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L’origine des marchandises – un élément indispensable à l’application des droits préférentiels

Dans le document L'origine des marchandises (Page 109-115)

134. Il est difficile de contester le fait que l’application des mesures tarifaires308 s’appuie sur la notion d’origine des marchandises. Ainsi, «l’intérêt le plus immédiat qui s’attache à affecter à une marchandise donnée une origine déterminée est lié à la diversification géographique des taux de droits de douane prévus par un tarif douanier »309. Peu importe alors que les droits de douane préférentiels soient prévus par des accords de libre échange conclus entre les Etats (cadre conventionnel) ou qu’ils soient

307 Cf. supra, n° 10 ; infra, n° 135.

308 L’application des mesures tarifaires est laissée à la charge des diverses institutions étatiques (Ministère de l’économie, Douanes, etc.) qui sont responsables du commerce extérieur du pays. Ces mesures concernent directement les opérateurs économiques qui participent aux échanges commerciaux internationaux.

accordés de manière autonome (cadre non conventionnel). Il est à noter que plus l’écart entre les taux des droits de douane appliqués pour la même position tarifaire310 est important, plus l’intérêt qui s’attache à la détermination de l’origine est grand311 (§1). Par conséquent les opérateurs économiques doivent prendre en compte l’origine des marchandises bien avant l’opération d’importation (§2).

§1. Les enjeux liés à l’application des droits de douane

différentiels

135. Le fait que les taux des droits de douane diffèrent pour la même position tarifaire peut paraître assez curieux, surtout que le traitement de la nation la plus favorisée312 est un principe clé du G.A.T.T./O.M.C.313 Or

310 Cf. supra, n° 74 et ss.

311 Dans le cas où les taux des droits de douane pour la même position tarifaire ne diffèrent pas ou peu, l’origine des marchandises perd alors de sa fonction tarifaire.

312 L’application du traitement de la nation la plus favorisée « remonte au XIIIème

siècle. Ainsi, dans le traité de paix et de commerce du 5 octobre 1231 entre la République de Venise et le Bey de Tunis, ce dernier s’engageait à l’égard des marchands vénitiens et pour l’imposition douanière à ne leur appliquer aucun traitement différent où plus onéreux que ce qui était exigé des autres chrétiens ». Voir CARREAU D., JUILLARD P., Droit international économique, op.cit., p. 175.

313 Le traitement de la nation la plus favorisée constitue l’un des piliers des échanges commerciaux internationaux. Cette clause prévoit un traitement non discriminatoire à l’importation pour les marchandises étrangères indifféremment de leur pays d’origine. Avant 1947 le traitement de la nation la plus favorisée n’existait que dans le cadre des accords commerciaux bilatéraux. Cependant, depuis l’apparition du G.A.T.T. de 1947 cette clause s’applique entre tous les Etats membres qui ont signé ou adhéré à cet accord. Le traitement de la nation la plus favorisée pourrait être défini comme « la disposition conventionnelle selon laquelle les pays contractants acceptent de s’octroyer mutuellement le bénéfice des avantages commerciaux supplémentaires qu’ils viendraient à accorder ultérieurement à des pays tiers soit de manière inconditionnelle soit sous condition de réciprocité », voir CARREAU D., JUILLARD P., Droit international économique, op. cit., p. 175. En vertu de l’article Ier, §1 du G.A.T.T. de 1947, le traitement de la nation la plus favorisée s’applique comme suit : « tous avantages, faveurs, privilèges ou immunités accordés par une partie contractante à un produit originaire ou à destination de tout autre pays seront, immédiatement et sans condition, étendus à tout produit similaire originaire ou à destination du territoire de toutes les autres parties contractantes ». Cette disposition concerne notamment : « les droits de douane et les impositions de toute nature perçus à l’importation ou à l’exportation ou à l’occasion de l’importation ou de l’exportation, ainsi que ceux qui frappent les transferts internationaux de fonds effectués

actuellement il existe un écart important entre l’application de ce principe et les réalités quotidiennes. Cela est d’autant plus vrai dans la mesure où ce traitement connaît deux grandes exceptions : celle en faveur des intégrations économiques régionales314 et celle concernant l’octroi des préférences à l’importation pour les pays en développement.

136. Il est à noter que les pays développés recourent souvent à l’établissement de mesures de discrimination positive ce qui leur permet d’accorder des préférences tarifaires aux marchandises originaires des pays en développement. Cette exception au traitement de la nation la plus favorisée trouve comme support la distinction qui se fait entre les marchandises qui bénéficient et celles qui ne bénéficient pas du régime préférentiel à l’importation. L’exception en question ne fait que légaliser l’application du régime d’origine préférentielle dans le cadre du G.A.T.T./O.M.C., régime qui se fonde sur des taux des droits de douane différentiels appliqués pour la même position tarifaire.

137. Il est vrai que ces dernières décennies les grandes nations industrialisées ont souvent mis l’accent sur l’octroi des régimes préférentiels aux pays en développement. Cependant, on peut observer qu’actuellement cette exception s’applique plus souvent que le principe lui-même. Par exemple, à présent « 60 % des échanges commerciaux externes

en règlement des importations ou des exportations ; le mode de perception de ces droits et impositions ; l’ensemble de la réglementation et des formalités afférentes aux importations ou aux exportations » (article Ier, §1 du G.A.T.T. de 1947) ; ainsi que les mesures relatives à la fiscalité intérieure sur les produits importés et relatives à la commercialisation de ces produits (article Ier, §1 du G.A.T.T. de 1947 renvoi à l’article III, §2 et §4 du même Accord). L’article III, §2 du G.A.T.T. de 1947 montre que les produits d’un pays Membre de l’O.M.C. importés sur le territoire d’un autre pays membre « ne seront pas frappés, directement ou indirectement, de taxes ou autres impositions intérieures, de quelque nature qu’elles soient, supérieures à celles qui frappent, directement ou indirectement, les produits nationaux similaires ». Quant à l’article III, §4 du G.A.T.T. de 1947, il indique que « les produits du territoire de toute partie contractante importés sur le territoire de toute autre partie contractante ne seront pas soumis à un traitement moins favorable que le traitement accordé aux produits similaires d’origine nationale en ce qui concerne toutes lois, tous règlements ou toutes prescriptions affectant la vente, la mise en vente, l’achat, le transport, la distribution et l’utilisation de ces produits sur le marché intérieur. Les dispositions du présent paragraphe n’interdiront pas l’application de tarifs différents pour les transports intérieurs, fondés exclusivement sur l’utilisation économique des moyens de transport et non sur l’origine du produit ».

de la C.E. se déroulent dans un cadre préférentiel »315. Ceci explique en grande partie le regain d’intérêt suscité par l’origine des marchandises.

138. Dans ces conditions l’octroi des régimes préférentiels accompagné par une position géographique favorable rend certains pays particulièrement intéressants. Il pourrait s’agir de cas comme celui de la Moldavie316. Après avoir affirmé ces intentions intégrationnistes européennes317, ce pays bénéficie depuis le 1er janvier 2006 d’un régime préférentiel (« S.P.G.+ » de la C.E.)318. En effet, cela signifie que la barrière tarifaire a été considérablement réduite pour l’importation des marchandises d’origine moldave sur le territoire douanier de la C.E. D’ailleurs, la Moldavie et la Géorgie sont les seuls pays de la C.E.I. qui bénéficient d’un tel régime. Ainsi, la Moldavie présente aujourd’hui un avantage considérable pour les opérateurs économiques étrangers qui s’installent dans ce pays. L’argumentation tiendrait au fait que dans la plupart des cas les produits d’origine moldave pourront être importés sur le marché de la C.E. et sur celui de la C.E.I.319 tout en bénéficiant des droits de douane réduits ou à taux zéro.

315 DEHOUSSE F., VINCENT Ph., op. cit., pp. 4 et s.

316 Cf. infra, n° 298 et ss.

317 Voir la Décision du gouvernement moldave n° 356 du 22 avr. 2005 concernant l’approbation du plan d’actions entre la Moldavie et l’U.E., Monitorul Oficial n° 65 du 29 avr. 2005.

318 Cf. infra, n° 297. Voir le Règlement (C.E.) n° 980/205 du Conseil du 27 juin 2005, portant application d’un schéma de préférences généralisées, J.O.U.E. n° L 169 du 30 juin 2005. Voir également la Décision (C.E.) n° 924 de la Commission du 21 déc. 2005, relative à la liste des pays bénéficiaires remplissant les conditions pour un régime spécial d’encouragement en faveur du développement durable et de la bonne gouvernance, prévue par l’article 26, point e), du Règlement (C.E.) n° 980/2005 du Conseil portant application d’un schéma de préférences tarifaires généralisées, J.O.U.E. n° L 337 du 22 déc. 2005.

§2. L’origine des marchandises : une donnée essentielle

à prendre en compte

139. Les opérateurs économiques qui pratiquent les échanges commerciaux internationaux de marchandises se trouvent souvent dans une situation assez délicate. D’un côté, les marges liées à la production sont de plus en plus modestes suite à la modernisation, à la robotisation, etc. De l’autre côté, l’uniformisation du coût de production dans divers pays oblige les entreprises à s’intéresser à la taxation préférentielle.

140. Il ne laisse aucun doute que les taux des droits de douane320 appliqués à l’importation dépendent étroitement de l’origine des marchandises : pour des marchandises similaires bénéficiant dans le premier cas d’un traitement préférentiel et dans le second cas d’un traitement non préférentiel, les taux des droits de douane ne seront pas les mêmes. Cela explique d’ailleurs la raison pour laquelle les opérateurs économiques cherchent à bénéficier d’un régime préférentiel à l’importation. Ainsi, les entreprises essayent de s’accommoder au nouveau climat qui règne dans le commerce international. Celui-ci les oblige à prendre en compte l’origine des marchandises bien avant le déroulement de l’opération d’importation.

141. Or l’octroi massif des régimes préférentiels par les pays développés peut dans certains cas conduire à la délocalisation des entreprises occidentales321. Il faut prendre en considération le fait que ce processus a pris ces derniers temps une ampleur considérable. Une bonne part d’entreprises historiquement installées dans les pays développés cherchent à délocaliser vers les pays en développement ou vers ceux en

320 Les droits de douane constituent ce que l’on pourrait appeler « l’élément légal de la taxation douanière, par opposition aux caractéristiques concrètes de la marchandise qui permettent de déterminer lors de chaque opération le montant de la dette individuelle ». Voir BERR C.J., TRÉMEAU H., Le Droit douanier communautaire et national, op. cit., n° 122.

321 La délocalisation des entreprises inquiète surtout l’électorat ouvrier des pays développés. L’octroi des préférences tarifaires, qui stimule en quelque sorte le processus de délocalisation, peut avoir des conséquences politiques, économiques et sociales graves pour ces mêmes pays. Voir sur ce point DAVID François, Les échanges commerciaux dans la nouvelle économie mondiale, Paris, Ed. P.U.F., 1994, pp. 185-196.

transition. Pour justifier ce choix les opérateurs économiques occidentaux avancent souvent deux arguments. Selon le premier, les coûts de production (force de travail et énergie moins chères, souvent l’absence de revendications syndicales, etc.) sont beaucoup moins élevés par rapport aux pays développés, ce qui d’ailleurs n’est pas à écarter. Par exemple, à la fin du mois, un ouvrier chinois ou indien touche un salaire qui est beaucoup moins élevé par rapport au salaire d’un ouvrier français. L’argument second tient au fait que la marchandise se verra appliquer des droits de douane préférentiels, souvent à taux zéro, à condition que l’opérateur économique apporte la preuve de l’origine préférentielle de celle-ci par rapport au pays d’importation322. Par exemple, tout en sachant que les marchandises originaires d’un pays membre de la C.E. sont fortement taxées à leur importation sur le territoire de la Fédération russe, une entreprise française pourrait envisager de délocaliser la ligne de production en Moldavie, ce qui permettrait au produit fini d’acquérir l’origine moldave. Par la suite cette marchandise bénéficiera d’un régime préférentiel de nature conventionnelle à son importation sur le territoire douanier russe323.

322 Cet argument reste également valable concernant l’application des mesures non tarifaires.

Chapitre II.

Le rôle de l’origine dans l’application des mesures

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