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Les classifications et les fonctions des droits de douane

Dans le document L'origine des marchandises (Page 96-102)

L’origine, élément indispensable à l’application des mesures tarifaires

I. Les classifications et les fonctions des droits de douane

112. Deux classifications des droits de douane suscitent particulièrement l’attention de cette recherche tout en se distinguant par leur simplicité. La première classification concerne la modalité de calcul des droits de douane, tandis que la seconde vise la modalité d’établissement de ces droits.

113. Du point de vue de la modalité de calcul on peut distinguer les droits de douane ad valorem, qui représentent un pourcentage de la valeur des marchandises262 ; les droits de douane spécifiques, qui se calculent en fonction de l’unité de mesure (volume, poids, etc.) des marchandises ; les droits de douane combinés, qui cumulent l’application des droits de douane

ad valorem et spécifiques ; et enfin, les droits de douane alternatifs, qui

260 A titre d’exemple voir l’article 2, point 3, du Code des douanes de la Fédération russe adopté par la Loi fédérale n° 61/2003, publié au Recueil de la législation de la Fédération russe du 22 juin 2003, n° 22, p. 2066.

261 L’article 166 du C.D.C. prévoit que « les zones franches et entrepôts francs sont des parties du territoire douanier de la C.E. ».

262 A l’importation il s’agit de la valeur des marchandises en douane, qui est calculée selon les normes de la Convention de Bruxelles (cf. supra, n° 91-93) ou de Tokyo (cf. supra, n° 94-98) . En revanche, la valeur des marchandises à l’exportation s’établit, en règle générale, en fonction des prix constatés pour les produits similaires sur le marché intérieur (cf. supra, n° 88).

s’appliquent lorsque les autorités douanières ont le choix entre la perception des droits de douane ad valorem ou spécifiques.

114. La deuxième classification a retenu comme critère la modalité d’établissement des droits de douane. Selon cette classification on peut distinguer les droits de douane autonomes, également appelés maximaux, qui s’appliquent aux marchandises originaires des pays qui ne bénéficient pas du régime de la nation la plus favorisée263 ; les droits de douane conventionnels264 qui sont directement concernés par ce régime ; et les droits de douane préférentiels qui s’appliquent aux marchandises dont l’origine est préférentielle par rapport au pays d’importation265.

115. Pour déduire les fonctions des droits de douane il suffit d’indiquer le critère qui est pris en compte lors du calcul du montant de ces droits. En fait ce montant dépend des prix de vente des marchandises sur le marché national et international266. Ainsi, on peut distinguer la fonction de stabilisation, celle de protection et celle de stimulation. La fonction de stabilisation a comme but d’équilibrer les conditions concurrentielles qui apparaissent entre les marchandises indigènes et les marchandises d’importation sur un marché national. La fonction de protection a comme objectif de protéger le producteur national et le marché national de l’importation de marchandises des pays tiers267. Enfin, la fonction de stimulation incite l’importation de certaines marchandises qui ne sont pas produites par les producteurs nationaux ou qui sont produites en quantités insuffisantes268.

116. Après avoir passé en revue les fonctions des droits de douane il

263 Cf. supra, n° 10 ; infra, n° 135.

264 Le plus souvent ces droits sont appliqués entre les pays membres de l’O.M.C.

265 Par exemple, il pourrait s’agir des droits de douane préférentiels prévus dans le cadre du S.P.G. de la C.E.

266 Voir sur ce point DRAGANOV V.G., op. cit., pp. 285 et s.

267 Dans ce cas le montant des droits de douane est plus élevé que la différence de prix au niveau international et national.

268 Dans ce cas le montant des droits de douane est moins élevé que la différence de prix au niveau international et national.

serait utile d’apporter quelques précisions. Il est à noter que le même taux de droit de douane peut remplir des fonctions différentes. La différence qui apparaît entre les prix nationaux et internationaux fait que pour une certaine marchandise le même taux remplit la fonction de stabilisation, pour une autre celle de protection, tandis que pour encore une autre marchandise il remplit la fonction de stimulation. De plus, les gouvernements doivent tenir compte du fait qu’en fonction du changement des conditions de concurrence entre les marchandises importées et les marchandises indigènes d’un côté, et la corrélation entre les prix nationaux et internationaux de l’autre côté, il sera nécessaire de modifier les taux des droits de douane. Quoiqu’il en soit, la perception des droits de douane a comme effet principal l’augmentation du revenu budgétaire (rôle fiscal) et la protection du marché intérieur (rôle protectionniste). Il est à noter enfin qu’en règle générale les taux des droits de douane sont plus élevés dans les tarifs douaniers des pays en développement que dans les tarifs des pays développés.

II. La place des droits de douane dans le cadre du G.A.T.T. / O.M.C.

117. Selon le G.A.T.T. de 1947, les droits de douane sont regardés comme un élément important de la réglementation économique extérieure étatique. Cet Accord dispose d’un véritable « régime » des droits de douane qui représente un instrument légal de protection des marchés nationaux. Ainsi ces droits sont reconnus comme licites, doivent être consolidés (c’est-à-dire stables) et même dans certaines circonstances peuvent être augmentés.

118. Le caractère licite des droits de douane découle du texte de l’article XI, §1 du G.A.T.T. de 1947 qui montre « qu’aucune partie contractante n’instituera ou ne maintiendra à l’importation d’un produit originaire du territoire d’une autre partie contractante, à l’exportation ou à la vente pour l’exportation d’un produit destiné au territoire d’une autre partie contractante, des prohibitions ou de restrictions autres que des droits de douane, taxes ou autres impositions ». Autrement dit, si un pays membre du G.A.T.T./O.M.C. prend la décision de restreindre les échanges

commerciaux internationaux, il ne peut le faire qu’en appliquant les droits de douane ou les taxes de même nature. En d’autres termes, l’article cité ci-dessus a légalisé l’application des droits de douane au sein de l’O.M.C. Le G.A.T.T. de 1947 « …devait tirer les conséquences de cette licéité de principe des droits de douane en les soumettant à un régime juridique particulier : les droits de douane sur lesquels ont porté des négociations tarifaires sont insérés dans les listes de concessions où ils apparaissent comme des maxima consolidés (article II, §1, b) »269.

119. La consolidation des droits de douane représente l’un des principes de base de leur application. Ces derniers temps, le processus de consolidation a connu une évolution spectaculaire. Ainsi, les droits de douane consolidés représentent aujourd’hui « 99% des produits couverts pour les pays développés […] et 73% pour les pays en développement »270. Une fois repris par les pays dans leur liste de concessions, les droits de douane ne peuvent plus être modifiés unilatéralement, du moins à la hausse, et ce pendant une période de trois ans. Le principe de consolidation triennale des concessions tarifaires est bien apprécié par les opérateurs économiques car il représente un facteur de sécurité juridique important. Ainsi les entreprises ont l’assurance que leurs « efforts de prospection commerciale de certains marchés étrangers pourront s’inscrire dans la durée et ne risqueront pas d’être réduits à néant par des changements intempestifs de tarifs douaniers »271.

120. Or il se peut que cette dernière affirmation soit mise en question lorsque le recours aux restrictions commerciales est tout à fait justifié comme c’est le cas, par exemple, lors d’une crise économique. Il faut tenir compte du fait que la possibilité d’augmenter légalement les taux des droits de douane par un pays qui se confronte avec une telle crise bouleverse l’application du principe de consolidation des droits de douane. Malgré cela, le pays concerné par la crise pourrait recourir à

269 CARREAU D., JUILLARD P., Droit international économique, op. cit., p. 163.

270Ibid., p. 166.

l’augmentation de la taxation douanière. Par exemple, tel a été le cas de la France en 1955, de la Grande-Bretagne en 1964 et des Etats-Unis en 1971, pays qui ont introduit des surtaxes pour sauvegarder l’équilibre de leur balance des paiements.

121. Reste donc à s’interroger si l’article XI, §1 du G.A.T.T. de 1947 cité ci-dessus correspond à la philosophie du G.A.T.T./O.M.C., qui consiste à réduire substantiellement, voire supprimer les droits de douane ? Cette question paraît intéressante surtout que l’article XXVIII bis, §1 du G.A.T.T. de 1947 se prononce sur la réduction de l’application des droits de douane. On observe sans difficultés que l’article XI, §1 entre en conflit avec l’article XXVIII bis, §1. La disposition de ce dernier article, dont on propose de citer le texte intégralement, prévoit que « les parties contractantes reconnaissent que les droits de douane constituent souvent de sérieux obstacles au commerce ; c’est pourquoi les négociations visant, sur une base de réciprocité et d’avantages mutuels, à la réduction substantielle du niveau général des droits de douane et des autres impositions perçues à l’importation et à l’exportation, en particulier à la réduction des droits élevés qui entravent les importations de marchandises même en quantités minimes, présentent, lorsqu’elles sont menées en tenant dûment compte des objectifs du présent accord et des besoins différents de chaque partie contractante, une grande importance pour l’expansion du commerce international ». Par conséquent les États membres de l’O.M.C. pourront organiser périodiquement des négociations dont l’objectif est la réduction des droits de douane.

122. La confrontation entre l’article XI, §1 du G.A.T.T. de 1947 et l’article XXVIII bis, §1 du même accord illustre bien les intérêts antagonistes qui caractérisent les pays en développement et les pays développés. A cet égard, l’application des droits de douane, légalisés par l’article XI, §1 du G.A.T.T. de 1947, reste un support protectionniste important pour les pays en développement. Il n’est pas rare, par exemple, que ces pays produisent des marchandises qui ne soient pas concurrentielles même sur leur marché intérieur. Dans ces conditions les taux élevés des droits de douane leur permettent de protéger les producteurs nationaux et d’obtenir une source non négligeable de revenus

pour le budget étatique. Par contre, les pays développés sont très intéressés par la libéralisation des échanges commerciaux internationaux272. De leur point de vue, les droits de douane sont regardés comme des barrières importantes pour le commerce international et devraient être réduits, voire supprimés (article XXVIII bis, §1 du G.A.T.T. de 1947).

123. La politique des pays développés concernant la réduction substantielle des droits de douane a été connue bien avant la signature du G.A.T.T. de 1947. En France, par exemple, le déclin des droits de douane commence à se faire sentir à la fin du XIXème siècle273. Les engagements internationaux des Etats dans le cadre du G.A.T.T. n’ont fait qu’accélérer ce déclin. Il n’est pas étonnant qu’aujourd’hui 99 % des droits de douane soient consolidés. En effet, leur consolidation « entraînait […], au moins pour certains produits, des sacrifices considérables, en empêchant l’ajustement de la protection tarifaire aux nécessités de la conjoncture économique »274. Sans doute, le processus de réduction des droits de douane a connu une évolution impressionnante. Ainsi « …la moyenne des droits de douane ad valorem s’établissait aux alentours de 40% en 1947, celle-ci ne sera plus - pour les produits industriels - que de 3,8 % (pour les pays développés) à la suite de la mise en oeuvre des négociations du cycle de l’Uruguay »275.

124. Il est à noter également que dans le cadre de l’O.M.C. le rôle principal est joué par les Etats développés (Etats-Unis, Canada, Japon, Australie, pays membres de l’U.E., etc.). Il ne faut pas oublier que ces pays financent la plupart des frais de cette organisation. Même si théoriquement

272 La libéralisation des échanges commerciaux internationaux se heurte toujours à la résistance de ceux qui risquent de perdre les privilèges sous forme de protection contre la concurrence des importations. Voir sur ce point O.C.D.E., Politique commerciale et de la concurrence : une comparaison des objectifs et méthodes, Paris, Ed. O.C.D.E., 1994, p. 16.

273 Depuis 1860 la France perd progressivement la maîtrise de son tarif douanier en raison de ses engagements internationaux. Voir sur ce point TRÉMEAU H., Douane et économie. L’héritage du passé. Les problèmes d’aujourd’hui. Les perspectives d’avenir, Thèse, Université de Paris, Faculté de droit et des sciences économiques, 1967, pp. 33 et ss.

274 TRÉMEAU H., op. cit., p. 34.

275 Voir CARREAU D., JUILLARD P., Droit international économique, op. cit., pp. 165 et s.

tous les Etats membres de l’O.M.C. sont égaux en droits, les pays développés auront toujours plus de possibilités de promouvoir leurs propres intérêts, qui ne coïncident que rarement avec ceux des pays en développement276. De plus, il convient de préciser que le cadre normatif du G.A.T.T./O.M.C. permet aux Etats développés de veiller à ce que les gouvernements des pays en développement limitent ces interventions dans leurs politiques tarifaires277.

125. Malgré le fait qu’on assiste au déclin des droits de douane, ils resteront sans doute un outil important de la réglementation économique extérieure. En d’autres termes l’époque de la protection tarifaire, où les droits de douane apparaissent comme un élément clé, est loin d’être finie278.

Dans le document L'origine des marchandises (Page 96-102)