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Les stratégies culturelles des collectivités observées

L’offre de service

2. Les politiques de culture scientifique et technique

2.5. Les stratégies culturelles des collectivités observées

Nous proposons d’analyser l’inscription des projets « arts-sciences » dans les politiques de CSTI des collectivités étudiées. Deux méthodes sont mobilisées. Des entretiens ont été réalisés pour la région Rhône-Alpes et la métropole grenobloise. Les autres collectivités sont étudiées grâce à des analyses de contenu appliquées à leurs publications en ligne. Le choix

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de cette deuxième méthode a été contraint par l’absence de réponse des interlocuteurs sollicités.

2.5.1. La Région Rhône-Alpes

Au sein de la Région Rhône-Alpes, le soutien aux projets « arts-sciences » relèvent de la politique de CCSTI. Depuis 2013, cette politique est prise en charge au sein de la politique culturelle, au lieu de la politique enseignement supérieur et recherche. En tant que chargée de la politique culturelle numérique, Anaïs Chassé a proposé de récupérer la mission CCSTI, car elle travaillait déjà avec un certain nombre d’acteurs. Certains CCSTI avaient déjà une politique numérique. L’Atelier Arts-Sciences était identifié à la fois sur la création artistique numérique et sur la culture scientifique. Ce transfert est lié à deux facteurs. D’une part, le changement d’élu en 2010 a eu pour conséquence une perte de dynamisme de la politique de CCSTI. A une phase de création de CCSTI dans l’ensemble des départements a succédé une phase de réduction des moyens financiers, jusqu’à les limiter aux subventions de fonctionnement d’une partie des structures. La chargée de mission souligne la suppression d’un appel à projet, permettant de soutenir ponctuellement des structures non financées de manière récurrente. D’autre part, il y avait la volonté d’afficher un positionnement, où la CSTI est intégrée à la culture en général. Sur proposition de l’élu à la culture, la compétence a été transférée, mais avec un budget limité aux aides récurrentes. Malgré ce transfert, la politique de CSTI a été reconduite à l’identique, dans une logique d’observation et de prise de contact avec les différents acteurs. En 2014, le désengagement de l’Etat de la politique de CSTI a eu pour conséquence une posture d’attente, notamment connaître les modalités budgétaires. Les élections de décembre 2015 et la fusion avec la Région Auvergne ont incité à ne pas réécrire la politique de CSTI. Une difficulté de la fusion réside dans le fait que la compétence de CSTI dépend de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en Auvergne.

Depuis que la CSTI est pris en charge par la Direction de la culture, les CCSTI sont encouragés à développer un lien avec la scène artistique dans leur programmation et dans leur démarche. Que ce soit au sein de la politique culturelle ou de la CSTI, les projets « arts-sciences » ne sont pas l’objet d’une politique spécifique. La Région essaie de favoriser les rencontres et les passerelles entre les acteurs de la CSTI et de la culture. Certains CCSTI avaient déjà manifestés un intérêt pour les formes ou les sujets artistiques, à l’instar de la Rotonde. Alors que les activités « arts-sciences » du CCSTI de Saint-Etienne entre dans le cadre de subvention de fonctionnement, les Rencontres-i sont aidées spécifiquement au titre de la CCSTI. La chargée de mission souligne le fait que la Région ne finance par l’Atelier Arts-Sciences. Mais, il y a une aide indirecte, dans la mesure où l’Hexagone est soutenu. La Région incite également les acteurs culturels a adopté une logique de festival. Dans cette perspective,

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les Rencontres-i, la Fête de la Science et le festival A nous de voir sont soutenus. Ce festival du film de science est porté par la Maison des jeunes et de la culture (MJC) d’Oullins. Il est aidé en tant que festival de cinéma et en tant que manifestation de CSTI. Mais pour la chargée de mission, « on est moins dans une logique arts-sciences et plus dans une logique festival autour de l’image » (entretien A1, R5). Les Rencontres-i et A nous de voir sont financées en tant que manifestations d’envergure régionale, voire même au-delà. La forme festival présente l’intérêt de mobiliser un ensemble d’acteurs de manière récurrente et de toucher un public important. L’accueil en résidence est également financé indirectement par le soutien au planétarium de Vaulx-en-Velin. Le planétarium produit ainsi des expositions « arts-sciences ». Certaines résidences organisées par l’association AADN ont lieu au planétarium. Les autres se déroulent à la médiathèque de Vaise, un quartier de Lyon.

Le soutien aux projets « arts-sciences » relève d’une stratégie où les œuvres d’art et l’action culturelle apparaissent comme « un bon vecteur pour approcher justement des questions de culture scientifique ou technique ou industrielle » (entretien A1, R8). L’objectif est d’atteindre un public à travers une œuvre ou une démarche culturelle. Il peut s’agir d’expositions comme de spectacles. Les deux formes privilégiées par la Région sont les « manifestations » et l’édition, qui permettent de saisir la culture dans une acception large. Un enjeu social est lié au culturel, à travers la question des publics, qui ne « sont pas forcément les premiers consommateurs entre guillemets de ces contenus » (entretien A1, R10). Une attention particulière est portée aux démarches en direction des « publics éloignés », dans une logique d’équité. Aucune stratégie d’approche de ces publics n’est privilégiée, mais la chargée de mission prête attention à l’argumentaire sur ces questions exposé dans le projet de la structure. Un enjeu économique est aussi présent de manière secondaire, comme nous l’avons expliqué précédemment.

2.5.2. La Métropole de Grenoble

Suite à la loi Maptam, la Métropole a obtenu la compétence de CSTI au premier janvier 2015, alors qu’elle était jusque-là partagée avec la Ville. Elle dépend de l’enseignement supérieur et de la recherche, contrairement à la Région et à l’Etat. Une concertation avec les acteurs de la CSTI a abouti dans la rédaction d’une Convention Cadre du 3 Juillet 2015. Celle-ci définit la politique métropolitaine de CSTI autour de trois grands objectifs, qui sont « l’accès et le partage des connaissances pour tous, le développement de la participation des citoyens et puis l’expérimentation de nouvelles formes de dialogue et de médiation entre science et société » (entretien A2, R.JF.6). Inscrit dans ces axes, l’objectif du soutien métropolitain à la Biennale Arts-Sciences est de proposer au « grand public » une approche des sciences différentes des pratiques de médiation scientifique (entretien A2, R.GP.4). La notion de

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« grand public » recouvre le « public familial », le « public scolaire » et les habitants de la Métropole (A2, R.JF.34). Le financement porte sur l’ « événementiel » et non sur la création, à l’instar de la Région qui aide les « manifestations ». Une limite de la Biennale Arts-Sciences est qu’elle n’est pas « accessible à tous » (entretien A2, R.GP.33 et R.JF.35). Les spectacles produits et diffusés à l’Hexagone sont jugés « un peu pointu » (entretien A2, R.GP.34). La primauté accordée à la création sur la rencontre avec le public en serait la cause.

Pour atteindre le public le plus large possible, une stratégie de maillage avec la Fête de la Science a été mise en place. Comme nous l’avons évoqué précédemment, cette stratégie repose sur deux dispositifs, Ouverture Lumière ! et Acteurs de curiosité territoriale. Le premier cible le « grand public » avec un événement « spectaculaire » et « populaire ». Il s’agit d’une demande de la Métropole, impulsée par Claus Habfast en tant que Vice-Président à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche. Ce spectacle pyrotechnique était le point de départ d’un week-end autour de la CSTI, avec la Mini maker faire à la Halle Clémenceau, suivi dans la semaine suivante d’événements à la Minatec dans le cadre de la Fête de la science. Le spectacle n’est pas une création, mais sa venue en province est une nouveauté. Le second dispositif vise le croisement des publics de la Biennale Arts-Sciences et de la Fête de la Science, en créant une continuité entre un parcours d’Acteurs de curiosité territoriale et de la Mini maker faire. Ces deux dispositifs ont été mis en place au Parc Paul Mistral, au centre de Grenoble. La stratégie de coordination entre la Biennale et la CSTI est reconduite et étendue, dans la mesure où un grand événement métropolitain est prévu à l’horizon de 2017 dans le domaine de la CSTI, dont la Biennale Arts-Sciences pourrait être le point de départ. La Métropole n’a pas la volonté de soutenir le secteur « arts-sciences », en dehors de la Biennale. La convention signée avec l’association de gestion de l’Hexagone a donc vocation à perdurer. Il sera éventuellement demandé de travailler avec la structure métropolitaine de gestion de la CSTI, mais il n’y a pas d’intégration envisagée.

La politique de CSTI s’appuie sur le principe qu’une structure métropolitaine va gérer la Casemate à Grenoble et les futurs Grands Moulins de Villancourt à Pont-de-Claix. Au moment de l’entretien, une réflexion était en cours avec l’appui de consultants. A partir de leur travail, il a été décidé de redéfinir le projet des Grands Moulins de Villancourt, porté de 2009 à 2015 par la Mairie de Pont-de-Claix et des universitaires. Le projet comportait une salle de diffusion de films sur les sciences de la terre et de l’univers, ainsi qu’une salle de création et de diffusion « arts-sciences ». La présence de l’Atelier Arts-Sciences dans la métropole et l’importance du coût d’une salle de production ont incité le comité de pilotage à redéfinir les Grands Moulins comme un planétarium diffusant des films scientifiques et éventuellement des productions « arts-sciences ». Le programme scientifique et culturel du planétarium était en voie de définition lors de l’entretien. Mais, il a été acté qu’il y aura « un programme astronomie pour le

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planétarium, un programme numérique pour le programme Fablab pour la Casemate » (entretien A2, R.JF.18). Il a également été décidé de travailler davantage avec les universitaires pour développer une « vision globale de la culture scientifique » (entretien A2, R.JF.18). Une réflexion était en cours sur la structure juridique et la gouvernance de la nouvelle équipe, qui aura en charge la gestion de la CSTI à l’échelle métropolitaine. La Casemate devra évoluer du statut d’association vers une nouvelle structure encore à définir.

2.5.3. La Mairie de Saint-Etienne

Dans la section sur les stratégies de « ville créative », nous avions abordé la position de la Métropole vis-à-vis de la Rotonde. La dimension culturelle était peu abordée au profit des aspects économiques et urbanistiques. Le site de la Mairie de Saint-Etienne présente les activités de la Rotonde dans le cadre de la culture scientifique, mais sans référence aux projets « arts-sciences ». La section « culture scientifique » met en avant deux équipements, la Rotonde et le planétarium. Un caractère d’excellence est souligné. Alors que la Rotonde est une « référence », le planétarium est le premier à être équipé de certaines technologies. Pour les deux structures, deux types activités sont abordées. D’une part, l’organisation de « manifestations », nationales pour le planétarium, « thématiques » pour le CCSTI. Nous pouvons constater le même intérêt pour les manifestations qu’à la Région. D’autre part, une action partenariale est affichée. Alors que la Rotonde « a permis de créer un réseau d'acteurs sur le territoire », le planétarium « collabore également avec les écoles, les associations locales et les structures de la région ». Des publics différents sont définis. Le planétarium développe une programmation destinée à « tous les publics ». La Rotonde vise un public scolaire et associatif. Cette caractéristique est confirmée en entretien par Arnaud Zohou. La zone d’action de la Rotonde s’étend à l’ensemble du département de la Loire avec un Camion des sciences depuis 2006. Le directeur de la Rotonde nous a fait remarquer cette attente d’intervention départementale, au sujet de l’organisation du festival Scènes de méninges. Une autre différence réside dans le type d’activité. La Rotonde propose des outils de « vulgarisation scientifique », des « productions pédagogiques » et des « débats citoyens ». Les actions soutenues s’inscrivent dans les missions de diffusion de la science, de formation des publics scolaires et répondent à un enjeu démocratique. Le planétarium est présenté dans sa dimension ludique. Il est précisé qu’un animateur intervient après la projection du film pour répondre aux questions. Ce type d’action semble s’inscrire dans la continuité de la pédagogie promus dans les années 1980, avec un aspect ludique et une sollicitation des sens75.

75 https://www.saint-etienne.fr/d%C3%A9couvrir-sortir/culture/rotonde/rotonde-centre-culture-scientifique-technique-industrielle - le 08/12/16

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2.5.4. La Communauté d’agglomération du Plateau de Saclay

Sur le terrain de Paris-Saclay, seul le financement d’Art Science Factory par la Caps relève de la CSTI. Les autres projets « arts-sciences » sont soutenus parce qu’ils mobilisent une discipline artistique spécifique. La communauté d’agglomération du Plateau de Saclay soutient le projet Art Science Factory du S[Cube]. Le site de la Caps n’expose pas une stratégie de CSTI. Un enjeu de cohésion sociale est mis en avant, dans le contexte de l’émergence d’un cluster sur le Plateau de Saclay. L’objectif est de rassembler les habitants, les étudiants et les chercheurs du territoire, grâce à des projets culturels transversaux qui allient la création artistique, la recherche scientifique et l’innovation technologique76. Comme nous l’avons vu précédemment, l’enjeu de cohésion sociale est davantage articulé aux enjeux économiques qu’aux questions culturelles.

2.5.5. Les Mairies de l’Essonne

Le Collectif pour la culture en Essonne a été fondé par plusieurs maires dans l’objectif de mutualiser les compétences et les financements culturels. Un projet de pôle Art & Science s’inscrit dans la volonté de « réunir les compétences du champ artistique et de la culture scientifique pour une meilleure médiation auprès des publics »77. Le pôle doit accomplir trois missions principales. D’abord, il doit faciliter l’élaboration de projets entre les artistes et les scientifiques notamment à travers le soutien à la biennale La Science de l’Art. Ensuite, il doit mutualiser les réseaux, les savoirs et les pratiques, en concertation avec les principaux acteurs du département essonnien, d’Île-de-France et des grandes régions. Enfin, il doit recenser les acteurs des pratiques « arts-sciences », mais aussi réaliser une veille sur l’évolution des rapports entre les arts, les sciences et la société. A travers le Collectif pour la culture en Essonne et son pôle, les mairies mettent en œuvre une stratégie de mutualisation des moyens des politiques culturelles et des politiques de CSTI.