut être retenue en matière de sanctions disciplinaires ayant une incidence financière, notamment en cas d'absence injustifiée du salarié. Tout doit être prévu, par soucis du contradictoire et de prévisibilité de la règle applicable.

97. Les valeurs individuelles du salarié. Distinctes de la seule essence de l'humanité du

salarié, l'expression de ses valeurs individuelles constitue soit un atout soit un inconvénient pour l'entreprise. Un salarié attaché au respect d'autrui, au travail d'équipe, à l'observation de la discipline, contribuera à la réussite commune de l'entreprise. Le 9 juillet 2006, durant la finale de la coupe du monde de football opposant la France à l'Italie, Marco MATERAZZI, le joueur italien, répond à une provocation de Zinédine ZIDANE en insultant la sœur de ce dernier. Au-delà des

184 Question écrite n°69843.

enjeux médiatiques et sportifs de cette affaire, le joueur italien a manqué d'humanité et de respect. Quant au joueur français, qui a répondu par un coup de tête violent sanctionné d'une expulsion du match par un carton rouge, d'une amende pécuniaire, et d'une interdiction de trois matchs, il a également manqué de prudence, la violence n'étant jamais une réponse proportionnée. Alors que le football connaît une situation croissante de violence des supporters, le salarié sportif, de surcroît le footballeur professionnel, est comptable d'une lourde responsabilité, celle de faire preuve de modération. En l'espèce, le comportement des deux joueurs a donné une mauvaise image des équipes des deux pays et a éloigné des médias le vrai sujet, à savoir le résultat de la rencontre sportive.

98. La valeur économique de la valeur ajoutée du salarié. L'ensemble des aspects

évoqués ci-dessus, constituant la valeur ajoutée du salarié, dispose-t-il d'une valeur économique ? Aucune valeur économique directe n'est caractérisable, lesdits aspects étant hors commerce. Pour autant, alors que ces aspects constituent ipso facto des critères de sélection à l'embauche et au maintien salarial, ils deviennent un enjeu économique sectoriel. Un salarié disposant de qualités humaines positives, en sus de ses compétences techniques, pourra dès lors espérer – voire solliciter – une rémunération supérieure à la moyenne la plus basse. Cette valeur ajoutée dispose donc d'une valeur économique indirecte mais bien réelle.

99. Depuis 2010, le capital humain est même une norme186 reconnue par l'Organisme

International de Normalisation (ISO). Cette norme est « un document, établi par consensus et

approuvé par un organisme reconnu, qui fournit, pour des usages communs et répétés, des règles, des lignes directrices ou des caractéristiques, pour des activités ou leurs résultats, garantissant un niveau d'ordre optimal dans un contexte donné »187.

100. Dans un article remarqué, Maître Philippe ROZEC explique que « la norme ISO

26000 rappelle que la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée par l'assemblée générale des Nations Unies en 1948, appelle chaque individu et chaque organe de la société à

186 Norme ISO 26000, publiée le 1er novembre 2010.

promouvoir la reconnaissance et le respect des droits de l'homme. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, traité adopté par la même instance en 1966, vient utilement relayer ce premier texte. […] L'ISO souligne que les relations et conditions de travail visent le recrutement et la promotion des travailleurs […] »188. Développer le capital humain, c'est

dès lors le fait pour l'employeur de permettre au salarié d'accroître ses capacités personnelles, ses performances intellectuelles ou physiques selon l'emploi concerné, par le biais de la formation professionnelle, dans une visée progressiste des relations individuelles de travail.

101. Le capital humain du salarié de droit commun est-il transposable en matière sportive ? Il l'est assurément. Mais le salarié sportif professionnel apporte à son club bien plus que

la richesse de ses aspects personnels, il lui apporte un capital d'image.