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Chapitre I : Des élus inégaux face à l’accès aux mandats de délégués intercommunau

BEPC, CAP, BEP

13 élus, soit 9,7% 9 élus, 12,2% 22 élus, soit 10,6% 56,62% 57,40%

Bac général ou professionnel

47 élus, soit 35% 30 élus, soit 40,5%

77 élus soit 37% 17,28% 17%

Etudes supérieures 74 élus, soit

53,8%

35 élus, soit 47,3%

109 élus, soit 52,4% 26,10% 25,60%

Total 134 74 100% 100%

Source pour les villes de Nice et de Grasse : Le recensement de l’Insee de 2008

La répartition par diplôme semble confirmer les proximités sociales que nous avons relevées. Les élus intercommunaux qu’ils soient titulaires ou suppléants présentent un profil de formation caractérisé par une sur-qualification. Dans le détail des résultats, les conseillers communautaires titulaires qui possèdent un niveau de formation égal à bac + 3 et plus, représentent 53,80%. Chez les conseillers communautaires suppléants, ils sont un peu moins de 50% à détenir le même niveau de formation.

Nous remarquons ainsi que plus de la moitié de la population ne se voit pas représentée au sein du conseil communautaire puisqu’elle y représente moins de 11%. Les EPCI favorisent donc les élus ayant un niveau d’éducation élevé. L’étude menée par Eric Kerrouche sur les conseillers municipaux français confirme nos données. En effet selon ses recherches « s’agissant du niveau d’éducation, celui-ci est plutôt élevé puisque seuls 28,2% de nos répondants sont titulaires d’un diplôme inférieur à celui du baccalauréat, ce qui est assez compréhensible en raison de la répartition trouvée plus haut qui fait la part belle à des professions exigeant un bon niveau de diplôme »343. L’accès au conseil communautaire vient renforcer le poids de cette variable dans la sélection du personnel politique intercommunal. Ainsi, il existe une corrélation entre la détention d’un capital culturel élevé et la possibilité offerte à certains conseillers municipaux d’accéder à un mandat de délégué intercommunal, même si formellement tout élu municipal peut accéder au poste de conseiller communautaire.

La réflexion sur la qualification est aussi un élément nécessaire à toute réflexion sur l’accentuation de la professionnalisation liée à la mise en place des établissements publics de coopération intercommunale. La qualification a souvent été reconnue comme le préalable de la professionnalisation.344

D’ailleurs si nous abordons la question sous cet aspect, nous rompons avec cette théorie fort répandue de la démocratie qui veut que chaque citoyen puisse exercer une

343

KERROUCHE Eric, « Les conseillers municipaux : photographie d’un peuple méconnu », Pouvoirs locaux, n°88, 1/2011, p. 98.

responsabilité élective345. Au vu des chiffres obtenus, il est loisible de faire l’hypothèse d’une corrélation au moins partielle entre les niveaux de qualification repérés, la complexification des modes de gestion du gouvernement local et la professionnalisation de plus en plus importante des fonctions électives, qu’elles soient directes ou indirectes à l’échelle locale.

En valeur absolue, les personnes très diplômées ne sont peut-être pas les plus compétentes, mais elles bénéficient du prestige lié aux études, à la capacité de s’exprimer, à l’esprit de synthèse, à cette possibilité de se sentir décomplexé que confère parfois le savoir dans l’arène publique face à des complexes presque héréditaires des populations peu ou pas diplômées. Ainsi Christian Le Bart souligne le « prestige lié à la détention de diplômes, la disponibilité et la maîtrise de l’agenda, la possession d’une clientèle professionnelle source de notoriété comme conditions de l’éligibilité idéalement remplies ».346 Il en est de même pour les enseignants très diplômés dont l’accès au pouvoir s’explique par « le temps libre, la réputation de compétence ».347 Il semblerait que l’on assiste à l’apparition d’un nouveau type de notables bien dotés en ressources éducatives et professionnelles avec l’institutionnalisation de l’intercommunalité.

En effet, la décentralisation en même temps qu’elle a permis le transfert de nombreuses prérogatives aux élus locaux, a aussi contribué à modifier profondément la gestion publique locale348 permettant ainsi le retour des notables. L’intercommunalité vient accentuer la sophistication de l’élaboration des politiques publiques locales. Cette dernière demande de la part des élus qu’ils possèdent un certain niveau de formation mesuré par le diplôme obtenu, car la conduite des établissements publics de coopération intercommunale en termes gestionnaires nécessite la détention d’un nombre de savoir-faire par les conseillers communautaires, nécessité ancrée dans l’inconscient collectif, peut-être, et dans un sentiment qui fait que les peu diplômés éprouvent parfois un sentiment d’infériorité face aux diplômés.

La gouvernance de l’intercommunalité installe ainsi une logique supplémentaire contraignante de gestion des politiques publiques locales349 avec de nombreux transferts de compétences communales aux EPCI à fiscalité propre et fait émerger de nouvelles problématiques du gouvernement local. Les élus locaux doivent donc s’adapter à cette nouvelle donne en montrant leur capacité d’appropriation des nouveaux enjeux intercommunaux.

Nous pouvons témoigner du niveau de formation sans cesse recherché par les élus locaux dans les organisations professionnelles. L’expérience acquise à l’échelle municipale liée aux années passées en tant que conseiller municipal se transforme en formation professionnelle continue350 et empirique transposable sur le terrain intercommunal. A défaut

345 LE BART Christian, Les maires : sociologie d’un rôle, Lille, Les Presses Universitaires du Septentrion, 2003,

222 p.

346 Ibidem., p. 189. 347 Ibid., p. 193.

348 HERTZOG Robert, « L’élu local et la dépense publique : un entrepreneur entre performance et économies »,

in Bidegaray Christian, Cadiou Stéphane, Pina Christine (dir.), L’élu local d’aujourd’hui, Grenoble, PUG, 2009, pp. 95-111.

349 LE GALES Patrick, « Du gouvernement des villes à la gouvernance urbaine », RFSP, volume 45, n°1, 1995,

pp. 57-95.

350 GUERIN-LAVIGNOTTE Elodie et KERROUCHE Eric, « Vers un statut professionnel des élus municipaux

donc d’une formation institutionnelle351, la formation professionnelle continue constituerait donc un atout ou une plus-value pour les candidats aux mandats de conseillers communautaires.

Les données recueillies sur le niveau de ressources culturelles des conseillers communautaires, qu’ils soient titulaires ou suppléants montrent qu’ils se distinguent des autres élus municipaux : il s’agit d’une population plus diplômée. Les EPCI semblent évoluer constamment entre continuité voire accentuation des mécanismes de sélection municipale et rupture. Nous pouvons parler de continuité des dynamiques locales car le diplôme joue beaucoup dans la sélection des adjoints par exemple, mais rupture aussi car la palette plus ample de représentativité de la population à travers les élus communaux se réduit considérablement.

Le facteur « temps » reste important car les réunions très souvent en début d’après- midi des conseils communautaires et des commissions intercommunales de travail favorisent les professions aptes à gérer leur temps ou pouvant se mettre facilement en disponibilité. Toutefois, la lourdeur des dossiers, l’exigence de s’en approprier et de pouvoir en discuter, leur complexité agit comme un filtre qui laisse de côté les élus communaux ayant peu étudié. La composition des conseils communautaires des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) fournit une image inversée du niveau de formation des français. Alors que selon l’INSEE, en 2008, près de 72% de la population française possède un niveau inférieur ou égal au baccalauréat, dans l’échantillon plus de 89% des conseillers communautaires des structures intercommunales ont un niveau d’étude supérieur ou égal au baccalauréat.

Nous pouvons donc conclure que seule une partie de l’élite intellectuelle accède aux organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale. Comme dans les variables précédentes, les conseils communautaires se distinguent des conseils municipaux où la population reste mieux représentée. On assiste ainsi à une construction pyramidale des mandats électifs. Cette image pyramidale de la sélection intercommunale confirme les conclusions tirées par Michel Koebel pour lequel « l’enracinement local était une des

351 L’article L. 2123 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que « les membres d’un

conseil municipal ont droit à une formation adaptée à leurs fonctions ». En effet, dans les trois mois qui suivent son renouvellement, le conseil municipal délibère sur l’exercice du droit à la formation de ses membres. Il détermine les orientations et les crédits ouverts à ce titre. Un tableau récapitulant les actions de formation des élus financées par la commune est annexé au compte administratif. Il donne lieu à un débat annuel sur la formation des membres du conseil municipal. Ce droit est également reconnu au profit des membres des organes délibérants des communautés d’agglomération, des communautés urbaines et des communautés de communes. Les élus salariés, fonctionnaires ou contractuels, ont droit à un congé de formation de 18 jours pour toute la durée de leur mandat et ce quel que soit le nombre de mandats qu’ils détiennent. En outre, les communes- membres d’un EPCI peuvent transmettre à ce dernier la compétence « formation ». Ce transfert entraîne alors de plein droit la prise en charge par le budget de l’EPCI des frais de formation. Dans les six mois suivant le transfert, l’organe délibérant délibère sur l’exercice du droit à la formation des élus des communes-membres et détermine les orientations et les crédits ouverts à ce titre. Un tableau récapitulant les actions, comme au conseil municipal, est annexé au compte administratif et donne lieu à un débat annuel sur la formation des élus des communes- membres.

conditions sine qua non pour une carrière longue en politique »352 mais qui « constate avec stupéfaction que la reproduction sociale du système politique évolue dans le sens d’un rétrécissement de l’accès à la politique locale »353. Ainsi, selon lui, « le capital culturel, économique et social est un facteur déterminant dans la sélection des élites politiques locales »354.

352

KOEBEL Michel, Le pouvoir local ou la démocratie improbable, Broissieux, Editions du Croquant, 2006, p. 45.

353 Ibidem., p. 63. 354 Ibid., p. 78.

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