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Chapitre I : Des élus inégaux face à l’accès aux mandats de délégués intercommunau

Section 3 : Les différents facteurs de l’inégale accession à la fonction exécutive des EPC

B. Les ressources socioprofessionnelles des responsables exécutifs intercommunau

Les études consacrées aux origines socioprofessionnelles des élus, non seulement se suivent et se ressemblent, mais elles soulignent aussi de façon systématique leur manque de représentativité vis-à-vis de la population française372. La population des présidents et des vice-présidents des différents établissements publics de coopération intercommunale que nous avons étudiée semble ne pas échapper à cette règle. Nous avons voulu revisiter, à une échelle locale, certaines variables du point de vue sociologique d’un certain nombre de chefs des exécutifs intercommunaux, dix ans après l’étude réalisée par Rémy Le Saout, menée au niveau national. En 1998, s’appuyant sur un échantillon de présidents d’établissements publics de coopération intercommunale, ce dernier cherche à appréhender le processus d’autonomisation du pouvoir intercommunal vis-à-vis d’autres formes de pouvoirs locaux et principalement le pouvoir municipal. Il en vient à démontrer que la dynamique de la coopération intercommunale a fait du pouvoir intercommunal un pouvoir partiellement autonome, surtout par rapport au pouvoir municipal. Car selon lui, le pouvoir intercommunal

371 Pourquoi la parité en politique reste-t-elle un enjeu pour la démocratie française ?, Rapport au Premier

Ministre de Marie-Jo Zimmermann, députée UMP de Moselle, rapporteuse générale de l’Observatoire de la Parité, mars 2003.

372 COSTA Olivier et KERROUCHE Eric, Qui sont les députés français ? Enquête sur les élites inconnues,

parvient à « définir lui-même ses propres principes de fonctionnement, de légitimité et d’autorité ». 373 Nous saisissant de certaines variables socioprofessionnelles, nous avons voulu savoir si elles ont une signification dans l’accession aux responsabilités exécutives intercommunales. Autrement, il est question ici, d’appréhender le poids de ces variables dans la conquête du pouvoir intercommunal.

Tout d’abord, il convient de noter que, contrairement à ce que l’on pourrait supposer, comme d’ailleurs le stipule l’article L. 5211-9 du Code général des collectivités territoriales selon lequel « le président est l’organe exécutif de l’établissement public de coopération intercommunale » c’est plutôt le bureau communautaire composé du président et des vice- présidents, qui constitue dans la pratique l’exécutif intercommunal. Dans la réalité, ces derniers assument collectivement les responsabilités exécutives intercommunales, contrairement au maire qui à l’échelle municipale est le véritable chef de l’exécutif municipal. Au niveau municipal, son pouvoir mayoral ne souffre d’aucune contestation. C’est dans cette optique que nous avons envisagé l’analyse des conditions d’accession aux responsabilités exécutives intercommunales.

Tableau n°21 : La répartition par catégories socioprofessionnelles des présidents et vice-présidents des EPCI à fiscalité propre

Catégories socioprofessionnelles

Présidents des exécutifs intercommunaux

Vice-présidents des exécutifs intercommunaux

Agriculteurs exploitants Aucun élu 3 élus

Artisans, commerçants et chefs d’entreprise 2 élus 10 élus Cadres et professions intellectuelles supérieures 6 élus 29 élus

Professions intermédiaires Aucun élu 19 élus

Employés Aucun élu 3 élus

Ouvriers Aucun élu Aucun élu

Retraités 4 élus 33 élus

Sans profession 1 élu 2 élus

Les résultats de notre recherche mis en exergue dans le tableau n°21 se basent sur 14 EPCI pour lesquels 13 présidents sur 14 et 99 vice-présidents sur 114 ont répondu à la question concernant les catégories socioprofessionnelles.

L’analyse des conditions d’accès aux responsabilités exécutives intercommunales permet de dégager des « variables lourdes » au niveau de la position socioprofessionnelle. A l’instar des conseillers communautaires qui doivent disposer de certaines ressources dans la compétition du « 3ème tour » du scrutin municipal, des logiques de sélection sont également à l’œuvre dans ce «4ème tour » des élections municipales. En théorie, tous les conseillers communautaires peuvent prétendre de façon légitime à prendre part à la compétition

373 LE SAOUT Rémy, Le pouvoir intercommunal. Sociologie des présidents des établissements intercommunaux, op.cit., p. 7.

intercommunale pour accéder aux fonctions de présidents et de vice-présidents d’un établissement public de coopération intercommunale, mais en réalité, une division s’opère entre les conseillers communautaires.

L’analyse des catégories socioprofessionnelles des présidents des EPCI retenue dans notre recherche révèle tout d’abord une surreprésentation des professions intellectuelles supérieures, et des retraités. Les présidents exerçant des professions intellectuelles supérieures représentent presque 50% et les retraités tournent autour de 30%. Nous remarquons ainsi qu’ils sont représentés dans la même proportion que les conseillers communautaires. De plus, nous avons pu, dans certains, cas connaître la profession exercée auparavant et remarquer que bon nombre de retraités appartenaient aux classes intellectuelles supérieures.

Si plus d’un tiers des présidents des exécutifs intercommunaux ne sont plus en activité, c’est qu’au-delà de leur âge ils sont souvent en situation de cumul de mandats locaux et que l’exercice des responsabilités exécutives intercommunales avec un autre mandat exécutif local, nécessite un travail important.

« Aujourd’hui, l’exercice de la fonction de présidence d’un établissement public de coopération de taille importante, comme par exemple une communauté d’agglomération demande un gros investissement. C’est quasiment un travail à plein temps. Vous savez, avec le transfert de plus en plus croissant des compétences communales vers les EPCI à fiscalité propre, l’élu communautaire, surtout, s’il est président doit travailler beaucoup. Les dossiers communautaires sont nombreux. Il faut les gérer tous ». 374

Les propos de ce directeur d’une communauté d’agglomération révèlent sans doute l’ampleur des tâches qui incombent au président d’une structure intercommunale et l’importance de la ressource « temps disponible ». La disponibilité en temps joue certainement à leur avantage. La position socioprofessionnelle des vice-présidents des EPCI présente des similitudes avec celle des présidents. En effet, les professions intellectuelles supérieures et les retraités sont tout autant importants parmi les élus communautaires qui assument les fonctions de vice-présidence de l’EPCI. Ils représentent environ respectivement 30% et 34%. Cette recherche permet encore une fois de consolider l’image d’un système pyramidal des EPCI. La partie supérieure de l’édifice demeure exclusivement détenue par les retraités et les professions intellectuelles supérieures. A l’échelon le plus important, le panachage socioprofessionnel que nous pouvions encore remarquer chez les élus communautaires disparaît.

Toutefois, il convient de faire remarquer que l’on trouve plus de présidents en situation de cumul que de vice-présidents et ceux dans le sens du cumul horizontal, c’est-à- dire, des élus communautaires qui exercent de façon concomitante un mandat de conseiller local avec une fonction d’exécutif local. Cette différence au niveau de la détention d’autres mandats exécutifs locaux opère une partition entre les conseillers communautaires titulaires qui veulent exercer la fonction exécutive intercommunale. Nous observons ainsi que parmi les présidents et les vice-présidents, il n’y a pas de conseiller communautaire suppléant. La détention d’un mandat de délégué communautaire suppléant ne semble donc pas déterminante

374 Extrait de l’entretien avec Dominique Dufresnes, directeur général des services de la communauté

pour accéder à une fonction de présidence ou de vice-présidence de l’EPCI. Pourtant, il siège au conseil communautaire avec voix délibérative en remplacement du titulaire empêché.

La conquête de l’exécutif intercommunal au-delà même de son mode d’élection indirecte est un enjeu de pouvoir. D’autres logiques entrent en jeu quant à la désignation du chef de l’exécutif de la structure intercommunale. En d’autres termes, l’accession au pouvoir intercommunal favorise les candidats qui disposent de plus de ressources politiques que leurs pairs. Même si un président d’EPCI est presque toujours un maire, l’élection à la présidence d’un EPCI lui confère le statut de « super-maire ». Il acquiert une position qui présente un enjeu politique pour les partis politiques. En effet, le président d’un établissement public de coopération intercommunale, quel que soit le type d’EPCI à fiscalité propre, peut désormais parrainer un candidat à l’élection présidentielle. En outre, la fonction de présidence de l’EPCI offre l’opportunité à son détenteur d’engager un leadership politique à l’échelle d’un territoire plus vaste.

A la lecture du tableau n°21 certaines catégories socioprofessionnelles comme les agriculteurs, les artisans, commerçants, chefs d’entreprise, ouvriers et employés ne figurent pas parmi les présidents. Cependant les vice-présidents représentent mieux les différentes strates de la population même si ces professions ne semblent pas constituer des réserves pour l’exercice des responsabilités exécutives au sein des structures intercommunales. Leur statut social apparaît statistiquement peu prédictif dans la conquête des responsabilités exécutives intercommunales, notamment pour le poste de président. Quant aux « sans profession », sauf cas vraiment exceptionnel, ils se voient exclus de la compétition pour accéder aux exécutifs intercommunaux. Mais, il faut souligner que parmi les catégories sur-représentées, figurent également les professions intermédiaires. Notons enfin que nos recherches laissent apparaître une palette plus diversifiée chez les vice-présidents grâce aux communautés de communes. Ces dernières souvent constituées des villages du Haut-Pays offrent un accès plus facile aux exécutifs intercommunaux car elles souffrent d’un déficit d’effectifs et doivent mobiliser toutes les volontés.

Par ailleurs, les présidents et les vice-présidents présentent une homogénéité dans leurs trajectoires professionnelles. Et, les conseillers communautaires suivent des trajectoires professionnelles relativement similaires à celles de ces derniers. Il y a donc de fortes ressemblances sur le plan de la situation socioprofessionnelle entre les élus qui accèdent au conseil communautaire et ceux qui accèdent aux responsabilités exécutives intercommunales, en l’occurrence, les présidents et les vice-présidents. Néanmoins, à situation socioprofessionnelle égale, les élus communautaires n’accèdent pas aux mêmes responsabilités stratégiques au sein des EPCI à fiscalité propre car il y a d’autres logiques qui jouent dans la répartition du pouvoir intercommunal.

L’analyse de la composition socioprofessionnelle des conseillers communautaires qui accèdent aux postes de président et de vice-président des établissements publics de coopération intercommunale met bien en exergue que certaines variables participent à la structuration de l’accès à ces mandats pourvoyeurs en retour de nouvelles ressources tant politiques que financières. La dynamique de l’émergence des EPCI à fiscalité propre permet non seulement, à une catégorie d’élus communautaires les mieux dotés à l’échelle sociale d’acquérir de nouvelles responsabilités politiques à l’échelle intercommunale mais aussi de consolider leurs anciennes positions de pouvoir dans d’autres espaces politiques locaux,

l’intercommunalité participant au renforcement des distorsions entre élus et la population active.

De plus, les ressources culturelles des « élus des élus » dévoilent une catégorie de présidents et de vice-présidents surqualifiés et viennent confirmer une fois de plus, la prégnance des mécanismes de sur-sélection à l’œuvre dans les logiques de recrutement du personnel politique intercommunal, et plus particulièrement dans la sélection des conseillers communautaires exerçant des responsabilités exécutives intercommunales.

Tableau n°22 : Répartition des présidents et vice-présidents selon le dernier diplôme obtenu

Dernier diplôme obtenu Présidents des exécutifs

intercommunaux

Vice-présidents des exécutifs intercommunaux Aucun diplôme, BEPC,

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