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Section 2. Les stratégies des pôles de compétitivité

2. La politique des pôles de compétitivité

2.1. Le développement des pôles de compétitivité

2.1.1. L’origine des pôles de compétitivité : l’agenda de Lisbonne et deux rapports

français

La politique industrielle de développement des pôles de compétitivité initiée par les pouvoirs publics français en 2004 résulte du nouveau cadre stratégique de Lisbonne adopté par la Commission Européenne en 2000. L’objectif d’un pôle est de rapprocher au sein d’un territoire des entreprises, des centres de formation et des unités de recherche d’un même secteur d’activité, pour créer des synergies et élaborer des projets innovants. La mise en œuvre des pôles de compétitivité relève de la volonté de favoriser l’innovation pour stimuler la compétitivité et l’attractivité des territoires, afin de générer de la croissance économique, des emplois et de la cohésion sociale. Les politiques d’innovation ont adopté une approche territoriale, dans la mesure où la concentration spatiale des moyens de R&D est présentée comme un facteur déterminant de la production de connaissances nouvelles (Barthet et Thoin, 2009). En effet, la concentration permettrait de mieux profiter de la circulation des connaissances au sein du site, mais aussi au niveau international en intégrant des réseaux de territoires similaires. Mais l’approche territoriale est essentiellement motivée par la nécessité d’atteindre une masse critique dans un contexte de mondialisation des productions et des marchés. Le territoire est défini à la fois comme un tissu économique à irriguer et une ressource, puisque l’innovation dépendrait à la fois de l’entreprise et d’un « "écosystème" favorable auquel contribue l’ensemble des acteurs économiques, académiques et institutionnels du territoire sur lequel elle est implantée » (Barthet et Thoin, 2009 : 14). L’enjeu de ces politiques est donc de favoriser la concentration des moyens d’action au sein de pôles, pour susciter un développement régional. Lusso (2012) note que la politique de constitution

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des pôles d’excellence impulsée par l’Agenda de Lisbonne est en rupture avec la stratégie longtemps privilégiée par l’Etat de rééquilibrage du territoire français. En ce sens, les politiques des Systèmes Productifs Locaux (SPL) puis des pôles de compétitivité constituent un retournement politique.

En 2004, deux rapports favorables au développement de clusters de R&D en France sont édités. La Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (Datar) publie une étude prospective, La France puissance industrielle, une nouvelle politique industrielle par les territoires, où le développement de pôle de compétitivité en partenariat avec les régions est recommandé. Elle se situe dans la continuité logique de l’action de la Datar, qui a initié une politique de soutien aux SPL depuis 1998. Aujourd’hui, une centaine de groupements sont reconnus et contribuent à mettre en place des actions collectives au-delà de l’innovation, aux niveaux de la production, du développement commercial, de l’export, de la communication, de la veille, et des ressources humaines. Ce rapport prend le contre-pied de la thèse de la désindustrialisation, en estimant que le potentiel industriel français est suffisamment consistant pour mettre en œuvre une politique industrielle. Celle-ci doit se fonder sur l’idée que les territoires peuvent favoriser les synergies entre l’innovation, la recherche et l’industrie, pour améliorer la compétitivité des entreprises. Ces préconisations sont renforcées par le rapport du député des Yvelines, Christian Blanc, chargé par le Premier Ministre d’une mission sur les pôles de compétitivité. Dans Pour un écosystème de la croissance, Christian Blanc propose aussi le développement de pôle de compétitivité autour d’acteurs locaux forts, pour lutter contre le manque d’interaction entre les grandes entreprises et les organismes d’enseignement et de recherche. Il suggère également le regroupement des universités pour leur donner une meilleure visibilité à l’international et donc favoriser le rayonnement mondial du pôle (Barthet et Thoin, 2009 : 19-22).

2.1.2. Les deux phases de la politique des pôles de compétitivité

La politique industrielle des pôles de compétitivité a connu plusieurs phases. Elle a été lancée officiellement le 14 octobre 2004 par le Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (Ciadt). Il a été remplacé en 2005 par le Comité interministériel d’aménagement et de compétitivité des territoires (Ciact), dont le secrétariat est assuré par la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (Diact). Un premier appel à projet a été diffusé, comportant quatre critères de labellisation, résumé par (Barthet et Thoin, 2009 : 24) :

 « une stratégie de développement cohérente avec le plan de développement économique du territoire du pôle » ;

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 « une visibilité internationale suffisante, sur les plans industriels et technologiques » ;  « un partenariat entre acteurs et un mode de gouvernance structuré et opérationnel

assurant des synergies en matière de R&D et de formation notamment » ;  « une capacité à créer des richesses nouvelles à fortes valeurs ajoutée ».

Le processus de sélection a débuté en février 2005 et a abouti à l’annonce de la labellisation de 67 pôles lors du Ciadt du 12 juillet 2005. A cette occasion, est créé un groupe de travail interministériel (GTI), animé par la Datar et la Direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l’Industrie. Il regroupe les services des ministères concernés pour mener une expertise. Durant trois ans, des pôles ont été fusionnés et d’autres ont été ajoutés. Fin 2008, les pôles étaient 71, dont 7 pôles mondiaux et 10 pôles à vocation mondiale. Parmi eux, se trouvent Minalogic en tant que pôle de compétitivité mondial, ainsi qu’Imaginove et ViaMéca comme simples pôles de compétitivité. Le GTI a été pérennisé pour assurer le suivi du développement des pôles. Il mobilise également les agences et les organismes de l’Etat en faveur des pôles, à savoir l’Oséo, l’Agence nationale de la recherche (ANR), l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et la caisse des dépôts et consignations. La mission générale du GTI est de coordonner l’action de l’Etat auprès des pôles. Il a notamment instruit les projets de contrats cadre entre les pôles et leurs partenaires publics, lors de la phase de structuration. Les contrats-cadres précisent l’organisation du pôle, sa stratégie de développement économique et sa zone de R&D avec ses moyens publics et privés. Le GTI assiste également les services déconcentrés de l’Etat. Ainsi, en 2006, il a précisé aux préfets les modalités de mise en place des pôles.

A partir de 2009, une seconde phase de pérennisation débute, durant laquelle le GTI accompagne le développement de pôles. Il est chargé de coordonner les financements de l’Etat et de suivre la mise en place des engagements financiers publics. Dans cette optique, il gère les appels à projet R&D du fonds unique interministériel (FUI) et les services déconcentrés de l’Etat lui font parvenir les questions sur le financement de l’animation ou de l’équipement des pôles. Lors du Ciact du 6 mars 2006, le FUI a été instauré pour regrouper les moyens des ministères concernés30, et il a été placé au sein du fonds de compétitivité des entreprises (FCE), dans un souci d’efficacité. En dehors de ce dispositif de soutien spécifique aux pôles, l’Etat a aussi mobilisé les politiques d’aménagement du territoire et notamment les contrats de projets Etat-Régions.

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