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Les restrictions quantitatives

Dans le document L'origine des marchandises (Page 121-128)

Les mesures de protection

I. Les restrictions quantitatives

153. Il est rare de trouver des sources doctrinales où la notion de restrictions quantitatives (contingents, quotas) bénéficierait d’une analyse scientifique distincte343. D’une manière générale par « restrictions

342 Malgré le fait que le chapeau de l’article XX du G.A.T.T. de 1947 prévoit que les mesures de protection ne doivent pas être « appliquées de façon à constituer […] des restrictions déguisées au commerce international » on constate que la prolifération des techniques restrictives déguisées s’est accentuée ces derniers temps.

343 BERR C.J., TRÉMEAU H., Le Droit douanier communautaire et national, op. cit., n° 147 ; BOUËT Antoine, Le protectionnisme. Analyse économique, Paris, Ed. Vuibert, 1998, pp. 16-18, 29-31, 103-124 ; CARREAU D., JUILLARD P., Droit international économique, op. cit., p. 168 ; FLORY Th., L’Organisation Mondiale du Commerce. Droit institutionnel et substantiel, Bruxelles, Ed. Bruylant, 1999, pp. 41-45 ; GUILLOCHON Bernard, Le protectionnisme, Paris, Ed. La Découverte, 2001, pp. 36-40 ; LOYER Jacques, La douane et le commerce extérieur, Paris, Ed. Berger-Levrault, collection L’administration nouvelle, 1977, pp. 86-90 ; PERRUCHOT Sébastien,

Protection endogène et hiérarchisation des politiques commerciales, Université Montesquieu Bordeaux IV, Mémoire de D.E.A. Economie et finance internationales, 1998, pp. 43-55 ; RAINELLI Michel, L’Organisation mondiale du commerce, Paris, Ed. La

quantitatives » on pourrait entendre la réduction de la quantité de marchandises autorisées à l’exportation ou à l’importation. Cette réduction poursuit des objectifs essentiellement économiques dictés par des raisons protectionnistes. L’application des restrictions quantitatives à l’exportation se réduit souvent à la lutte contre la pénurie de certains produits sur le marché intérieur. C’est ainsi, par exemple, que le gouvernement moldave a introduit la restriction temporaire d’exporter les produits céréaliers par sa Décision n° 476 du 19 mai 2000344. Or l’analyse des restrictions quantitatives à l’exportation n’intéresse pas la présente étude car le problème de l’origine des marchandises ne se pose pas. En revanche, l’application des restrictions quantitatives à l’importation contribue à la protection du marché intérieur et des producteurs nationaux, à la sauvegarde de l’emploi, à l’équilibre de la balance des paiements, etc. Il apparaît que l’examen des restrictions quantitatives à l’importation présenterait un vif intérêt pour cette recherche, car le problème de l’origine se pose inévitablement lors de l’introduction des marchandises sur un territoire douanier345.

154. La réglementation commerciale internationale ne prévoit aucune définition positive du terme « restriction quantitative ». Pourtant, une définition négative figure dans le texte de l’article XI, §1 du G.A.T.T. de 1947 qui interdit toutes « … restrictions autres que des droits de douane, taxes ou autres impositions, que l’application en soit faite au moyen de contingents, de licences d’importation ou d’exportation ou de tout autre procédé ». Toutefois, une série d’exceptions importantes sont prévues à la règle de l’interdiction de principe des restrictions quantitatives346.

Découverte, 7ème éd., 2004, pp. 37-41 ; O.C.D.E., Réformer les politiques agricoles : Les restrictions quantitatives de la production. Le soutien direct des revenus, Paris, Ed. O.C.D.E., 1990, pp. 13-40 ; VAULONT N., L’Union douanière de la Communauté économique européenne, op. cit., 1980, pp. 35-37.

344 La Décision du gouvernement moldave du 19 mai 2000 n° 476 concernant la réglementation de l’exportation des produits céréaliers, Monitorul Oficial n° 59 du 25 mai 2000.

345 Cf. supra, n° 109 et s.

155. L’absence d’une définition positive du terme en question a engendré une interprétation chaotique du celui-ci. Pour éviter ce fait, le Conseil du commerce des marchandises de l’O.M.C., dans l’annexe de sa Décision du 10 janvier 1996 (G/L/59), a fourni une liste de mesures considérées comme des restrictions quantitatives347. Or le cadre restreint de la présente recherche ne permet pas l’examen de toutes les mesures restrictives qui figurent dans cette liste. On se propose donc de s’arrêter sur les contingents répartis par pays, mesure dont l’application n’est pas toujours facile.

A. Les contingents répartis par pays : un élément controversé du G.A.T.T./O.M.C.

156. Les contingents répartis par pays (quotas) permettent l’importation des marchandises, mais à concurrence d’une certaine quantité, pour une période donnée348 et d’une origine bien précise. Le lien entre cette mesure et la notion d’origine est assez fort car l’application des contingents répartis par pays s’appuie entièrement sur l’origine des

restrictions quantitatives. Il peut s’agir, par exemple : des exceptions prévues par l’Accord sur l’agriculture (Annexe 1A de l’Accord instituant l’O.M.C. du 15 avr. 1994) ; des exceptions qui découlent de l’Accord sur les textiles et les vêtements (Annexe 1A de l’Accord instituant l’O.M.C. du 15 avr. 1994) ; des exceptions à des fins de balance de paiements prévus par les articles XII et XVIII, Section B du G.A.T.T. de 1947 ; des exceptions en faveur du développement prévu par l’article XVIII, Section C du G.A.T.T. de 1947 ; de l’application des mesures de sauvegarde sous forme de restrictions quantitatives prévues par l’article XIX du G.A.T.T. de 1947 et complété par le texte de l’Accord sur les sauvegardes (Annexe 1A de l’Accord instituant l’O.M.C. du 15 avr. 1994) ; des exceptions générales prévues par l’article XX du G.A.T.T. de 1947 ; des exceptions concernant la sécurité prévues par l’article XXI du G.A.T.T. de 1947.

347 La liste contient les mesures suivantes : la prohibition ; la prohibition sauf dans des conditions définies ; le contingent global ; le contingent réparti par pays ; le contingent bilatéral (contingent qui se situe en deçà d’un contingent global) ; le régime de licences automatiques ; le régime de licences non automatiques ; la restriction quantitative du fait d’un commerce d’Etat ; la réglementation concernant les mélanges ; le système de prix minima, dont le non-respect déclenche une restriction quantitative ; l’autolimitation des exportations. Voir l’annexe à la Décision du 10 janv. 1996 (G/L/59) du Conseil du commerce des marchandises de l’O.M.C. concernant Les procédures de notification des restrictions quantitatives. Le texte du document est disponible sur

http://docsonline.wto.org/gen_home.asp?language=2

348 L’application des restrictions quantitatives est souvent liée au mécanisme de délivrance de licences pour les importateurs.

marchandises importées. L’avantage de cette mesure réside dans le fait qu’elle est considérée comme plus efficace que les droits de douane et beaucoup plus souple que les prohibitions à l’importation. Le contingent réparti par pays est souvent utilisé comme une « monnaie d’échange » dans le cadre des négociations étatiques des accords commerciaux. Parmi les inconvénients de l’application de cette mesure figure le fait que le pays qui introduit un contingent devrait, en principe, être en mesure d’argumenter sa position. De façon plus exacte, pour établir les contingents à l’importation l’Etat doit bien connaître les besoins de son économie nationale en marchandises contingentées. En effet il s’agit de répartir les contingents entre les pays fournisseurs, ce qui pourrait conduire à diverses erreurs ou même à des injustices.

157. Le secteur des textiles et des vêtements est l’un des ceux où l’usage des contingents répartis par pays est le plus fréquent. Les efforts de libéralisation du commerce entrepris dans le cadre du G.A.T.T./O.M.C. se sont toujours confrontés à des obstacles particuliers dans ce secteur. Ce fait est constaté par deux accords : celui à court terme concernant le commerce international des textiles de coton de 1961 et celui à long terme concernant le commerce international des textiles de coton, qui vise la période de 1962 à 1973. Ensuite, le commerce dans ce secteur a été régi par l’Arrangement multifibres de 1974 et ce jusqu’à la fin du Cycle Uruguay (1994). Ce cadre juridique permettait l’établissement des contingents par voie d’accords bilatéraux ou par voie de mesures unilatérales afin de limiter les importations dans les pays dont les branches de production nationale risquaient de subir une expansion rapide des importations.

158. Les contingents répartis par pays représentaient l’élément le plus controversé de l’Arrangement multifibres. Son texte contredit la règle du G.A.T.T. qui encourage l’application des droits de douane par rapport aux mesures de restrictions quantitatives qui devraient être éliminées (fait prévu par l’article XI du G.A.T.T. de 1947). Ces contingents constituent donc une exception au traitement de la nation la plus favorisée, leur application créant des discriminations entre les divers pays car ils précisent la quantité de marchandises admises pour l’importation et leur origine. Il

ne fait aucun doute que l’application de l’Arrangement multifibres était contraire à la philosophie du G.A.T.T., fondée sur le principe de non discrimination. Pendant la période d’application de cet arrangement, la question du pays d’origine des marchandises est devenue d’une grande importance, car pour l’Etat importateur le seul indice qui permet de connaître le volume d’importation de marchandises contingentées est le pays de leur origine.

159. Depuis le 1er janvier 1995, l’Arrangement multifibres a été remplacé par l’Accord sur les textiles et les vêtements qui fait partie de l’Annexe 1A de l’Accord instituant l’O.M.C. Celui-ci a mis en place un processus transitoire de dix ans en vue de la suppression définitive des contingents répartis par pays. D’ailleurs c’est le seul accord de l’O.M.C. qui prévoit sa propre disparition. A partir du 1er janvier 2005 ce secteur doit s’intégrer pleinement dans le cadre des règles non discriminatoires de l’O.M.C. Il s’ensuit que depuis cette date l’application des contingents répartis par pays ne trouve pas une base légale dans ce secteur. Il va de soi que les pays importateurs n’aient plus la possibilité de discriminer les importations des textiles et des vêtements en fonction de leur origine.

160. Il est à noter que suite à la levée des quotas sur les produits textiles et les vêtements depuis début 2005, les marchés des pays développés ont été envahis par ces produits d’origine chinoise. Par exemple, l’importation dans la C.E. de chaussettes chinoises a augmenté d’une dizaine de fois par rapport à la même période de l’année précédente349. Par conséquent, des mesures spéciales ont été prises en vue de protéger le marché européen de l’invasion par les produits textiles et les vêtements d’origine chinoise. Ainsi, les autorités communautaires ont négocié avec la partie chinoise des accords selon lesquels la Chine sera conduite à autolimiter volontairement une partie de ses exportations des textiles et des vêtements vers la C.E. La crise des textiles et des vêtements a touché également les Etats-Unis et le Canada. Les gouvernements de ces pays ont conclu des accords similaires avec la Chine.

349 Il s’agit de comparer le volume des importations de produits textiles et des vêtements d’origine chinoise effectuées sur le territoire de la C.E. entre janvier - février 2004 et janvier - février 2005.

161. Le secteur des textiles et des vêtements qui avait fonctionné pendant plusieurs décennies contrairement aux principes du G.A.T.T./O.M.C. a généré une impressionnante jurisprudence350. L’analyse de celle-ci permet d’observer que le point commun de l’Arrangement multifibres et de l’Accord sur les textiles et les vêtements concerne le problème du contournement des contingents.

B. Le contournement des contingents

162. Le contournement des contingents a pris des proportions considérables pendant les dernières années d’application de l’Arrangement multifibres. L’entrée en vigueur de l’Accord successeur sur les textiles et les vêtements n’a pas fait disparaître ce problème. Dan son article 5 cet accord prévoit que les pays Membres du G.A.T.T./O.M.C. « conviennent que le contournement par le jeu de la réexpédition, du déroutement, de la fausse déclaration concernant le pays ou le lieu d’origine et de la falsification de documents officiels va à l’encontre de la mise en oeuvre du présent accord qui consiste à intégrer le secteur des textiles et des

350 Voir, par exemple : le Rapport du Groupe spécial adopté le 18 juin 1980 (L4959 -27S/132), Norvège – restriction de certains produits textiles, voir G.A.T.T./O.M.C. Recueil des contentieux du 1er janvier 1948 au 31 décembre 1999, sous la direction de CANAL-FORGUES E., FLORY Th., op. cit., Aff. n° 30, pp. 124-127 ; le Rapport de l’Organe d’appel et le Rapport du Groupe spécial (8 nov. 1996) tel que modifié par le Rapport de l’Organe d’appel (10 fév. 1997) adoptés le 25 fév. 1997, WT/DS24/R et WT/DS24/AB/R,

Etats-Unis – restrictions à l’importation de vêtements de dessous de coton et de fibres synthétiques ou artificielles en provenance de Costa Rica,Ibid., Aff. n° 79, pp. 588-621 ; le Rapport de l’Organe d’appel et le Rapport du Groupe spécial (6 janv. 1997) tel que modifié par le Rapport de l’Organe d’appel (25 avr. 1997) adoptés le 23 mai 1997, WT/DS33/R et WT/DS33/AB/R, Etats-Unis - mesures affectant les importations de chemises, chemisiers et blouses de laine tissés en provenance d’Inde,Ibid., Aff. n° 81, pp. 633-647 ; le Rapport de l’Organe d’appel et le Rapport du Groupe spécial (25 nov. 1997) tel que modifié par le Rapport de l’Organe d’appel (27 mars 1998) adoptés le 22 avr. 1998, WT/DS56/R et WT/DS56/AB/R, Argentine – mesures affectant les importations de chaussures, textiles, vêtements et autres articles, Ibid., Aff. n° 86, pp. 804-835 ; le Rapport de l’Organe d’appel et le Rapport du Groupe spécial (6 avr. 1999) tel que modifié par le Rapport de l’Organe d’appel (23 août 1999) adoptés le 22 sept. 1999, WT/DS90/R et WT/DS90/AB/R, Inde – restrictions quantitatives à l’importation de certains produits agricoles, textiles et industriels, Ibid., Aff. n° 100, pp. 1155-1171 ; le Rapport de l’Organe d’appel et le Rapport du Groupe spécial (31 mai 1999), (WT/DS34/R) tel que modifié par le Rapport de l’Organe d’appel adoptés le 19 nov. 1999 (WT/DS34/AB/R), Turquie – restrictions à l’importation de produits textiles et de vêtements, Ibid., Aff. n° 102, pp. 1184-1201.

vêtements dans le cadre du G.A.T.T. de 1994 ». Par la suite les dispositions du même article montrent que les Etats Membres du G.A.T.T./O.M.C. « devraient établir les dispositions juridiques et/ou les procédures administratives nécessaires pour faire face au contournement et le combattre ». Or, malgré un cadre réglementaire clair, le problème du contournement des contingents n’a pas pu être surmonté. Il aurait dû disparaître au 1er janvier 2005, date prévue pour la fin de l’Accord sur les textiles et les vêtements. Comme on a vu plus haut à partir de cette date le secteur concerné doit se conformer définitivement aux règles de l’O.M.C. Le fait que le 1er janvier 2005 a marqué la fin de l’application des contingents répartis par pays dans le secteur des textiles et des vêtements a fait que les Etats occidentaux, dont les marchés ont été envahis par ces produits, ont passé des accords qui imposaient aux Etats exportateurs d’autolimiter leur exportations. Or cette approche conduit pour l’essentiel aux mêmes effets que l’application des contingents répartis par pays, c’est-à-dire la limitation du volume des marchandises importées en fonction de leur pays d’origine. En d’autres termes si jusqu’au 1er janvier 2005 les entreprises des pays exportateurs des textiles et des vêtements essayaient de contourner les contingents répartis par pays, à partir de cette date il ne leur reste que de tenter le contournement des autolimitations imposées par les pays importateurs.

163. Toutefois, le problème persiste dans d’autres secteurs tels que celui de l’automobile et de l’électronique. Les cas de contournement dans ces secteurs sont moins fréquents par rapport à celui des textiles et des vêtements, mais il ne faut pas les négliger. Par exemple, il peut s’agir d’un cas similaire à celui d’un opérateur économique qui a importé en France des autoradios sous la fausse origine « Singapour », ce qui lui permettait d’échapper aux contingents repartis par pays qui affectaient alors ces produits originaires du Japon351. On propose d’inverser cet exemple en

351 Cass. Crim., 7 juin 2000, Aff. n° 99-84486, Arrêt n° 3903. A consulter également : le Règlement (C.E.) n° 518/94 du Conseil du 7 mars 1994 relatif au régime commun applicable aux importations et abrogeant le Règlement (C.E.E.) n° 288/82, J.O.C.E. n° L 067 du 10 mars 1994, p. 0077 – 0087 ; le Règlement (C.E.) n° 519/94 du Conseil, du 7 mars 1994, relatif au régime commun applicable aux importations de certains pays tiers et abrogeant les Règlements (C.E.E.) n° 1765/82, n° 1766/82 et n° 3420/83, J.O.C.E. n° L 067 du 10 mars 1994, p. 0089 – 0103.

admettant qu’un opérateur économique de bonne foi352 achète, dans des conditions similaires, les mêmes produits afin de les importer sur le territoire douanier communautaire. Au moment de l’achat le vendeur tout comme l’autorité étrangère compétente lui garantissent l’origine « Singapour », rien ne laissant penser que ces produits sont considérés comme d’origine japonaise par l’autorité douanière communautaire353. Lors de l’opération d’importation, les agents des douanes démontrent le fait que l’importateur a violé les règlements communautaires en matière d’origine des marchandises et de contingents repartis par pays. Par conséquent, des sanctions lui seront appliquées ce qui rime souvent avec de longues et lourdes procédures354.

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