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Section II – de l'appréhension aléatoire par le droit de la capitalisation du sportif professionnel

Paragraphe 2 – de la patrimonialisation du talent sportif

B) de l'intérêt suggestif du législateur italien

173. Contrairement au droit français, dès les années quatre-vingt, le droit italien a

accompagné, soutenu, et encouragé la « marchandisation » du sport professionnel. Le sport est valorisé par le droit positif italien (1) tandis que celui-ci tolère le caractère marchand des pratiques contractuelles des clubs (2).

1- Le sport valorisé par le droit positif

174. La culture du football. Le football, autrement dit dans la péninsule le calcio, est le

sport national en Italie. Choisie au XIXème siècle, bien avant l'émergence du fascisme, la

terminologie italienne même, le recours au terme « calcio », est symptomatique de l'italianisation

279 Loi italienne du 23 mars 1981 n°91 sur le sport professionnel ; L. GERMINARA, Il rapporto di lavoro del

calciatore professionista, thèse, Faculté de Droit de Florence, 2008, page 64 ; E. LUBRANO, L’ordinamento giuridico del giuoco calcio, Istituto Editoriale Regioni Italiane S.r.l., Roma 2004, 95

du football, un sport d'origine anglo-saxonne280. Alors que l'Italie demeure un pays aux identités

régionales très fortes, dans lequel chacun se dit plus sicilien, milanais, calabrais, sarde qu'italien, lorsque la Squadra Azzurra, l'équipe nationale, joue, les différences régionales se gomment d'un trait d'un seul, le sentiment national apparaît, la fierté d'être italien explose dans les tribunes des différents stades. Le football revêt une importance si forte en Italie que des expressions typiquement footballistiques sont entrées dans le langage commun ! Il n'est dès lors pas étonnant que le football professionnel, qui fait vibrer aussi fortement le cœur de la société italienne, jouisse d'une médiatisation et d'une « marchandisation » à bien des égards plus fortes qu'en France, quoique le pays des droits de l'Homme place ce sport sur le podium des sports les plus aimés des Français. Cette « marchandisation » emporte, dès lors, nécessairement une prise en compte, une absorption, par la règle de droit.

175. La faveur indirecte de la loi italienne. L'article 6-1 de la loi n°91/1981 du 23 mars

1981 dispose que « dans le cas d'un premier contrat, il doit être établi par les fédérations sportives

nationales un prix de formation technique en faveur de la société ou de l'association sportive auprès de laquelle le joueur amateur ou jeune a développé son activité. ». L'article 6-2 dispose

qu' « à la société ou à l'association sportive qui, en vertu de la licence d'inscription d'amateurs ou

de jeunes, a prévu une formation technique de l'athlète, il est reconnu le droit de stipuler le premier contrat professionnel avec ce même athlète ». Jusque-là, la situation française est similaire. L'article

6-3 du même texte dispose par suite que « le prix de formation devra être réinvesti par les sociétés

ou associations qui développent une activité d'amateurs ou de jeunes à des fins sportives ». Ne peut

être investi ou réinvesti comme actif seulement un bien du patrimoine. Cela signifie que le talent et les compétences techniques des joueurs constituent des actifs des sociétés sportives, mais cela signifie surtout que le talent sportif revêt une valeur économique dès lors qu'il s'inscrit dans le cadre d'un parcours sportif, et donc d'une formation technique. Sans apprentissage technique, point d'éclosion du talent !

2- De la tolérance par le droit du caractère marchand des pratiques contractuelles des clubs

176. La « copropriété » des joueurs. Si le terme est exagéré, il recouvre néanmoins une

profonde réalité. Il s'agit d'une opération juridique s'inscrivant dans le cadre du transfert. Lors du transfert, c'est-à-dire lorsque le club « acheteur » verse au club « vendeur » une indemnité négociée à la fois au titre de la libération du joueur et de la réparation de la perte du talent sportif du joueur « acheté », une clause d'intéressement exclusive peut être stipulée au bénéfice du club « vendeur ». Révisable et cessible à un club tiers, cette clause, calculée sur la base du « prix » du transfert actuel, s'appliquera à un transfert futur. Il est intéressant de prendre l'exemple de Davide ASTORI, défenseur italien formé au Milan AC et membre de l'équipe nationale italienne. En 2008, il est « acheté » 1,2 M € par le club Cagliari Calcio. Le club a payé au Milan AC une indemnité de plus d'un million d'euros, avec une clause d’intéressement de 50% sur le prochain transfert, au bénéfice du Milan AC. Pour autant, le Cagliari Calcio n’a pas « acheté » la moitié du joueur. Plus que d'une véritable copropriété comme il en existe en Amérique-du-Sud281, cette clause permet seulement au

Milan AC d’être en position de force pour faire revenir a posteriori le joueur dans ses rangs à moindre coût. En effet, dans une telle hypothèse, le Milan AC, en tant que bénéficiaire de la clause d'intéressement, devra seulement payer la moitié du prix de transfert, cette fois souverainement fixé par le Cagliari Calcio. Combattue par l'U.E.F.A., quasi inexistante en France au nom du respect du principe de sincérité des compétitions282, terminée en Italie depuis le 1er mai 2015283, cette

technique contractuelle offrait au club formateur une option économique qui pouvait se révéler constituer un placement financier à haut rendement, si d'aventure le joueur concerné se révélait être, par le développement de son talent sportif, une excellente carte à jouer. En présence d'une clause d'intéressement, l'indemnité à payer par le club formateur pour récupérer le joueur sera ainsi

281 L'achat de droits fédératifs comme le droit à l'image par des tiers, des fonds d'investissement, ou d'autres clubs que celui avec qui est engagé sportivement le club est une pratique courante en Amérique-du-Sud. Elle n'existe pas – encore – en Europe.

282 En France, on note une opération de ce type entre le FC Lorient, le PSG, et le RC Strasbourg pour le transfert de Kévin GAMEIRO. Néanmoins, la clause d'intéressement rachetée par le FC Lorient au RC Strasbourg et opposée par suite au PSG n'était pas une clause exclusive au club « vendeur » et a permis à deux clubs, le FC Lorient et le RC Strasbourg, de percevoir une recette, le premier destinataire de l'intégralité de l'indemnité de transfert, le second destinataire du prix de la cession de la clause (source : Journal L’Alsace, « Une négo à la baisse », 12 mai 2011). 283 La copropriété, c'est terminé !, L'Equipe, 28 mai 2014, http://www.lequipe.fr/Football/Actualites/La-copropriete-c-

toujours inférieure à l'indemnité que réglerait un club tiers.284 Et c'était une vraie politique des

ressources humaines des clubs italiens, bien que que le législateur transalpin n'ait pas consacré cette technique dans le Code civil. En pratique, ce système permettait, en faisant baisser le prix de certains transferts, de faire baisser la TVA sur lesdit transferts. Ce système n'était pas sans intérêt pour le joueur lui-même qui, s'il était transféré dans un club moins intéressant pour lui, conservait, si son talent sportif demeurait ou se développait, la possibilité de retrouver son club formateur. En l'espèce, il y a plus d'intérêt à jouer au Milan AC qu'au Cagliari Calcio...285 Nous nous interrogeons

sur l'opportunité de l'extinction de ce système en Italie et sur son inexistence en France, quoique nous comprenons l'impératif de respect du principe de sincérité des compétitions sportives.

177. Alors qu'ils appartiennent à la grande famille du droit romain, le droit français et le

droit italien n'ont pas la même appréhension philosophique de la capitalisation du sportif professionnel. Néanmoins, le droit commun français et italien applicable à la matière footballistique est à bien des égards inefficace.

284 F. RIZZO, La conclusion et l’exécution des contrats de transfert de sportif professionnels, Revue Lamy droit civil décembre 2005, pages 60 à 68.