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Les quatre conditions indispensables

Dans le document L'origine des marchandises (Page 181-188)

L’origine non préférentielle

I. Les quatre conditions indispensables

245. Afin de mieux comprendre l’application du critère de la transformation substantielle employé par le régime non préférentiel il est

491 Voir, par exemple, C.J.C.E., 26 janv. 1977, Gesellschaft für Überseehandel m.b.H. c/Handelskammer Hamburg, Aff. n° 49/76, Rec. 1977, p. 41, relatif à l’origine de la caséine brute ayant été soumise au nettoyage et à la mouture ; C.J.C.E., 31 janv. 1979,

Yoshida Nederland BV c/Kamer Van koophandel en Fabrieken voor Friesland, Aff. n° 34/78, Rec. 1979, p. 115, relatif à l’origine des fermetures à glissière ; C.J.C.E., 31 janv. 1979, Yoshida GmbH c/Chambre de Commerce et d’Industrie de Kassel, Aff. n° 114/78, Rec. 1979, p. 151, relatif à l’origine de fermetures à glissière ; C.J.C.E., 23 mars 1983,

Procédure Pénale contre Paul Cousin et autres, Aff. n° 162/82, Rec. 1983, p. 1101, relatif à l’origine de fils de coton non conditionnés pour la vente au détail, soumis à différentes opérations de finissage ; C.J.C.E., 23 fév. 1984, Zentralgenossenschaft des Fleischergewerbees e G. (Zentrag) c/Hauptzollamt Bochum, Aff. n° 93/83, Rec. 1984, p. 1095, relatif à l’origine des viandes désossées, dénervées, dégraissées, découpées en morceaux et empaquetées ; C.J.C.E., 13 déc. 1989, Brother International GmbH c/Hauptzollamt Giessen, Aff. n° C-26/88, Rec. 1990, p. 4253, relatif à l’origine de machines à écrire électroniques faites d’assemblage d’éléments séparés préalablement fabriqués.

nécessaire de procéder à l’examen des quatre conditions prévues par l’article 24 du C.D.C. cité ci-dessus.

A. La dernière transformation substantielle

246. Dès sa première décision concernant la dernière transformation substantielle - il s’agit de l’arrêt « Caséine »493 - la C.J.C.E. a dû trancher sur une controverse fondamentale. Cette controverse opposait les adeptes du critère temporel à ceux du critère matériel. Comme le notent MM. F. DEHOUSSE et Ph. VINCENT, « les premiers mettaient l’accent sur l’adjectif dernière plutôt que sur l’adjectif substantielle494. Les seconds considéraient qu’il fallait d’abord examiner la substantialité de la transformation, ce qui constituait évidemment un test plus technique »495. Finalement, la C.J.C.E. a retenu ce second point de vue. Selon elle, « la dernière transformation ou ouvraison visée à l’article 5 du Règlement n° 802/68 n’est substantielle que si le produit qui en résulte présente des propriétés et des compositions spécifiques propres qu’il ne possédait pas

493 C.J.C.E., 26 janv. 1977, Gesellschaft für Überseehandel m.b.H. c/ Handelskammer Hamburg, préc. Il convient d’exposer ici brièvement les faits de cette affaire. La « Société Gesellschaft für Uberseehandel mbH (G.U.H.) importait régulièrement d’U.R.S.S. et de Pologne de la caséine brute sous forme de particules de tailles diverses. Le produit était ensuite moulu à différents degrés de finesse, trié et emballé avant d’être vendu en vue de son utilisation dans l’industrie. Jusqu’en 1972, la Handelskammer (Chambre de Commerce de Hambourg) avait délivré des certificats d’origine désignant la R.F.A. comme pays d’origine de la caséine traitée par la société G.U.H., mais à partir de juin 1972, elle a considéré que le nettoyage, la mouture, le triage et l’emballage du produit ne constituent pas des opérations qui lui confèrent une origine déterminée, selon l’article 5 du Règlement n° 802/68. La Cour saisie du litige rappelait qu’il ressort de l’ordonnance de renvoi qu’il n’est pas contesté que l’ouvraison ou la transformation à laquelle est soumise la caséine brute constitue une opération effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et qui est économiquement justifiée puisqu’elle s’avère nécessaire pour l’utilisation industrielle du produit. Le litige portait donc essentiellement sur la question de savoir si ladite opération constitue une transformation ou ouvraison substantielle au sens de l’article 5 du Règlement n° 802/68, aboutissant à la fabrication d’un produit nouveau ou représentant un stade important de fabrication ». Voir FAMCHON Yves et Mireille, op. cit., p. 177.

494 Voir sur ce point les conclusions de l’avocat général Warner concernant l’affaire « Caséine » présentées le 12 janv. 1977. C.J.C.E., 26 janv. 1977, Gesellschaft für Überseehandel m.b.H. c/Handelskammer Hamburg, préc.

avant cette opération »496 (point 6 de l’arrêt « Caséine »). Le même point de l’arrêt ajoute que « les opérations affectant la présentation du produit aux fins de son utilisation, mais n’entraînant pas une modification qualitative importante de ses propriétés, ne sont pas susceptibles de déterminer l’origine dudit produit »497. Finalement, la C.J.C.E. a conclu que « le nettoyage et la mouture d’un produit de base, tel que la caséine brute importée de pays tiers dans un Etat membre, ainsi que le triage et le conditionnement du produit obtenu, ne constituent pas une transformation ou ouvraison substantielle au sens de l’article 5 du Règlement n° 802/68 et ne confèrent pas audit produit une origine communautaire selon ce règlement »498.

247. Le fait que la C.J.C.E. ait mis l’accent sur l’adjectif « substantielle » et non pas sur l’adjectif « dernière » a été réaffirmé dans l’arrêt « Zentrag »499. Recourant à une analyse similaire, la Cour a décidé que « le fait de désosser, dénerver, dégraisser, découper en morceaux et empaqueter sous vide la viande de bœuf (d’origine hongroise) ne confère pas à celle-ci l’origine du pays où ces opérations ont eu lieu (Autriche) »500. Autrement dit, selon la Cour, toutes ces opérations n’apportaient aucun changement substantiel à la viande de bœuf d’origine hongroise. Le seul fait que « ces opérations avaient apportées 22 % de valeur ajoutée à la viande ne suffisait pas pour justifier l’attribution à celle-ci d’une origine autrichienne (il fallait au minimum 45%). Cette viande ne

496 C.J.C.E. 26 janv. 1977, Gesellschaft für Überseehandel m.b.H. c/Handelskammer Hamburg, préc.

497

Idem.

498 C.J.C.E. 26 janv. 1977, Gesellschaft für Überseehandel m.b.H. c/Handelskammer Hamburg, préc.

499 C.J.C.E. 23 fév. 1984, Zentralgenossenschaft des Fleischergewerbees e G. (Zentrag) c/Hauptzollamt Bochum, préc.

500

pouvait donc bénéficier des préférences tarifaires concédées par la Communauté à l’Autriche dans leur accord de libre-échange de 1972 »501.

B. La justification économique de la transformation

248. La condition suivante qui figure dans le texte de l’article 24 du C.D.C. prévoit que toute transformation substantielle en vue d’acquérir une autre origine doit être « économiquement justifiée »502. Cependant, comme le notent à juste titre le Professeur C.J. BERR et H. TRÉMEAU, l’interprétation officielle de ce terme est bien absente. Il semble d’après ces auteurs que « l’on doive voir dans cette condition le souci des autorités communautaires de déjouer les détournements de trafic dictés uniquement par des considérations financières, administratives, politiques, etc., qui aboutiraient à fausser la politique commerciale de la C.E. »503. Ils ajoutent également que « s’il apparaissait que la transformation d’une marchandise originaire d’un certain pays a été effectuée dans un autre pays sans que l’opération ait une justification économique (coûts inférieurs, meilleure technicité du traitement par exemple), l’origine du pays de transformation ne serait pas acquise »504.

249. L’idée d’un possible détournement des dispositions communautaires en matière d’origine a inspiré les auteurs de l’article 25 du C.D.C. qui prévoit l’hypothèse de l’acquisition frauduleuse de l’origine. Aux termes de cet article, « une transformation pour laquelle il est établi, ou pour laquelle les faits constatés justifient la présomption, qu’elle a eu pour seul objet de tourner les dispositions applicables, dans la Communauté, aux marchandises de pays déterminés, ne peut en aucun cas

501 DEHOUSSE F., VINCENT Ph., op. cit., p. 55.

502 Une transformation peut être considérée comme économiquement justifiée sans pour autant être substantielle.

503 BERR C.J., TRÉMEAU H., Le Droit douanier communautaire et national, op. cit., n° 194.

504

être considérée comme conférant, au titre de l’article 24 de C.D.C., aux marchandises ainsi obtenues l’origine du pays où elle est effectuée ».

250. Pour donner un exemple, on propose de s’intéresser à l’affaire « Brother »505 qui a soulevé la question du contournement des dispositions communautaires en matière d’origine par des procédés d’assemblage. On remarquera avec intérêt que dans cette affaire la C.J.C.E. devait se prononcer sur le transfert de l’assemblage des composants (d’origine japonaise) des machines à écrire électroniques dans un autre pays (Taiwan), à savoir s’il a eu pour seul objet de tourner les dispositions communautaires applicables concernant les droits antidumping. On constate par la suite que l’article 24 du C.D.C. ne précise pas dans quelle mesure les diverses opérations, y compris celles d’assemblage, sont susceptibles d’être qualifiées de transformation substantielle. Cependant, il résulte du texte de l’article 38 des D.A.C. que ne doit pas être considérée comme transformation substantielle, les opérations qui ne contribuent en rien ou qui ne contribuent que faiblement à donner aux marchandises leurs caractéristiques ou propriétés essentielles506. Il pourrait s’agir, par exemple, des « manipulations destinées à assurer la conservation en l’état des produits pendant leur transport et leur stockage » ; des « opérations simples de dépoussiérage, de criblage, de triage, de classement, d’assortiment, de lavage, de découpage » ; du « changement d’emballage » ; de la « simple mise en sacs, en étuis, en boîtes » ; de la « simple réunion de parties de produits en vue de constituer un produit complet ».

505 Voir C.J.C.E., 13 déc. 1989, Brother International GmbH c/Hauptzollamt Giessen, préc. Concernant cette affaire il faut mentionner qu’en effectuant des vérifications en septembre 1986 auprès de la société Brother International, les autorités allemandes ont établi que les machines à écrire électroniques importées par cette société du Taiwan et déclarées sous origine taiwanaise au moment de leur introduction sur le territoire douanier communautaire étaient en réalité d’origine japonaise. Voir le Règlement (C.E.E.) n° 1698/85 du Conseil du 19 juin 1985, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de machines à écrire électroniques originaires du Japon, J.O.C.E. n° L 163 du 22 juin 1985 p. 0001 – 0011.

506 Les opérations simples d’assemblage sont celles qui « n’exigent pas de personnel possédant une qualification particulière pour les travaux en cause, ni un outillage perfectionné ni des usines spécialement équipées aux fins de l’assemblage. De telles opérations ne sauraient, en effet, être considérées comme susceptibles de contribuer à donner aux marchandises en cause leurs caractéristiques ou propriétés essentielles ». Voir C.J.C.E., 13 déc. 1989, Brother International GmbH c/Hauptzollamt Giessen, préc.,

251. Toutefois, il est possible qu’une opération d’assemblage soit regardée comme constitutive d’origine lorsqu’elle représente « le stade de production déterminant au cours duquel est concrétisée la destination des composants utilisés et au cours duquel sont conférées à la marchandise en cause ses propriétés qualitatives spécifiques »507. Or, compte tenu de la variété des opérations relevant de la notion d’assemblage, il y a des situations où « l’examen sur la base de critères d’ordre technique peut ne pas être concluant pour la détermination de l’origine d’une marchandise. Dans ces cas, il y a lieu de prendre en considération la valeur ajoutée508 par l’assemblage comme critère subsidiaire »509.

252. Finalement, dans l’affaire « Brother » la Cour a établi que le transfert de l’assemblage dans un autre pays « ne justifie pas à lui seul la présomption selon laquelle ce transfert a eu pour seul objet de tourner les dispositions applicables, sauf s’il existe une coïncidence temporelle entre l’entrée en vigueur de la réglementation pertinente et le transfert de l’assemblage »510. Dans ce dernier cas, il appartiendra à l’opérateur économique concerné d’apporter la preuve d’un « motif raisonnable »511, autre que celui d’échapper aux conséquences découlant des dispositions en cause, pour la réalisation des opérations d’assemblage dans le pays à partir duquel les marchandises ont été exportées.

507 Voir C.J.C.E., 13 déc. 1989, Brother International GmbH c/Hauptzollamt Giessen, préc., point 19.

508 Concernant l’application du critère de la valeur ajoutée, le point 22 de l’arrêt de la C.J.C.E., 13 déc. 1989, Brother International GmbH c/Hauptzollamt Giessen, préc.,

précise que l’ensemble des opérations d’assemblage doit « entraîner une augmentation sensible de la valeur marchande, au stade départ usine, du produit fini. A cet égard, il convient d’apprécier, dans chaque cas d’espèce, si l’importance de la valeur ajoutée dans le pays d’assemblage justifie, par comparaison avec la valeur ajoutée dans d’autres pays, l’attribution d’origine du pays d’assemblage ».

509 Voir C.J.C.E., 13 déc. 1989, Brother International GmbH c/Hauptzollamt Giessen, préc., point 20.

510 Voir C.J.C.E., 13 déc. 1989, Brother International GmbH c/Hauptzollamt Giessen, préc., point 29.

511

C. La réalisation des transformations dans une entreprise équipée à cet effet

253. La troisième condition prévue par l’article 24 du C.D.C. concerne la réalisation des transformations dans une entreprise équipée à cet effet. Cette condition a pour but « d’empêcher que ne soit présentée comme originaire d’un pays une marchandise provenant d’une entreprise qui, manifestement, n’aurait pas pu effectuer dans ce pays la transformation correspondante »512. Or, cette condition ne joue qu’un rôle peu significatif dans le processus de détermination de la substantialité d’une transformation. Cela a été mentionné à plusieurs reprises lors des procédures devant la C.J.C.E.513

D. L’aboutissement du processus de transformation

254. La dernière condition prévue par l’article 24 du C.D.C. concerne l’aboutissement du processus de transformation à la fabrication d’un produit nouveau ou représentant un stade de fabrication important. La réalisation de cette condition implique, en effet, deux cas alternatifs. Dans le premier cas, pour qu’une transformation soit considérée comme substantielle, elle doit aboutir à la fabrication d’un produit nouveau. Cela peut signifier que suite à la fabrication, les propriétés originelles des produits composants disparaissent, ce qui fait que le nouveau produit acquière des propriétés spécifiques nouvelles. Dans le second cas, même si un produit nouveau n’a pas été obtenu, la transformation peut être considérée comme substantielle lorsqu’elle présente un stade de fabrication important.

512 Dossiers pratiques, Douane. Réglementation communautaire et nationale, op. cit., p. 305.

513 Voir, par exemple, les conclusions de l’avocat général Warner dans l’affaire « Caséine » (C.J.C.E., 26 janv. 1977, Gesellschaft für Überseehandel m.b.H. c/ Handelskammer Hamburg, préc.), présentées le 12 janv. 1977 et de l’avocat général Slynn dans l’affaire « Cousin » (C.J.C.E., 23 mars 1983, Procédure Pénale contre Paul Cousin et autres, préc.), présentées le 9 fév. 1983.

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