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L’émergence de l’intercommunalité entre compromis Etat-élus et permanence des conflits politiques locau

PREMIERE PARTIE

LES FACTEURS LOCAUX DE CREATION DES EPCI ET LES LOGIQUES DE RECRUTEMENT DU PERSONNEL POLITIQUE INTERCOMMUNAL

A. L’émergence de l’intercommunalité entre compromis Etat-élus et permanence des conflits politiques locau

Il s’agit ici de mieux appréhender les liens entre Etat et élus face à l’apparition de changements institutionnels importants. Comment et pourquoi certaines lois se mettent-elles difficilement en place ? Peut-on formuler l’hypothèse d’une part que l’élu local réussit à bloquer ou ralentir certains processus et que d’autre part, cette attitude se voit renforcée dans les Alpes-Maritimes.

C’est en 1992 que la mise en place de l’intercommunalité s’accélère. Ni les créations autoritaires comme les communautés urbaines, ni les fusions volontaires par incitations financières ne réussissent à séduire les collectivités territoriales. Face à ces échecs, l’Etat doit trouver des solutions pour relancer l’intercommunalité car cet « échec est en soi révélateur de l’exception française »142, celle de « l’attachement historique et sentimental des français à leurs communes ».143

Si le processus s’accélère, c’est que dès 1992 « l’intercommunalité a changé de perspectives ».144 L’Etat a compris que « le regroupement basé sur une réforme autoritaire est perçu comme anti-démocratique et politiquement inconcevable » et que « les 500 000 élus locaux constituent un creuset particulièrement riche pour l’exercice de la démocratie ».145 L’Etat décide ainsi de provoquer la démarche volontariste car si « la fusion entraîne la disparition de la commune, l’EPCI permet à la commune de déléguer des compétences »146 et de continuer à exister.

Le texte de 1992 sur l’administration territoriale de la République, puis celui du 12 juillet 1999 relatif au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale génèrent ainsi un mouvement important de création de nouvelles structures de coopération intercommunale à fiscalité propre, en particulier de groupements percevant la taxe professionnelle unique.147 La loi du 12 juillet 1999 remodèle la physionomie intercommunale sur la base des objectifs de la loi de 1992 qui étaient entre autres, de trouver une solution au morcellement communal (« éternellement » considéré comme un handicap du territoire national dans le cadre de la compétition économique européenne et mondiale), de moderniser

142

LOGIE Gérard, L’intercommunalité au service du projet de territoire, Paris, Editions Syros, 2000, p. 15.

143 RODRIGUES-GARCIA Silvina, Complexité territoriale et aménagement de l’intercommunalité française au sein de l’Union européenne, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 95.

144 BERNARD-GELABERT Marie-Christine, L’intercommunalité, Paris, L.G.D.J, 2004, p. 6. 145

CASCALES M., « La coopération intercommunale, une exigence centenaire », in Nemery J.C, Wachter S. (sous la direction de). Entre Europe et la décentralisation, les institutions territoriales françaises, La Tour

d’Aigue, DATAR, 1993, p. 77.

146 BERNARD-GELABERT Marie-Christine, op. cit., p. 6.

147 La taxe professionnelle unique (TPU) créée par la loi d’orientation n° 92 – 125 du 6 février 1992 relative à

l’administration territoriale de la République, est réformée par la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale. La TPU, appelée aussi taxe professionnelle d’agglomération car sa terminologie n’était pas définie dans les textes, consiste en un partage de la fiscalité entre les communes et le groupement auxquelles elles appartiennent. Les communes perçoivent les impôts ménages (taxe d’habitation et les deux taxes foncières), le groupement perçoit la taxe professionnelle unique. La loi de finances pour 2010 (loi n°2009-1673 du 30 décembre 2009) remplace la TPU par la contribution économique territoriale (CET).

les modalités de coopération intercommunale, de transformer les structures locales, même si cette ambition n’est pas un phénomène récent.148

La loi de 1992 s’est heurtée surtout au poids de la résistance de certains élus locaux. Les communautés de villes appelées à remplacer les districts dans la loi de 1992 n’ont pas connu de succès auprès des élus. En effet, de la loi ATR de 1992 à celle de 1999, cinq communautés de villes seulement voient le jour. Mais la loi du 12 juillet 1999 réussit à supprimer progressivement les districts et à opérer la transformation des communautés de villes en communautés de communes ou en communautés d’agglomération.

La loi Chevènement de 1999 à la différence de celle de 1992, introduit une hiérarchie démographique, la transformation des communautés de villes en communautés d’agglomération et la suppression des districts, préconisée par la loi ATR de 1992, mais jamais réalisée à cause des « logiques d’arrangements » 149 (les stratégies que les élus déploient pour orienter les lois intercommunales en fonction de leurs intérêts politiques) entre élus locaux dominants150. La relance de l’intercommunalité par la loi de 1999 est aussi en partie liée au constat de l’échec de l’application de la loi ATR en milieu urbain. Si l’on considère que la loi Chevènement de 1999 affine et poursuit le chemin ouvert par la loi ATR de 1992, alors l’EPCI, comme le met en évidence Silvina Rodrigues-Garcia, « en ce qui concerne les acteurs locaux, contribue à rassurer les communes sur la simple instrumentalité de ce mode de coopération »151. La loi Chevènement de 1999 consolide ainsi la démarche volontariste sans négliger l’effet d’aubaine puisqu’elle s’appuie sur un important effort financier de l’Etat (250 francs par habitant en moyenne). De plus, elle se base sur des territoires plus pertinents, met fin à l’opposition monde rural/monde urbain des fusions en créant la communauté d’agglomération.

Comme le dit Nadine Dantonel-Cor, le fait que la loi Chevènement « intervient sept ans après la loi ATR de 1992 » prouve la « réelle difficulté de regroupement des communes françaises ». Cette loi réussit enfin à « remédier aux incohérences, non pas normatives, mais plutôt relatives aux tentatives diverses des élus locaux de contourner la législation, ou tout simplement de l’interpréter le plus largement possible »152.

Si la loi ATR a connu un succès réel, quoique inégal selon les régions et les départements, en milieu rural par la création de nombreuses communautés de communes, très peu de communautés de villes ont été, cependant, créées en application de cette loi. L’une des raisons explicatives de la faiblesse des communautés de villes en application de la loi ATR est, semble-t-il, liée au poids des revendications portées par les personnalités de premier rang, c’est-à-dire, les député-maires des grandes et petites villes. Ces derniers, en revendiquant leur légitimité d’accès aux sphères de décisions en tant qu’élites urbaines, ont contribué aux modifications apportées à la loi.

148 KERROUCHE Eric, L’intercommunalité en France, Paris, Montchrestien, 2008, 156 p.

149 GUERANGER David, « Structuration des pouvoirs locaux et réforme de l’intercommunalité » in Politiques et Management Public, volume 18, n° 3, septembre 2000, pp. 121-134.

150 Par élus locaux dominants, nous entendons les élus de la même catégorie (députés-maires de grandes villes,

député-maires de petites villes, député-présidents de conseils régionaux ou généraux).

151

RODRIGUES-GARCIA Silvina, op. cit., p. 102.

152 DANTONEL-COR Nadine, L’avenir de l’intercommunalité après les réformes récentes, Nancy, PUN, 2001,

Par exemple, certaines grandes associations d’élus locaux telles que l’Association des Districts de France, l’Association des Présidents de Communauté Urbaine, l’Association des Maires des Grandes Villes de France ont fait valoir leur légitimité sur les sujets intercommunaux en revendiquant le droit aux mêmes avantages fiscaux que les nouveaux établissements de coopération intercommunale, à savoir le remboursement accéléré de la TVA et de la taxe professionnelle de zone dont bénéficient les communautés de communes et les communautés de villes. Ces luttes révèlent que la coopération entre territoires communaux s’engage aussi à partir d’intérêts économiques et financiers. En ce sens, les élus adoptent des attitudes qui pérennisent la défense des intérêts liés aux positions locales qu’ils occupent. C’est ainsi qu’à l’issue de négociations et « arrangements », le régime fiscal des communautés de villes a finalement été étendu aux anciennes formes de coopération intercommunale.

Les stratégies mises en œuvre par les élus consistant à prendre part à la lutte politique, notamment au sein de l’institution parlementaire, aboutissent à l’adoption de lois relatives à l’intercommunalité prenant en compte les intérêts et les attentes des élus locaux, et notamment le maintien de leur statut de maires ou de conseillers généraux. Il importe pour les élus de préserver ces échelons politiques locaux qui représentent une étape importante vers d’autres échelons régionaux ou nationaux. Les analyses sociologiques sur la production des politiques intercommunales montrent que les lois relatives à l’intercommunalité résultent avant tout d’un compromis passé entre l’Etat et les élus locaux153. Ils disposent des capacités de mobilisation et d’intervention pour négocier auprès de l’Etat et parvenir ainsi à orienter les politiques intercommunales. Ces ressources viennent de multiples associations d’élus qui fonctionnent comme de véritables groupes de défense d’intérêts corporatistes, associations composées exclusivement d’acteurs politiques souvent très « multipositionnels ». En effet, « étant pour la majorité d’entre eux des élus locaux », grâce au cumul des mandats, « les parlementaires sont les premiers concernés par l’application d’une loi relative à l’intercommunalité »154.

C’est ainsi que certaines inflexions très nettes apportées aux textes de loi de 1992 et de 1999, révèlent même des stratégies plus individuelles poursuivies par certains élus locaux dans l’institution des EPCI à fiscalité propre « nouvelle formule ». Par exemple, des élus locaux réussissent à influer sur le texte de 1992 dans un sens plus favorable à leur communauté de communes. David Gueranger155 rappelle que le député-maire de Saint-Dié- les-Vosges dans le département des Vosges, Christian Perret, maire de la commune depuis 1989, déposera quelques amendements visant à réduire de 30 000 à 20 000 habitants les seuils de population nécessaires à la création d’une communauté de ville. La commune de Saint- Dié-Les-Vosges appartenait alors à un établissement de coopération dont la population se situait entre 20 000 et 30 000 habitants. Cet exemple illustre un contexte de morcellement des divers intérêts en présence qui reflète l’extrême diversité des situations locales où certains élus locaux mieux dotés en ressources politiques (cumul de mandats, fort enracinement

153

LE SAOUT Rémy, Intercommunalité, démocratie et pouvoir local, Thèse pour le doctorat en sociologie, Nantes, 1996 ; LE LIDEC Patrick, Les Maires dans la République. L’association des maires de France, éléments

constitutifs des régimes politiques français depuis 1907, Thèse pour le doctorat en science politique, Paris,

2001 ; DESAGE Fabien, Le consensus communautaire contre l’intégration intercommunale, Thèse pour le doctorat en science politique, Université de Lille 2, 2005.

154 MARCOU Gérard, « L’application de la loi du 12 juillet 1999. Stratégies et problèmes de mise en œuvre », Annuaire des collectivités locales, n°1, 2000, p. 11.

politique local, capacité de négociation, statut de politique professionnel) « apprivoisent » les textes relatifs à l’intercommunalité dans l’intérêt de leur collectivité.

Cependant, à trop envisager l’intercommunalité en surplomb et ne la lire que dans une optique nationale au travers des lois intercommunales largement influencées par des élus regroupés dans des réseaux associatifs, n’oublie-t-on de la considérer pour ce qu’elle est : une insertion dans la permanence des conflits politiques, enjeu de pouvoir local ? En effet, il ne va pas de soi que les accords réalisés entre l’Etat et un groupe d’élus locaux produit les mêmes effets à l’échelle locale. L’émergence de l’intercommunalité à l’échelle locale répond à d’autres logiques. Le département des Alpes-Maritimes est un exemple révélateur de cette situation. En effet, des premières lois intercommunales des années 1960 à celles des années 1990, le département des Alpes-Maritimes, hormis les syndicats intercommunaux traditionnels, s’est illustré contrairement à d’autres départements156 par un vide intercommunal.

Entre 1992 (date de la loi ATR) et 1999 (date de la loi Chevènement), il n’existait pas d’intercommunalité intégrée (district, communauté urbaine, syndicat d’agglomération nouvelle…) dans le département des Alpes-Maritimes. Ce qui veut dire que si, à l’échelle parlementaire, les élus réussissent à infléchir les lois intercommunales en leur faveur à travers des compromis, leur application sur le terrain local rencontre d’autres réalités liées au contexte politique local.

Département « monochrome » dominé par la droite, cette situation aurait dû naturellement permettre à des élus de même tendance politique de s’associer dans les structures de coopération intercommunales. Nous avons plutôt assisté à l’effet inverse. Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer l’absence d’EPCI, notamment de communautés de villes issues de la loi de 1992, dans le département. D’une part, nous pouvons noter le poids des enjeux de pouvoir qui influe sur la mise en place des EPCI car les élus locaux ne veulent pas perdre leurs positions de pouvoir. D’autre part, les conflits politiques et personnels freinent toute velléité de réforme intercommunale locale en termes de création de structures intercommunales intégrées indépendamment des compromis nationaux. Ces luttes politiques et personnelles sont menées pour la maîtrise des territoires, « conflits dans lesquels les Alpes-Maritimes semblent être passées maîtres ».157 Les propos de Pierre Merli, maire UDF d’Antibes de 1971 à 1995 et député de la 7ème circonscription des Alpes- Maritimes de 1988 à 1997, révèlent les jeux et enjeux de pouvoir personnel par-delà les préoccupations intercommunales des années 1990 :

« Député d’un territoire, en l’occurrence la 7ème circonscription, depuis de nombreuses années, je pense que les communautés de villes ou toute structure intercommunale semblent

156

Selon la préfecture de la région Provence-Alpes Côte d’Azur (PACA), la coopération intercommunale était très faible dans cette région lors de la parution de la loi sur l’intercommunalité de 1998 comparée aux autres régions françaises. La préfecture de la région PACA faisait le constat que les intercommunalités étaient partout de trop petite taille.

157 BIDEGARAY Christian et PINA Christine, « Les élections municipales et cantonales comme enjeux de

pouvoir : l’exemple des Alpes-Maritimes », in Bidegaray Christian et Pina Christine (dir.), L’élu local

pour le moment prématurées. Il faut d’abord réfléchir et aller vers celles-ci avec beaucoup de maturité… ». 158

Les mots « prématurées » et « maturité » prouvent bien ce recul pris par l’élu face à la mise en place des EPCI, cet état d’attente, d’observation comme si l’on voulait voir comment cela se passe ailleurs avant de se lancer.

Dans la mandature législative de 1993-1997, dominée localement par l’UDF et le RPR, une telle posture cache en réalité des préoccupations politiques personnelles, l’affrontement de personnes, l’intense rivalité entre élus d’un même bord plus qu’entre élus de bords opposés. La mise en œuvre locale de l’intercommunalité se trouve alors, dans un premier temps, reléguée au second plan. Ainsi le contexte local conditionne fortement l’émergence de l’intercommunalité. L’interaction conflictuelle d’acteurs politiques locaux qui cherchent à imposer une définition de la situation conforme à leurs intérêts et à leur position influe sur la création des EPCI et sur la mise en œuvre des EPCI. Un exemple illustratif est la situation des maires (Breil-sur-Roya, Fontan, Saorge, La Brigue, Tende) de la Vallée de Roya qui luttent contre leur rattachement à la CARF avec laquelle « ils n’ont pas d’intérêts en commun ».159 Au-delà de l’affrontement de personnes, de la rivalité entre élus du département, le statut quo maintenu par les acteurs politiques locaux pour préserver et consolider leurs avantages acquis par rapport à la production des politiques intercommunales nous fait penser au modèle de l’ « homo œconomicus » selon lequel les individus sont égoïstes et dotés d’un « ensemble déterminé de préférences ou de goûts et se comportent de façon complètement utilitaire pour maximiser la satisfaction de ces préférences, souvent à un haut niveau de stratégies qui présuppose un nombre important de calculs ».160 On pourrait donc expliquer ce « comportement utilitaire » des élus maralpins et leur immobilisme dans la politique intercommunale de ces années 1990 par leur penchant à préserver « l’ordre politique institutionnel » existant. Il est difficile de tout prouver car il faut fréquenter le cercle fermé des élus pour consolider certaines de nos affirmations. En effet, comme le disent Christian Bidegaray et Christine Pina « les élections locales souffrent d’un désintérêt certain dans la littérature politologique »161.

D’autres raisons pourraient être avancées pour expliquer le désintérêt des élus du département affiché à l’égard de la première phase fondatrice de l’intercommunalité, bien que cette dernière ait apporté de nouveaux apports avec la loi ATR de 1992. La première raison, nous semble-t-il, est liée à la structuration du pouvoir départemental. En effet, la réticence des élus à cette séquence de l’intercommunalité traduit leur volonté de préserver et stabiliser les territoires cantonaux, car certains d’entre eux sont à la fois maires et conseillers généraux. Les découpages cantonaux successifs162 n’ont fait que consolider le pouvoir départemental et

158

Extrait des propos de Pierre Merli, Nice-Matin, 8 février 1993.

159

Extrait des propos tenus par le maire de Breil-sur-Roya lors d’une réunion publique sur l’intercommunalité, juillet 2008.

160

HALL Peter A. et TAYLOR Rosemary C.R., « La science politique et les trois néo-institutionnalismes »,

Revue Française de Science Politique, 47 (3-‘), 1997, pp. 469-496. 161 BIDEGARAY Christian et PINA Christine, op. cit., p. 147.

162 Décret n° 73-811 du 16 août 1973 qui crée les cantons IV à XI de Nice tandis que les cantons d’Antibes et de

Cannes sont chacun divisés en deux – Antibes Nord et Sud pour l’un et Cannes-Ouest et Est pour l’autre (en lieu et place des cantons IV, V et VI qui sont modifiés) ; décret n°82-79 du 25 janvier 1982 qui modifie les cantons de Cagnes-su-Mer, du Cannet, redécoupage de Nice avec la création des cantons Nice XII à XIV après modification des cantons niçois I, II, III, IV et X ; décret n°85 du 31 janvier 1982 qui modifie les cantons Nice -

ancrer de façon durable des pratiques politiques locales. Ils agissent ainsi comme des leviers de renforcement de l’emprise des conseillers généraux sur leur territoire. La perpétuation du personnel politique, le localisme semblent peser de leur poids dans l’évolution de l’intercommunalité dans le département des Alpes-Maritimes. On parle même de « dynasties locales » et derrière « des villes de plus de 30 000 habitants, uniformément bleues, se cachent les luttes intestines pour la conquête du pouvoir entre associés-rivaux ».163

Suivant cette logique de préservation de leur territoire de représentation politique, les conseillers généraux vont dans un premier temps appréhender l’intercommunalité comme une menace pour leur pouvoir cantonal. La stabilité des entités cantonales contribue ainsi à perpétuer un certain immobilisme des élus du département. Pour eux, le canton est le mieux adapté pour répondre aux besoins de la population qu’ils estiment proches de la population. C’est ce qui ressort de la prise de position de Maxime Coullet (DVD puis UMP) lorsqu’en 1992, il devient conseiller général du canton de Saint-Vallier-de-Thiey :

« Nous avons mis en place dans notre canton un instrument de travail qui rend des services importants à nos communes. Il s’agit du SIVOM qui existe depuis longtemps. Ce syndicat intercommunal nous satisfait et intervient dans des domaines qui touchent de près les habitants de nos communes. Qu’il s’agisse des crèches, de création d’activités de loisirs, le SIVOM me paraît efficace à tout point de vue. S’il n’existait pas, il faudrait le créer »164.

Le canton de Saint-Vallier-de-Thiey comprend 6 communes : Cabris, Spéracèdes, Le Tignet, Peymeinade, Escragnolles et Saint-Vallier-de-Thiey. Maxime Coullet, élu conseiller général de ce canton en 1992 et maire de Saint-Cézaire-sur-Siagne depuis 1985 s’est longtemps opposé à la création d’un EPCI à fiscalité propre, préférant comme de nombreux maires du département, les syndicats intercommunaux classiques, fonctionnels et moins intégrés. Ces derniers sont plus connus sous le nom d’« intercommunalité de gestion » (EPCI sans fiscalité propre) par opposition à « l’intercommunalité de projet » (EPCI à fiscalité propre). L’opposition du maire de Saint-Cézaire à la mise en place d’un EPCI à fiscalité propre issu de la loi de 1992, si elle met en évidence l’immobilisme des élus de l’ouest du département vis-à-vis de l’intercommunalité révèle également la permanence des luttes pour la maîtrise des territoires cantonaux. Ils perçoivent ainsi l’intercommunalité comme une source de déstabilisation de leur pouvoir cantonal. « Au final, l’instance départementale semble bien un miroir plus ou moins déformant de l’équilibre municipal des Alpes- Maritimes ». 165

Si la fonction de maire est une ressource fondamentale pour qui veut briguer un mandat cantonal, la consolidation du mandat de conseiller général pour qui le détient déjà permet de s’enraciner dans l’espace politique local. En 1992, la réticence à l’égard des EPCI à fiscalité propre s’est souvent manifestée du côté des conseillers généraux qui détenaient un

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