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L’encadrement juridique

Dans le document L'origine des marchandises (Page 39-45)

Les notions liées à la commercialisation des marchandises

II. L’encadrement juridique

35. La législation française, par exemple, définit l’A.O. de manière confuse78. D’une part, l’article L. 115-1 du Code de la Consommation indique que « constitue une appellation d’origine la dénomination d’un pays, d’une région ou d’une localité servant à désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus au milieu géographique, comprenant des facteurs géographiques et des facteurs humains ». D’autre part, l’article L. 115-5 réserve l’appellation d’origine contrôlée79 (A.O.C.) aux produits agricoles ou alimentaires à condition qu’ils « répondent aux dispositions de l’article L. 115-1, possèdent une notoriété dûment établie et fassent l’objet de procédures d’agrément ». En conséquence, les produits agro-alimentaires pourraient obtenir une A.O.C. lorsque leur spécificité résulte de facteurs géographiques (climat, micro climat, pédologie, etc.) et de facteurs humains (traditions ancestrales de production, savoir-faire, etc.). Il faut également que les produits possèdent une notoriété et qu’ils fassent l’objet d’un agrément de la part des autorités.

77 La qualité d’un produit s’exprime généralement par plusieurs caractéristiques : il s’agit de savoir quel est l’effet positif du produit sur l’organisme du consommateur ; la consommation du produit doit exclure le risque d’intoxication ; le produit doit apporter un plaisir de nature sensorielle ; et, finalement, il doit présenter une commodité d’utilisation. Voir sur ce point LORVELLEC L., op. cit., p. 313.

78

Ibid., p. 311.

79 L’A.O.C. est une notion introduite dans le circuit normatif français pour désigner l’A.O.

Or le cadre normatif confus et les intérêts économiques majeurs80 ont donné naissance en France à une riche jurisprudence en matière d’A.O.C.81

36. Sur le plan communautaire il existe deux Règlements du Conseil n° 2081/9282 et n° 2082/9283, adoptés le 14 juillet 1992 qui constituent l’aboutissement d’une démarche fortement soutenue par la France84 engagée auprès des autorités européennes dès 1988. L’originalité de ces normes communautaires tient à la distinction faite entre les appellations d’origine protégées (A.O.P.) et les indications géographiques protégées (I.G.P.)85. Cette distinction a retenu comme critère l’intensité différente du lien au terroir86.

80 Jusqu’à fin février 2005 en France ont été reconnues plus de 467 A.O.C. dans le secteur viticole et des eaux de vie, 47 A.O.C. fromagères ou laitières et 25 A.O.C. pour des produits agroalimentaires autres que le vin et les produits laitiers. La vente de ces produits représente plus de 17 milliards d’euros par an. Source : http://www.agriculture.gouv.fr/spip/ressources.themes.alimentationconsommation.signesd equalite.lappellationdoriginecontroleeaoc_r172.html

81 Voir, par exemple, Cass. crim., 17 déc.1969, Aff. n° 69-90938, Bull. crim., n° 350 ; Cass. crim., 17 janv. 1974, Aff. n° 73-90094, Bull. crim., n° 28, p. 66 ; Cass. com., 12 juin 1978, Aff. n° 76-13980, Bull. civ., n° 160, p. 137 ; Cass. com., 18 mai 1981, Aff. n° 79-13806, Bull. civ., n° 238 ; Cass. com., 9 nov. 1981, Aff. n° 80-12943, Bull. civ., n° 386 ; Cass. com., 6 nov. 1984, Aff. n° 82-16708, Bull. civ., IV, n° 297 ; Cass. crim., 16 avr. 1985, Aff. n° 84-92541, Bull. crim., n° 139 ; Cass. 3ème civ., 23 fév. 1994, Aff. n° 92-13253, Bull. civ., III, n° 37, p. 22 ; Cass. com., 5 juil. 1994, Aff. n° 92-17534, Bull. civ., IV, n° 249, p. 197 ; Cass. 1re civ., 30 oct. 1995, Aff. n° 93-17830, Bull. civ., I, n° 386, p. 270 ; Cass. crim., 18 juin 1997, Aff. n° 96-83018, Bull. crim., n° 242, p. 802 ; Cass. crim., 18 juin 1998, Aff. n° 97-82138, Bull. crim. n° 201, p. 569 ; Cass. crim., 7 déc. 1999, Aff. n° 98-82252, Bull. crim., n° 293, p. 904 ; Cass. crim., 26 avr. 2000, Aff. n° 98-87547, Bull. crim., n° 165, p. 481 ; Cass. crim., 6 fév. 2001, Aff. n° 99-85219, Bull. crim., n° 36, p. 98 ; Cass. crim., 21 janv. 2003, Aff. n° 02-81660, Bull. crim., n° 15, p. 51 ; Cass. com., 11 janv. 2005, Aff. n° 98-17761, Bull. civ., IV, n° 6, p. 5.

82 Règlement (C.E.E.) n° 2081/92 du Conseil, du 14 juil. 1992, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires, J.O.C.E. n° L 208 du 24 juil. 1992, p. 0001-0008.

83 Règlement (C.E.E.) n° 2082/92 du Conseil, du 14 juil. 1992, relatif aux attestations de spécificité des produits agricoles et des denrées alimentaires, J.O.C.E. n° L 208 du 24 juil. 1992, p. 0009-0014.

84 Voir sur ce point BIENAYME M.-H., op. cit., p. 419.

85 L’A.O.P. et l’I.G.P. ne sont que des notions employées par la réglementation communautaire pour designer, en effet, l’A.O. et respectivement l’indication géographique (I.G.). Cf. infra, n° 40.

86 Par « terroir » il faut entendre non seulement le sol mais également le climat et les techniques spécifiques concernant l’élaboration des produits (savoir-faire).

37. L’A.O.P. peut être protégée lorsqu’elle correspond « au nom d’une région, d’un lieu déterminé ou, dans des cas exceptionnels, d’un pays, qui sert à désigner un produit […] originaire de cette région, de ce lieu déterminé ou de ce pays et dont la qualité ou les caractéristiques sont dus essentiellement ou exclusivement au milieu géographique comprenant les facteurs naturels et humains, et dont la production, la transformation et l’élaboration ont lieu dans l’aire géographique délimitée »87. En d’autres termes, l’A.O.P. se traduit par une relation entre le produit et son origine marquée par de nombreux facteurs naturels et humains. Ainsi le produit ne doit pas être reproduit en dehors de son terroir. Autrement dit, le processus de production, de transformation et d’élaboration doit avoir lieu dans l’aire géographique où sont concentrés les facteurs naturels et humains. Par exemple, l’eau de vie « Cognac » pourrait obtenir une A.O.P. car les processus de production, de transformation et d’élaboration ont lieu dans une zone géographique bien délimitée.

38. Concernant l’I.G.P., elle représente « le nom d’une région, d’un lieu déterminé ou, dans des cas exceptionnels, d’un pays, qui sert à désigner un produit […] originaire de cette région, de ce lieu déterminé ou de ce pays et dont une qualité déterminée, la réputation ou une autre caractéristique peut être attribuée à cette origine géographique et dont la production et/ou la transformation et/ou l’élaboration ont lieu dans l’aire géographique délimitée »88. Il s’ensuit que l’I.G.P. se traduit par une liaison entre le produit et son origine qui est moins forte que dans le cas d’une A.O.P. : l’I.G.P. porte sur une aire géographique à l’intérieur de laquelle seulement certaines phases de production, de transformation et d’élaboration doivent avoir lieu. Par exemple, le « Scotch Whisky » se contenterait d’avoir le statut d’I.G.P., parce que les malts qui constituent l’élément essentiel de sa production, arrivent de divers pays89.

87 L’article 2, § 2, point a), du Règlement (C.E.E.) n° 2081/92 du Conseil, du 14 juil. 1992.

88 L’article 2, § 2, point b), du Règlement (C.E.E.) n° 2081/92 du Conseil, du 14 juil. 1992.

89 Bien que ces deux exemples soient très illustratifs (« Cognac » et « Whisky »), ils ne relèvent pas des Règlements (C.E.E.) n° 2081/92 et n° 2082/92. Ces règlements ne

39. En résumant, l’I.G.P. se fonde uniquement sur les facteurs naturels tandis que l’A.O.P. s’appuie sur les facteurs naturels et les facteurs humains. Il s’ensuit que, pour une collectivité de producteurs, il est beaucoup plus difficile d’obtenir pour leurs produits le statut d’A.O.P que celui d’une simple I.G.P. La jurisprudence communautaire témoigne un vif intérêt économique pour l’application de la réglementation dans ce domaine.90

40. Sur le plan international, après les grandes expositions universelles qui ont eu lieu dans les années 1870, il est devenu nécessaire de protéger les indications géographiques (I.G.)91 et notamment les A.O. C’est ainsi qu’une série de conventions internationales ont été adoptées. Le point de départ remonte à la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 188392. Celle-ci a connu un succès considérable, étant adoptée par 157 pays. On mentionnera également l’Arrangement de Madrid concernant la répression des indications de provenance fausses ou fallacieuses93 du 14 avril 1891, qui n’a été signé que par 32 pays. Or les normes internationales entièrement dédiées à la protection de l’A.O. figurent dans le texte de l’Arrangement de Lisbonne concernant la protection des appellations d’origine et leur enregistrement

concernent que les produits agricoles ainsi que les denrées alimentaires et non pas les vins et les produits spiritueux.

90 Voir, par exemple, C.J.C.E., 9 juin 1992, Aff. n° C-47/90, Etablissement Delhaize frères et Compagnie Le Lion SA c/Promalvin SA et AGE Bodegas Unidas SA, Rec. 1992, p. I-03669 ; C.J.C.E., 10 nov. 1992, Aff. n° C-3/91, Exportur SA c/LOR SA, Rec. 1992, p. I-05529 ; C.J.C.E., 4 mars 1999, Aff. n° C-87/97, Consorzio per la tutela del formaggio c/Kaserei Champignon GmbH, Rec. 1999, p. I-01301 ; C.J.C.E., 16 mars 1999, Aff. jtes n° C-289/96, n° C-293/96, n° C-299/96, Danemark, Allemagne, France c/Commission, Rec. 1999, p. I-01541 ; C.J.C.E., 16 mai 2000, Aff. n° C-388/95, Belgique c/Espagne, Rec. 2000, p. I-03123 ; C.J.C.E., 7 nov. 2000, Aff. n° C-312/98, Schutzverband c/Warsteiner, Rec. 2000, p. I-09187 ; C.J.C.E., 20 mai 2003, Aff. n° C-469/00, Ravil Sarl c/Bellon import Sarl et Biraghi SpA, Rec. 2003, p. I-05053 ; C.J.C.E., 20 mai 2003, Aff. n° C-108/01, Consorzio del Prosciutto di Parma c/Asda Stores Ltd et Hygrade Foods Ltd, Rec. 2003, p. I-05121 ; C.J.C.E., 18 nov. 2003, Aff. n° C-216/01, Budéjovicky Budvar, narodni podnik c/Rudolf Ammersin Gmbh, Rec. 2003, p. I-13617.

91 L’I.G. n’est qu’une notion ancienne qui a été reprise par le législateur communautaire afin d’élaborer la notion d’I.G.P.

92 Voir à ce sujet ILARDI A., op. cit., pp. 45-57 ; OLSZAK N., op. cit., pp. 108 et s ; TAFFOREAU P., op. cit., pp. 429-433 ; ZHANG S., op. cit., pp. 162-170.

93 Voir à ce sujet OLSZAK N., op. cit., pp. 109 et s. ; TAFFOREAU P., op. cit.,

international94. Cet arrangement a été signé le 31 octobre 1958 puis révisé à Stockholm le 14 juillet 1967 et modifié le 28 septembre 1979. Il comporte un Règlement d’exécution qui est en vigueur depuis le 1er avril 2002. L’article 2, §1 de l’Arrangement entend par A.O. « la dénomination géographique d’un pays, d’une région ou d’une localité servant à designer un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus exclusivement ou essentiellement au milieu géographique, comprenant les facteurs naturels et les facteurs humains ». Cette définition de l’A.O. a été reprise pour l’essentiel par la réglementation communautaire et notamment par les Règlements du Conseil (C.E.E.) n° 2081/92 et n° 2082/92 mentionnés ci-dessus. Cependant, l’application de l’Arrangement de Lisbonne reste très limitée, car celui-ci n’a été signé que par 23 pays dont la France95 et la Moldavie96.

41. A l’heure actuelle, en matière de signes distinctifs (I.G. dont les A.O.97 ; marques), les Etats se regroupent en deux camps. Le premier est constitué par les pays qui ont épousé le concept français. Celui-ci a été accepté au sein de l’U.E. et met l’accent sur le développement et la protection de l’A.O. On constate avec satisfaction que la vision française en matière de signes distinctifs s’est répandue bien au-delà des frontières européennes98. Le second camp regroupe les Etats qui mettent l’accent sur la marque du produit. Il s’agit principalement de pays tels que les Etats-Unis, le Canada, l’Australie, l’Afrique du Sud, la Nouvelle Zélande, le Chili, le Mexique, etc. Lors des travaux de l’Uruguay Round (1986-1994), les Etats membres du G.A.T.T. ont dû trouver une formule qui leur

94 Voir OLSZAK N., op. cit., pp. 110-114 ; RONGA G., op. cit., pp. 425-441.

95 La France est devenue partie à l’Arrangement de Lisbonne le 25 septembre 1966.

96 La Moldavie est le seul pays de la Communauté des Etats Indépendants (C.E.I.) qui a ratifié l’Arrangement de Lisbonne. L’Arrangement est en vigueur pour ce pays à partir du 5 avril 2001. Voir la Loi moldave n° 1328-XIV du 27 oct. 2000, publiée au Monitorul Oficial n° 144-145 du 16 nov. 2000.

97 Voir LE TALLEC G., op. cit., pp. 249-255.

98 Voir, par exemple : la Loi moldave n° 588-XIII du 22 sept. 1995, publiée au Monitorul Oficial n° 8-9 de 1996 ; la Loi fédérale russe n° 3520-I du 23 sept. 1992, publiée au Rossiïskaia gazeta, n° 228 du 17 oct. 1992.

permette de réconcilier les représentants de ces deux camps. Finalement un compromis a été trouvé qui s’est traduit par l’adoption de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce99 (A.D.P.I.C.) qui fait partie de l’Annexe 1 C de l’Accord instituant l’O.M.C. En fonction de l’article 22, §1 de l’A.D.P.I.C., par « indications géographiques » il faut entendre « des indications qui servent à identifier un produit comme étant originaire du territoire d’un (pays) Membre, ou d’une région ou localité de ce territoire, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique ». En effet, l’A.D.P.I.C. assure une protection élémentaire de l’I.G. notamment en ce qui concerne la lutte contre les contrefaçons. Or l’amélioration substantielle du cadre normatif international dans le domaine de l’I.G. en général et de l’A.O. en particulier n’empêche pas l’apparition de conflits100.

42. Enfin, et malgré un cadre normatif international solide (Convention de Paris, Arrangement de Madrid et de Lisbonne, A.D.P.I.C.), il n’est pas rare que la protection de l’A.O. et de l’I.G. fasse l’objet de conventions étatiques bilatérales101

99 Voir Droit et économie de la propriété intellectuelle, sous la direction de FRISON-ROCHE Marie Anne et ABELLO Alexandra, Paris, Ed. L.G.D.J., 2005, pp. 135-183 ; ILARDI A., op. cit., pp. 85-101 ; LORVELLEC L., op. cit., pp. 331-336 ; OLSZAK N., op. cit., pp. 118-123 ; TAFFOREAU P., op. cit., pp. 419-423 ; ZHANG S., op.cit., pp. 251-352.

100 Voir, par exemple, le Rapport du Groupe spécial adopté le 15 mars 2005, (DS 290), C.E. – protection des marques et des indications géographiques pour les produits agricoles et les denrées alimentaires ; le Rapport du Groupe spécial adopté le 15 mars 2005, (DS 174), C.E. – mesures relatives à la protection des marques et des indications géographiques pour les produits agricoles et les denrées alimentaires.

101 De nombreux pays préfèrent protéger les A.O. et les I.G. par la voie des conventions ou des accords bilatéraux qui sont publiés, en règle générale, dans le Recueil des traités de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (O.M.P.I.). A titre d’exemple on peut citer quelques conventions et accords dont l’objet est la protection réciproque des A.O. Il peut s’agir de la Convention du 20 sept. 1932 conclue entre El Salvador et la France, de l’Accord du 10 juil. 1933 signé entre le Costa Rica et la France, de l’Accord du 14 mai 1974 signé entre la France et la Suisse. D’autres conventions et accords ont comme objet la protection des I.G. qui concernent notamment les vins et les produits spiritueux. C’est le cas, par exemple, de l’Accord du 24 juin 2003 signé entre la C.E. et le Canada, où la C.E. s’est engagée à protéger le « rye whisky », produit considéré exclusivement originaire du Canada. En revanche, le Canada s’est engagé à protéger les 21 I.G. européennes qui concernent le vin. La C.E. a signé des accords similaires avec l’Afrique du Sud (janv. 2002), le Chili (mai 2002), etc.

ou multilatérales102.

§ 2. Le marquage d’origine (« made in »)

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