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Section II – de l'absence de protection de la représentation du geste footballistique par le droit de la propriété intellectuelle et industrielle

Paragraphe 2 – de l'absence de protection par la propriété industrielle

C) de l'absence de protection au titre du dessin et du modèle

2- de l'inapplicabilité au geste sportif

306. Si le sport professionnel peut être qualifié, par certains, d'industrie, la protection du

geste sportif au titre du dessin ou modèle semble inapplicable par nature (a). Sa représentation graphique semble exclue (b).

a) de l'inapplicabilité par nature

307. Le geste sportif peut présenter le caractère d'aspect propre, sous certaines réserves

inhérentes à l'éthique sportive. Mais il ne peut pas présenter le caractère de nouveauté. En effet, pragmatiquement, le geste ne devrait jamais avoir été porté à la connaissance du public pour être protégé. Or, un sportif ne peut vouloir protéger un geste seulement lorsqu'il constate un écho positif du public ; il ne va pas déposer tous les gestes qu'il interprète et réalise, ce serait absurde en pratique et irrecevable car cela contrarierait l'exercice même du sport et de son éthique.

308. En outre, et à titre principal, il conviendra de faire remarquer que la prestation

sportive ne constitue pas un produit industriel ou artisanal. Un produit industriel est un produit manufacturé, résultant d'une activité humaine à partir de matières premières extra-humaines dont l'objectif est de remplir un besoin social et utile. Le sportif professionnel, lorsqu'il accomplit un geste original dans le cadre de son « art », n'utilise pas d'autres matières premières que sa propre énergie. Au demeurant, il a pour objectifs, d'une part, de remporter la compétition et, d'autre part, de produire du spectacle. Le produit industriel a une vocation purement utilitaire que ne présente pas la prestation sportive.

309. Quant au produit artisanal, il constitue un produit manufacturé hors de tout contexte

industriel mais comprenant des matières premières non humaines. L'U.N.E.S.C.O. décrit les produits artisanaux comme étant « les produits fabriqués par des artisans, soit entièrement à la

main, soit à l’aide d’outils à main ou même de moyens mécaniques, pourvu que la contribution manuelle directe de l’artisan demeure la composante la plus importante du produit fini. Ces produits sont fabriqués sans restriction quant à la quantité et en utilisant des matières premières prélevées sur des ressources durables. La nature spéciale des produits artisanaux se fonde sur leurs caractères distinctifs, lesquels peuvent être utilitaires, esthétiques, artistiques, créatifs, culturels, décoratifs, fonctionnels, traditionnels, symboliques et importants d’un point de vue religieux ou social »403. Or, la prestation sportive à l'origine du geste sportif n'est pas conçue « à la main » ou à

l'aide de moyens mécaniques mais engendrée par le seul corps, sans avoir recours à des matières premières prélevées sur des ressources durables, sauf à considérer que l'énergie du corps humain constituerait une ressource durable ce qu'il ne serait pas sérieux de retenir. En tout état de cause, le sport n'est pas un secteur artisanal.

b) de l'exclusion de la représentation du geste sportif

310. La protection de la représentation du geste sportif par le droit des dessins ou modèles

doit être exclue en ce qu'elle ne correspond pas à l'objectif du législateur qui était de protéger l'image d'un produit industriel ou artisanal.

311. La particularité du droit des dessins et modèles est d'être hybride, comprenant à la fois

un aspect de propriété intellectuelle et de propriété industrielle. Dans cette seconde matière, le droit positif ne semble pas non plus adapté à la protection du geste sportif.

403 Symposium UNESCO/CCI, L'artisanat et le marché mondial : commerce et codifications douanières, Manille, 6-8 octobre 1997.

CONCLUSION DU CHAPITRE II

312. Ce chapitre, outre le rappel nécessaire de l'ambivalence des enjeux pratiques du sport

au regard de la spécificité de ses acteurs, a permis de caractériser l'inefficacité patente du droit commun lorsqu'il s'agit de protéger l'action même du sportif, et par là même de garantir l'exploitation sereine de son image et celle de son geste.

313. Les enjeux pratiques concernant les footballeurs professionnels sont constitués

principalement de deux aspects situés sur une échelle de temps chronologique. Dans un premier temps, le joueur cherche à optimiser sa situation fiscale. Dans un second temps, quoique cette attente légitime ne tende naturellement pas à disparaître, le sportif retraité cherchera à trouver de nouvelles sources de revenus afin de garantir sa situation et ce d'autant plus que sa carrière est courte. Et c'est bien cet aspect-là qui retient notre principale attention. Il est néanmoins indissociable de la prise en compte des intérêts des clubs, employeurs des joueurs.

314. Quant aux clubs, leurs enjeux sont différents. Ils ne se conjuguent pas sur l'autel de

l'échelle du temps, ils sont en permanence contemporains. Les clubs souhaitent protéger leur identité sportive, notamment pour l'exploiter à titre exclusif. Les clubs sont aussi – et surtout – devenus aujourd'hui des acteurs économiques de premier plan. Ils sont dès lors soumis au jeu de la concurrence internationale et peuvent pâtir des choix politiques de leurs Etats respectifs. Le recrutement de joueurs n'est en effet pas seulement le fruit d'une stratégie de jeu sportif. Il constitue aussi la résultante d'une approche plus globale, comprenant intérêts sportifs et intérêts marchands. Le sportif peut lui-même, à raison de la fiscalité applicable, choisir un club plutôt qu'un autre...

315. Le sportif se révèle par son geste. Or, l'étude du droit commun confirme le postulat

initial d'inefficacité. Le droit de la propriété intellectuelle en vigueur est difficilement applicable à la matière sportive lorsqu'il est question d'exploitation de l'image sportive. La situation personnelle du sportif ne répond manifestement pas aux critères classiques de la propriété intellectuelle. Le footballeur professionnel, quand bien même son jeu puisse parfois être doté d'une certaine forme d'originalité, n'est pas un artiste-interprète. La notion d'artiste-interprète ne paraît pas pouvoir et

devoir être à ce point étendue ; son extension viendrait en réalité la déformer et la vider de toute sa substance. De même, le droit de la propriété industrielle ne semble pas permettre la protection du geste sportif. Celui-ci n'est pas doté d'une finalité industrielle incontestable. Quant à la notion de marque, elle se marie mal avec l'éthique sportive car elle vient restreindre l'esprit même du sport et de l'olympisme sans répondre aux véritables enjeux du sport professionnel. Les fondamentaux du droit commun méritent une certaine rigueur, une certaine logique. Il n'est pas possible de faire rentrer dans des concepts assez fermés des pratiques qui n'ont que peu de points communs avec l'essence même des sujets régis par ces notions.

316. La question demeure ouverte. Au regard des nécessités de la pratique, l'image sportive