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Les règles générales d’introduction d’un recours

Dans le document Le parcours contentieux de l'aide sociale (Page 139-145)

Partie II. L’accès juridictionnel aux droits à l’aide sociale

Section  1.   Le  droit  au  recours  effectif  en  matière  d’aide  sociale

A. L’introduction du recours

1. Les règles générales d’introduction d’un recours

Les règles générales du contentieux administratif applicables à la phase d’introduction du recours juridictionnel en contentieux de l’aide sociale permettent d’identifier une procédure classique de saisine d’une juridiction administrative (a). Parfois pourtant, l’application du droit commun témoigne de l’abandon dont fait l’objet ce contentieux dans son ensemble (b).

a) La saisine de la juridiction

167.  Classiquement, l’objet de la requête en contentieux de l’aide sociale est la contestation d’une décision administrative individuelle. En première instance, le recours est dirigé contre une décision prise par le préfet, le président du Conseil général ou par une autorité agissant sur délégation des deux premiers ; ces auteurs sont en effet compétents pour rendre des décisions en matière d’admission à l’aide sociale448. En appel devant la Commission centrale, la requête doit avoir pour objet la contestation de la décision de première instance d’une commission départementale, ou l’identification de la collectivité débitrice de droit à une prestation d’aide sociale, soit plus précisément la détermination de l’imputation financière de l’aide449. La Commission centrale statue alors en premier et dernier ressort.

448 Par admission ici, nous entendons les primo décisions, rendues à la suite d’une demande de droit, mais aussi celles rendues dans le cadre d’une admission déjà prononcée, lorsqu’elles modifient la situation établie à la suite de la primo décision.

449 Art. R. 131-8 du Code de l’action sociale et des familles. On parle aussi de contentieux du « domicile de secours ».

130 168.  Les auteurs de la saisine sont identifiés à l’article L. 134-4 du Code de l’action sociale et des familles : « tant les recours devant la commission départementale que les recours et les appels devant la Commission centrale peuvent être formés par le demandeur, ses débiteurs d'aliments, l'établissement ou le service qui fournit les prestations, le maire, le président du conseil général, le représentant de l'État dans le département, les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole intéressés ou par tout habitant ou contribuable de la commune ou du département ayant un intérêt direct à la réformation de la décision ». Le ministre chargé de l’action sociale peut quant à lui saisir la Commission centrale de toutes les décisions rendues en première instance par les commissions départementales450. Le demandeur, quel qu’il soit, peut déposer sa requête au secrétariat du greffe des juridictions de première instance, d’appel et de cassation451 sans être représenté par un avocat puisque le contentieux devant les juridictions spécialisées de l’aide sociale a donné lieu à une dispense d’avocat, y compris devant le Conseil d’État452.

169.  S’agissant des délais de recours, la procédure contentieuse de l’aide sociale s’aligne sur la procédure de droit commun. Le demandeur dispose de deux mois à compter de la notification de la décision administrative pour la contester devant le juge. A moins que ce délai de deux mois ne soit suspendu par l’exercice d’un recours gracieux facultatif, et qu’il recommence à s’écouler à la suite de la décision prise en réponse à ce recours. En appel, il en va de même, la Commission centrale peut être saisie dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision de première instance. La notification régulière de la décision enclenche l’écoulement de ce délai de deux mois. En l’absence de notification453, ou lorsque la notification est irrégulière454, le délai de recours ne peut être opposé au demandeur par la juridiction.

450 Art. L. 134-5 du Code de l’action sociale et des familles.

451 Un point sur la dispense d’avocat devant les juridictions de l’aide sociale sera développé infra § n° 270 à 279.

452 Art. R. 431-3 du Code de justice administrative.

453 CCAS, 16 décembre 1988, Charente, Cahiers de jurisprudence de l’aide sociale, n° 1989/2, p. 34 ; Eléments

de jurisprudence 1997, 02-2, p. 3.

454 CE, 17 décembre 1999, n° 199347, Établissement de santé Saint André Lez Lille, n° 199347, Rec. Lebon, p. 421 ; CCAS, 20 août 2007, n° 060619, BOCJAS 2008/4, à propos d’une décision administrative dont la notification ne comportait pas l’indication des voies et délais de recours.

131 170.  Le juge spécialisé de l’aide sociale est un juge de plein contentieux objectif455. De ce fait, il statue au regard des éléments existant à la date à laquelle il se situe. De plus, il ne se contente pas de se prononcer sur l’annulation de l’acte (en première instance) ou de la décision (en appel) antérieure, mais il doit substituer sa propre décision à celle rendue initialement par l’administration si celle-ci s’avère illégale ; plus exactement, il dispose d’un pouvoir de réformation de la décision contestée. S’agissant du caractère objectif de ce contentieux, il signifie que « les requérants ne font pas valoir un droit qui leur est propre mais demandent l’application de la règle de droit »456.

171.  Comme ceux formés devant les juridictions administratives457, la majorité des recours présentés devant les juridictions spécialisées de l’aide sociale ne sont pas suspensifs. En première instance, il n’existe pas d’exceptions devant les juridictions spécialisées. Tel n’était cependant pas le cas avant la mise en œuvre du RSA, en remplacement du RMI. En effet, avec le transfert du contentieux du RSA aux juridictions administratives de droit commun, la seule exception en œuvre devant les commissions départementales d’aide sociale au caractère non suspensif des recours a aussi été transférée. Selon l’alinéa 2 de l’article L. 262-46 du Code de l’action sociale et des familles, « toute réclamation dirigée contre une décision de récupération de l'indu, le dépôt d'une demande de remise ou de réduction de créance ainsi que les recours administratifs et contentieux, y compris en appel, contre les décisions prises sur ces réclamations et demandes ont un caractère suspensif ». Cet article concerne exclusivement les recours engagés contre des décisions liées au dispositif RSA. Dès lors, devant le tribunal administratif – compétent pour le contentieux du RSA – il existe une exception au caractère non suspensif des recours. Par ailleurs, la règle du caractère non suspensif est parfois écartée au stade de l’appel devant la juridiction spécialisée de l’aide sociale. En effet, « l'appel contre la décision de la commission départementale est suspensif, dans les cas où cette décision prononce l'admission au bénéfice de l'aide sociale aux personnes âgées ou aux personnes handicapées d'une personne à laquelle cette admission aurait été

455 V. infra § n° 485 à 508.

456 J.-P. NEGRIN, « Contentieux de l’aide et de l’action sociales », op. cit. § n° 25.

132 refusée par suite d'une décision de la Commission centrale d'aide sociale »458. En dehors de cette situation, l’appel n’est pas suspensif devant la Commission centrale d’aide sociale.

b) Le désintérêt des pouvoirs publics : l’exemple de la contribution pour l’aide juridique

172.  Pour saisir les commissions départementales et centrale de l’aide sociale il fallait jusqu’au 31 décembre 2013 s’acquitter du paiement de la contribution à l’aide juridique. Cette situation, qui n’est certes plus d’actualité, contrarie la vision en matière de procédure contentieuse de l’aide sociale selon laquelle on voudrait faciliter l’accès au juge des usagers concernés. La loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011459 a inséré dans le Code général des impôts460 un dispositif visant à exiger de chaque demandeur engageant une procédure devant l’ensemble des juridictions françaises461 le paiement d’une contribution pour l’aide juridique d’un montant de 35 euros. Ce dispositif a disparu au 1er janvier 2014 après son abrogation par la loi de finances pour 2014462, mais son application au contentieux de l’aide sociale de son entrée en vigueur à son abrogation générale illustre le désintérêt dont cette matière peut faire l’objet.

173.  Contrairement à ce que l’on aurait pu attendre, les instances engagées devant les juridictions spécialisées de l’aide sociale ne figuraient pas dans la liste d’exceptions présentée dans le Code général des impôts. Les difficultés économiques que pouvaient provoquer ce dispositif pour les requérants n’avaient été prises en compte qu’en matière d’aide juridictionnelle, de contentieux des décisions individuelles relative à l’entrée, au séjour et à l’éloignement d’un étranger sur le territoire français et au droit d’asile, et enfin de procédures de traitement des situations de surendettement des particuliers et de redressement et de liquidation judiciaires. Dans ces hypothèses, les requérants bénéficiaient d’exemptions. Leur

458 Art. L. 134-8 du Code de l’action sociale et des familles.

459 Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, JORF n° 0175 du 30 juillet 2011, p. 12969.

460 Art. 1635 bis Q du Code général des impôts.

461 Très exactement, l’exigence du paiement de la contribution concernait toutes les instances engagées en matières civile, commerciale, sociale ou rural devant les juridictions judiciaires ou devant les juridictions administratives.

462 Art. 128 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, JORF n° 0303 du 30 décembre 2013, p. 21829.

133 existence témoigne de la conscience qu’avait le législateur de la nécessité de ne pas restreindre l’accès au juge pour les personnes les plus en difficulté économiquement. Mais les instances engagées devant les juridictions d’aide sociale ont été oubliées. Bien qu’un grand nombre de demandeurs devant les juridictions d’aide sociale puissent prétendre au bénéfice de l’aide juridictionnelle, et de ce fait être exemptés de l’obligation de contribution, une telle position était pour le moins surprenante. D’autant que le contentieux de l’aide sociale fait l’objet d’une dispense d’avocat devant l’ensemble des juridictions compétentes, de la première instance à la cassation. Comme l’exemption du paiement de la contribution était possible seulement en cas de bénéfice de l’aide juridictionnelle, et non quand les ressources du requérant étaient inférieures au seuil de ce bénéfice, il fallait que le requérant engage une demande d’aide juridictionnelle pour l’obtenir. S’il ne souhaitait pas, comme il lui est permis, être représenté par un avocat, la demande d’aide juridictionnelle avait pour unique objet l’exemption du paiement de la contribution juridique. De plus, la complexité de la procédure d’exemption par la demande de l’aide juridictionnelle était accentuée en droit de l’aide sociale par la dispense d’avocat.

174.  Une comparaison avec d’autres contentieux relevant de la protection sociale révèle même un paradoxe. Les procédures engagées devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale, le tribunal du contentieux de l’incapacité et la cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail, ont en effet été exemptées du paiement des 35 euros puisque le décret d’application du 28 septembre 2011 prévoyait que « la contribution pour l'aide juridique n'était pas due, outre les exceptions prévues par cet article, pour les procédures pour lesquelles une disposition législative prévoyait que la demande était formée, instruite ou jugée sans frais »463. En effet, l’article 31 de la loi du 24 octobre 1946464 dispose expressément que ces procédures donnent lieu à un jugement sans frais. Malgré une volonté non dissimulée de l’ensemble des acteurs du contentieux de l’aide sociale de trouver une mention équivalente dans le droit positif, aucune disposition en vigueur semblable ne semblait applicable au droit de l’aide sociale. De nombreuses commissions départementales d’aide sociale ont en effet interrogé la Ministre des solidarités et de la cohésion sociale sur ce point,

463 Art. 2 du décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 relatif au droit affecté au fonds d'indemnisation de la

profession d'avoué près les cours d'appel et à la contribution pour l'aide juridique.

464 Loi n° 46-2339 du 24 octobre 1946 portant sur le contentieux de la sécurité sociale, JORF du 25 octobre 1946, p. 9056.

134 tant et si bien que la Direction générale des affaires sociales a finalement mis fin aux interrogations par l’émission d’une circulaire confirmant l’application de l’article 1635 bis Q du Code général des impôts aux instances engagées devant les juridictions spécialisées de l’aide sociale465

175.  Pourtant, la position adoptée par les juridictions en accord avec la Direction de la cohésion sociale immédiatement après la loi de finances rectificative de 2011 laissait présager une réforme qui viendrait mettre fin à cette situation. En effet, la Ministre Mme R. Bachelot, alors titulaire du portefeuille des solidarités et de la cohésion sociale, reconnaissait dans la circulaire de janvier 2012 avoir elle-même douté de l’applicabilité définitive de ce dispositif à l’aide sociale. Pour reprendre ses termes, « en réponse à des questions posées par des secrétaires de CDAS, par message en date du 27 octobre 2011, mes services avaient préconisé de ne pas exiger dans un premier temps la contribution pour l’aide juridique préalablement à l’instruction des recours enregistrés depuis le 1er octobre 2011, dans l’attente d’une éventuelle évolution législative. Celle-ci n’étant pas intervenue, il convient de régulariser l’acquittement de la contribution pour l’aide juridique pour les instances enregistrées depuis le 1er octobre 2011 et non encore jugées ».

Par conséquent, tout demandeur engageant une procédure devant les juridictions spécialisées de l’aide sociale et ne bénéficiant pas de l’aide juridictionnelle, devait s’acquitter de la contribution de 35 euros. A défaut, il aurait vu sa requête jugée irrecevable466. De plus, la dispense d’avocat467 devant les juridictions spécialisées de l’aide sociale ajoutait un facteur à cette confusion, puisque l’un des motifs prévus par la loi comme exemptant les demandeurs de s’acquitter de la contribution de justice était le bénéfice de l’aide juridictionnelle. Or, les demandeurs, soumis à l’existence d’une information délivrée par les secrétariats des greffes des commissions de l’aide sociale, pouvaient ne pas considérer comme nécessaire le bénéfice de l’aide juridictionnelle s’ils n’avaient pas besoin d’être représenté par un avocat468. Dès lors, l’exemption du paiement de la contribution ne devenait possible que si le demandeur était

465 Circulaire n° DGCS/5B/2012/46 du 30 janvier 2012 relative à la contribution pour l’aide juridique due lors

des instances introduites devant les commissions départementales d’aide sociale et la Commission centrale. 466 Art. R. 411-2 du Code de justice administrative.

467 Cette dispense de représentation donnera lieu à de plus amples explication infra § n° 270 à 279.

468 Bien que les frais couverts par l’aide juridictionnelle ne se limitent pas à ceux dus à la représentation par un avocat, v. infra § n° 259 à 269.

135 bien informé du lien entre le bénéfice de l’aide juridictionnelle et la dispense de s’acquitter des 35 euros. En effet, la compréhension de ce lien nécessitait une pleine information du justiciable. A défaut, l’exemption n’aurait été que lettre morte. Une fois encore, en l’absence de texte imposant une telle information, les services de greffe de l’aide étaient laissés libres des explications qu’ils délivraient. Enfin, la mise en œuvre de cette contribution juridique visait notamment à financer l’aide juridictionnelle que des requérants, demandeurs ou bénéficiaires de l’aide sociale n’auraient sans doute pas sollicité s’ils avaient été exemptés du paiement de cette contribution.

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